Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0700

 

DATE :

 1er mai 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Yvon Fortin, A.V.A.

Membre

M. Gilles C. Gagné, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

VENISE LEVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim

Partie plaignante

c.

MAUDE BOUCHER, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 5 mars 2008, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Saint-Étienne-de-Lauzon, entre le ou vers le 11 octobre 2005 et le ou vers le 8 décembre 2005, se servant de pages de signature du formulaire «Propositions électroniques d’assurance – Déclaration et autorisation»  signées par ses clients au soutien de propositions d’assurance antérieures, l’intimée, MAUDE BOUCHER, n’a pas exercé ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en modifiant les dates de proposition et/ou de signature ainsi que le numéro apparaissant à la section «Contrat ou proposition no » puis en transmettant par télécopieur ces pages de signature ainsi modifiées au soutien de nouvelles propositions d’assurance transmises électroniquement à la compagnie d’assurance Clarica, notamment pour les propositions d’assurance suivantes:

a)   le ou vers le 11 octobre 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Andrée Vaillancourt ;

b)   le ou vers le 18 octobre 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Gilles Maltais ;

c)   entre le ou vers le 28 octobre 2005 et le ou vers le 31 octobre 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Louise Bélanger et Augustin Lavoie ;

d)   le ou vers le 14 novembre 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Georgette Ducharme ;

e)   le ou vers le 24 janvier 2006, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Georgette Ducharme ;

f)    le ou vers le 15 novembre 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Michel Aubin ;

g)   le ou vers le 8 décembre 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro [...] au nom de Michel Aubin ;

contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ;

2.          À Québec, le ou vers le 20 septembre 2005, l’intimée ne s’est pas assuré d’obtenir la signature de l’un des deux souscripteurs à la page des signatures du formulaire Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» de la souscription de la police portant le numéro [...], notamment en laissant Lyne Blouin signer « Clément Pépin par Lyne Blouin» à la section des signatures des proposants, contrevenant ainsi à l’article  16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ; »

[2]           D'entrée de jeu, par l'entremise de son procureur, la plaignante demanda l'autorisation d'amender le premier chef d'accusation afin que soit substituée à la période indiquée : « Entre le ou vers le 11 octobre 2005 et le ou vers le 8 décembre 2005 » la période « Entre le ou vers le 17 août 2004 et le ou vers le 26 février 2006 ».

[3]           Après que lui eut été exposé le fondement de la demande et que l'intimée y eut consenti, celle-ci fut accordée par le comité.

[4]           L'intimée enregistra ensuite un plaidoyer de culpabilité sur chacun des deux (2) chefs d'accusation contenus à la plainte amendée.

[5]           Puis les parties, par la voie de leurs procureurs respectifs, entreprirent de présenter au comité leur preuve et représentations sur sanction.

LA PREUVE DES PARTIES

[6]           Alors que la plaignante produisit un cahier de pièces cotées P‑1 à P-32 inclusivement ainsi qu'un résumé des événements en cause, elle ne fit entendre aucun témoin. L'intimée quant à elle choisit de témoigner.

[7]           En résumé, elle déclara qu'au moment de la commission des infractions reprochées, elle n'était pas consciente, selon ses termes, « de l'ampleur » des gestes qu'elle posait.

[8]           Elle mentionna que puisqu'elle avait expliqué à ses clients « ce qui s'était passé », elle ne « pensait pas que ça pouvait être aussi grave ».

[9]           Elle affirma qu'à la suite de la plainte disciplinaire elle avait « compris » et avait « appris sa leçon ». Elle ajouta qu'elle « ne voulait jamais plus se retrouver » devant le comité de discipline.

[10]        Elle termina en soulignant qu'elle regrettait ses fautes et en assurant le comité qu'elle ne « re-commettrait plus jamais » celles-ci.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[11]        Recourant au résumé des faits qu'elle venait de produire, la plaignante présenta d'abord au comité un bref exposé des circonstances entourant la commission des infractions.

[12]        Elle proposa ensuite, tout en indiquant qu'il s'agissait de suggestions « communes » auxquelles les parties en étaient arrivées après une analyse sérieuse du dossier, l'imposition des sanctions suivantes :

Chef d'accusation numéro 1

[13]        L'imposition d'une radiation temporaire de deux (2) mois.

Chef d'accusation numéro 2

[14]        L'imposition d'une amende de 1 000 $.

[15]        Elle suggéra enfin la condamnation de l'intimée au paiement des déboursés et la publication de la décision.

[16]        À l’appui des recommandations précitées, elle produisit un cahier d'autorités qu'elle commenta et analysa au bénéfice du comité.

[17]        Puis l'intimée débuta ses représentations en confirmant, par l'entremise de son procureur, son accord aux suggestions « communes » présentées par la plaignante.

[18]        Ce dernier insista ensuite sur l'absence de malhonnêteté ou d'intention frauduleuse de la part de sa cliente.

[19]        Il mentionna que, tel qu'elle venait d'en témoigner, elle regrettait ses fautes et avait la ferme intention d'éviter de devoir se représenter à nouveau devant un comité de discipline.

[20]        Il indiqua que les gestes qui lui avaient été reprochés avaient été posés avec l'accord de ses clients et il évoqua l'absence, en l'espèce, de préjudice pour ces derniers (bien qu'admettant qu'en d'autres circonstances la situation aurait pu être fort différente).

[21]        Il souligna le plaidoyer de culpabilité de l'intimée sur chacun des chefs d'accusation portés contre elle ainsi que sa collaboration à l'enquête du syndic, notamment par l'admission de ses fautes dès ses premières communications avec les représentants de celui-ci.

[22]        Enfin, tout en avouant que l'intimée avait contrevenu à un engagement volontaire contracté auprès du syndic en 2005, il souligna en terminant son absence néanmoins de condamnations disciplinaires antérieures.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[23]        L'intimée exerce sa profession depuis 1993.

[24]        Outre un engagement volontaire contracté auprès du syndic le 13 avril 2005, elle n'a aucun antécédent disciplinaire.

[25]        Elle a collaboré à l'enquête du syndic, lui a admis ses fautes et, dès la première occasion, a plaidé coupable à chacun des chefs d'accusation portés contre elle.

[26]        Elle semble animée de regrets sincères ainsi que de la volonté de s'amender.

Chef d'accusation numéro 1

[27]        À ce chef, il est reproché à l'intimée son défaut d'exercer ses activités professionnelles avec compétence, honnêteté et intégrité.

[28]        Selon l'exposé des faits produit de consentement, elle se serait servie de pages de signature rattachées à des propositions d'assurance antérieures, les aurait modifiées puis, par télécopieur, les aurait transmises à l'assureur au soutien de nouvelles propositions.

[29]        Si l'on se fie à sa version non contredite des faits, elle obtenait d'abord l'accord de ses clients à reprendre le processus interrompu d'approbation de leur proposition d'assurance mais, plutôt que de prendre alors la peine de soumettre à l'assureur, tel que requis, une nouvelle proposition dûment signée par ces derniers, elle se servait de pages qu'ils avaient signées à l'égard de propositions antérieures, les modifiait (les numéros, les dates… etc.) et soumettait ensuite le tout à l'appui d'une nouvelle demande.

[30]        Dans de telles circonstances, l'intimée s'évitait d'avoir à rencontrer à nouveau ses clients ainsi que la nécessité de devoir remplir avec eux de nouvelles formules de propositions.

[31]        Selon ce qu'elle a affirmé, elle a agi de la sorte « notamment sur une base d'accommodement envers ses clients ».

[32]        L'intimée a agi ainsi à de nombreuses reprises. Le comité n'est pas en présence d'une faute isolée mais plutôt de manquements répétés, relativement systématiques.

[33]        Au moment des fautes qui lui sont reprochées, l'intimée avait treize (13) ans de pratique en assurance de personnes. Elles ne sont donc pas imputables à un manque d'expérience de sa part.

[34]        De plus, si en l'occurrence ses agissements n'ont pas causé de réel préjudice à ses clients, il aurait pu, en d'autres circonstances, fort bien en être autrement.

[35]        En résumé, l'intimée a modifié et « trafiqué » des documents importants devant comporter la signature des clients puis a transmis ceux-ci à l'assureur pour tenir lieu des documents exigés par ce dernier pour l'émission d'un contrat.

[36]        Comme l'a souligné le procureur de la plaignante, il ne s'agit pas d'une infraction technique mais d'une faute qui va au cœur même de l'exercice de la profession. Bien que les consommateurs ou les clients n'aient pas en l'espèce subi de réel préjudice, l'intimée a néanmoins mis en péril leurs droits (dans l'éventualité par exemple où ils auraient eu à présenter à l'assureur une demande d'indemnisation).

[37]        Il faut de plus garder à l'esprit que le 13 avril 2005 l'intimée contractait un engagement volontaire auprès du bureau du syndic. Elle s'engageait alors à respecter de façon stricte l'esprit et la lettre de l'ensemble des règlements relatifs aux activités des représentants. En commettant peu après les infractions qui lui sont reprochées, elle faisait de toute évidence défaut d'honorer cet engagement.

[38]        Par ailleurs, à sa décharge, il faut souligner que, selon ce qui a été suggéré au comité, elle n'aurait pas été motivée par une intention malhonnête. Elle aurait simplement cherché à s'éviter des inconvénients dont notamment peut-on penser les ennuis liés à des déplacements.

[39]        La situation présentée au comité de discipline dans l'affaire de Me Françoise Bureau c. Marc Da Costa, plainte CD00-0332 dont la décision est reproduite au cahier d'autorités présenté par la plaignante, bien que différente à plusieurs égards, présente néanmoins quelques similitudes avec le cas en l'espèce.

[40]        Dans cette affaire, l'intimé a été reconnu coupable d'avoir contrefait la signature de sa cliente. Ses manquements n'avaient cependant pas pour objet l'obtention de bénéfices personnels mais visaient simplement à s'éviter des démarches auprès de cette dernière.

[41]        Comme dans le cas qui nous occupe, les gestes posés par l'intimé ne comportaient en définitive aucune intention frauduleuse et il n'y avait eu en l'espèce aucune conséquence dommageable pour la cliente. À la suite de recommandations « communes » des parties, le comité a condamné l'intimé à une radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente sur chacun des chefs d'accusation portés contre lui.

[42]        Dans l'affaire Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec numéro 500-22-107059-050 dont le jugement est également reproduit au cahier d'autorités de la plaignante, la Cour du Québec était confrontée au cas d'un représentant reconnu coupable d'avoir contrefait (ou d'avoir induit une tierce personne à contrefaire) la signature d'un consommateur sur une proposition en vue d'une modification à une police d'assurance-vie. Dans sa décision, la Cour, après avoir rappelé que le représentant avait imité la signature des clients concernés, écrivait (p. 136 de la décision) :

« Le fait d'imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois, selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non. En l'espèce, le Tribunal ne peut pas conclure que l'appelant avait une telle intention. »

[43]        Dans de telles circonstances, la Cour du Québec imposa à l'intimée sur chacun des deux (2) chefs d'accusation concernés une période de radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[44]        C'est la sanction que les parties ont recommandé au comité d'imposer à l'intimé sur ce chef. Leur suggestion apparaît juste et appropriée.

[45]        L'intimée sera donc condamnée à une radiation temporaire de deux (2) mois sur ce chef.

Chef d'accusation numéro 2

[46]        À ce chef, il est reproché à l'intimée de ne pas s'être assurée d'obtenir la signature de l'un des deux souscripteurs à la page de signature d'une proposition électronique d'assurance en laissant Mme Lyne Blouin signer « Clément Pépin par Lyne Blouin ».

[47]        En l'occurrence, l'intimée a fait défaut de s'assurer d'obtenir la signature personnelle de M. Clément Pépin (M. Pépin) à la proposition d'assurance. C'est plutôt son épouse Mme Lyne Blouin qui a signé pour ce dernier parce qu'il ne pouvait être présent au rendez-vous. Elle y a indiqué : « Clément Pépin par Lyne Blouin ».

[48]        Or, tel que le mentionne clairement le document en cause, l'intimée, en y apposant sa propre signature au bas à titre de conseiller, confirmait alors avoir vu chaque personne mentionnée à la proposition dont en particulier M. Pépin, la signer, ce qui de toute évidence n'était pas le cas.

[49]        La formulation du document de souscription exigeait que l’intimée atteste avoir vu chaque personne mentionnée à la proposition la signer.

[50]        Sur ce chef, les parties ont suggéré conjointement au comité l'imposition d'une amende de 1 000 $.

[51]        Dans les circonstances du cas en l’espèce, le comité ne voit aucune raison valable pouvant le justifier de refuser de donner suite à la suggestion des parties. Celle-ci lui apparaît en effet raisonnable et appropriée.

[52]        L'intimée sera condamnée au paiement d'une amende de 1 000 $ sur ce chef.

[53]        Enfin, conformément à la suggestion des parties, le comité ordonnera la publication de la décision et condamnera l'intimée au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimée sur chacun des deux (2) chefs d'accusation contenus à la plainte amendée;

DÉCLARE l'intimée coupable des chefs d'accusation 1 et 2 contenus à la plainte amendée;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sur le chef d'accusation numéro 1 :

ORDONNE la radiation temporaire de l'intimée pour une période de deux (2) mois;

Sur le chef d'accusation numéro 2 :

CONDAMNE l'intimée au paiement d'une amende de 1 000 $;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l'intimée, dans un journal circulant dans la localité où celle-ci a son domicile professionnel un avis de la radiation ordonnée en vertu des présentes.

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions;

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Yvon Fortin______________________

M. YVON FORTIN, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Gilles Gagné_____________________

M. GILLES C. GAGNÉ, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Johanne Pinsonnault

Procureure de la partie plaignante

 

Me Jean-Guy Légaré

BOULIANNE LÉGARÉ

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

5 mars 2008

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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