Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0984

 

DATE :

 10 septembre 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

M. Réal Veilleux, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualité de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MARTIN PERRON (Certificat no 126736)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

(Rendue séance tenante verbalement le 22 août 2013)

(Rectifiée le  3  octobre 2013)

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des pièces P-15 et P-18 et des renseignements qui s’y trouvent. 

[1]          Le 22 août 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau,
26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé le 21 mars 2013.

LA PLAINTE

À L’ÉGARD DE G.M.

 

1.      À Trois-Rivières, entre les ou vers les 2 juin 2009 et 24 octobre 2011, l’intimé a fait signer en blanc des formulaires d’instructions de placements à sa cliente, G.M., contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (L.R.Q., c. V-1.1), 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1);

 

À L’ÉGARD DE P.M.

 

2.      À Trois-Rivières, entre les ou vers les 29 juillet 2009 et 24 octobre 2011, l’intimé a fait signer en blanc des formulaires d’instructions de placements et une demande d’ouverture et de mise à jour de compte à son client, P.M., contrevenant ainsi aux articles, 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (L.R.Q., c. V-1.1), 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1);

 

À L’ÉGARD DE M.V.

 

3.      À Trois-Rivières, entre les ou vers les 4 septembre 2009 et 24 octobre 2011, l’intimé a fait signer en blanc des formulaires d’instructions de placement à son client, M.V., contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (L.R.Q., c. V-1.1), 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1);

 

À L’ÉGARD DE J.F.N.

 

4.      À Trois-Rivières, entre les ou vers les 9 avril 2010 et 24 octobre 2011, l’intimé a fait signer en blanc un formulaire d’instructions de placement et une demande d’ouverture et de mise à jour de compte à son client, J.F.N., contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (L.R.Q., c. V-1.1), 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1);

 

À L’ÉGARD DE S.D.

 

5.      À Trois-Rivières, entre les ou vers les 16 mars 2011 et 24 octobre 2011, l’intimé a fait signer en blanc des formulaires d’instructions de placements à sa cliente, S.D., contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (L.R.Q., c. V-1.1), 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1);

 

 

 

À L’ÉGARD DE C.L.

 

6.      À Trois-Rivières, le ou vers le 20 octobre 2011, l’intimé a contrefait la signature de sa cliente C.L. sur un formulaire de demande de transfert direct, contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (L.R.Q., c. V-1.1), 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9-2, r.7.1).

 

[2]          L’intimé était présent et représenté par procureur.

[3]          Après que le comité se soit assuré que l’intimé comprenait qu’en plaidant coupable, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous chacun des six chefs de la plainte portée contre lui.

LA PREUVE

[4]           La procureure de la plaignante a déposé de consentement sa preuve documentaire (P-1 à P-45) et fait entendre Mme Johanne Lama, enquêteuse au bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF).

[5]           L’intimé, pour sa part, a témoigné sur sanction.

[6]           De la preuve présentée, le comité a principalement retenu ce qui suit.  

[7]           L’intimé exerce la profession depuis plus de 30 ans. Il était, au moment des événements, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier pour le compte de Desjardins Cabinet de services financiers inc. (Desjardins), et l’a été respectivement jusqu’au 5 décembre 2011 et 13 décembre 2011 (P-1).

[8]           L’enquête du bureau de la syndique de la CSF a débuté après avoir eu connaissance du congédiement de l’intimé par Desjardins (BDNI du 12 décembre 2011) (P-16).

[9]           Le 24 octobre 2011, Desjardins suspendait l’intimé avec solde en attendant le résultat d’une enquête interne à la suite d’un courriel qu’il a adressé le 20 octobre 2011 à une collègue et dans lequel il a écrit avoir signé un formulaire pour une cliente (P-10).

[10]        Le 6 décembre 2011, Desjardins mettait fin à son emploi de façon définitive
(P-13). 

[11]        L’intimé a fait signer, entre 2009 et 2011, des formulaires en blanc à cinq clients et a imité la signature de sa cliente, le 20 octobre 2011, sur une demande de transfert direct de 498 $ d’un de ses comptes REER à un autre (P-26).

[12]        L’intimé a exposé au comité un parcours professionnel enviable depuis le début de sa carrière.

[13]        En 2007, il a été en congé de maladie à la suite de problèmes importants liés au stress professionnel, mais a repris son travail avec la même intensité. Malheureusement à l’automne 2011, le stress inhérent à son travail combiné au fait que son épouse avait subi une intervention chirurgicale majeure et nécessitait davantage sa présence, il a dit avoir « péter les plombs » à la suite d’un différend survenu avec son supérieur au sujet de frais pour un transfert d’argent dans un compte d’un client important que son supérieur refusait de faire assumer à Desjardins malgré l’autorisation préalable donnée par l’intimé.  

[14]        À la suite de son congédiement, l’intimé a été mis en arrêt de travail jusqu’au mois de février 2013, a eu un suivi psychologique et est toujours suivi médicalement.

[15]        L’intimé a réalisé qu’il avait repris le travail trop tôt après l’épisode de 2007, mais avec ces derniers événements, il a saisi la leçon et, dit-il, « pour le restant de ses jours ».

[16]        Il a tenu à préciser que dans les autres institutions auxquelles il a été rattaché, les formulaires pour ce type de transactions n’exigeaient pas la signature du client de sorte qu’il n’avait pas à faire signer en blanc, contrairement à ce qui s’est produit en l’espèce. Toutefois, il a ajouté que la signature par les clients de formulaires en blanc était une pratique qui avait été sciemment tolérée pour les dossiers de certains de ses clients domiciliés à l’extérieur et pour lesquels Desjardins n’avait pas de solution de rechange à offrir pour préserver l’efficacité des services rendus à ces derniers. L’intimé a témoigné qu’il ne savait toutefois pas que faire signer en blanc des formulaires pour le type de transactions en cause constituait une faute déontologique. Quant à l’imitation de signature, il le savait.

[17]        L’intimé n’a jamais tiré profit de quelque transaction et aucun client n’a subi de préjudice pécuniaire. 

[18]        L’intimé n’a jamais eu de plainte portée contre lui par ses clients ou par ses employeurs précédents.

[19]        L’intimé est âgé de 60 ans, adore son travail et désire exercer encore plusieurs années.

[20]        Sans emploi jusqu’en février 2013, l’intimé agit maintenant en tant que directeur en développement des affaires pour un cabinet de services financiers. Toutefois, il ne peut agir à titre de représentant sans faire une nouvelle demande de rattachement, en raison des procédures disciplinaires pendantes devant le comité, ses tentatives sont demeurées vaines se trouvant contraint à attendre l’issue du processus disciplinaire avant de présenter de nouveau une telle demande.

 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

Représentations de la plaignante

[21]       La procureure de la plaignante a invoqué, en plus de la gravité objective des infractions, les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Aggravants 

a)     La répétition des actes reprochés aux cinq premiers chefs s'est échelonnée de 2009 à 2011;

b)     La contrefaçon de signature qui va à l’encontre même du fondement du travail de représentant.

Atténuants

a)     L’enregistrement du plaidoyer de culpabilité;

b)     L’excellente  collaboration de l’intimé;

c)      L’absence de préjudice pécuniaire;

d)     L’absence d’antécédent disciplinaire;

e)     L’absence d’intention malhonnête ou frauduleuse;

f)       L’état de santé de l’intimé au moment des événements;

g)     Les facteurs de stress et autres particuliers à la situation de l’intimé;

h)     Le fait que l’intimé était inactif depuis son congédiement par Desjardins, le
6 décembre 2011;

i)       Le faible risque de récidive, voire même nul.

[22]        Elle a ensuite passé en revue une série de décisions[1] soulignant les similitudes et les distinctions avec le cas en l’espèce après quoi, elle a soumis les recommandations communes des parties sur sanction :  

a)          La radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois sous chacun des six chefs d’accusation, à être purgée de façon concurrente;

b)          La publication de la décision;

c)          La condamnation de l’intimé au paiement des débours.

[23]       Enfin, elle a avancé que ces sanctions répondaient aux critères de protection du public, d’exemplarité et de dissuasion qui guident le comité lors de la détermination des sanctions.

Représentations de l’intimé

[24]        La procureure de l’intimé a signalé être en accord avec les représentations de sa collègue rappelant l’entière collaboration de l’intimé depuis même le début de l’enquête interne de son employeur.

[25]        Elle a souligné la transparence de l’intimé au sujet des gestes reprochés qu’il n’avait en aucun cas posés pour servir ses intérêts personnels.

[26]        Elle a ajouté que l’intimé avait subi de graves conséquences à la suite de ces infractions, dont son congédiement et la déclaration BDNI de Desjardins laquelle indique la commission de trois fausses signatures, alors que la preuve est controversée à ce sujet. L’intimé aura à vivre avec les conséquences d’une telle déclaration par Desjardins.

[27]        Rappelant deux décisions[2] rendues par la Cour du Québec et le Tribunal des professions, elle a allégué que les recommandations communes des parties devaient être suivies par le comité, à moins qu’elles ne paraissent injustes, non raisonnables ou même déconsidérer la justice.

[28]        Enfin, indiquant que l’intimé renonçait à son droit d’appel, elle a demandé au comité de rendre exécutoire ce même jour sa décision sur la culpabilité et la sanction.

ANALYSE ET MOTIFS

[29]       Conformément à l’article 154 du Code des professions, le comité consigne par écrit la décision sur culpabilité et sur sanction rendue séance tenante contre l’intimé, donnant ainsi acte à l’enregistrement de son plaidoyer de culpabilité et le déclarant coupable sous chacun des six chefs d’accusation de la plainte portée contre lui.  En outre, le comité a ordonné la radiation temporaire de l’intimé pour une durée de deux mois sous chacun desdits chefs, à purger de façon concurrente, la publication de la décision et l’a condamné au paiement des débours.

[30]        Étant donné que l’intimé est inactif depuis déjà le mois de décembre 2011 et la renonciation respective des parties à leur droit d’appel, le comité a donné suite à la demande de l’intimé et a ordonné l’exécution immédiate de la décision, rendue le jour même.  

[31]       Le comité a donné suite aux recommandations communes des parties sur sanction après avoir considéré les facteurs aggravants et atténuants pertinents et les faits propres au présent dossier, estimant que ces sanctions sont justes et raisonnables et conformes aux décisions rendues sur des infractions de même nature.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous les chefs d’accusation 1 à 6 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous les chefs d’accusation 1 à 6 contenus à la plainte;

 

ET PROCÉDANT SUR SANCTION 

ORDONNE, sous chacun des chefs d’accusation 1 à 6, la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière, pour une période de deux mois, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l’intimée au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

ORDONNE l’exécution de la présente décision dès le 22 août 2013.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Sylvain Jutras____________________

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Réal Veilleux_____________________

M. Réal Veilleux, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Suzie Cloutier

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Stéphanie Charette

VERDON, SAMSON, LEMIEUX, ARMANDA avocats, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 22 août 2013

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Lévesque c. Jean, CD00-0722, décision sur culpabilité et sanction corrigée du 15 octobre 2009; Lelièvre c. Côté, CD00-0841, décision sur culpabilité et sanction du 7 avril 2011; Champagne c. Chouinard, CD00-0869, décision sur culpabilité et sanction du 11 avril 2012; Champagne c. Gras, CD00-0881, décision sur culpabilité et sanction du 3 janvier 2012.

[2] Suzanne Royer c. Chambre de la sécurité financière (Rioux), jugement de la Cour du Québec du 8 juin 2004; Yves Pépin c. Ordre professionnel des avocats, 2008 QCTP 152.

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