Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0979

 

DATE :

6 août 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GUY GIROUARD, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 114771)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 3 juin 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« Partage de commissions non autorisé

1.            À Beauharnois, le ou vers le 16 septembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 1429,27 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

2.            À Beauharnois, le ou vers le 26 octobre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 313,54 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

3.            À Beauharnois, le ou vers le 4 novembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 1 400 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

4.            À Beauharnois, le ou vers le 25 novembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 1 350 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

5.            À Beauharnois, le ou vers le 2 décembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 2 000 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

6.            À Beauharnois, le ou vers le 3 décembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 650,20 $ et un montant de 1150$ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

7.            À Beauharnois, le ou vers le 3 décembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 556,43 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

8.            À Beauharnois, le ou vers le 17 décembre 2010, l’intimé a reçu du représentant M.L.D. un montant de 541,51 $ provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait, contrevenant ainsi aux articles 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 40 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

Fausses déclarations à l’assureur

9.            À Montréal, le ou vers le 12 juillet 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 090310 pour L.M., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant de la cliente, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

10.         À Montréal, le ou vers le 20 juillet 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance les propositions 090276 et 090282 pour R.C. et M.B.C., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant des clients, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

11.         À Montréal, le ou vers le 30 août 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 809115 pour J.S., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant de la cliente, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

12.         À Montréal, le ou vers le 7 septembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 090288 pour J.D., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant de la cliente,  contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

13.         À Montréal, le ou vers le 7 septembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance les propositions 090286 et 090287 pour S.J. et J.D., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant des clients, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

14.         À Montréal, le ou vers le 16 septembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115551 pour C.P. identifiant faussement M.L.D. comme le représentant de la cliente, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

15.         À Montréal, le ou vers le 14 octobre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115550 pour S.G., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

16.         À Montréal, le ou vers le 27 octobre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115600 pour N.M., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant de la cliente, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

17.         À Montréal, le ou vers le 15 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115558 pour S.G., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

18.         À Montréal, le ou vers le 16 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115559 pour L.R., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

19.         À Montréal, le ou vers le 16 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115563 pour P.G., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

20.         À Montréal, le ou vers le 16 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 115560 pour Y.P., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

21.         À Montréal, le ou vers le 20 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 090289 pour L.T., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

22.         À Montréal, le ou vers le 2 décembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 199906 pour E.D., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant du client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

23.         À Montréal, le ou vers le 20 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 090292 pour L.T. et J.T.D., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant des clients, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01);

24.         À Montréal, le ou vers le 25 novembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance la proposition 199905 pour L.M., identifiant faussement M.L.D. comme le représentant de la cliente, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.1.01). »

[2]           D’entrée de jeu l’intimé, accompagné de son procureur, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de tous et chacun des vingt-quatre (24) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Les parties présentèrent ensuite au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une importante preuve documentaire composée notamment d’éléments recueillis lors de son enquête qui furent cotés P-1 à P‑37, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il ne déposa aucun document mais choisit de témoigner.

[6]           Le témoignage de ce dernier porta d’abord sur son expérience de plus de trente (30) ans dans le domaine de la distribution de produits d’assurance de personnes. Il exposa ensuite le contexte factuel rattaché aux infractions qui lui sont reprochées.

[7]           Ainsi il raconta qu’au moment des événements, alors qu’il avait choisi d’utiliser les services d’un nouvel « agent général », le représentant de celui-ci lui avait proposé, qu’avant d’y être formellement rattaché, il pourrait « contourner le délai » pour y parvenir en employant le « stratagème » qui a finalement mené aux différents chefs d’accusation portés contre lui.

[8]           Soulignant que la majorité des consommateurs en cause étaient des gens de sa famille, il affirma ne pas avoir été animé d’une intention malveillante, indiquant qu’il avait simplement alors « naïvement » donné suite sans trop y réfléchir à ce qui lui avait été proposé.

[9]           Il termina en se déclarant disposé à assumer la responsabilité de ses actes et à recevoir les sanctions appropriées. Il demanda néanmoins au comité d’éviter de le condamner à une radiation temporaire.

[10]        Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[11]        La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en indiquant que, sous chacun des chefs d’accusation 1 à 8, elle recommandait au comité de condamner l’intimé au paiement d’une amende (minimale) de 2 000 $ (total 16 000 $). Elle signala que les parties s’étaient entendues à cet effet.

[12]        Elle indiqua par ailleurs que relativement aux chefs 9 à 24, les parties n’étaient pas parvenues à convenir d’une « suggestion commune ». Ainsi elle mentionna qu’alors qu’elle était d’avis qu’une radiation temporaire d’un mois sous chacun desdits chefs à être purgée de façon concurrente serait la sanction appropriée, l’intimé croyait que l’imposition de simples réprimandes serait suffisante.

[13]        Elle ajouta réclamer la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés mais déclara ne pas requérir la publication de la décision.

[14]        Revenant ensuite sur les infractions mentionnées aux chefs 9 à 24, elle rappela que l’intimé avait soumis et acheminé à l’assureur des propositions d’assurance identifiant faussement le représentant du client ou de la cliente. Soulignant que ce dernier avait ainsi délibérément transmis à la compagnie d’assurance concernée des informations erronées et trompeuses, elle suggéra que sa probité était en cause.

[15]        Puis, invoquant les facteurs aggravants, elle souligna notamment les éléments suivants :

-           la multiplicité des infractions et la répétition de mêmes fautes au cours d’une période de plusieurs mois;

-           l’expérience de l’intimé, ce dernier, actif depuis plus de trente (30) ans dans le domaine de la distribution de produits d’assurance de personnes, ne pouvait ignorer que les actes qu’il posait étaient interdits et contraires à l’éthique.

[16]        Au titre des facteurs atténuants, elle mentionna :

-           l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-           l’aveu par ce dernier de ses fautes à l’enquêteur de la Chambre et sa « disposition » à en assumer les conséquences;

-           l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de tous et chacun des chefs d’accusation contenus à la plainte;

-           un ensemble de fautes découlant des mêmes circonstances;

-           l’absence d’intention « malicieuse »;

-           l’absence de préjudice causé à des consommateurs ou à des clients (ces derniers n’ayant formulé aucune plainte);

-           un risque de récidive vraisemblablement peu élevé, l’intimé comprenant et admettant qu’il a agi de façon fort reprochable.

[17]        Elle déposa ensuite, au soutien de ses recommandations, un cahier d’autorités soulignant toutefois que, relativement au premier bloc d’accusations, soit les chefs 1 à 8, le comité avait rendu peu de décisions comportant une situation de même nature. Aussi se contenta-t-elle d’invoquer à l’égard de ceux-ci la décision rendue par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages dans l’affaire Cianciulli[1], précisant que le représentant qui avait participé à un partage de commissions y avait été condamné au paiement d’une amende de 3 000 $, alors que les parties ont convenu de recommander au comité de condamner l’intimé sous chacun desdits chefs (1 à 8) au paiement d’une amende de 2 000 $ (total 16 000 $).

[18]        Relativement au second bloc d’accusations, soit les chefs d’accusation 9 à 24, la plaignante évoqua les décisions du comité dans les affaires Boileau[2], Hornez[3], Duguay[4], Tremblay[5], Breton[6] et Nuckle[7], comparant, en faisant les distinctions nécessaires, les situations de fait y mentionnées au cas en l’espèce.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[19]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en invoquant le jugement rendu par la Cour du Québec dans l’affaire Martel[8]. Il mentionna que, comme en cette affaire, la protection du public n’avait pas en l’instance été mise en danger et aucun préjudice n’avait été causé à des consommateurs.

[20]        Il résuma à sa façon la situation en déclarant que son client avait commis des infractions, à son avis d’ordre technique, dans une « période intermédiaire » entre deux (2) contrats auprès d’agents généraux différents.

[21]        Après s’être déclaré en accord avec la suggestion de la plaignante pour l’imposition d’une amende de 2 000 $ sous chacun des chefs 1 à 8 contenus à la plainte, il indiqua que sous chacun des chefs 9 à 24, il suggérait au comité d’imposer à l’intimé une réprimande.

[22]        Au soutien de sa suggestion sous ces derniers chefs, il rappela que chacune des fautes y reprochées à l’intimé « provenait des mêmes circonstances » et que, comme dans l’affaire Martel, la malhonnêteté non plus qu’une intention malicieuse n’étaient en cause.

[23]        Il référa ensuite au jugement de cette même Cour dans l’affaire Jolicoeur[9]. Il souligna notamment qu’en cette affaire le tribunal avait mentionné que le droit du professionnel d’exercer sa profession constituait l’un des « objectifs » visés par l’imposition de la sanction. Il signala que le tribunal y avait en effet indiqué que les objectifs à atteindre lors de l’imposition d’une sanction disciplinaire étaient :

a)      la protection du public;

b)      la dissuasion du professionnel de récidiver;

c)      l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession tentés de poser des gestes semblables;

d)      le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession; insistant notamment, afin de convaincre le comité de ne pas donner suite à la recommandation de la plaignante, sur ce dernier objectif.

[24]        Il évoqua de plus la décision du comité dans l’affaire Giroux[10]. En cette affaire, le comité, qui n’était pas convaincu que le représentant avait agi avec une intention malveillante, qu’il ait voulu tromper ses clients ou qu’il ait été motivé par l’appât du gain, a imposé à ce dernier le paiement d’une amende de 3 000 $ sous quatre (4) des cinq (5) chefs d’accusation portés contre lui et lui a imposé une réprimande sous le cinquième. Il cita également la décision rendue par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages dans l’affaire Chapdelaine[11].

[25]        Il analysa ensuite chacune des décisions produites par la plaignante soulignant les distinctions importantes à son avis entre celles-ci et la présente affaire.

[26]        Il signala enfin qu’environ trois (3) ans s’étaient écoulés depuis la commission des infractions reprochées à l’intimé et qu’aucune nouvelle plainte ou demande d’enquête n’avait été formulée contre lui depuis.

[27]        Il termina ses représentations en demandant au comité, s’il devait suivre la recommandation de la plaignante et ordonner la radiation temporaire de l’intimé sous les chefs 9 à 24, de s’abstenir alors d’ordonner la publication de la décision. Au soutien de sa position, il souligna que le public n’était pas en cause en cette affaire et qu’aucun préjudice ne lui avait été causé. Il affirma de plus que la publication de la décision occasionnerait à l’intimé des dommages à son avis hors de proportion avec les fautes qui lui sont reprochées.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[28]        L’intimé exerce dans le domaine de la distribution de produits d’assurance de personnes depuis plus de trente (30) ans.

[29]        Il dirige son propre cabinet depuis plus de dix (10) ans.

[30]        Aucun antécédent disciplinaire n’a été invoqué contre lui.

[31]        Il a collaboré à l’enquête de la plaignante, lui a admis ses infractions et, à la première occasion, a plaidé coupable à tous et chacun des vingt-quatre (24) chefs d’accusation portés contre lui.

[32]        À l’endroit de ses fautes, il a exprimé devant le comité des regrets sincères.

[33]        Compte tenu des circonstances particulières rattachées aux gestes qui lui sont reprochés, l’on peut raisonnablement penser qu’il y a peu de risques qu’il ne récidive.

[34]        L’ensemble des infractions découle en effet d’une même situation particulière, soit la décision de l’intimé de rattacher son cabinet auprès d’un nouvel « agent général » et du délai qu’il lui fallait envisager avant d’y parvenir.

[35]        La malice ne caractérise pas ses agissements.

[36]        Ses fautes n’ont pas eu comme conséquence de causer préjudice à des consommateurs ou à des clients.

[37]        Néanmoins, la gravité objective de celles-ci est indéniable.

[38]        Le comité est confronté à des infractions multiples et répétées qui vont au cœur de l’exercice de la profession.

[39]        Pendant une période de trois (3) mois, l’intimé a, à huit (8) reprises, reçu des sommes provenant d’un partage illégal de commissions et, à seize (16) reprises au cours d’une période de plus de quatre (4) mois, soumis à l’assureur en cause des propositions d’assurance identifiant faussement le représentant des clients.

[40]        La longue expérience de l’intimé dans l’exercice de la profession aurait dû le mettre à l’abri de telles infractions.

[41]        Bien que les infractions découlent essentiellement de la même volonté de plaire ou de satisfaire aux demandes du nouvel agent général auprès duquel il désirait se rattacher (et en toute vraisemblance de s’avantager lui-même auprès de ce dernier), le comité n’en est pas moins en présence de nombreuses contraventions, échelonnées sur plusieurs mois, touchant directement à l’exercice de la profession.

[42]        Relativement aux sanctions à imposer à l’égard du premier bloc d’infractions, soit celles mentionnées aux chefs 1 à 8, les parties ont présenté au comité des « recommandations communes ».

[43]        Or, de l’avis de ce dernier, leurs recommandations sont conformes à la gravité objective des fautes mentionnées à ces chefs et notamment, lorsque considérées globalement, elles satisfont aux critères de dissuasion et d’exemplarité dont il doit être tenu compte.

[44]        Le comité ne voit donc aucune raison qui le justifierait de ne pas donner suite auxdites « recommandations communes » des parties et condamnera l’intimé, sous chacun des chefs 1 à 8, au paiement d’une amende de 2 000 $ (total 16 000 $).

[45]        Relativement au deuxième bloc d’infractions, soit celles mentionnées aux chefs 9 à 24, tel que précédemment mentionné il s’agit d’infractions multiples et répétées qui vont directement au cœur de l’exercice de la profession.

[46]        Il est vrai que les consommateurs en cause n’ont pas, selon ce qui a été présenté au comité, subi de préjudice mais il ne peut être exclu qu’en d’autres circonstances il aurait pu en être autrement. Les fautes auraient pu aussi, en d’autres situations, avoir des conséquences préjudiciables pour l’assureur concerné.

[47]        La conduite reprochée à l’intimé à ces chefs est clairement prohibée dans l’industrie et celui-ci ne pouvait l’ignorer. C’est de façon préméditée, volontaire et voulue qu’il a, avec la complicité d’un autre représentant, contrevenu à de nombreuses reprises aux règles les plus élémentaires de l’exercice de la profession.

[48]        De tels agissements témoignent d’une sérieuse négligence de la part de l’intimé à l’endroit de ses obligations professionnelles et des règles déontologiques régissant la profession.

[49]        Aussi, compte tenu de ce qui précède, après considération des éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants comme aggravants, qui lui ont été présentés, et après examen de la situation sous l’angle de la globalité des sanctions, le comité est d’avis que l’imposition d’une radiation temporaire d’un mois à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs 9 à 24, tel que suggéré par la plaignante, serait en l’instance une sanction juste, raisonnable, appropriée, adaptée aux infractions et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction. Il condamnera donc l’intimé sous ces chefs à une telle période de radiation.

[50]        Par ailleurs, compte tenu de la demande de l’intimé et des arguments qu’il a invoqués au soutien de celle-ci, et considérant que la plaignante a renoncé à la réclamer, le comité dispensera la secrétaire du comité de la publication dans les journaux d’un avis de la présente décision.

[51]        Enfin, en l’absence de motif qui le justifierait d’agir autrement, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard de tous et chacun des vingt-quatre (24) chefs d’accusation contenus à la plante;

DÉCLARE l’intimé coupable sous tous et chacun des vingt-quatre (24) chefs d’accusation contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs 1 à 8 inclusivement :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ (total 16 000 $);

Sous chacun des chefs 9 à 24 inclusivement :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois à être purgée de façon concurrente;

DISPENSE la secrétaire du comité de discipline de la publication dans les journaux d’un avis de la présente décision;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

 

(s) Gisèle Baltahzard

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Ginette Racine

Mme GINETTE RACINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Rousseau

MARTIN, CAMIRAND, PELLETIER

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

3 juin 2013

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]           Carole Chauvin c. Frank Cianciulli, no 2009-12-01(C), décision sur culpabilité et sanction en date du 15 avril 2010.

[2]           Caroline Champagne c. Serge Boileau, CD00-0824, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 mai 3011.

[3]           Léna Thibault c. Irène Hornez, CD00-0744, décision sur culpabilité et sanction en date du 29 juin 2009.

[4]           Léna Thibault c. Pierre Duguay, décision au sujet de la culpabilité et de la sanction en date du 27 juin 2007.

[5]           Caroline Champagne c. Sébastien Tremblay, décision sur culpabilité et sanction en date du 14 février 2012.

[6]           Caroline Champagne c. Réal Breton, CD00-0808, décision sur culpabilité et sanction en date du 11  juillet 2011.

[7]           Caroline Champagne c. Guy Nuckle, CD00-0812, décision sur culpabilité et sanction en date du 16 septembre 2010.

[8]           Claude Martel c. Léna Thibault et le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, jugement de l’honorable Henri Richard, J.C.Q. en date du 16 janvier 2012.

[9]           Alain Jolicoeur c. Me Micheline Rioux, Cour du Québec no 500-02-099215-019, décision en date du 26 juin 2002.

[10]          Me Micheline Rioux c. Laurent Giroux, CD00-0614, décision sur sanction en date du 26 mars 2008.

[11]          Carole Chauvin c. Normand Chapdelaine, plainte no 2004-12-02 (C) et plainte no 2005-0402 (C), décision sur sanction en date du 12 septembre 2005.

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