Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0924

 

DATE :

10 avril 2013

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

 

Mme Nacera Zergane

Membre

 

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RICHARD MÉNARD (numéro de certificat 123639)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]          Le 14 février 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue
Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l’audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l’intimé.

LA PLAINTE

1.  À Granby, le ou vers le 24 avril 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de ses clients Y.M. et P.M. en leur faisant remplacer la police d’assurance-vie universelle Uniflex n°[…] qu’ils détenaient par une police similaire, soit la police d’assurance-vie universelle Genesis 1 n°[…], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

2.  À Granby, le ou vers le 24 avril 2006, l’intimé n’a pas pris les mesures raisonnables afin d’assurer l’exactitude et l’intégralité des renseignements transmis à ses clients Y.M. et P.M. en leur proposant de remplacer leur police d’assurance-vie universelle Uniflex n°[…], contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

3.   À Granby, le ou vers le 1er juillet 2006, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par ses clients Y.M. et P.M. d’investir dans un placement sécuritaire la valeur de rachat de leur police d’assurance-vie universelle Uniflex n°[…] remplacée, en la plaçant plutôt dans le fonds d’actions canadiennes de petite capitalisation de Fidelity, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 15 et  24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3).

[2]          Dès le début d’audience, le procureur de l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité suivant les instructions de son client, qui était toutefois absent. 

[3]          Le procureur de la plaignante a informé le comité que les parties s’étaient entendues sur des recommandations communes.

[4]          Ensuite, il a relaté le contexte entourant les infractions commises et a déposé la preuve documentaire pertinente (P-1 à P-5).

LES FAITS

[5]           Le couple de consommateurs, Y.M. et P.M., faisait affaire avec l’intimé depuis 1972 alors qu’il débutait sa carrière.

[6]           En 1990, ils ont contracté par son entremise une première police d’assurance vie universelle Uniflex (police Uniflex) pour un capital assuré de 75 000 $. Au moment des évènements en 2006, la prime mensuelle était de 138,13 $.

[7]           En début d’année 2006, l’Industrielle Alliance assurances et services financiers inc. (l’Industrielle), a incité ses représentants à réviser avec leurs clients respectifs la police Uniflex, puisque les primes de cette police étaient appelées à augmenter sensiblement à partir de cette année-là.

[8]           C’est ainsi que l’intimé a rencontré, en avril 2006, Y.M. et P.M.  En premier lieu, l’intimé leur a proposé de niveler les primes payables, mais cette solution se révélait trop dispendieuse pour eux.

[9]           Il a donc proposé de remplacer la police Uniflex par la police assurance vie universelle Genesis (police Genesis), mais pour un capital assuré de 50 000 $, avec une prime mensuelle minimale de 216,38 $.

[10]        Afin de diminuer le coût des primes, il leur a proposé d’utiliser la valeur de rachat de la police Uniflex (environ 13 900 $), ce qui ramenait la prime à 110 $ par mois.

[11]        L’avantage tiré par l’intimé par la souscription de la police Genesis était de beaucoup supérieur à celui qu’il aurait tiré de la modification de la police Uniflex (P-4 et P-5).

[12]        De plus, malgré le mandat confié de placer la valeur de rachat dans un placement sécuritaire, l’intimé a plutôt choisi un fonds d’actions canadiennes de petite capitalisation, lesquelles actions sont considérées comme risquées.

[13]        Bien que le fond ait bien performé en 2006 et 2007, la baisse du marché boursier de 2008 a fait en sorte que le capital investi a baissé considérablement.

 

 

RECOMMANDATIONS COMMUNES SUR SANCTION

[14]       S’appuyant sur diverses décisions[1] rendues par le comité sur des infractions de même nature, les parties ont proposé les sanctions suivantes :

a)     Pour le chef 1, une radiation temporaire de deux mois;

b)     Pour le chef 2, une amende de 2 000 $;

c)     Pour le chef 3, une radiation temporaire de trois mois, à être purgée de façon concurrente avec celle proposée au chef 1.

[15]        Les parties ont aussi proposé d’imposer à l’intimé le paiement des débours et la publication de la décision.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[16]        Le procureur de la plaignante a souligné la gravité objective des infractions commises par l’intimé.

[17]        Il a expliqué que la police Genesis ne constituait pas, en soi, un produit inadéquat pour ces consommateurs. Cependant, il était quand même plus avantageux pour ces derniers de maintenir en vigueur la police Uniflex et de procéder à sa modification afin de répondre à leurs besoins et à leur situation financière.

[18]        La faute découle plutôt du fait que l’intimé n’a pas pris toutes les informations nécessaires sur les possibilités de transformer la police Uniflex avant de leur proposer de la remplacer.

[19]        Ensuite, il a énuméré les facteurs atténuants suivants :

a)    L’absence d’antécédent disciplinaire;

b)    L’entière collaboration de l’intimé à l’enquête;

c)    L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité;

d)    Le fait que l’intimé a cessé d’exercer.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[20]        Le procureur de l’intimé a mentionné que l’intimé, âgé de 68 ans, exerçait depuis 34 ans au moment des évènements et n’a pas renouvelé son certificat depuis 2011.

[21]        Il a ajouté que l’intimé n’avait pas de motivation malhonnête et que les infractions découlaient plutôt de la difficulté pour l’intimé de suivre l’évolution de la pratique dans le domaine.

[22]        L’intimé ne jouit pas d’une situation financière florissante et par conséquent l’amende minimale paraît juste et raisonnable dans les circonstances.

[23]        De plus, bien que l’intimé n’exerce plus, il est toujours très impliqué dans le milieu des assurances. La publication de la décision de radiation aura par conséquent un impact réel sur ce dernier.

ANALYSE ET MOTIFS

[24]        Le comité prend acte du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous chacun des trois chefs d’accusation portés contre lui et le déclarera, en conséquence, coupable.

[25]        Même si les fautes de l’intimé découlent notamment de sa difficulté à suivre l’évolution de la pratique du domaine des assurances et des produits offerts, il n’en demeure pas moins qu’il n’a, en aucun temps, considéré de diminuer le capital de la police Uniflex, ce qui aurait eu le même effet sur les primes payables, en plus de ne pas exposer les consommateurs à une nouvelle preuve d’assurabilité et à la clause de suicide, inhérentes à une nouvelle police.

[26]        Il se devait de prendre toutes les mesures raisonnables pour bien connaître son produit et fournir les explications appropriées.

[27]        De plus, l’intimé a négligé d’agir dans l’intérêt supérieur de ses clients sans égard à son gain personnel.

[28]        Enfin, en investissant dans le fonds d’actions canadiennes de petite capitalisation, il a fait défaut de respecter le mandat confié par ses clients d’investir dans un placement sécuritaire.

[29]        En ce qui concerne la sanction, le comité donnera suite aux recommandations conjointes des parties ne voyant aucun motif de s’en écarter.

[30]        L’intimé sera condamné aux débours et la publication de la décision ordonnée.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des trois chefs d’accusation portés contre lui;

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun de ces trois chefs d’accusation.

ET PROCÉDANT SUR SANCTION 

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois sous le premier chef d’accusation;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sous le deuxième chef d’accusation;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois, à être purgée de façon concurrente, sous le troisième chef d’accusation;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. chap. C- 26).

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q. chap. C- 26);

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Serge Lafrenière__________________

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Nacera Zergane___________________

Mme Nacera Zergane

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Guy Leblanc

CARTER GOURDEAU

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 14 février 2013

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Thibault c. Michel Petit, CD00-0692, décision sur culpabilité et sanction du 30 juillet 2008; Lévesque c. Robert Ferland, CD00-0729, décision sur culpabilité et sanction du 27 août 2009; Champagne c. Lise Gagné, CD00-0816, décision sur culpabilité du 12 mars 2012 et décision sur sanction du 27 septembre 2012; Champagne c. Robert Lemieux, CD00-0791, décision sur culpabilité du 25 octobre 2010 et décision sur sanction du 14 avril 2011.

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