Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Assurances M. Lagrange inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-021

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-021-001

 

 

 

DATE :

Le 5 mars 2018

 

 

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

 

 

 

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Demanderesse

 

c.

 

ASSURANCES M. LAGRANGE INC.

 

et

 

JONATHAN LAURIN

 

Intimés

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

 

CONTEXTE

[1]   Le 13 juillet 2017, l’Autorité des marchés financiers (ci-après « Autorité ») a déposé au Tribunal une demande de pénalité administrative, d’interdiction d'agir à titre d'administrateur ou de dirigeant, de nomination d’un dirigeant responsable ou d’un chef de la conformité, de suspension d’inscription, de conditions à l’inscription, de mesures de redressement et de mesures propres au respect de la loi à l’encontre des intimés Assurances M. Lagrange Inc. et Jonathan Laurin.

[2]   Une audience au mérite a été fixée du 21 février 2018 au 23 février 2018. Avant ces dates, les parties ont informé le Tribunal qu’une entente était intervenue entre elles et seule la date du 21 février 2018 fut maintenue pour la présentation de cette entente au Tribunal. 

FAITS

[3]   Dans sa demande, l’Autorité allègue avoir constaté, à la suite d’une inspection du cabinet intimé qui s’est déroulée du 3 au 6 mai 2016, que les intimés ont commis plusieurs manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] relativement aux activités du cabinet en assurance de personnes, et ce, au cours de la période allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016.

AUDIENCE

[4]   L’audience du 21 février 2018 s’est déroulée en présence des procureures des parties au dossier. L’intimé Jonathan Laurin était également à proximité de la salle d’audience et disponible pour le Tribunal au besoin.

[5]   La procureure de l’Autorité a déposé au Tribunal le document constatant l’entente intervenue entre les parties ainsi que les engagements souscrits par les intimés, soit le document intitulé « Transaction et engagements », lequel est joint à la présente décision.

[6]   Elle a aussi, de consentement, déposé l’ensemble des pièces de l’Autorité au soutien de sa demande.

[7]   Par la suite, la procureure de l’Autorité a présenté les termes de cette entente.

[8]   La procureure des intimés a, pour sa part, indiqué être en accord avec les représentations de l’Autorité et l’intimé Jonathan Laurin s’est présenté devant le Tribunal et a reconnu l’entente, l’avoir signée et y consentir.

FAITS

[9]   Dans sa demande, l’Autorité allègue avoir constaté, à la suite d’une inspection du cabinet intimé s’étant déroulée du 3 au 6 mai 2016, que les intimés ont commis plusieurs manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les règlements en découlant relativement aux activités du cabinet en assurance de personnes au cours de la période allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016.

[10]        Plus précisément, l’Autorité allègue les manquements suivants lesquels ont été admis par les intimés :

        Le cabinet intimé et son dirigeant responsable, l’intimé Jonathan Laurin, ont fait défaut de s’acquitter de leurs devoirs de supervision prévus aux articles 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, puisqu’ils n’ont pas effectué de réelles vérifications du travail de leurs représentants, et ce, compte tenu de la nature des manquements constatés lors de l’inspection;

        Qui plus est, pour les mois de janvier à juillet 2016, l’Autorité a transmis des avis écrits à plusieurs reprises à l’intimé Jonathan Laurin à titre de superviseur pour « Défaut de produire la divulgation relative à une condition de supervision »;

        Au moment de l’inspection, l’intimé Jonathan Laurin était responsable de la supervision d’un autre représentant et, à ce titre, il n’a pas donné suite à certaines demandes de l’Autorité et a transmis certaines informations fausses ou erronées à l’Autorité;

        De même, dans le cadre de l’inspection de l’Autorité, certains manquements ont été constatés à l’égard des analyses de besoins financiers, des fonds distincts, de la procédure de remplacement des polices et de la politique de traitement des plaintes et de règlement des différends;

        Lors de l’inspection, la vérification de dossier clients par les inspecteurs de l’Autorité a mis en évidence certaines irrégularités dans la tenue des dossiers du cabinet par les intimés, notamment au niveau de l’analyse des besoins financiers des clients et de l’absence de preuve de remise de certains documents aux clients;

        L’inspection de l’Autorité a également révélé des manquements quant au respect de la procédure de remplacement des contrats en vigueur;

        Les inspecteurs ont noté certaines autres irrégularités contenues à des dossiers relatifs à des fonds distincts telles que l’absence de profils de risques aux dossiers et l’absence de preuve de remise de documents aux clients;

        Les inspecteurs ont noté des irrégularités dans la tenue des dossiers, dont le fait que le représentant aurait apposé sa signature à titre de témoin sur un document, alors que l’investisseur ne l’avait pas encore signé;

        Lors de leur visite, les inspecteurs ont constaté que les dossiers étaient en désordre et leur tenue non conforme à la réglementation applicable;

        Finalement, les inspecteurs ont constaté qu’il y avait absence au cabinet intimé de politique de traitement des plaintes, de plan de continuité et de programme de conformité CANAFE, tel que la loi l’exige.

ANALYSE

[11]        Le Tribunal a pris connaissance de la demande de l’Autorité, des pièces déposées de consentement à l’appui de celle-ci et du contenu de l’entente intervenue entre les parties

[12]        En raison de l’admission par les intimés de la totalité des faits invoqués à leur égard, le Tribunal constate qu’il y a eu contraventions à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] et aux règlements qui en découlent notamment, le Règlement sur l’exercice des activités des représentants[3] et le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome[4].

[13]        Le Tribunal considère que ces manquements sont graves et contraires à l’intérêt public.

[14]        Dans son évaluation des manquements et des recommandations qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal a tenu compte de l’admission par les intimés de l’ensemble des faits allégués à leur encontre dans la demande de l’Autorité.

[15]        Le Tribunal a aussi tenu compte de la collaboration dont les intimés ont fait preuve afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement à la présente affaire qui assure une protection adéquate au public investisseur et le maintien de l’intégrité de la place financière.

[16]        En particulier, le Tribunal a pris en compte le fait que les intimés ont, dans le cadre de l’entente susmentionnée, souscrit à des engagements spécifiques envers l’Autorité.

[17]        Le Tribunal a considéré la substance de l’entente qui lui a été présentée par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[18]        Le Tribunal a également examiné les précédents en la matière où d’autres cabinets ont commis des manquements semblables à ceux décrits et admis par les intimés dans des circonstances similaires[5].

[19]        Le Tribunal rappelle que chaque dossier doit être évalué au mérite à la lumière de ses particularités et rappelle qu’il n’est jamais tenu aux suggestions communes qui lui sont présentées par les parties.

[20]        Dans la présente affaire, après avoir considéré l’ensemble de la preuve et
l’argumentation qui lui été présentée, le Tribunal en est venu à la conclusion que
l’entente intervenue entre les intimés et l’Autorité est dans l’intérêt public.

[21]        Par ailleurs, le Tribunal est d’avis qu’il est nécessaire, eu égard à la gravité des
manquements commis, d’imposer - à titre de mesure dissuasive - une pénalité
administrative aux intimés, et ce, afin de protéger l’intérêt public.

[22]        À cet égard, le Tribunal rappelle, qu’en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution des produits financiers[6], le tribunal :

« […] peut, après l’établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu’un cabinet, qu’un de ses administrateurs ou dirigeants, ou qu’un représentant a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l’accomplissement d’une contravention à une disposition de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l’exige, à l’égard du cabinet ou du représentant, selon le cas, radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions son inscription ou son certificat. »

[23]        En vertu de ce même article, le Tribunal peut également, « dans tous les cas, imposer une pénalité administrative pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $ pour chaque contravention ».

[24]        De même, le Tribunal est d’avis que les sommes suggérées par les parties à titre de pénalités administratives rencontrent les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables eu égard aux précédents analysés.

[25]        Enfin, le Tribunal a entendu les représentations communes du procureur de l’Autorité et de celui des intimés, en particulier, à l’égard des mesures qu’il convient d’imposer aux intimés dans la présente affaire et est prêt, dans l’intérêt public, à prononcer une décision conforme à la proposition des procureurs des parties en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[7] et en vertu des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[8].

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94, et 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[9] :

ENTÉRINE l’entente intervenue entre l’Autorité des marchés financiers, Assurances M. Lagrange inc. et Jonathan Laurin au présent dossier, consignée au document intitulé « Transaction et engagements » signé par les parties le 21 février 2018;

PREND ACTE de l’engagement pris par Assurances M. Lagrange inc. à mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance à la satisfaction de l’Autorité des marchés financiers afin de s’assurer que les représentants qui sont rattachés à ce cabinet respectent la Loi sur la distribution des produits financiers et ses règlements, notamment, mais non limitativement, en ce qui a trait aux activités transactionnelles et de convenance, dont l’analyse des besoins financiers, le document d’information sur les produits offerts, la procédure de remplacement de polices d’assurance, les fonds distincts et la politique de traitement des plaintes;

PREND ACTE de l’engagement pris par Jonathan Laurin, à ne plus agir, directement ou indirectement, comme dirigeant-responsable du cabinet intimé ainsi que d’agir à titre de superviseur d’un autre représentant ou de tout autre cabinet, et ce, pour une période de trois (3) ans, soit jusqu’au 22 février 2021;

ASSORTIT le certificat de Jonathan Laurin portant le numéro 208432 des conditions suivantes :

-  le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de trois (3) ans, soit jusqu’au 22 février 2021;

-  le représentant ne peut agir à titre de superviseur d’un autre représentant, ou de tout autre cabinet et ce, pour une période de trois (3) ans, soit jusqu’au 22 février 2021;

IMPOSE à l’intimée Assurances M. Lagrange inc., une pénalité administrative de vingt-sept mille cinq cents dollars (27 500 $) payable à raison de mille cent quarante-six dollars (1 146 $) par mois pendant vingt-trois (23) mois, à l’exception du paiement du vingt-quatrième mois (24e) qui sera de mille cent quarante-deux dollars (1142 $) débutant dans les 30 jours de la présente décision;

IMPOSE à l’intimé Jonathan Laurin, une pénalité administrative de sept mille cinq cents dollars (7500 $) payable à raison de trois cent treize dollars (313 $) par mois pendant vingt-trois (23) mois, à l’exception du paiement du vingt-quatrième mois (24e) qui sera de trois cent un dollars (301 $) débutant dans les 30 jours de la présente décision;

ORDONNE aux intimés Assurances M. Lagrange inc. et Jonathan Laurin de se conformer à l’entente susmentionnée et aux engagements qu’ils ont souscrits envers l’Autorité des marchés financiers dans celle-ci;

 

 

 

 

Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Delphine Roy-Lafortune et Me Annie Parent

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureures de l’Autorité des marchés financiers, demanderesse

 

Me Carolyne Mathieu

(Cabinet de services juridiques inc.)

Procureure d’Assurances M. Lagrange Inc. et de Jonathan Laurin, intimés

 

 

 

Date d’audience :

21 février 2018







[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     Préc., note 1.

[3]     RLRQ, c. D-9.2, r.10.

[4]     RLRQ, c. D-9.2, r. 2.

[5]     Autorité des marchés financiers c. R. Beauchamp & Laplante Courtiers d'assurances inc., 2015 QCBDR 129, Autorité des marchés financiers c. Groupe Mathieu Turgeon inc., 2015 QCBDR 41.

[6]     Préc., note 1.

[7]     RLRQ, c. A-33.2.

[8]     Préc., note 1.

[9]     Préc., note 7.

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