Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0880

 

DATE :

12 avril 2012

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. Pierre Masson, A.V.A.

Membre

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Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. MARTIN PROTEAU, conseiller en sécurité financière (no de certificat 127910)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 31 janvier 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni à la Commission municipale du Québec, 10, Pierre-Olivier-Chauveau, Québec, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Québec, en mai 2000, l’intimé a signé à titre de témoin la proposition d’assurance vie AC0001741 hors la présence de R.G., alors qu’il n’a jamais rencontré ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r. 3);

2.             À Québec, en mai 2000, l’intimé a faussement déclaré avoir agi comme «agent ayant sollicité la proposition» en signant à ce titre la proposition d’assurance vie AC0001741 de R.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r. 3);

3.          À Québec, le ou vers le 1er août 2000, l’intimé a signé à titre de témoin la déclaration de l’assuré concernant la police AC0001741 hors la présence de R.G., alors qu’il n’a jamais rencontré ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r. 3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu l’intimé, représenté par procureur, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement de son plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une preuve documentaire cotée P-1 à P-5, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il déposa en preuve sous la cote D-1 une série d’admissions convenues entre les parties et choisit de témoigner.

[6]           Son témoignage consista d’abord à exposer au comité le contexte factuel rattaché aux fautes qui lui sont reprochées.

[7]           Il déclara ensuite regretter celles-ci et qu’il ne recommencerait plus.

[8]           Enfin il mentionna que si le comité devait convenir de lui imposer des amendes le moindrement substantielles, il « espérerait » que le comité puisse lui permettre d’en échelonner le paiement sur une période de douze (12) mois.

[9]           Par la suite, les parties présentèrent au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[10]        La plaignante débuta ses représentations en avisant le comité que les parties s’étaient entendues pour lui suggérer des « recommandations communes ».

[11]        Ainsi elle déclara que ces dernières avaient convenu de proposer au comité d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Sous le chef 1 : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $; Sous le chef 2 : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $; Sous le chef 3 : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $.

[12]        Elle ajouta que les parties avaient de plus convenu de recommander au comité de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[13]        Elle indiqua qu’elle ne s’objectait cependant pas à ce que soit accordé à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement des amendes mais « qu’elle s’en remettait à ce sujet à la décision du comité ».

[14]        Au soutien des sanctions suggérées, elle invoqua la gravité objective des infractions commises par l’intimé, ce dernier ayant témoigné à deux (2) reprises (chefs 1 et 3) de la signature d’un client qu’il n’a pas rencontré et faussement déclaré avoir agi comme l’agent ayant sollicité la proposition d’assurance-vie du client (chef 2) en signant celle-ci.

[15]        Elle indiqua que les fautes commises par l’intimé allaient au cœur de l’exercice de la profession.

[16]        Elle énuméra ensuite les facteurs atténuants dont elle avait tenu compte et pouvant être invoqués en faveur de l’intimé, soit :

a)       son absence d’antécédents disciplinaires;

b)       sa collaboration à l’enquête de la syndique;

c)        l’enregistrement par ce dernier d’un plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

d)       des manquements s’étant produits il y a plusieurs années alors que l’intimé était jeune et peu expérimenté à titre de représentant;

e)       l’absence d’intention malhonnête de sa part, l’objectif de ce dernier ayant été d’accélérer le traitement de la demande du client en cause;

f)         l’absence de recherche d’un avantage économique pour lui-même;

g)       un risque de récidive « très faible », l’intimé ayant indiqué lors de son témoignage qu’il regrettait ses gestes et qu’il « ne referait plus jamais ceux-ci ».

[17]        Par la suite, après l’énumération des objectifs qui doivent guider le comité dans l’imposition de la sanction, soit :

a)            la protection du public;

b)            la dissuasion; (Elle indiqua à ce sujet qu’elle était d’avis que les amendes recommandées auraient l’effet recherché.)

c)            l’exemplarité; (La plaignante se déclara d’avis que les sanctions recommandées étaient de nature à passer le message à l’ensemble des représentants que des gestes tels ceux reprochés à l’intimé ne seraient pas tolérés.)

d)            le droit de l’intimé à continuer à exercer sa profession; (La plaignante indiqua que celui-ci n’était pas en cause puisqu’aucune sanction de radiation n’était réclamée contre l’intimé.)

elle indiqua qu’à son avis les suggestions proposées par les parties respectaient tant les facteurs objectifs et subjectifs propres au dossier que les paramètres jurisprudentiels applicables.

[18]        Elle cita à cet égard deux (2) décisions antérieures du comité, soit celle de Plamondon[1] et celle de Baillargeon[2]. Elle termina en mentionnant que dans l’affaire Plamondon, l’intimé, reconnu coupable d’infractions comparables à celles reprochées à l’intimé aux chefs 1 et 3, avait été condamné au paiement d’une amende de 4 000 $ sur chacune d’elles alors que dans l’affaire Baillargeon le comité avait condamné l’intimé pour une infraction de même nature au paiement d’une amende de 3 000 $.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[19]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en indiquant au comité qu’à son avis les erreurs commises par son client avaient toutes les caractéristiques d’une « erreur de jeunesse ».

[20]        Il ajouta que ce dernier avait agi sans aucune intention malhonnête ou malveillante et n’avait aucunement été motivé par l’appât du gain.

[21]        Il rappela ensuite le contexte factuel rattaché aux fautes commises par son client déclarant que celui-ci avait agi avec l’objectif de satisfaire le plus rapidement possible le client et dans l’intérêt de ce dernier. Il mentionna enfin que celui-ci n’avait subi aucun préjudice.

[22]        Il affirma que l’intimé ne représentait aucun danger pour le public, que ses fautes dataient déjà de plusieurs années, qu’il n’avait pas d’antécédents disciplinaires et résuma la situation en déclarant que de toute évidence il s’agissait strictement chez lui d’un simple « accident de parcours ».

[23]        Il termina en indiquant qu’il était en accord avec les suggestions de la plaignante et en rappelant la demande de son client pour qu’un délai d’une (1) année lui soit accordé pour le paiement des amendes suggérées.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[24]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire. Les infractions qui lui sont reprochées remontent à plusieurs années alors qu’il était plus jeune et peu expérimenté.

[25]        Son honnêteté, son intégrité et/ou sa compétence ne sont aucunement en cause.

[26]        Il a entièrement collaboré à l’enquête de la syndique et a, à la première occasion, enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des trois (3) chefs d’accusation portés contre lui.

[27]        Il n’a pas agi à la recherche d’un avantage économique pour lui-même. Ce qui a guidé son comportement, c’est une volonté d’accélérer le traitement de la demande du client pour l’émission d’une police d’assurance-vie. Ce dernier n’a subi aucun préjudice des fautes de l’intimé.

[28]        De l’avis du comité, les risques de récidive sont en l’espèce plutôt faibles. L’intimé a rendu un témoignage crédible où il a déclaré sincèrement regretter les gestes qu’il a posés et où il a indiqué qu’il « ne les referait plus ».

[29]        Néanmoins les fautes qu’il a commises vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à discréditer celle-ci.

[30]        Au plan des sanctions qui doivent lui être imposées, les parties ont soumis au comité ce qui dans le langage courant des avocats est qualifié de « suggestions communes ».

[31]        Or, lorsque comme en l’espèce les parties s’entendent pour présenter au comité de telles recommandations, ce dernier doit faire preuve de beaucoup de prudence avant de s’en dissocier.

[32]        Dans l’arrêt Douglas[3], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué que lorsque les parties, représentées par leur procureur, à la suite de pourparlers sérieux, en sont arrivées à s’entendre pour présenter au tribunal des recommandations conjointes, leurs suggestions ne devraient être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[4].

[33]        En l’instance, après révision du dossier et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs exposés par les parties, le comité ne croit pas qu’il serait justifié de refuser de souscrire à leurs recommandations.

[34]        Les sanctions suggérées apparaissent respecter les paramètres jurisprudentiels applicables et, en l’absence d’une situation qui le justifierait de s’écarter des recommandations conjointes des parties, le comité doit y donner suite.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous chacun des chefs 1, 2 et 3 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des chefs 1, 2 et 3 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $;

Sous le chef 2 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $;

Sous le chef 3 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement des amendes, lequel devra cependant s’effectuer au moyen de versements mensuels égaux et consécutifs débutant le 30e jour de la présente décision sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Pierre Masson____________________

M. PIERRE MASSON, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PREVOST, BELISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Guy Massicotte

PETITCLERC MASSICOTTE PÉPIN GOULET

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

31 janvier 2012

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Venise Levesque c. Pierre Plamondon, CD00-0767, décision sur culpabilité et sanction en date du 24 novembre 2010.

[2]     Venise Levesque c. Marcel Baillargeon, CD00-0777, décision sur culpabilité en date du 25 mars 2010 et décision sur sanction en date du 20 septembre 2010.

[3]     R. c. Douglas, 2002, 162 C.C.C. (3rd, 37).

[4]     Ce principe a été retenu en droit disciplinaire. Voir à cet effet Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002; Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027.

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