Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0697

 

DATE :

4 février 2009

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Michel Dyotte, A.V.C.

Membre

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre

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Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. MARIO ANCTIL

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 4 septembre 2008, au salon Chicoutimi de l'Hôtel des Gouverneurs, 975, rue Hart, Trois-Rivières et les 9 et 31 octobre 2008, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte amendée portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE AMENDÉE

« 1.      À Trois-Rivières, à compter du 18 juin 2003, alors que son client, René Dubé, désirait faire un investissement suite à un héritage, l’intimé, MARIO ANCTIL, s’est placé dans une situation de conflit d’intérêt en proposant à son client un «placement hypothécaire» de 32 000 $ par le biais de sa compagnie 9107-1100 Québec inc., dont il est l’unique administrateur et actionnaire, somme qu’il a, par la suite, refusé ou négligé de rembourser à son client et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, de même qu’aux articles 11, 17, 18, 19 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

2.          À Trois-Rivières, à compter du ou vers le 18 juin 2003, l’intimé, MARIO ANCTIL, alors que son client, René Dubé, désirait investir la somme de 18 000$, suite à un héritage, dans le contrat souscrit auprès de La Maritime, compagnie d’assurance-vie (devenue la Financière Manuvie) portant le numéro 10,370,265, s’est placé en conflit d’intérêt en proposant à son client d’investir temporairement cette somme jusqu’à la campagne REER 2004 dans un «placement hypothécaire» par le biais de sa compagnie 9107-1100 Québec inc., dont il est l’unique administrateur et actionnaire, somme qu’il a, par la suite, fait défaut de déposer avec les intérêts dans ledit contrat souscrit auprès de la compagnie Manuvie et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, de même qu’aux articles 11, 17, 18, 19, 33 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

3.          (…);

4.          À Trois-Rivières, entre le ou vers le 7 mai 2007 et le ou vers le 15 octobre 2007, l’intimé, MARIO ANCTIL, a fait défaut de collaborer à une enquête du bureau du syndic, notamment en tardant à répondre et/ou en omettant de répondre de façon complète aux correspondances des 28 février 2007, 23 mai 2007 et 23 juillet 2007 de Françoise Blouin, enquêteur assigné à cette enquête, le tout contrairement à l’article 342 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 42 et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; »

[2]           Lors du premier jour, soit le 4 septembre 2008, l'intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité sur chacun des trois (3) chefs d'accusation mentionnés à la plainte amendée. L'audition sur sanction fut alors fixée au 9 octobre 2008.

[3]           Le 9 octobre 2008, celle-ci fut reportée au 31 octobre 2008, date à laquelle les parties entreprirent de présenter au comité leurs preuve et représentations à cet égard.

[4]           La plaignante produisit alors une preuve documentaire cotée P-1 à P-24 tandis que l'intimé produisit une preuve documentaire, cotée I-1 et I-2, et choisit de brièvement témoigner.

[5]           Par la suite les parties, après avoir résumé le déroulement des événements liés aux trois (3) chefs d'accusation, proposèrent, à titre de « recommandations conjointes », l'imposition des sanctions suivantes.

[6]           Sur chacun des chefs d'accusation 1 et 2 : la radiation temporaire de l'intimé pour une période d'une année à être purgée de façon concurrente.

[7]           Sur le chef d'accusation 3 : la condamnation de l'intimé au paiement d'une amende de 3 000 $.

[8]           Les parties terminèrent en suggérant au comité de prononcer une ordonnance de publication de la décision et de condamner l'intimé au paiement des déboursés.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chefs 1 et 2

[9]           L'intimé exerce sa profession depuis octobre 1989.

[10]        En août 2001, il fit souscrire à son client, M. René Dubé (M. Dubé), un placement (REER) dans un fonds distinct auprès de La Maritime compagnie d'assurance-vie (La Maritime).

[11]        En juin 2003, ce dernier reçut par voie successorale une somme d'environ 52 000 $ et rencontra l'intimé pour discuter de la façon d'investir son héritage.

[12]        Il fut alors convenu qu'une partie de celui-ci, soit la somme d'environ 18 000 $ serait investie dans le fonds distinct de La Maritime. (Ladite somme représentait la cotisation REER inutilisée de M. Dubé pour l'année 2003.)

[13]        Il fut aussi entendu que ladite somme serait temporairement placée jusqu'à la campagne REER 2004 auprès de la société 9107-1100 Québec inc. dont l'intimé était l'unique actionnaire.

[14]        Également, il fut décidé qu'une somme de 32 000 $ serait investie auprès de la même société à titre de prêt portant intérêt à 7,5 % l'an pour un terme de trois (3) ans.

[15]        Puis, conformément à l'entente, le ou vers le 27 février 2004, l'intimé transmit à Manuvie[1], pour être déposé dans le contrat REER de son client, un chèque tiré sur le compte bancaire de la société 9107-1100 Québec inc. au montant de 18 880 $.

[16]        Ledit chèque fut cependant retourné par l'institution avec la mention « fonds insuffisants » et l'intimé en fut avisé.

[17]        Ce dernier fit cependant défaut de remplacer le chèque si bien que la somme de 18 800 $, contrairement à l'entente intervenue, ne fut pas versée au compte REER de M. Dubé.

[18]        Par ailleurs, au mois de juin 2006, à l'échéance du prêt de 32 000 $ consenti à 9107-1100 Québec inc., l'intimé fit tenir à son client, en acquittement de celui-ci et des intérêts, un chèque postdaté au 29 août 2006 au montant de 39 753 $ mais informa par la suite ce dernier que ledit chèque ne pourrait être encaissé. L'intimé mentionna alors à son client qu'il éprouvait des difficultés à le rembourser.

[19]        Et malgré qu'il ait toujours reconnu devoir à son client les sommes en cause, ce n'est que le 31 octobre 2008, à la dernière journée d'audition, que l'intimé remboursa à ce dernier les sommes qui lui étaient dues.

[20]        Il lui remit alors un ou des chèques certifiés représentant le remboursement de la somme de 18 880 $ plus les intérêts courus au taux annuel de 7,5 % depuis le 1er mars 2004 ainsi que le remboursement de la somme de 39 753 $ plus les intérêts courus au taux annuel de 10 % depuis le 28 août 2006.

[21]        De ce qui précède et bien qu'il ait en bout de compte remboursé son client de tous les montants qui lui étaient dus avec les intérêts convenus, il appert clairement que l'intimé a transgressé une règle déontologique claire, notamment l'article 19 de son Code de déontologie. Celui-ci défend en termes précis aux représentants de conseiller à leurs clients des placements dans une personne morale dans laquelle ils ont directement ou indirectement un intérêt significatif.

[22]        En se comportant tel qu'il l'a fait, l'intimé a fait défaut d'agir en conseiller consciencieux. Il a subordonné les intérêts de son client aux siens avec les conséquences difficiles qui en ont résulté pour ce dernier.

[23]        Les gestes posés par l'intimé sont indignes d'un conseiller en sécurité financière dont le mandat, lorsqu'il s'agit de leurs placements, est d'aviser et guider ses clients dans leur meilleur intérêt.

[24]        La gravité objective des fautes commises par l'intimé qui touchent directement à l'exercice de la profession est indiscutable même si le dossier n'a démontré aucune intention malhonnête de sa part.

[25]        Enfin, s'il n'a pas totalement refusé de collaborer à l'enquête de la syndic, sa collaboration n'aurait été que partielle.

[26]        De plus, il a un antécédent disciplinaire qui remonte au 28 janvier 1997. Ce qui doit particulièrement être souligné à l'égard de celui-ci est que l'un des chefs d'accusation pour lesquels il a alors été déclaré coupable est une infraction de la même nature que celle qui lui est reprochée au chef numéro 4.

[27]        Par ailleurs, le comité n'est pas en présence d'une situation de fautes répétitives mais plutôt d'un événement unique (comportant deux volets) où un seul client est concerné.

[28]        L'intimé avait quatorze (14) ans d'expérience au moment des événements reprochés. Il est présentement âgé de 54 ans.

[29]        Une fois que les chefs d'accusation ont été modifiés pour refléter ce qui était à son avis les fautes qui méritaient de lui être reprochées, il a plaidé coupable à ceux-ci.

[30]        Il s'est excusé auprès des membres de la famille de son client et auprès de ce dernier des difficultés et angoisses qu'il leur a fait vivre.

[31]        Aussi le comité, après avoir examiné attentivement le dossier, les pièces produites et revu à la lumière des autorités soumises les sanctions suggérées par les parties, est d'avis que celles-ci sont justes et appropriées.

[32]        Le comité donnera donc suite aux recommandations des parties sur ces chefs et condamnera l'intimé sur chacun d'eux à une radiation temporaire d'une année à être purgée de façon concurrente.

Chef 4

[33]        Relativement au reproche adressé à l'intimé au chef numéro 4, il ressort du dossier qu'alors que le 28 février 2007 l'enquêteur au bureau du syndic, Mme Françoise Blouin, lui transmettait une correspondance lui demandant notamment de fournir sa version des faits relativement aux événements précédemment mentionnés, ce dernier, sans alors totalement refuser de collaborer à l'enquête, s'est comporté de façon insouciante et négligente.

[34]        Par ailleurs, tel que souligné précédemment, ce dernier a déjà antérieurement été déclaré coupable d'une infraction semblable.

[35]        Ne voyant donc dans les circonstances aucun motif de se dissocier de la recommandation des parties, le comité condamnera l'intimé sur ce chef au paiement d'une amende de 3 000 $.

[36]        Enfin, conformément à la recommandation des parties, le comité ordonnera, aux frais de l'intimé, la publication de la décision et condamnera ce dernier au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimé relativement à chacun des trois (3) chefs d'accusation contenus à la plainte amendée;

DÉCLARE l'intimé coupable de tous et chacun des trois (3) chefs d'accusation contenus à la plainte amendée;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sur les chefs 1 et 2 :

ORDONNE sur chacun desdits chefs la radiation temporaire de l'intimé pour une période d'une année, lesdites sanctions de radiation devant être purgées de façon concurrente;

Sur le chef d'accusation 4 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 3 000 $;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans la localité où l'intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l'article 156-5 du Code des professions;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Michel Dyotte

M. MICHEL DYOTTE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Archambault

M. ROBERT ARCHAMBAULT, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Johanne Pinsonnault

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure de la partie plaignante

 

Me Gilles Lafrenière

CLAIR, LAPLANTE, CÔTÉ

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

 4 septembre, 9 et 31 octobre 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     La Maritime avait été fusionnée ou absorbée par la Financière Manuvie (Manuvie).

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