Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Corporation financière MR inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2018-003

 

 

 

DÉCISION N° :

2018-003-001

 

 

 

DATE :

Le 6 juillet 2018

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

CORPORATION FINANCIÈRE M.R. INC.

 

et

 

ALEXANDRE MOÏSE

 

et

 

ÉMILIE BOULANGER-ROUSSEAU

 

et

 

MOÏSE ET ASSOCIÉS SERVICES FINANCIERS INC.

 

et

 

GESTION E. ROUSSEAU INC.

 

et

 

MYRIAM BRISEBOIS

 

Parties intimées

 

 

 

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DÉCISION

 

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HISTORIQUE

[1]           Le 22 janvier 2018, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (le « Tribunal ») une demande afin d’obtenir à l’encontre des intimés des ordonnances de suspension d’inscription, de pénalité administrative, de nomination de nouveau dirigeant responsable de même que l’imposition de conditions à l’inscription et de mesures propres au respect de la loi.

[2]           Le 18 juin 2018, l’Autorité a déposé une demande amendée à l’égard des intimés.

[3]           Le 19 juin 2018, lors de l’audience durant laquelle le Tribunal devait entendre au mérite la demande de l’Autorité, les parties ont informé le Tribunal qu’il avait conclu une entente et qu’une demande réamendée serait incessamment déposée par l’Autorité.

[4]           Dans ces circonstances, le Tribunal a décidé, avec l’accord des parties, de tenir une audience le 29 juin 2018, afin d’entendre au mérite les représentations des parties à l’égard de cette entente. Il fut aussi convenu que les parties feraient parvenir au Tribunal, avant cette date, une copie de l’entente susmentionnée – dûment signée par toutes les parties – de même qu’une demande réamendée au présent dossier.

[5]           Le 26 juin 2018,  l’Autorité a déposé au secrétariat du Tribunal une demande réamendée. 

[6]           Le 27 juin 2018, les parties ont déposé au secrétariat du Tribunal une entente, dûment signée par toutes les parties.

 

AUDIENCE

[7]           L’audience du 29 juin 2018 a eu lieu au siège du Tribunal en présence de la procureure de l’Autorité et de la procureure des intimés.

[8]           La procureure de l’Autorité et celle des intimés ont confirmé au Tribunal que, dans le cadre de la présente affaire, les parties en étaient arrivées à une entente, laquelle contient notamment une suggestion commune de pénalités administratives à l’encontre des intimés Alexandre Moïse, Corporation Financière M.R. inc. et Émilie Boulanger-Rousseau.

[9]           La procureure de l’Autorité a présenté au Tribunal le contenu de cette entente d’une manière détaillée et a décrit la nature des manquements commis par les intimés à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à sa réglementation.

[10]        Elle a, par ailleurs, fait état des mesures mises en place par les intimés afin d’éviter que les manquements qui leur sont reprochés dans la présente affaire ne se reproduisent.

[11]        La procureure de l’Autorité a conclu ses représentations en plaidant que l’entente conclue entre les parties dans le cadre du présent dossier est dans l’intérêt public et a demandé au Tribunal de mettre en œuvre les recommandations communes qu’elle contient à l’égard des intimés.

[12]        La procureure des intimés a, pour sa part, souligné que ses clients admettent tous les faits décrits  aux paragraphes 4 à 89 de la demande réamendée de l’Autorité, consentent au dépôt de toutes les pièces présentées par l’Autorité au soutien de cette demande et en admettent le contenu.

[13]        Par ailleurs, elle a notamment mentionné - à titre de facteurs atténuants - que les intimés n’ont pas d’antécédents judiciaires, qu’ils ont collaboré avec l’Autorité afin de trouver une solution consensuelle au présent dossier et qu’aucun dommage au public ou à la clientèle des intimés n’a été constaté par l’Autorité dans le cadre de la présente affaire. 

[14]        La procureure des intimés a aussi expliqué au Tribunal les circonstances particulières dans lesquelles les manquements de ses clients sont survenus et a affirmé qu’il n’y avait pas de risque de récidive.

[15]        Elle a conclu son argumentation en demandant au Tribunal d’entériner, dans l’intérêt public, l’entente intervenue entre les parties dans le cadre de la présente affaire.

 

ANALYSE

[16]        Le Tribunal a pris connaissance de la demande réamendée de l’Autorité, ainsi que de l’entente intervenue entre les parties, laquelle est contenue dans un document intitulé « Admission des parties et transaction », dont copie est jointe à la présente décision.

[17]        En raison des faits admis par les intimés, le Tribunal constate qu’il y a eu de multiples manquements de leur part à la Loi sur la distribution de produits et services financiers, notamment aux articles 12, 13, 84, 85 et 86.

[18]        Le Tribunal a considéré la substance de l’entente qui lui a été présentée par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[19]        Le Tribunal souligne que chaque dossier doit être évalué au mérite à la lumière de ses particularités et rappelle qu’il n’est jamais tenu aux suggestions communes qui lui sont présentées par les parties.

[20]        Le Tribunal doit également déterminer si les pénalités administratives et autres mesures demandées à l’encontre des intimés sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[1] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[2].

[21]        Par ailleurs, dans le but de s’assurer que les pénalités administratives susmentionnées satisfont aux critères de dissuasion spécifique et générale[3], le Tribunal doit considérer les manquements reprochés aux intimés tout en prenant compte des facteurs aggravants et atténuants de la présente affaire.

[22]        Le Tribunal considère que les manquements commis par les intimés sont graves et souligne, en particulier, que le régime d’inscription prévu par la Loi sur la distribution de produits et services financiers constitue le cœur des mécanismes de protection mis en place par le législateur pour protéger le public.

[23]        D’autre part, le Tribunal souligne que les obligations imposées aux cabinets d’assurance et à leurs dirigeants responsables ne doivent pas être prises à la légère. Le respect de ces obligations est essentiel pour assurer la protection du public et, en particulier, de leurs clients.   

[24]        Le Tribunal constate que, dans le cadre de l’entente qui lui est présentée par les parties, l’intimée Gestion E. Rousseau inc. a volontairement transmis une demande de retrait de son inscription à l’Autorité, laquelle a été acceptée. De ce fait, l’intimée Gestion E. Rousseau inc. n’est plus inscrite à titre de cabinet auprès de l’Autorité depuis le 22 juin 2018.

[25]        Le Tribunal rappelle l’importance des programmes de formation continue dans le maintien de la compétence des représentants inscrits. Le monde financier évolue rapidement, tant au niveau de la création de nouveaux produits et services financiers que de l’adaptation du cadre législatif qui, dans l’intérêt public, les réglemente. Cette compétence des représentants inscrits doit être maintenue en tout temps, et ce, afin d’assurer le public qu’il transige toujours par l’entremise d’intermédiaires ayant les connaissances requises pour bien répondre à ses besoins.

[26]        Le Tribunal rappelle que les dirigeants de cabinets d’assurance ont une responsabilité de première ligne visant à assurer le respect de ces programmes de formation continue par les représentants dont ils supervisent les activités.

[27]        Les tentatives de la part de représentants inscrits de contourner ou de se soustraire illicitement aux obligations de formation continue prévues par l’encadrement réglementaire ne sauraient être tolérées, et ce, encore moins si elles proviennent de personnes assumant des responsabilités de direction.     

[28]        Dans la présente affaire, le Tribunal retient, à titre de facteurs atténuants, que la preuve ne révèle pas de dommage causé au public par les manquements des intimés, que ceux-ci n’ont pas d’antécédents de manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et qu’ils ont collaboré avec l’Autorité afin de trouver une solution consensuelle au présent dossier.  

[29]        Par ailleurs, à la lumière des représentations qui lui ont été faites par les parties, le Tribunal considère que l’entente intervenue entre elles est dans l’intérêt public.

[30]        Par conséquent, le Tribunal est prêt à imposer à l’encontre des intimés les pénalités administratives qui lui ont été suggérées, d’un commun accord, par les parties et à mettre en œuvre les autres mesures visant à assurer le respect de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui lui ont également été conjointement suggérées par celles-ci.

 

DISPOSITIF

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENTÉRINE la transaction intervenue entre les intimés et l’Autorité dans le présent dossier et les engagements qui y sont prévus, les REND EXÉCUTOIRES et ORDONNE aux parties de s’y conformer;

Alexandre Moïse

 

IMPOSE à l’intimé Alexandre Moïse une pénalité administrative de 7 500 $ - payable selon les modalités prévues à la transaction susmentionnée - pour avoir exercé des activités dans la discipline de l’assurance collective de personnes sans être titulaire d’un certificat dans cette discipline émis par l’Autorité des marchés financiers;

 

Corporation Financière M.R. inc.

 

IMPOSE à l’intimée Corporation Financière M.R. inc. une pénalité administrative de 16 000 $ - payable selon les modalités prévues à la transaction susmentionnée - pour avoir permis la pratique illégale d’une employée et l’avoir incitée à contrevenir à la Loi sur la distribution de produits et services financiers  et à sa réglementation;

 

Émilie Boulanger-Rousseau

 

IMPOSE à l’intimée Émilie Boulanger-Rousseau une pénalité administrative de 15 000 $ - payable selon les modalités prévues à la transaction susmentionnée - pour avoir permis la pratique illégale d’une employée de l’intimée Corporation Financière M.R. inc. et l’avoir incitée à contrevenir à la Loi sur la distribution de produits et services financiers  et à sa réglementation;

 

ASSORTIT le certificat de l’intimée Émilie Boulanger-Rousseau, portant le numéro 188074, des conditions suivantes pour une durée de deux (2) ans :

        La représentante doit être rattachée à un cabinet dont elle n’est pas la dirigeante responsable ni une administratrice, et ce, au plus tard dans les trente (30) jours de la présente décision;

        La représentante doit, alors qu’elle a un droit d’exercice valide, exercer ses activités sous la responsabilité d’une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel elle sera rattachée. La représentante doit faire parvenir à l’Autorité, au plus tard dans les trente (30) jours de la présente décision, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités;

 

Myriam Brisebois

 

ASSORTIT le certificat de l’intimée Myriam Brisebois, portant le numéro 141547, des conditions suivantes pour une durée d’une (1) année :

        La représentante doit être rattachée à un cabinet dont elle n’est pas la dirigeante responsable, ni une administratrice, et ce, au plus tard dans les trente (30) jours de la présente décision;

        La représentante doit, alors qu’elle a un droit d’exercice valide, exercer ses activités sous la responsabilité d’une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel elle sera rattachée.  La représentante doit faire parvenir à l’Autorité, au plus tard dans les trente (30) jours de la présente décision, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités.

 

 

 

 

 

 

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Me Jean-Pierre Cristel

 Juge administratif

 

 

 

 

 

 

Me Catherine Boilard

 

Contentieux de l’Autorité des marchés financiers

 

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Me Sonia Paradis

 

(Donati Maisonneuve s.e.n.c.r.l.)

 

Procureure de Corporation financière M.R. inc., Alexandre Moïse, Émilie Boulanger-Rousseau, Moïse et associés services financiers inc., Gestion E. Rousseau inc. et Myriam Brisebois

 

 

 

Date d’audience :

29 juin 2018

 










[1]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[2]     Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[3]     Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672.

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