Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0939

 

DATE :

13 juin 2013

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Pierre Décarie

Membre

Mme Monique Puech

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MATHIEU ROY, conseiller en sécurité financière, (no de certificat 161590, BDNI 1645781)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 11 février 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Greenfield Park, le ou vers le 2 mars 2011, l’intimé a contrefait la signature de L.C. sur un formulaire d’autorisation d’Épargne Placements Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

2.         À Greenfield Park, le ou vers le 2 mars 2011, l’intimé a complété un formulaire d’autorisation pour le compte de l’adhérente L.C., à l’insu de cette dernière et sans son autorisation, laissant ainsi faussement croire qu’elle lui permettait d’obtenir auprès d’Épargne Placements Québec certaines informations relatives à son portefeuille de titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

3.         À Greenfield Park, le ou vers le 18 février 2011, l’intimé a contrefait la signature de R.D. sur un formulaire d’autorisation d’Épargne Placements Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

4.         À Greenfield Park, le ou vers le 18 février 2011, l’intimé a complété un formulaire d’autorisation pour le compte de l’adhérent R.D., à l’insu de ce dernier et sans son autorisation, laissant ainsi faussement croire qu’il lui permettait d’obtenir auprès d’Épargne Placements Québec certaines informations relatives à son portefeuille de titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q,. c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

5.         À Greenfield Park, le ou vers le 18 février 2011, l’intimé a contrefait la signature de M.A. sur un formulaire d’autorisation d’Épargne Placements Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

6.         À Greenfield Park, le ou vers le 18 février 2011, l’intimé a complété un formulaire d’autorisation pour le compte de l’adhérente M.A., à l’insu de cette dernière et sans son autorisation, laissant ainsi faussement croire qu’elle lui permettait d’obtenir auprès d’Épargne Placements Québec certaines informations relatives à son portefeuille de titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

7.         À Greenfield Park, le ou vers le 2 mars 2011, l’intimé a contrefait la signature de D.D. sur un formulaire d’autorisation d’Épargne Placements Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

8.         À Greenfield Park, le ou vers le 2 mars 2011, l’intimé a complété un formulaire d’autorisation pour le compte de l’adhérent D.D., à l’insu de ce dernier et sans son autorisation, laissant ainsi faussement croire qu’il lui permettait d’obtenir auprès d’Épargne Placements Québec certaines informations relatives à son portefeuille de titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

9.         À Greenfield Park, le ou vers le 2 mars 2011, l’intimé a contrefait la signature de E.L. sur un formulaire d’autorisation d’Épargne Placements Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

10.       À Greenfield Park, le ou vers le 2 mars 2011, l’intimé a complété un formulaire d’autorisation pour le compte de l’adhérente E.L., à l’insu de cette dernière et sans son autorisation, laissant ainsi faussement croire qu’elle lui permettait d’obtenir auprès d’Épargne Placements Québec certaines informations relatives à son portefeuille de titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3). »

[2]           Alors que la plaignante était représentée par son procureur, Me Alain Galarneau, l’intimé était absent et non représenté.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           Ce dernier avait toutefois fait tenir, le 8 février 2013, à la secrétaire du comité ainsi qu’au procureur de la plaignante un courriel où, tout en reconnaissant sa culpabilité à l’endroit de tous les chefs d’accusation contenus à la plainte, il indiquait qu’il ne serait pas présent lors de l’audition du 11 février 2013.

[4]           Interrogé sur ses communications avec l’intimé, Me Galarneau déclara avoir eu des échanges avec ce dernier et l’avoir informé des sanctions que la plaignante entendait réclamer à son endroit. Il ajouta que l’intimé l’avait avisé de son intention de déposer un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[5]           Il termina en affirmant que lors de rencontres en août 2011 et en janvier 2012 avec l’enquêteur du bureau de la syndique, l’intimé avait admis à ce dernier les fautes qui lui sont reprochées et en réclamant, compte tenu des circonstances, l’autorisation de procéder « ex parte ».

[6]           Le comité acquiesça à sa demande.

PREUVE ET REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           Le procureur de la plaignante débuta en versant au dossier une importante preuve documentaire, cotée SP-1 à SP-15.

[8]           À l’aide de celle-ci, il décrivit le contexte factuel rattaché aux infractions.

[9]           Puis, après avoir souligné le plaidoyer de culpabilité déposé par l’intimé, il résuma les évènements en indiquant que ce dernier avait préparé et rempli, à l’insu des cinq (5) consommateurs mentionnés à la plainte, et sans leur consentement, des formulaires afin d’obtenir d’Épargne Placements Québec des informations personnelles et privilégiées relatives à leurs portefeuilles de titres, complétant ensuite lesdits formulaires au moyen de signatures contrefaites.

[10]        Il signala que s’étant alors enregistré auprès d’Épargne Placements Québec à titre de représentant des consommateurs en cause, l’intimé s’était vu accorder par l’institution une légère « commission de maintien ». Il précisa que ce dernier avait, à cet égard, touché au total une somme de 460,01 $.

[11]        Puis, après avoir indiqué que l’intimé, en exercice depuis 2004, n’avait aucun antécédent disciplinaire, il proposa au comité de reconnaître ce dernier coupable de tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation et d’ordonner, à titre de sanction sous chacun d’eux, sa radiation temporaire pour une période de trois (3) mois, à être purgée de façon concurrente.

[12]        Il ajouta de plus réclamer la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[13]        Il mentionna qu’avant de formuler ses recommandations, il avait tenu compte de la nature des infractions ainsi que de leur gravité objective.

[14]        Il indiqua que même si les gestes fautifs de l’intimé n’avaient causé aucun préjudice aux consommateurs concernés, ce dernier avait, en agissant tel qu’il lui était reproché, manqué d’intégrité, une des qualités essentielles à l’exercice de la profession.

[15]        Il souligna que l’intimé avait utilisé de l’information que lui avaient antérieurement confiée de façon confidentielle les consommateurs en cause, notamment leur numéro d’assurance sociale, pour obtenir de façon illicite de nouvelles informations confidentielles sur eux.

[16]        Tout en reconnaissant l’absence d’intention frauduleuse de l’intimé, il rappela que ce dernier avait néanmoins agi dans son intérêt personnel, à la recherche de bénéfices pour lui-même.

[17]        Il termina en citant, à l’appui de ses recommandations, quelques décisions antérieures du comité qu’il commenta.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[18]        Compte tenu de la preuve offerte par la plaignante et du plaidoyer de culpabilité déposé par l’intimé, ce dernier sera reconnu coupable de tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[19]        Relativement à la sanction, les éléments suivants méritent d’être mentionnés.

[20]        L’intimé a été inscrit à titre de représentant en assurance de personnes à compter du 16 septembre 2004. Le ou vers le 27 mai 2005, il a obtenu un certificat de courtage en épargnes collectives.

[21]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[22]        Il a admis à l’enquêteur du bureau de la syndique les faits qui lui sont reprochés.

[23]        Il a, à la première occasion, enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation portés contre lui.

[24]        Rien n’indique que les clients concernés auraient en conséquence de ses agissements subi un quelconque préjudice de réelle importance.

[25]        La gravité objective des infractions qu’il a commises est néanmoins indéniable.

[26]        Ce dernier a rempli, à cinq (5) reprises, à l’insu des consommateurs en cause et sans leur consentement, des formulaires d’autorisation, afin d’obtenir d’Épargne Placements Québec des informations personnelles relatives à leurs portefeuilles de titres (chefs 2, 4, 6, 8 et 10) et a complété ceux-ci au moyen de signatures contrefaites (chefs 1, 3, 5, 7 et 9).

[27]        Dans l’affaire Brazeau[1] la Cour du Québec a émis les principes qui doivent guider le comité dans l’imposition des sanctions dans les cas de contrefaçon.

[28]        La Cour y a indiqué : « Le fait d’imiter les signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée pose ces gestes avec une intention frauduleuse ou non. »[2]

[29]        En cette affaire, la Cour du Québec a imposé au représentant, reconnu coupable de contrefaçon, mais ayant agi sans intention malveillante, une période de radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente sous chacun des deux (2) chefs d’accusation portés contre lui.

[30]        Par ailleurs, dans l’affaire Yee[3] citée par le procureur de la plaignante, la représentante, reconnue coupable de sept (7) chefs d’accusation de contrefaçon, mais qui n’était pas non plus animée d’une intention frauduleuse, a été condamnée par notre comité à une radiation temporaire de trois (3) mois.

[31]        En l’espèce, même si l’intimé n’apparaît pas avoir été motivé par une quelconque volonté frauduleuse, en recherchant et obtenant au moyen de signatures contrefaites des informations personnelles sur les consommateurs en cause, il a manqué de probité.

[32]        Sa motivation tenait à l’obtention d’avantages indus pour lui-même. En se procurant l’information recherchée, il pouvait plus facilement solliciter les consommateurs en cause sans compter qu’il touchait une légère commission de maintien de la part d’Épargne Placements Québec.

[33]        Enfin, il faut aussi signaler que même si l’intimé a en fin de compte admis à l’enquêteur du bureau de la syndique les infractions qui lui sont reprochées, selon l’information transmise au comité, il se serait d’abord contenté, lors de leur première rencontre, de ne lui avouer qu’une seule infraction, soit celle pour laquelle il détenait de l’information. Questionné sur le sujet, il aurait alors déclaré à ce dernier ne pas avoir agi de la sorte à l’égard d’autres personnes. La poursuite de son enquête a toutefois permis à l’enquêteur de découvrir que l’intimé avait agi de la même façon à l’égard de quatre (4) autres consommateurs. Interrogé à nouveau, l’intimé, après avoir d’abord nié ces faits, est finalement passé aux aveux, et ce, relativement aux quatre (4) consommateurs mentionnés aux chefs 3 à 10.

[34]        Aussi, après analyse et considération des éléments tant objectifs que subjectifs qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimé, tel que recommandé par le procureur de la plaignante, à une radiation temporaire de trois (3) mois sous chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte, à être purgée de façon concurrente, serait une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[35]        Enfin, la publication de la décision ayant pour objectif la protection du public, en l’absence de motifs qui pourraient le justifier de s’écarter des règles habituelles, le comité ordonnera celle-ci.

[36]        Par ailleurs, le représentant reconnu coupable par le comité devant, à moins de circonstances exceptionnelles, assumer le paiement des déboursés nécessaires au traitement de la plainte portée contre lui, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1 à 10 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente sous tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie____________________

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PREVOST, BELISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé est absent et non représenté.

 

Date d’audience :

11 février 2013

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Maurice Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCP 11715.

[2]     Paragraphe 36.

[3]     Nathalie Lelièvre c. Jasmine Sue Teng Yee, CD00-0849, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 août 2011.

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