Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0838

 

DATE :

18 juillet 2011

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Catherine Felber, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

Mme Louise Bordeleau

Membre

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Me NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. MARC BLAIS (Certificat : 103 415)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 21 mars 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE R.B. ET J.G.

1.             À Laval, le ou vers le 3 mai 2007, l’intimé a contrefait la signature de R.B. et J.G. sur un «Accusé de réception de contrat», contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

2.          À Laval, le ou vers le 3 mai 2007, l’intimé a contrefait la signature de R.B. et J.G. sur une «Illustration» relative à la souscription de la police d’assurance vie numéro 00-4481653-9, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01). »

[2]           Alors que la plaignante était représentée par son procureur, Me Sylvie Poirier, l’intimé bien que dûment convoqué était absent.

[3]           Après un certain temps d’attente, la plaignante, par l’entremise de son procureur, demanda à être autorisée et fut autorisée à procéder par défaut.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           D’entrée de jeu, le procureur de la plaignante indiqua au comité qu’à la suite de discussions et de pourparlers avec l’intimé, ce dernier, après lui avoir déclaré qu’il entendait plaider coupable aux deux (2) chefs d’accusation, lui avait fait tenir un plaidoyer de culpabilité écrit. Elle déposa celui-ci au dossier sous la cote P-10.

[5]           Elle souligna au comité que lors de ses entretiens avec l’intimé elle lui avait fortement recommandé d’être présent à l’audition mais ajouta que ce dernier lui avait néanmoins alors fait part qu’il était possible qu’il ne s’y présente pas.

[6]           Par la suite, après avoir déposé sous les cotes P-1 à P-9 l’essentiel de la documentation recueillie lors de l’enquête, elle indiqua avoir discuté avec l’intimé des sanctions qu’elle entendait recommander au comité. Celui-ci aurait alors semblé en accord avec ses suggestions.

[7]           Elle indiqua que la seule réserve qu’il avait exprimée semblait être au plan du paiement des déboursés. Il lui aurait alors mentionné qu’il vivait une situation financière précaire, ayant fait cession de ses biens, et se retrouvant sans emploi.

[8]           Par la suite, après avoir décrit, notamment à l’aide des pièces P‑1 à P-9, le contexte factuel rattaché aux infractions, elle indiqua qu’à l’égard de chacun des chefs (1 et 2), elle suggérait la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) mois à être purgée de façon concurrente.

[9]           Au plan des facteurs atténuants, elle mentionna le plaidoyer de culpabilité de l’intimé mais indiqua que la reconnaissance par ce dernier de ses fautes était venue tardivement. Elle ajouta que l’intimé n’avait au départ offert que peu de collaboration à l’enquêteur de la Chambre, notamment en faisant défaut de lui transmettre son dossier client, et ce, malgré deux (2) demandes formelles à cet égard.

[10]        Elle concéda par ailleurs qu’un seul événement fautif était en cause, qu’il y avait eu absence de préjudice financier causé aux clients et que l’intimé n’avait tiré aucun avantage matériel de ses fautes.

[11]        Elle indiqua que la gravité objective des infractions reprochées à l’intimé était néanmoins indéniable, et ce, même si les actes de contrefaçon n’avaient pas été commis dans un dessein frauduleux.

[12]        Elle affirma que ce type d’infraction était de nature à ternir l’image de la profession.

[13]        Elle mentionna qu’au moment des infractions l’intimé avait environ huit (8) ans d’expérience dans l’exercice de la profession et ne pouvait donc ignorer qu’il contrevenait aux règles de déontologie de sa profession.

[14]        Elle affirma enfin que l’intimé n’en était pas à ses premières fautes disciplinaires puisqu’en 2003 (le 24 juillet), il avait été reconnu coupable par le comité de discipline d’un ensemble d’infractions touchant à l’exercice de la profession.

[15]        Elle évoqua que bien que l’intimé était maintenant inactif dans le domaine de la distribution des produits financiers ou d’assurances[1] et bien qu’il ait indiqué qu’il n’avait aucunement l’intention de revenir dans « l’industrie », le risque de récidive demeurait, les sanctions antérieures du comité n’ayant pas eu chez lui l’effet dissuasif escompté.

[16]        Elle termina en invoquant, au soutien de ses recommandations, quelques décisions antérieures du comité ainsi que la décision de la Cour du Québec dans l’affaire Maurice Brazeau[2].

[17]        Elle indiqua enfin qu’elle réclamait la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés, sauf pour ce qui était des frais d’assignation de témoins (se chiffrant aux alentours de 543,81 $), puisqu’elle avait été avisée avant la signification de ceux-ci qu’il était de l’intention de ce dernier de déposer un plaidoyer de culpabilité aux chefs d’accusation portés contre lui. Elle ajouta qu’elle était de plus disposée à ce que le comité accorde un délai raisonnable à l’intimé pour l’acquittement de ceux-ci.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[18]        Selon ce qui a été représenté au comité, l’intimé serait âgé de 48 ans.

[19]        Il a obtenu sa première certification en tant que représentant en assurance de personnes le 3 novembre 1998 puis une certification additionnelle en assurance collective de personnes le 1er octobre 1999.

[20]        Il a détenu ces certificats jusqu’au 31 janvier 2009.

[21]        Il aurait cessé d’être actif dans l’exercice de la profession pour cause d’invalidité en juin 2008.

[22]        Lors de conversations avec le procureur de la plaignante, il aurait indiqué à cette dernière qu’il n’avait aucunement l’intention de revenir à l’exercice de la profession.

[23]        Selon ce qui a été représenté au comité, il aurait fait cession de ses biens et vivrait doit-on penser une situation financière précaire ou difficile, étant sans emploi.

[24]        Il a plaidé coupable à chacun des deux (2) chefs d’accusation portés contre lui.

[25]        Les fautes qui lui sont reprochées ont trait à un seul événement à l’endroit d’un seul couple de personnes.

[26]        Il n’aurait tiré aucun avantage indu de ses fautes et les clients en cause n’en auraient subi aucun préjudice financier.

[27]        Dans l’affaire Maurice Brazeau c. Micheline Rioux[3], citée par la plaignante, la Cour du Québec a émis les principes qui doivent guider le comité dans l’imposition de la sanction appropriée dans les cas de contrefaçon de signature.

[28]        La Cour y a indiqué : « Le fait d’imiter les signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois, selon que la personne concernée pose ces gestes avec une intention frauduleuse ou non ». 

[29]        Cette décision de la Cour du Québec a été citée à plusieurs reprises par le comité de discipline, notamment dans les affaires Di Fabio[4], Boucher[5] et Jarry[6].

[30]        Tel que le comité l’a indiqué dans lesdites décisions, l’acte de contrefaire la signature d’un client et de l’utiliser par la suite est dans tous les cas une faute importante.

[31]        Il s’agit d’une infraction qui touche directement à l’exercice de la profession et qui porte atteinte à son image.

[32]        En l’instance, la plaignante a suggéré au comité d’imposer à l’intimé, sous chacun des deux (2) chefs d’accusation, une radiation temporaire de cinq (5) mois à être purgée de façon concurrente.

[33]        Elle a motivé sa suggestion en invoquant notamment les antécédents disciplinaires de l’intimé.

[34]        L’intimé a en effet été reconnu coupable le 24 juillet 2003 de vingt-trois (23) chefs d’accusation lui reprochant des agissements déontologiquement condamnables dans l’exercice de la profession.

[35]        À la suite de son plaidoyer de culpabilité, il a alors été condamné à une radiation temporaire de douze (12) mois, à 10 000 $ d’amendes, (au total) ainsi qu’à plusieurs réprimandes.

[36]        Le nombre, la nature et le caractère des infractions qui lui étaient alors reprochées démontraient un véritable laxisme chez ce dernier à l’endroit des règles de conduite devant régir sa vie professionnelle.

[37]        Or, malgré les sanctions importantes qui lui ont alors été imposées, l’intimé se retrouve néanmoins à nouveau devant le comité de discipline pour des manquements à des règles déontologiques gouvernant la profession.

[38]        L’impératif de la protection du public exige qu’un message clair lui soit adressé afin de l’inciter à corriger ses comportements.

[39]        Aussi, souscrivant généralement aux arguments de la plaignante, le comité donnera suite à la recommandation de cette dernière.

[40]        Ainsi, sur chacun des chefs 1 et 2, l’intimé sera condamné à une radiation temporaire de cinq (5) mois à être purgée de façon concurrente, ladite radiation temporaire ne devant prendre effet qu’au moment de la reprise par l’intimé de son droit de pratique et de l’émission en son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers.

[41]        L’intimé sera de plus condamné au paiement des déboursés, le comité étant d’avis qu’il ne lui serait pas justifié de passer outre à la règle habituelle qui veut que la partie qui succombe en assume le coût.

[42]        Toutefois, compte tenu de la situation financière précaire de l’intimé, le comité accordera à ce dernier un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement de ceux-ci. Il ordonnera de plus, compte tenu des remarques de la plaignante, que les frais de signification des deux (2) subpoenas émis dans le dossier, totalisant une somme d’environ 543,81 $, en soient exclus.

[43]        Le comité ordonnera également la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE, sur chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) mois à être purgée de façon concurrente, la période de radiation ne devant prendre effet qu’au moment de la reprise par l’intimé de son droit de pratique et de l’émission en son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q., chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, desquels devront néanmoins être soustraits les frais rattachés à l’émission et à la signification des subpoenas  (2) émis à la demande de la plaignante mais y compris les frais d’enregistrement en conformité avec les dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q., chap. C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement des déboursés.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot_____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Catherine Felber___________________

Mme CATHERINE FELBER, A.V.C., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

(s) Louise Bordeleau___________________

Mme LOUISE BORDELEAU

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé est absent

 

Date d’audience :

21 mars 2011

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Elle mentionna que ce dernier avait cessé ses activités professionnelles en 2008 d’abord pour cause d’invalidité (de juin 2008 à janvier 2009) puis à la suite du non-renouvellement de son certificat en janvier 2009.

[2]     Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec, décision du 7 novembre 2006, 2006 QCCP 11715 (Can LII).

[3]     Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec, voir note 2.

[4]     Caroline Champagne c. Giovanna Di Fabio, CD00-0826.

[5]     Venise Lévesque c. Maude Boucher, dossier CD00-0700.

[6]     Léna Thibault c. François Jarry, dossier CD00-0764.

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