Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0698

 

DATE :

24 mars 2009

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. François Faucher

Membre

M. Robert Chamberland, A.V.A., Pl. fin.

Membre

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Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. MARCEL VIGNEAULT, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Les 17 et 18 février 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux de la Cour fédérale du Canada, au Palais de justice de Québec, à Québec, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Québec, le ou vers le 13 mars 1998, l’intimé Marcel Vigneault, alors qu’il faisait souscrire son client André Savard à un contrat de fonds distincts de la compagnie Transamerica (portant le numéro M04107262), a fait défaut de respecter le mandat qui lui avait été confié par son client et ce, en faisant une répartition inappropriée du portefeuille de placement compte tenu des objectifs financiers et de l’horizon de placement du client, contrevenant ainsi à l’article 145 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes;

2.          À Québec, le ou vers le 14 mai 1998, l’intimé Marcel Vigneault, alors qu’il faisait souscrire sa cliente Jeannette Caron Savard à un contrat de fonds distincts de la compagnie Transamerica (portant le numéro M04073808), n’a pas respecté le mandat qui lui avait été confié par sa cliente et ce, en faisant une répartition inappropriée du portefeuille de placement compte tenu des objectifs financiers et de l’horizon de placement de la cliente, contrevenant ainsi à  l’article 145 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes;

3.          À Québec, le ou vers le 9 février 2000, l’intimé Marcel Vigneault, alors qu’il exerçait l’option de réinitialisation des placements numéros M04073810 et M04107262 de la compagnie Transamerica, a fait défaut de respecter le mandat qui lui avait été confié par son client André Savard et ce, en maintenant une répartition inappropriée du portefeuille et en retardant l’échéance de la garantie compte tenu des objectifs financiers et de l’horizon de placement du client, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

4.          À Québec, le ou vers le 9 février 2000, l’intimé Marcel Vigneault, alors qu’il exerçait l’option de réinitialisation du placement numéro M04073808 de la compagnie Transamerica, a fait défaut de respecter le mandat qui lui avait été confié par sa cliente Jeannette Caron Savard et ce, en maintenant une répartition inappropriée du portefeuille et en retardant l’échéance de la garantie compte tenu des objectifs financiers et de l’horizon de placement du client, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

5.         À Québec, à compter de 2001, l’intimé Marcel Vigneault alors qu’il effectuait les transactions mentionnées aux chefs 1 à 4 de la présente plainte, pour le compte de ses clients André Savard et Jeannette Caron Savard, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en n’exposant pas de façon complète et objective les renseignements nécessaires à la compréhension des produits et, plus particulièrement, a fait défaut de mentionner aux clients l’information suivante :

-que les retraits avaient pour effet d’affecter directement et de compromettre la valeur garantie de ces placements;

Et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 12, 13 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; »

RETRAIT DES CHEFS 3 ET 4

[2]           D'entrée de jeu, la plaignante demanda l'autorisation de procéder au retrait des chefs 3 et 4.

[3]           Pour les motifs invoqués par cette dernière, le retrait desdits chefs fut autorisé par le comité.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]           L'intimé enregistra ensuite un plaidoyer de culpabilité sur les chefs 1, 2 et 5 à la suite de quoi les parties débutèrent la présentation de la preuve sur sanction.

[5]           La plaignante produisit alors de consentement, sous les cotes P-1 à P-44, les documents pertinents de son dossier d'enquête et l'audition fut ajournée au lendemain.

[6]           Le lendemain, l'intimé choisit de témoigner et produisit à titre de preuve documentaire ses déclarations fiscales pour les années 2005, 2006 et 2007.

[7]           Les parties soumirent ensuite leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           Signalant dès le départ que ses suggestions s'éloignaient quelque peu des sanctions habituelles imposées en semblable matière, la plaignante présenta au comité les suggestions qui suivent, qu'elle qualifia de recommandations « communes » sur sanction.

[9]           Sur le chef numéro 1, elle proposa la condamnation de l'intimé au paiement d'une amende de 1 500 $.

[10]        Sur le chef numéro 2, elle proposa l'imposition d'une réprimande.

[11]        Sur le chef numéro 5, elle proposa la condamnation de l'intimé au paiement d'une amende de 1 000 $.

[12]        Elle enchaîna en réclamant la condamnation de l'intimé au paiement des déboursés, soulignant que sur ce point il y avait divergence entre les parties.

[13]        À l'appui de ses recommandations, elle produisit un cahier d'autorités qu'elle commenta.

[14]        Elle conclut en exposant succinctement les événements liés à la plainte et en soulignant que l'intimé, bien que fautif, n'avait pas agi de mauvaise foi et n'avait nullement, en l'espèce, tenté de faire passer ses intérêts personnels avant ceux de son client.

[15]        Elle résuma la situation en indiquant que les fautes de l'intimé pouvaient se résumer à son défaut d'informer adéquatement son client et plaida que l'ensemble des circonstances liées au dossier militait en faveur des sanctions suggérées.

[16]        Enfin, relativement aux déboursés, elle invoqua que la règle habituelle voulant que la partie qui succombe en assume l'entier paiement ne devrait être mise de côté que dans des situations particulières et exceptionnelles que l'on ne retrouvait pas en l'espèce.

[17]        Elle suggéra néanmoins que si le comité jugeait à propos d'accorder à l'intimé un délai pour le paiement de ceux-ci, celui-ci ne devrait, tout au plus, dépasser six (6) mois.

REPRÉSENTATIONS DE L'INTIMÉ

[18]        La procureure de l'intimé débuta ses représentations en soulignant certains éléments factuels propres au dossier ainsi que l'absence de préjudice significatif pour les clients en cause.

[19]        Elle mentionna ensuite l'absence d'antécédents disciplinaires de l'intimé et, référant au témoignage de ce dernier, souligna qu'il était maintenant âgé de plus de 77 ans et à la retraite après avoir exercé pendant plus de trente-cinq (35) ans son métier de représentant.

[20]        Elle indiqua qu'il n'avait pas l'intention de reprendre l'exercice de la profession et que, ne serait-ce que de ce point de vue, la protection du public était assurée.

[21]        Elle mentionna son accord aux sanctions proposées par la plaignante mais suggéra de limiter à 50 % la condamnation de l'intimé au paiement des déboursés. Elle réclama de plus qu'un délai d'une année lui soit accordé pour le paiement de ceux-ci.

[22]        À l'appui de ses recommandations relatives aux déboursés, elle invoqua les faibles moyens financiers de son client, son plaidoyer de culpabilité ainsi que le fait que l'expertise de la plaignante n'avait pas été déposée en preuve.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[23]        L'intimé est maintenant âgé de plus de 77 ans. Il est à la retraite et n'exerce plus sa profession depuis le 30 novembre 2008 n'ayant pas alors renouvelé ses permis. Il n'a pas l'intention d'en reprendre l'exercice.

[24]        Il n'a aucun antécédent disciplinaire en plus de trente-cinq (35) ans de pratique.

[25]        Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité évitant à la plaignante des frais inutiles et aux témoins une expérience quelquefois difficile.

[26]        Par ailleurs, même si trois (3) chefs d'accusation sont en cause, les fautes qui lui sont reprochées découlent essentiellement de sa relation d'affaires avec un seul client, M. André Savard, qui agissait en tout temps pertinent tant pour lui-même que pour son épouse.

[27]        Le comité est donc confronté à « un incident isolé au cours d'une longue carrière semble-t-il sans taches ».[1]

[28]        De plus, les clients n'ont subi que peu ou pas de dommages des fautes de l'intimé. Les transactions qu'il leur a proposées ont fait passer leur investissement de départ de 80 000 $ à une somme de 145 000 $ qu'ils pourront retirer en 2010.

[29]        Enfin l'intimé ne possède ou ne dispose d'aucun actif véritable. Lui-même et son épouse ne touchent annuellement que de faibles revenus pour subvenir à leurs besoins. Leur situation financière semble quelque peu précaire.

[30]        Aussi, bien que les « suggestions communes » des parties soient en deçà des sanctions habituellement proposées pour le type d'infractions en cause, le comité est néanmoins d'avis, dans les circonstances et compte tenu que l'intimé, tel que nous le verrons ci-après, devra assumer le paiement des déboursés, qu'elles sont justes et appropriées. Il y donnera suite.

[31]        Pour ce qui est des déboursés, puisqu'en vertu des particularités des dispositions du Code des professions ceux-ci peuvent être relativement substantiels et considérant que l'intimé sera également condamné à payer les amendes précédemment mentionnées, le comité, s'il ne se croit pas justifié de passer outre à la règle qui veut que la partie qui succombe en assume la totalité du paiement, est cependant d'avis qu'il serait juste et équitable d'accorder à l'intimé, exceptionnellement, un délai de dix-huit (18) mois pour le paiement de ceux-ci et il lui accordera un tel délai.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable de chacun des  chefs d'accusation 1, 2 et 5;

ET STATUANT SUR LA SANCTION 

Sur le chef d'accusation 1 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 1 500 $;

Sur le chef d'accusation 2 :

IMPOSE à l'intimé une réprimande.

Sur le chef d'accusation 5 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 1 000 $;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions;

ACCORDE à l'intimé un délai de dix-huit (18) mois pour le paiement des déboursés, lequel devra s'effectuer au moyen de versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le 30e jour de la signification de la présente décision sous peine de déchéance du terme.

 

 

(s) François Folot ____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) François Faucher _________________

M. FRANÇOIS FAUCHER

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland  ______________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A., Pl. fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Donald Béchard

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Annie Pelletier

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

Les 17 et 18 février 2009.

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Voir Me Micheline Rioux c. Carmen Aubertin, CD00-0668.

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