Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0651

 

DATE :

19 août 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

M. Gaétan Magny

Membre

______________________________________________________________________

 

Me MICHELINE RIOUX, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

 

c.

MICHEL PELLETIER, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives, représentant en épargne collective et planificateur financier (certificat 126 442)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]          Les 12, 13 et 14 janvier 2009 ainsi que les 15 avril et 12 mai 2010, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte portée contre l’intimé. 

BREF HISTORIQUE DU DÉROULEMENT DES AUDIENCES

[2]          En 2009, la plaignante était représentée par Me Marie-Claude Sarrazin, accompagnée de Me Marie-Ève Léveillé et Me Martin Courville représentait l’intimé. 

[3]          La plaignante fit entendre les deux consommateurs visés par la plainte, M. Julien Perron et sa conjointe Mme Annette Roy. En défense, seul l’intimé a témoigné.  

[4]          Le 14 janvier 2009, dans le cadre du contre-interrogatoire de l’intimé tenu par Me Sarrazin, le comité a maintenu une objection de Me Courville au motif de non-pertinence de la question portant sur le montant des commissions perçues par l’intimé lors de la vente des contrats d’assurance vie en cause.

[5]          Me Sarrazin porta immédiatement cette décision en appel de sorte que l’audience fut suspendue en attendant le jugement de la Cour du Québec. 

[6]          Le 22 octobre 2009, la Cour du Québec rejeta l’objection de l’intimé et permit la question. L’audience se poursuivit devant le comité le 15 avril 2010.

[7]          La veille de cette audience, Me Marc Champagne, qui avait repris la défense de l’intimé, fit parvenir au comité une demande de remise au motif que malgré que le dossier lui avait été transféré dès janvier 2010, il n’était pas prêt à procéder. Cette demande, contestée par la plaignante, alors représentée par Me François Longpré, accompagné de Me Léveillé, a été entendue le 15 avril 2010. 

[8]          D’entrée de jeu, pour éviter une remise, les procureurs informèrent le comité qu’ils s’étaient entendus pour échanger des admissions quant à la réponse de l’intimé à la question autorisée par la Cour du Québec ainsi qu’au témoignage qu’aurait fourni M. Perron en contre-preuve. Les parties ont convenu de plaider par écrit et un échéancier fut déterminé conservant la date d’audience du 12 mai 2010 au cas où le comité aurait à intervenir. 

[9]          Le 30 avril 2010, Me Léveillé achemina au comité les lettres échangées entre les procureurs et l’invita à trier les informations qui constituaient la preuve de faits et celles qui constituaient plutôt de la plaidoirie. Le comité convoqua en conséquence les parties le 12 mai 2010 pour qu’elles clarifient leurs admissions respectives. 

[10]       La plaignante a déposé ses arguments le 17 mai 2010 et l’intimé le 9 juillet 2010. La plaignante a fait suivre une réplique le 23 juillet 2010. Le comité prit l’affaire en délibéré le 23 août 2010.

 

LA PLAINTE

 

Julien Perron

 

1.            Le ou vers le 3 novembre 1999, l’intimé Michel Pelletier, alors qu’il faisait souscrire à son client Julien Perron une proposition d’une police d’assurance-vie entière de la compagnie Manuvie portant le numéro 5818193, n’a pas cherché à connaître tous les éléments nécessaires lui permettant de procéder à une analyse complète des besoins financiers notamment la police d’assurance-vie en vigueur de même que les données financières et fiscales relatives à l’immeuble du client et ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

2.            Le ou vers le 3 novembre 1999, l’intimé Michel Pelletier, alors qu’il faisait souscrire à son client Julien Perron une proposition d’une police d’assurance-vie entière de la compagnie Manuvie portant le numéro 5818193, a fait défaut de fournir des explications complètes sur ladite police en ce qu’il ne lui a pas expliqué le mécanisme par lequel il pourrait bénéficier des sommes investies (emprunt sur la police) comparativement à celui pour des sommes investies dans un REER (décaissement) et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 10, 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

Annette Roy

 

3.            Le ou vers le 9 juin 2000, l’intimé Michel Pelletier, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente Annette Roy une proposition d’une police d’assurance-vie entière de la compagnie Manuvie portant le numéro 5571182, n’a pas cherché à connaître tous les éléments nécessaires lui permettant de procéder à une analyse complète des besoins financiers notamment la police d’assurance-vie en vigueur de même que les données financières et fiscales relatives à l’immeuble de la cliente et ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

4.            Le ou vers le 9 juin 2000, l’intimé Michel Pelletier, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente Annette Roy une proposition d’une police d’assurance-vie entière de la compagnie Manuvie portant le numéro 5571182, a fait défaut de fournir des explications complètes sur ladite police en ce qu’il ne lui a pas expliqué le mécanisme par lequel elle pourrait bénéficier des sommes investies (emprunt sur la police) comparativement à celui pour des sommes investies dans un REER (décaissement) et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 10, 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

LES FAITS

 

[11]       Au moment des faits reprochés, en août 1999, M. Perron était âgé de 51 ans. En juin 2000, Mme Roy, son épouse, était âgée de 52 ans.

[12]       Le couple Perron-Roy a rencontré l’intimé suite à la recommandation d’un collègue de travail de M. Perron.

[13]       M. Perron était designer industriel et travailleur autonome alors que son épouse était éducatrice dans une garderie. Ils voulaient prendre leur retraite en même temps, lorsque M. Perron atteindrait 60 ans.

[14]       Ils possédaient un duplex. Leur fils, âgé de 28 ans, occupait le logement du haut.

[15]       En août 1999, l’intimé a vendu à M. Perron un contrat d’assurance vie Performax de la Financière Manuvie et a pris en charge la gestion de ses REER qui étaient auparavant effectuée par le cabinet Lévesque Beaubien Geoffrion. Il a fait de même en juin 2000 avec Mme Roy.

[16]       La situation financière du couple était la suivante :

   M. Perron était propriétaire d’une voiture dont le solde d’emprunt était d’environ 10 000 $;

   Le couple était conjointement propriétaire d’un duplex dont le solde approximatif de l’hypothèque était de 10 000 $ qu’ils remboursaient à raison de 685 $ mensuellement;

   Leur fils versait un loyer mensuel d’environ 500 $;

   Ils étaient propriétaires conjoints d’un terrain à St-Damien sur lequel il y avait un chalet sans électricité ni eau, le tout ayant une valeur d’environ 30 000 $;

   M. Perron possédait un REER de 35 775 $ et des cotisations maximales non utilisées de 9 322 $ alors que Mme Roy détenait des REER de 28 193 $ et des cotisations maximales non utilisées de 27 634 $;

   Leurs économies s’élevaient environ à 10 000 $;

   Ils possédaient une assurance vie de 50 000 $ payable au premier décès;

   Mme Roy détenait de plus une assurance vie dans le cadre du régime d’assurances collectives de son employeur égale à une fois son salaire;

   M. Perron déclarait des revenus d’entreprise nets annuels autour de 20 000 $ et son épouse des revenus de 30 831 $ (P-40, p. 64.1).

 

OBJECTION PRISE SOUS RÉSERVES

 

[17]       L’intimé s’est opposé au témoignage de M. Perron alléguant qu’il tentait par celui-ci de contredire un écrit valablement fait. Par sa question, la plaignante aurait tenté d’introduire illégalement une preuve quant au rendement du placement alors que le contrat en litige n’indiquait pas de taux de rendement.

[18]       Après étude de la question et du contexte où elle fut posée, force est de constater que le contrat n’était nullement en cause puisque la question concernait les représentations faites par l’intimé à M. Perron.

[19]       L’objection est par conséquent mal fondée et sera rejetée.

ANALYSE ET MOTIFS

[20]       D’entrée de jeu, signalons que la plaignante, tout au long de sa plaidoirie, conteste le bien-fondé de la recommandation de Performax par l’intimé au couple Perron-Roy. Or, puisqu’aucun chef d’accusation n’a été porté contre l’intimé selon lequel ce produit ne correspondait pas à la situation financière et aux objectifs des clients, le comité se gardera d’analyser ou de se prononcer sur la pertinence de cette recommandation.

CHEFS D'ACCUSATION 1 et 3

[21]       Ces chefs reprochent à l’intimé de ne pas avoir cherché à connaître tous les éléments nécessaires à une analyse complète des besoins financiers (ABF) du couple Perron-Roy, notamment les polices d’assurance vie en vigueur de même que les données financières et fiscales relatives à leur immeuble. Au soutien, sont invoqués les articles 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[22]       La preuve documentaire est principalement composée d’un premier document « Point de vue personnel » (P-3)[1] ainsi que d’un document de deux pages contenant les notes manuscrites de l’intimé, la première page ayant pour titre « Décès » et la seconde « Retraite » lesquelles constituent, selon l’intimé, son ABF (D-3)[2].

[23]       Dans sa plaidoirie écrite, la plaignante prétend que l’intimé n’aurait confectionné D‑3 qu’après coup. Au surplus, ce document comporterait des calculs inexpliqués ou contradictoires.

[24]       À l’appui de sa prétention, la plaignante fait un résumé toutefois erroné de la preuve offerte par l’intimé lors de la requête en rejet de la plainte en mars 2008. Elle indique[3] :

  Il n’a plus les documents d’analyse de besoins, du risque, etc., car ceux-ci avaient été transmis par fax et se sont effacés;

  Il a jeté des documents après sa rencontre avec Me Rioux en mars 2005;

  Heureusement pour lui, il a conservé la pièce D-3, qui démontre que M. Perron et Mme Roy avaient exactement besoin d’assurance vie de 100 000 $ et 50 000 $ respectivement.

[25]       Or, comme rapporté par le comité dans sa décision du 23 juillet 2008, rejetant la requête de l’intimé, ce dernier n’a, en aucun temps, dit qu’il n’avait plus l’ABF:

[13] ainsi, après la rencontre et vu le temps écoulé, l’intimé se serait départi des documents supportant son analyse des besoins financiers des clients (ci-après appelée ABF) pour ne conserver que « l’essentiel » soit les documents liés à ce dossier comme l’ABF, les fiches de communications (4 ou 5 pages) avec le point de vue personnel des clients et leurs intentions financières, document de douze (12) pages (ci-après appelé PVP), et les deux polices d’assurance.

[14] Les documents, dont il serait privé, consistent en ses notes manuscrites, sa feuille d’assurance ainsi qu’une feuille faisant état des calculs concernant l’immeuble. L’intimé ajoute que (sic) le passage du temps ne permettrait pas de se remémorer avec exactitude l’ensemble des discussions et rencontres qu’il a pu avoir avec les consommateurs en cause.

(Nos soulignés et note de bas de page omise)

[26]       Il en ressort donc que l’intimé avait conservé l’analyse de besoins financiers (D‑3), les fiches de communications (D-9) et le point de vue personnel des clients (PVP) (P-3).

[27]       En outre, la preuve non contredite a révélé qu’à la fin de son interrogatoire du 21 mars 2005, Me Rioux a mentionné à l’intimé que le dossier était complet et il a compris qu’elle n’y donnerait pas suite. Croyant le dossier clos, il a disposé de la majorité des documents en sa possession supportant l’ABF. 

[28]       Certes, on ne peut que déplorer cette façon d’agir plutôt téméraire de l’intimé à l’égard de ses obligations de représentant concernant la tenue des dossiers. Toutefois, le témoignage de l’intimé est fiable considérant, entre autres, le délai écoulé depuis les événements, sa rencontre de mars 2005 avec Me Rioux et le dépôt de la plainte en septembre 2006, près de 18 mois plus tard. 

[29]       Le comité donne foi au témoignage de l’intimé voulant que le document D‑3 soit le résultat de la cueillette des informations qu’il avait faite chez les clients au mois d’août 1999, ce qui n’a pas non plus été contredit.

[30]       Bien que M. Perron ait témoigné qu’il avait reçu, pour la première fois, une copie de ce document à l’occasion de la poursuite civile intentée contre l’intimé à la Division des petites créances de la Cour du Québec, insinuant ainsi une confection postérieure, cela ne contredit pas pour autant l’intimé. L’ABF est un document de travail du représentant et une copie n’est pas nécessairement remise ou exhibée au client. 

[31]       Le comité ne retient donc pas cette conclusion de la plaignante d’une confection postérieure de D-3, la preuve prépondérante au dossier ne le supportant pas. 

[32]       La plaignante allègue une contravention à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui énoncent :

6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d'assurance, analyser avec le preneur ou l'assuré ses besoins d'assurance, les polices ou contrats qu'il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements.

 

15. Avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits.

[33]       La preuve a démontré que l’ABF a été faite simultanément pour le couple au mois d’août 1999, mais que la valeur et autres informations sur la police d’assurance vie collective détenue par Mme Roy auprès de son employeur étaient encore incertaines et devaient être confirmées. La mention « vérifier » y apparaissant le corrobore.

[34]       Le document « point de vue personnel » (P-3) souligne l’existence de polices d’assurance tandis que l’ABF (D-3) précise le capital assuré tant pour l’assurance vie individuelle du couple que collective de Mme Roy.

[35]       Le fait pour l’intimé de ne pas avoir rempli de proposition pour Mme Roy avant juin 2000 (P-33) appuie son témoignage voulant qu’il se soit assuré de vérifier les éléments concernant les polices d’assurance vie afin d’en tenir compte dans son analyse.

[36]       Notons que sur le formulaire de proposition, la question quant aux polices existantes exclut expressément les contrats collectifs d’assurance, d’où la seule mention de l’assurance vie de 50 000 $ auprès de Clarica dans la proposition de Mme Roy.

[37]       Bien que l’intimé n’ait pas indiqué l’existence de la police d’assurance vie Clarica sur les deux propositions Performax de M. Perron, ceci ne suffit pas pour conclure qu’il n’en a pas tenu compte dans son analyse des besoins financiers puisque la valeur est notée dans l’ABF. Quant à la contravention potentielle résultant de cet oubli ou omission, rappelons qu’il n’y a pas de chef d’accusation le reprochant.

[38]       Quant au nom de l’assureur et autres caractéristiques du contrat, il n’y a pas lieu de mettre en doute le témoignage de l’intimé livré à Me Rioux en 2005 voulant que ces informations apparaissent sur un autre document qu’il n’a pas conservé. 

[39]       Le comité remarque que lors de la proposition de Mme Roy le 9 juin 2000, il aurait été souhaitable que l’intimé fasse mention à l’ABF qu’il avait procédé à sa mise à jour, ce qui aurait confirmé les valeurs inscrites tant au niveau des assurances qu’aux différents postes comme étant toujours valables en juin 2000.

[40]       Toutefois, compte tenu des circonstances particulières du présent dossier et que les événements reprochés remontent à la fin des années 1990 où les normes régissant la pratique de la profession étaient moins rigoureuses, le comité considère que l’ABF est acceptable en ce qui a trait aux informations relatives aux assurances vie.

[41]       Le document « point de vue personnel » (P-3), remis par l’intimé pour être complété par le client, classe sous différentes rubriques des informations comme les dépenses mensuelles, l’état des revenus, les perspectives financières, la valeur nette du patrimoine. Il comporte aussi une rubrique où les actifs sont détaillés. La valeur de l’immeuble, les revenus de location ainsi que le revenu net en découlant, les coûts de l’assurance habitation, de l’impôt ainsi que du solde de l’hypothèque et autres emprunts, des taxes foncières (qui paraissent être comprises dans le coût d'entretien et de services publics) s’y retrouvent. La date de remboursement du solde d’hypothèque du duplex, la valeur marchande de la résidence familiale et celle du chalet y sont également consignées. Notons que ce document regroupe les informations relatives tant à Mme Roy qu’à M. Perron.

[42]       Selon l’intimé, P-3 constituait un document préliminaire dans lequel les clients exposaient leur situation et leurs objectifs financiers. À partir des informations ainsi recueillies, l’intimé avait un portrait d’ensemble et voyait à obtenir les précisions nécessaires et utiles à la préparation de l’ABF. 

[43]       Ainsi, les clients lui ont précisé, entre autres, la valeur du duplex, le prix de vente d’une propriété voisine et la cristallisation de la valeur de l’immeuble établie en 1994.

[44]       Par ailleurs, comme la plaignante l'a soutenu, D-3 comporte des informations erronées, inexpliquées ou incomplètes.

[45]       Le comité a relevé, entre autres, sous la rubrique « actifs actuels », l’indication pour Mme Roy de 20 300 $ de REER alors que la preuve non contredite a révélé qu’au mois d’août 1999, celle-ci détenait en réalité 28 193 $. De plus, Mme Roy aurait remis à l’intimé tous ses documents à ce sujet lors de la rencontre du mois d’août 1999[4].

[46]       De même, selon la preuve, la valeur de 150 000 $ inscrite par M. Perron pour le duplex dans P-3 représentait sa valeur marchande tenant compte de la cristallisation mentionnée précédemment alors que pour l’intimé, ce montant repris dans l’ABF représentait la portion du prix de vente du duplex devant être mise de côté afin de garantir le coût de vie désiré par les clients, d’où la répartition de 75 000 $ pour chacun, mais sans expliquer comment il a établi ce montant.

[47]       En outre, bien que le couple Perron-Roy indique que le chalet, détenu conjointement, valait 30 000 $, l’intimé n’a pas pris en compte cet actif dans l’évaluation des besoins en assurance de M. Perron et ses explications fournies à ce sujet ont paru confuses et n’ont pas convaincu le comité.

[48]       Le comité rappelle que l’ABF constitue une démarche fondamentale qui permet au représentant de déterminer l’écart entre les besoins actuels du client et la situation financière qu’il recherche, ainsi que les meilleurs moyens pour combler cet écart. La justesse des données est donc primordiale. En conséquence, le comité estime que l’ABF contient des inexactitudes, des lacunes faisant en sorte qu’elle est incomplète et ne répond pas aux exigences de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[49]       Il ressort également de la preuve que la stratégie proposée par l’intimé au couple Perron-Roy reposait en grande partie sur l’existence d’une « bombe fiscale » que provoquerait la vente de leur duplex prévue quatre à cinq ans plus tard. Par conséquent, il se devait d’avoir pour appuyer sa recommandation une connaissance complète des faits, ce qui commandait de communiquer avec leur comptable pour valider les informations transmises par M. Perron.

[50]       Puisque le produit d’assurance vie Performax était proposé dans le cadre de leur plan de retraite et justifié en grande partie par l’impact fiscal que provoquerait la vente de leur duplex (bombe fiscale), les données fiscales relatives au duplex devenaient essentielles. À titre d’exemple, soulignons entre autres, l’information concernant :

  le pourcentage de l’immeuble consacré à la résidence principale;

  la récupération de l’amortissement sur le coût de base réajusté en 1994;

  l’exonération de gain en capital prise en 1994;

  la valeur marchande cristallisée.

[51]       Comme rapporté par la plaignante dans sa plaidoirie :

« La preuve prépondérante est à l’effet que M. Pelletier a déclaré au couple Roy-Perron que le duplex était une bombe fiscale, mais sans obtenir les informations ni faire les démarches nécessaires pour connaître le statut fiscal réel de l’immeuble. Or, pour évaluer l’impact fiscal de la vente d’un immeuble, il faut non seulement connaître ou estimer la valeur dudit immeuble, mais également connaître les avantages fiscaux dont il bénéficie. Dans le cas du couple Roy-Perron, la valeur d’achat du duplex avait été cristallisée dans les années 1990. Ceci réduisait le montant imposable lors de la vente, et donc le montant disponible pour cotiser aux REER. »[5]

[52]       Le comité conclut que l’intimé a contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière n’ayant pas démontré qu’il avait une connaissance complète des faits en ce qui concerne les données financières et fiscales relatives à l’immeuble avant de faire la recommandation en l’espèce.

[53]       La plaignante s’étant déchargée de son fardeau de preuve quant à ces chefs, le comité déclarera l’intimé coupable sous chacun des chefs 1 et 3.

CHEFS D'ACCUSATION 2 et 4

[54]       Ces chefs reprochent à l’intimé de ne pas avoir fourni aux clients des explications complètes sur la police Performax en ce qu’il ne leur a pas expliqué le mécanisme par lequel ils pourraient bénéficier des sommes investies (emprunt sur la police) comparativement aux contributions faites dans un REER (décaissement).

[55]       Les articles 10, 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui ont été allégués à l’appui de ces chefs énoncent ce qui suit :

10. Le représentant doit s'abstenir de toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou quant à l'efficacité de ses services ou quant à ceux de son cabinet ou de sa société autonome.

 

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

 

13. Le représentant doit exposer à son client ou à tout client éventuel, de façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit ou du service qu'il lui propose et s'abstenir de donner des renseignements qui seraient inexacts ou incomplets.

 

14. Le représentant doit fournir à son client ou à tout client éventuel les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation du produit ou des services qu'il lui propose ou lui rend.

 

16. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des déclarations ou des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur.

 

[56]       L’article 10 ne peut trouver application en l’espèce puisqu’aucune preuve n’a été offerte au sujet de fausses représentations par l’intimé quant à son niveau de compétence ou quant à l’efficacité de ses services.

[57]       En ce qui concerne l’article 12, la probité de l’intimé n’a pas été mise en cause. Toutefois, les obligations découlant du reste de cette disposition ainsi que celles découlant des articles 13, 14 et 16 visent les explications à fournir au client sur les produits offerts et seront traitées indistinctement.

[58]       Il a été établi qu’au moment de la rencontre avec l’intimé en 1999, M. Perron et son épouse recherchaient le meilleur placement possible en prévision de leur retraite prévue dans un délai de 9 à 11 ans[6]

[59]       En présence de versions contradictoires quant aux explications fournies par l’intimé au couple Perron-Roy, le comité a passé en revue leurs témoignages. Il a noté que M. Perron et Mme Roy montraient à plusieurs occasions des réticences à répondre, ne se souvenaient pas ou ne répondaient tout simplement pas aux questions. M. Perron, tout particulièrement, possédait une mémoire très précise[7], rapportant à un sou près les REER détenus par le couple en 1999, le gain en capital imposable suite à la vente de l’immeuble en 2004, mais avait une mémoire défaillante quand cela lui convenait[8].

[60]       Suivant M. Perron, l’intimé ne leur donnait pas beaucoup d’explications parlant plutôt « de la pluie et du beau temps ». Or, son épouse dit que, lors des rencontres avec l’intimé, son mari prenait beaucoup de notes en présence de ce dernier[9]. Ceci est appuyé par les notes manuscrites qu’elle a identifiées sur sa police comme étant celles prises par M. Perron (P-34, page 46.10). Celui-ci utilisa le terme « Éclipse », tout comme l’a fait l’intimé durant son témoignage et tel qu’écrit à côté de la mention du produit Performax sur l’ABF du couple (D-3). 

[61]       L’ensemble du témoignage de M. Perron et ce qui s’en dégage ont plutôt convaincu le comité qu’il n’est pas homme à donner sa confiance facilement. Il paraît peu probable qu’il ait accepté de remettre un chèque de 6 000 $ à l’intimé sans plus d’explications, se basant seulement sur des discussions autour « de la pluie et du beau temps ».

[62]       M. Perron a déclaré que l’intimé lui avait mentionné un taux d’intérêt de 8 % pour le produit Performax[10] alors que la police[11] ne fait mention d’aucun taux. Toutefois, le seul taux de rendement reconnu par l’intimé est de 6 % et discuté pour le calcul du capital nécessaire et des besoins du couple à la retraite et au décès. Ce taux se retrouve à D-3.

[63]       M. Perron dit qu’il a consulté en décembre 2003 un autre « conseiller en placement » qui lui aurait dit que Performax n’était pas un bon produit. C’est à cette occasion que ce conseiller aurait servi de témoin à la signature du testament olographe pourtant daté du 21 janvier 2000. M. Perron n’a pas réussi à expliquer cet écart de quatre ans lors du contre-interrogatoire[12]. Le comité croit que M. Perron a plutôt consulté cet autre conseiller en janvier 2000 puisqu’il ressort de la preuve que l’intimé avait recommandé aux clients de faire un testament dès 1999. 

[64]       Questionné sur les informations reçues de l’intimé quant au mécanisme de retrait des sommes investies dans la police Performax, M. Perron donne peu d’information, disant que les explications étaient « nébuleuses » ou ne pas s’en souvenir. Toutefois, il devient plus loquace sur sa compréhension des choses. Il savait qu’il ne s’agissait pas d’un REER[13] et qu’il s’agissait d’une assurance vie placement[14]

[65]       À propos de la stratégie proposée, il dit : « À la retraite, il nous disait de liquider notre, de prendre notre argent liquide qu’on avait à la banque puis ensuite de ça vider nos REER et ensuite de ça, bien prendre le Manuvie, c’est-à-dire le Performax. »[15]

[66]       Entre autres, par cette dernière réponse, M. Perron démontra avoir compris que les retraits du Performax devaient être faits une fois à la retraite, prévue dans un délai de 9 à 11 ans.

[67]       Il prétendit que l’intimé lui avait répondu qu’il pouvait faire des retraits ou décaissements des sommes investies dans le Performax n’importe quand comme pour les REER.

[68]       Or, le document intitulé « ce que vous devez absolument savoir » indique que le capital décès total et la valeur de rachat total se composent de la valeur garantie et de la valeur basée sur les participations qui, elles, ne sont pas garanties. Il y est également indiqué qu’une partie de la valeur de rachat totale peut être assujettie à l’impôt en cas de retrait ou de rachat du contrat. M. Perron et Mme Roy respectivement ont attesté par leur signature en février et juin 2000, avoir reçu ce document et l’avoir compris (P-17, p. 22.4 et P-33, p. 42.4).

[69]       Ce produit prévoyait qu’ils pouvaient tirer profit de l’assurance retraite, leur permettant de conserver leur police tout en bénéficiant des sommes qui y étaient accumulées. Une brochure de trois pages en vulgarisant le fonctionnement leur a été remise (D-6). 

[70]       M. Perron ne pouvait qu’être conscient que l’objectif poursuivi en contribuant aux REER et par le biais de l’assurance vie Performax, en l’espèce, était de générer des revenus à la retraite. Le comité doute sérieusement que M. Perron ne sût pas que tout décaissement avant cette échéance pût être assujetti à l’impôt ou à des pénalités selon le moyen choisi.

[71]       Quant à Mme Roy, elle dit qu’elle ne se rappelle pas les explications fournies par l’intimé et que c’était surtout son époux qui s’occupait de cela. Pourtant, lors de son interrogatoire en chef et du contre-interrogatoire, elle paraît avoir plutôt bien saisi la stratégie et le mécanisme de l’emprunt sur les valeurs accumulées dans Performax[16] :

Interrogatoire en chef (p. 187)

Q. Puis comment ça fonctionnait?

R. Comment ça fonctionnait?  C'est que on achetait une police d'assurance et qu'on pouvait mettre de l'argent, un peu plus d'argent que la prime, un peu plus d'argent et puis ça nous donnait de l'intérêt et qu'on allait pouvoir prendre notre retraite avec ça. Il nous expliquait qu'on commençait d'abord par finir nos REER à la retraite à soixante (60) ans, on finirait de, on prendrait nos REER jusqu'à cinquante-cinq (55) ans parce qu'après ça, ça tombait sur des FERR puis que c'était comme inutile de prendre des FERR parce qu'on allait payer de l'impôt, en tout cas, une histoire comme ça. Et puis après ça, on tombait sur les assurances. On retirait l'argent, ce qu'on avait mis de côté avec ce qu'on avait, comment je pourrais dire ça, comme les intérêts, on vivait avec les intérêts et puis que monsieur Pelletier nous disait et qu'après ça, bien on pouvait retirer de l'argent quand on voulait, comme on voulait puis que ça serait retenu sur notre police d'assurance à notre mort et que c'était tout.

Contre-interrogatoire (p. 225):

« Ce que monsieur Pelletier nous expliquait, c'est qu'on avait un peu quand même d'argent dans les REER, on vivait sur nos REER jusqu'à l'âge de soixante-cinq (65) ans. À soixante-cinq (65) ans, on commençait, on vidait les REER complètement. Ensuite, à soixante-cinq (65) ans ou à peu près, on commençait à vivre en empruntant sur, en fait on commençait à vivre sur les, il appelait ça l'argent qu'on avait accumulé sur notre police d'assurance. C'est ça que je comprenais. »

 

[72]       Ce qui est ainsi rapporté par Mme Roy, près de dix ans après les faits, milite en faveur de l’intimé. Puisque, suivant son témoignage, c’est son mari qui s’occupait principalement de cela, le comité considère que ce dernier a dû au moins recevoir et comprendre les mêmes explications qu’elle quant au mécanisme d’emprunt.

[73]       De son côté, l’intimé a répondu franchement aux questions même si, comme souligné par la plaignante, il y a eu certaines contradictions entre l’entrevue faite avec MRioux en mars 2005 et son témoignage de janvier 2009. Toutefois, ces contradictions ne portaient pas sur les éléments essentiels des infractions d’où la conclusion du comité que son récit a paru plus compatible avec l’ensemble des faits en l’espèce. 

[74]       Le contenu des fiches de communications de l’intimé (D-9) qui font état des sujets discutés et des actions à entreprendre suite aux entrevues avec les clients se concilie avec le témoignage de l’intimé voulant qu’il ne ce soit pas contenté de parler que « de la pluie et du beau temps » et qu’il ait fourni des explications sur le produit Performax et son usage dans la stratégie proposée. En voici quelques exemples :

  10 et 17 août 1999, assurance vie et placement, rendez-vous, PVP, budget, vente Performax pour Monsieur, décès, invalidité. Retraite etc.;

  12 octobre 1999, refus de l’assurance; test à passer, placement tout est O.K., r.v. en novembre;

  Octobre et novembre 1999, échanges à propos des testaments ainsi que de l’assurance vie;

  1er février 2000 r.v. remise de police, relevé REER, attestation de remise, vérifier testament, REER 2000;

  18 février 2000, envoie 2000 $ pour REER Julien, etc.;

  9 juin 2000, fournir des informations sur Performax et REER, présenter des projections, la mention de « bombe fiscale », faire les calculs et terminer la vente à Mme Roy de Performax pour 50 000 $;

  Août 2000, REER, dépôt Performax;

  Janvier 2003, révision annuelle, vente du bloc à venir, tout est O,K, pas de REER etc.;

  23 décembre 2003 et 20 janvier 2004, discussion d’un changement d’objectifs, REER et assurance vie, plainte de M. Perron, Performax ne serait pas un bon produit, aurait dû placer dans des REER, frustré, affaire avec un autre courtier;

  Avril 2004, demande de remboursement de Performax sinon journaux, etc.

[75]       La preuve prépondérante a démontré que l’intimé a proposé aux clients un plan en vue de leur retraite tenant compte de leur situation, de leurs objectifs (vendre le duplex et s’installer à St-Damien), des impacts fiscaux liés à leurs choix et de l’horizon de dix ans pour le début de la retraite d’où les valeurs de rachat arrêtées à 68 353 $ pour M. Perron et à 35 468 $ pour Mme Roy pour le Performax proposé.

[76]       Les déclarations de revenus pour l’année 2004, année de vente du duplex, démontrent que M. Perron et Mme Roy ont cotisé à leur REER en épuisant ainsi les déductions inutilisées des années antérieures. Ils ont ainsi suivi en partie la stratégie proposée en réduisant presque à néant l’impact fiscal du gain en capital découlant de la vente du duplex.

[77]       Ils ne pouvaient pas raisonnablement prétendre ne pas avoir compris que le Performax n’était pas semblable à un REER puisqu’ils savaient qu’ils souscrivaient à une assurance vie et qu’il s’agissait aussi d’un placement.

[78]       Ils ont attesté avoir lu et compris les informations essentielles par rapport à leur police Performax. Ces informations contenues au contrat d’assurance vie Performax étaient claires et sans équivoque quant aux modalités d’accès aux fonds accumulés de la police et à la nature du produit Performax.

[79]       Au surplus, M. Perron admet qu’en septembre 2004, son but en s’adressant à la syndique de la CSF était d’obtenir le remboursement de ses primes d’assurance. Se rendant compte qu’il n’était pas devant le bon forum pour ce qu’il recherchait (« qu’il n’y avait pas d’argent d’impliqué ici »[17]), il a intenté le recours civil d’où la réclamation à la Cour du Québec (D-11).

[80]       Enfin, l’analyse faite par la plaignante des commissions touchées par l’intimé pour démontrer son intérêt pécuniaire à vendre des polices Performax n’a pas convaincu le comité.

[81]       Comme le procureur de l’intimé l’a soutenu, cette analyse de la plaignante ne tient compte que des dernières années durant lesquelles le montant des commissions touchées pour le Performax est plus élevé que celui qui aurait été perçu pour des cotisations aux REER, mais ne tient pas compte des années subséquentes démontrant que la rémunération pour les REER dépasse celle versée pour le Performax.

[82]       La plaignante ne peut scinder ou limiter à quatre ans les commissions ainsi touchées puisque le produit Performax devait être maintenu, dans le cadre de la stratégie proposée, au moins dix ans. Par conséquent, pour comparer les deux produits et prétendre que la rémunération constituait la motivation de l’intimé, il fallait tenir compte des commissions pendant toutes ces années. 

[83]       Au surplus, le comité estime qu’en l’espèce, les commissions perçues ne sont pas pertinentes eu égard aux chefs d’accusation portés contre l’intimé.

[84]      La plaignante n’étant pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve, ces chefs seront rejetés.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sur chacun des chefs 1 et 3 portés contre lui;

DÉCLARE l'intimé non coupable sur chacun des chefs 2 et 4 portés contre lui;

CONVOQUE les parties à une audition sur sanction avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline.

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean 

Présidente du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Gaétan Magny

M. Gaétan Magny

Membre du comité de discipline

 

 

Me Marie-Claude Sarrazin, Me François Longpré et Me Marie-Ève Léveillé

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville et Me Marc Champagne

LA ROCHE ROULEAU ET ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

 12, 13 et 14 janvier 2009, 15 avril et 12 mai 2010.

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0651

 

DATE :

8 février 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

M. Gaétan Magny

Membre

______________________________________________________________________

 

Me MICHELINE RIOUX, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

 

c.

MICHEL PELLETIER, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives, représentant en épargne collective et planificateur financier (certificat 126 442)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 29 novembre 2011, à la suite de sa décision sur culpabilité rendue le 19 août précédent, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]           La plaignante déclara n’avoir aucune preuve à offrir, mais l’intimé choisit de témoigner.

[3]           Ensuite, les parties présentèrent leurs recommandations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           Pour chacun des deux chefs d’accusation retenus contre l’intimé lui reprochant une analyse incomplète des besoins financiers du couple client, la procureure de la plaignante recommanda d’imposer le paiement d’une amende de 5 000 $ totalisant ainsi 10 000 $.

[5]           Elle résuma brièvement les faits, référant notamment à la décision sur culpabilité (par. 48) où le comité rappelle combien la justesse des données inscrites et utilisées pour l’analyse des besoins financiers (ABF) est primordiale afin de faire la recommandation appropriée au client.

[6]           Ensuite, elle évoqua les facteurs à considérer suivants :  

Aggravants

  La gravité objective de l’infraction, l’ABF constituant la pierre d’assise du travail du représentant;

  L’expérience de 9 ans à titre de représentant au moment des infractions;

  Le préjudice pécuniaire subi par le couple.

 

Atténuants

  L’absence d’antécédent disciplinaire;

  L’absence de plainte à l’égard de l’intimé depuis les infractions commises il y a près de douze ans;

  Le nombre limité de consommateurs (un couple);

  L’existence d’un litige toujours pendant devant la Cour du Québec, Division des petites créances, suspendu en attendant la conclusion du dossier disciplinaire.


[7]           À l’appui de ses recommandations, elle déposa un cahier d’autorités contenant quatre décisions antérieures du comité.

[8]           Dans la première décision[18], rendue avant la dernière augmentation des amendes décrétée par le législateur en décembre 2009, une amende de 2 500 $ a été imposée à l’intimé pour une infraction relative à l’ABF alors qu’une amende de 5 000 $ fut imposée aux intimés dans les trois autres décisions[19] rendues après décembre 2009, dont une dans le cadre de recommandations communes.

[9]           Elle demanda également la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés ajoutant ne pas s’objecter à la demande de délai que l’intimé pourrait demander pour le paiement des dites amendes.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[10]        Le procureur de l’intimé proposa une réprimande sous chacun des deux chefs et une condamnation à 50 % des déboursés argumentant que seul deux des quatre chefs d’accusation portés par la plaignante avaient été retenus contre son client.

[11]        Au soutien de sa recommandation, il souligna l’absence d’intention malveillante ou de malhonnêteté de la part de l’intimé, sa collaboration tout au long de l’enquête, de même que la fiabilité de son témoignage (décision sur culpabilité, par. 73). Il signala aussi les six ans entre les faits reprochés et la rencontre au printemps 2005 avec la syndique de l’époque alors que celle-ci lui aurait indiqué qu’il n’avait pas à s’inquiéter et d’autre part les 18 mois, écoulés avant que la plainte ne soit déposée en septembre 2006.

[12]        Il ajouta que même s’il y avait deux chefs, il s’agissait d’un acte isolé puisque concernant un seul et même couple et insista pour rappeler que le but de la sanction n’était pas de punir le professionnel, mais bien de l’empêcher de récidiver. Sur ce dernier point, il rappela le témoignage de l’intimé indiquant qu’il a modifié sa pratique en conséquence. Dorénavant, il conserve des copies des documents consultés lors de son analyse et remet au client une description de son mandat.  

[13]        Au soutien de sa recommandation, il déposa trois décisions[20] qu’il commenta en soulignant les distinctions à faire entre le présent cas et ceux fournis par la partie plaignante.

[14]        Subsidiairement, si le comité croyait qu’il était plus approprié d’imposer des amendes, il s’est dit d’avis qu’elles devraient être minimales et demanda d’accorder à l’intimé un délai de 12 mois pour les acquitter, étant donné son état de santé qui fait en sorte qu’il subit désormais une baisse de revenus, puisqu’il ne peut travailler plus de trois heures par jour.

ANALYSE ET MOTIFS

[15]        Afin d’arriver à établir les sanctions justes et appropriées dans les circonstances, la sanction imposée par le comité doit coller aux faits du dossier et atteindre, dans la mesure du possible, les objectifs de protection du public, de dissuasion du professionnel de récidiver, d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et le droit du professionnel d’exercer sa profession[21]

[16]        La plaignante recommanda d’imposer à l’intimé une amende de 5 000 $ par chef estimant trouver appui sur trois décisions portant sur des chefs de même nature. L’intimé quant à lui proposa d’ordonner les amendes minimales (2 000 $).

[17]        Cependant, l’étude attentive des autorités soumises par la plaignante révèle qu’une amende de 5 000 $ fut retenue dans des cas où il y avait absence totale d’ABF ou des plus sommaires et souvent il s’agissait d’actes répétés.

[18]        Avec égards, le comité ne croit pas pouvoir suivre les suggestions de la plaignante, estimant que conclure comme elle le demande aurait un caractère punitif. Le cas présent se distingue en ce qu’il s’agit d’un acte isolé (un couple) et l’intimé a procédé à une cueillette de renseignements exhaustive, mais jugée incomplète puisque certaines des informations colligées se sont révélées erronées affectant en partie l’évaluation des besoins en assurance des clients. 

[19]        Aussi, même si le comité retient de façon générale les facteurs atténuants et aggravants identifiés par les parties, il est, par ailleurs, difficile de déterminer si les consommateurs ont réellement subi un préjudice pécuniaire résultant de la stratégie proposée par l’intimé puisqu’ils ne l’ont pas suivie. Ils ont plutôt choisi de vendre avant terme leur immeuble à revenus (duplex). Ils ont de même mis fin au Performax avant terme ce qui leur occasionna des pénalités ainsi que des pertes quant au capital investi.  

[20]        De plus, leurs déclarations de revenus démontrent qu’ils ont bénéficié, lors de la vente de leur duplex, du report des cotisations inutilisées au titre de leurs REER respectifs réduisant presque à néant l’impact fiscal sur le gain en capital réalisé sur la partie non résidentielle. Ce report des cotisations inutilisées pour déduction fiscale lors de la vente du duplex faisait partie de la stratégie proposée par l’intimé.

[21]        Néanmoins, les infractions commises sont objectivement sérieuses. Elles vont au cœur même de l’exercice de la profession, l’ABF constituant la pierre d’assise du travail du représentant en assurance.

[22]        Dans son appréciation, le comité estime ne pouvoir toutefois ignorer qu’il s’agit, somme toute, d’un acte isolé (un seul couple) commis il y a plus de 12 ans, de la baisse de revenus de l’intimé découlant de ses problèmes de santé et des honoraires professionnels qu’il a dû engager pour se défendre tant devant le comité que devant la Cour du Québec siégeant en appel. Au surplus, le risque de récidive paraît également plutôt faible, l’intimé ayant retenu la leçon et pris des mesures afin de s’assurer de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

[23]       Le comité condamnera donc l’intimé au paiement d’une amende de 3 500 $ sur chacun des chefs 1 et 3, étant d’avis que, dans les circonstances, ces sanctions sont justes et raisonnables et permettront d’atteindre les objectifs à ce titre. Aussi, le délai demandé par l’intimé pour le paiement des amendes sera accordé.

[24]       L’intimé sera condamné au paiement de 50 % des déboursés, étant donné que sa culpabilité a été retenue à l’égard de la moitié des chefs d’accusation portés contre lui.


PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 500 $ sur chacun des chefs 1 et 3, totalisant 7 000 $;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement des amendes, celui-ci devant s’effectuer au moyen de douze (12) versements mensuels, égaux et consécutifs commençant le 30e jour de la signification de la présente décision sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26) dans une proportion de 50 %.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean 

Présidente du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Gaétan Magny

M. Gaétan Magny

Membre du comité de discipline

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Marc Champagne

LA ROCHE ROULEAU ET ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

 29 novembre 2011

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-3 représente une version plus complète que celle soumise du même document sous D-2. 

[2] D-3 a été retenue par les parties comme étant la version complète dudit document au lieu et place de P‑4.

[3] Plaidoirie écrite de la plaignante, p. 6.

[4] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 185-186.

[5] Plaidoirie de la plaignante, p. 10.

[6] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 96.

[7] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 46 et 58.

[8] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 47 lignes 1 à 9.

[9] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 228, lignes 14 à 16.

[10] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 23.

[11] D-4, p. 22.24 et p. 22.29.

[12] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 73 et ss, contre-interrogatoire, p. 137 et ss.

[13] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 152.

[14] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 38-39.

[15] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 22.

[16] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 187-188 et p. 225.

[17] N.S. de l’audition du 12 janvier 2009, p. 167.

[18] Micheline Rioux c. Noureddine Haddaoui, CD00-0622, décision sur culpabilité rendue le 22 novembre 2007 et décision sur sanction rendue le 25 juin 2008.

[19] Venise Levesque c. Norman Burns, CD00-0731, décision sur culpabilité rendue le 15 juin 2009 et décision sur sanction rendue le 1er mars 2010; Caroline Champagne c. André Bégin, CD00-0827, décision sur culpabilité et sanction rendue le 31 mars 2011; et Léna Thibault c. Luc Borgia, CD00-0637, décision sur culpabilité rendue le 2 février 2009 et décision sur sanction rendue le 28 juillet 2011.

[20] Micheline Rioux c. Gilles Héroux, CD00-0634, décision sur culpabilité rendue le 13 septembre 2007 et décision sur sanction rendue le 8 février 2008; Micheline Rioux c. Benoit Girard, CD00-0617, décision sur culpabilité rendue le 4 avril 2008 et décision sur sanction rendue le 5 septembre 2008; et Micheline Rioux c. Linda Ringuette, CD00-0649, décision sur culpabilité rendue le 5 février 2008 et décision sur sanction rendue le 28 novembre 2008.

[21] Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090 (CA).

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