Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

   

N° :

CD00-0932

 

DATE :

5 mars 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Michel Gendron

Membre

Mme Lise Benoit, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GUY LEPAGE, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 121308, numéro de BDNI 1583771)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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LA PLAINTE ET L’AUDIENCE SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1]           Une plainte portant la date du 29 juin 2012 a été portée contre l’intimé.

[2]           Les chefs d’infraction énoncés au seul paragraphe de cette plainte se lisent comme suit :

« 1. À St-Eustache, à compter du ou vers le 6 juillet 2009 et jusque vers le 27 janvier 2010, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par son client A.V. en omettant de transférer ses parts détenues dans le Fonds MCP 3718 auprès de Investissements Manuvie vers les Fonds MCP 3794, MCP 3169 et MCP 3723, tel que ce dernier le lui avait demandé, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r.3), 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1) et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., c. V‑1.1). »

[3]           Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a siégé à Montréal le 19 novembre 2012.

[4]           Me Valérie Déziel y représentait la plaignante et Me Martin Courville l’intimé.

[5]           En début d’audience, l’intimé a indiqué au comité qu’il désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité.

[6]           Le comité lui a alors adressé des questions afin de s’assurer qu’il comprenait bien le sens et la portée d’un tel plaidoyer.

[7]           Vu les réponses de l’intimé, le comité l’a déclaré coupable des chefs d’infraction contenus au paragraphe 1 de la plainte.

[8]           Les parties ont ensuite procédé à la preuve et aux représentations sur sanction et le comité a pris l’affaire en délibéré.

[9]           Le 23 novembre 2012, le comité a tenu une conférence téléphonique; il a ordonné la réouverture des débats et il a indiqué aux parties que la date mentionnée au paragraphe 1 de la plainte différait de celle apparaissant aux courriels produits (P-2). La procureure de la plaignante a requis du comité la permission d’amender ce paragraphe 1 afin qu’on y lise le 6 mai 2009 au lieu du 6 juillet 2009. Le procureur de l’intimé ne s’est pas objecté à cette demande. L’article 145 du Code des professions prévoyant que la plainte peut être modifiée en tout temps, le comité a fait droit à la demande et permis que le paragraphe 1 de la plainte soit ainsi amendé.

[10]        Le 29 janvier 2013, l’intimé a produit au dossier un plaidoyer de culpabilité en regard de la plainte amendée. Le comité a repris l’affaire en délibéré.

LA PREUVE SUR SANCTION

[11]        Les parties ont produit, de consentement, les pièces P-1 à P-7 et D-1.

[12]        La plaignante n’a pas fait entendre de témoin; l’intimé a témoigné.

[13]        Pour l’essentiel, la preuve a révélé ce qui suit.

[14]        Par un courriel du 6 mai 2009, le client A.V. a donné instruction à l’intimé de procéder à un transfert de fonds. En dépit du fait qu’il avait répondu à ce courriel le même jour, l’intimé a omis de procéder à la transaction.

[15]        A.V. croyait que ses instructions avaient été suivies; il n’a réalisé que tel n’était pas le cas qu’en janvier 2010. Il a finalement procédé à la transaction à la fin du mois de janvier 2010.

[16]        Tel qu’il appert d’une quittance signée le 26 août 2011, le client A.V. a été payé d’une somme de 5 500 $ et il a renoncé à toute réclamation contre l’intimé.

[17]        L’intimé agit comme représentant depuis 1995.

[18]        Il n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[19]        Il regrette ce qui est arrivé. Il s’assure maintenant, avec plus de rigueur, qu’il a bien compris les instructions de ses clients.

[20]        Il a pleinement collaboré à l’enquête du syndic.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[21]        La procureure de la plaignante a recommandé au comité de condamner l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ et aux déboursés.

[22]        Elle a soutenu que l’expérience de l’intimé devait être considérée par le comité à titre de facteur aggravant.

[23]        Elle a référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Goura et Girard[1].

[24]        Le procureur de l’intimé a plutôt recommandé au comité d’imposer à son client une amende de 2 000 $. Il a souligné les facteurs atténuants mis en preuve et référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Martel, Lemieux, Côté, Da Costa, Brunet et Beauchamp[2].

[25]        Il a rappelé que la sanction ne devait pas avoir comme objectif de punir le représentant mais plutôt de protéger le public.


L’ANALYSE

[26]        Dans les décisions soumises en regard d’infractions offrant certaines similarités avec celles dont l’intimé a été reconnu coupable, le comité de discipline et la Cour du Québec, à la suite de recommandations conjointes ou de débats contradictoires, ont condamné les représentants au paiement tantôt de l’amende minimale tantôt d’amendes dont la plus élevée a été de 4 000 $.

[27]        Le comité ne croit pas opportun de s’écarter de cette « fourchette » d’amendes; d’ailleurs, les recommandations des deux procureurs s’y retrouvent.

[28]        La Cour du Québec, dans le jugement qu’elle rendait récemment dans l’affaire Martel, rappelait que la protection du public est la finalité du droit disciplinaire et que les objectifs que doivent avoir en tête les tribunaux dans l’imposition des sanctions sont la dissuasion et l’exemplarité.

[29]        La Cour du Québec dans ce jugement soulignait qu’il fallait procéder à l’individualisation de la sanction en considérant les facteurs aggravants et atténuants propres à chaque dossier.

[30]        Appliquant ces principes à la présente affaire, le comité retient ce qui suit :

  l’intimé n’a pas agi de mauvaise foi, par malice ou dans le but de s’enrichir;

  il s’agit, en plus de 15 ans de pratique, de la commission d’une première faute disciplinaire;

  le client a été indemnisé;

  l’intimé a manifesté des regrets;

  il a collaboré à l’enquête de la syndique;

  il a plaidé coupable à la première occasion;

  il a modifié sa façon de travailler afin de chercher à éviter, à l’avenir, la commission de fautes déontologiques de ce genre.

[31]        En tenant compte de la gravité objective de la faute commise mais également des facteurs aggravants et atténuants mis en preuve, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ est une sanction qui présente un caractère suffisamment dissuasif et qui satisfait au critère de l’exemplarité; le comité est d’opinion que l’imposition de cette sanction permettra d’assurer la protection du public de façon adéquate.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard des infractions énoncées au paragraphe 1 de la plainte amendée;

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions énoncées au paragraphe 1 de la plainte amendée;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

(s) Sylvain Généreux_________________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Michel Gendron  __________________

M. Michel Gendron

Membre du comité de discipline

 

(s) Lise Benoit_______________________

Mme Lise Benoit, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

Bélanger, Longtin avocats, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

De Chantal, D’Amour, Fortier avocats, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

19 novembre 2012

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Champagne c. Goura, CD00-0863, 16 décembre 2011; Rioux c. Girard, CD00-0617, 4 avril 2008.

[2] Martel c. Chambre de la sécurité financière 2012 QCCQ 90; Champagne c. Lemieux, CD00-0791, 25 octobre 2010; Rioux c. Côté, CD00-0633, 30 mai 2007; Bureau c. Da Costa, CD00-0332, 14 juillet 2003; Bureau c. Brunet, CD00-0375, 18 mars 2002 et 17 juin 2002; Rioux c. Beauchamp, CD00-0278, 29 juin 2000.

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