Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0637

 

DATE :

2 février 2009

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Carmel Gagnon, A.V.A.

Membre

M. Réjean Talbot, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

M. LUC BORGIA, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective;

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 3, 4, 5 et 6 juillet 2007 ainsi que les 18, 19 et 20 juin 2008, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au palais de justice de Québec, dans les locaux de la Cour fédérale du Canada et a procédé à l'audition[1] d'une plainte portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« Clients Charlene et Ghislain Bédard

 

1.                   À St-Raymond, le ou vers 13 novembre 2000, alors qu’il faisait souscrire à ses clients, Ghislain et Charlène Bédard, une proposition d’assurance-vie universelle en vue de l’émission de la police 000009714 par AIG Compagnie d’assurance-vie du Canada, l’intimé LUC BORGIA a fait défaut de procéder à l’analyse des besoins de ses clients et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 27 et 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, c. D-9.2, r.1.3, de même qu’aux articles 3 et 4 du Règlement sur la déontologie dans les discipline de valeurs mobilières, c. D-9.2, r.1.1.2;

2.                   À St-Raymond, le ou vers 13 novembre 2000 l’intimé, LUC BORGIA a fait défaut de s’acquitter de son mandat avec diligence en ne respectant pas les instructions de ses clients Ghislain et Charlène Bédard, et plus particulièrement, en faisant souscrire à ces derniers une proposition d’assurance-vie universelle en vue de l’émission de la police numéro 000009714 par AIG Compagnie d’assurance-vie du Canada alors qu’ils n’en désiraient pas et qu’ils avaient clairement indiqué à l’intimé vouloir effectuer un placement, et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 16, 27 et 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D-9.2., r. 1.01, de même qu’aux articles 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les discipline de valeurs mobilières, c. D-9.2, r.1.1.2;

3.                   À Sainte-Foy, alors qu’il ne possédait pas les autorisations nécessaires de ses clients Charlène et Ghislain Bédard, l’intimé LUC BORGIA a néanmoins procédé aux opérations suivantes dans leur compte conjoint numéro QF50497 auprès de B2B Trust :

a)             le ou vers le 20 décembre 2002, rachat de 100% des parts du fonds TML341 portant le numéro 1822308, rachat de 100% des parts du fonds TML341 portant le numéro 2930213 et rachat de 100% des parts du fonds TAL162 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 20 décembre 2002 :

b)             le ou vers le 20 décembre 2002, rachat de 1219 unités du fonds AIM571 portant le numéro 2575165001, rachat de 100% des parts du fonds MFC1031 portant le numéro 35028992, rachat de parts du fonds MFC1638 portant le numéro 35028992, rachat de parts du fonds MFC1638 portant le numéro 41239237, rachat de 100% des parts du fonds TML340 portant le numéro 29930213, rachat de parts du fonds BIP 251 et rachat de parts du fonds AIM681 portant le numéro 2575165001 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 20 décembre 2002 ;

c)             le ou vers le 20 décembre 2002, rachat de parts du fonds CIG793 portant le numéro 24772097, rachat de 100% des parts du fonds CIG293 portant le numéro 25530999, rachat de part du fonds CIG793 portant le numéro 25530999, rachat de100% des parts du fonds FID230 portant le numéro 99149601, rachat de parts du fonds FID578 portant le numéro 99149601, rachat de 50% des parts du fonds BIP 251 et rachat de 50% des parts du fonds AIM681 portant le numéro 2575165001 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 20 décembre 2002;

d)             le ou vers le 20 décembre 2002, l’intimé rachat de 100% des parts de fonds TML350 portant le numéro 2930213, rachat de parts du fonds TML352 portant le numéro 2930213, rachat de parts du fonds TML732 portant le numéro 1822308, rachat de 50% des parts du fonds AIM681 portant le numéro 2575165001 et rachat de 50% des parts du fonds BIP251 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 20 décembre 2002;

e)             le ou vers le 3 janvier 2003, transfert de 5731.0829 unités du fonds TML732 portant le numéro 1822308 aux fonds TML352 et TML331 portant le numéro 1822308, transfert de 100% des parts du fonds MFC1113 au fonds MFC1195 portant le numéro 41239237et transfert de 100% des parts du fonds AIM 571 au fonds AIM681 portant le numéro 2575165001 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 3 janvier 2003;

f)              le ou vers le 3 janvier 2003, transfert de 50% des parts du fonds MFC1638 au fonds MFC1175 portant le numéro 35028992 et transfert de 50% des parts du fonds MFC 1638 portant le numéro 41239237 au fonds MFC1175 portant le numéro 41239237 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 3 janvier 2003;

g)             le ou vers le 3 janvier 2003, transfert de 100% des parts du fonds CIG793 portant le numéro 24772097 aux fonds CIG667 et CIG722 et transfert de 100% des parts du fonds CIG793 portant le numéro 25530999 aux fonds CIG667 et CIG722 selon le Formulaire de modifications financières à un compte daté du 3 janvier 2003;

et ce faisant l’intimé LUC BORGIA a contrevenu a l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2 et aux articles 6 et 11 du Règlement sur la déontologie dans les discipline de valeurs mobilières, c. D-9.2, r.1.1.2;

 

4.                   À Sainte-Foy, alors qu’il ne possédait pas l’autorisation nécessaire de son client Ghislain Bédard, l’intimé LUC BORGIA a néanmoins procédé aux opérations suivantes dans son compte numéro 6955249 auprès de MRS :

a)             le ou vers le 24 juillet 2002, ventes de parts des fonds FID536 et CIG591 et achats de parts des fonds FID543, CIG848, IGI575, selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 24 juillet 2002;

b)             le ou vers le 24 juillet 2002, ventes de parts des fonds TML531, TML532, MFC 1640 et AIM271 et achats de parts des fonds TAL907, TML537, MFC854 et AIM1721 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS  datée du 24 juillet 2002 ;

c)             le ou vers le 1er août 2002, ventes de parts des fonds AIM1721, FID536, FID543, MFC1640, MFC854, TML532 et TML537 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 1er août 2002;

d)             le ou vers le 2 août 2002, vente de parts des fonds CIG575, CIG848 et TAL907 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 2 août 2002;

e)             le ou vers le 9 août 2002, achats de parts des fonds GGF160 et BIP251 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 9 août 2002;

f)              le ou vers le 13 septembre 2002, achats de parts des fonds GGF160 et BIP251 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 13 septembre 2002;

et ce faisant l’intimé LUC BORGIA a contrevenu a l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2 et aux articles 6 et 11 du Règlement sur la déontologie dans les discipline de valeurs mobilières, c. D-9.2, r.1.1.2;

 

5.                   À Sainte-Foy, alors qu’il ne possédait pas l’autorisation nécessaire de sa cliente Charlène Bédard, l’intimé LUC BORGIA a néanmoins procédé aux opérations suivantes dans son compte numéro 6955264 auprès de MRS :

 

a)             le ou vers le 24 juillet 2002, ventes de parts des fonds MFC1640, AIM271 et FID536 et  achat de parts des fonds MFC854, AIM1721 et FID543 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 24 juillet 2002;

b)             le ou vers le 24 juillet 2002, ventes de parts des fonds CIG591, TML531, TML532 et achats de parts des fonds CIG848, CIG575, TAL907 et TML537 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 24 juillet 2002;

c)             le ou vers le 1er août 2002, ventes de parts des fonds TAL907, CIG848, CIG575, TML532, TML537, MFC1640 et MFC854 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 1er août 2002;

d)             le ou vers le 1er août 2002, ventes de parts des fonds AIM1721, FID536 et FID543 selon la Fiche d’ordre pour fonds communs de MRS datée du 1er août 2002;

et ce faisant l’intimé LUC BORGIA a contrevenu a l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2 et aux articles 6 et 11 du Règlement sur la déontologie dans les discipline de valeurs mobilières, c. D-9.2, r.1.1.2;

Clients Nicole et Donald Nadeau

6.                   À Sainte-Foy, le ou vers le 9 décembre 1999, l’intimé LUC BORGIA alors qu’il recommandait à ses clients Nicole et Donald Nadeau d’investir dans un portefeuille  constitué à 100% de titres étrangers à capital et rendement non-garantis constitué de parts de fonds communs de placement, a fait défaut de recommander des placements correspondant aux profils et aux objectifs d’investissement de ses clients, notamment en ne respectant pas leur seuil de tolérance au risque, et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 16 et 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2 ainsi qu’à l’article 235 du Règlement sur les valeurs mobilières, c. V-1.1., r.1;

 

7.                   À Sainte-Foy, le ou vers le 22 octobre 2002, l’intimé LUC BORGIA alors qu’il recommandait à ses clients Nicole et Donald Nadeau une répartition de leur portefeuille constitué à 100% de titres étrangers à capital et rendement non-garantis constitué de part de fonds commun de placement, a fait défaut de recommander des placements correspondant aux profils et objectifs d’investissement de ses clients, notamment en ne respectant pas leur seuil de tolérance au risque, et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 16 et 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, aux articles 3 et 4 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières, c. D-9.2, r.1.1.2 et l’article 235 du Règlement sur les valeurs mobilières, c. V-1.1., r.1;»

[2]           À la conclusion de l'audition, le comité a requis la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celles-ci lui sont parvenues le 28 juillet 2008, date de la prise en délibéré.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Clients Charlène et Ghislain Bédard

Chef numéro 1

[3]           À ce chef, il est reproché à l'intimé, alors qu'à la date mentionnée à la plainte il faisait souscrire à ses clients, M. Ghislain et Mme Charlène Bédard, une proposition d'assurance-vie universelle auprès de la compagnie AIG Compagnie d'assurance-vie du Canada, son défaut de procéder à l'analyse des besoins de ces derniers.

[4]           Ledit chef prend assise notamment sur les dispositions de l'article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants qui se lit comme suit :

« 6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d'assurance, analyser avec le preneur ou l'assuré ses besoins d'assurance, les polices ou contrats qu'il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements. »

[5]           Le législateur y stipule que l'analyse des besoins est un exercice préalable indispensable à l'émission de tout contrat d'assurance de personnes. L'utilisation du terme « doit » indique clairement son intention d'accorder un caractère stricte et impératif à la disposition.

[6]           Par ailleurs, tel que l'a souligné antérieurement le comité[2], le législateur n'y fait aucune distinction relativement au type de polices d'assurance de personnes qui pourrait être en cause non plus qu'à l'égard des objectifs que pourraient rechercher les preneurs qui y souscrivent. Il n'appartient donc pas au représentant de faire de telles distinctions.

[7]           En l'espèce, en réponse à une correspondance provenant de M. Laurent Larivière, enquêteur au bureau du syndic de la Chambre qui lui réclamait spécifiquement une copie de l'analyse des besoins exécutée en relation avec l'émission de la police d'assurance-vie universelle concernée, l'intimé ne transmettait aucun document, se contentant de simplement lui déclarer que le capital d'assurance avait été déterminé en fonction de l'investissement initial des clients et non pas de leur besoin d'assurance. Il y spécifiait que l'investissement de départ de 100 000 $ correspondait à un capital d'assurance de 3 612 116 $ modifié par la suite à 3 375 296 $ à cause d'une surprime.

[8]           Une telle réponse de l'intimé à l'enquêteur, bien que cela n'y soit pas déclaré expressément, laisse entendre que dans l'esprit de ce dernier il n'y avait aucune utilité à procéder à une analyse des besoins des clients puisque ces derniers cherchaient à réaliser un investissement (de l'ordre de 100 000 $) et non à souscrire à une couverture d'assurance. D'ailleurs, tel que précédemment mentionné, il ne transmit alors aucun document à l'enquêteur et ne fit aucunement mention ou allusion dans sa correspondance au fait qu'il aurait pu avoir procédé à une quelconque forme d'analyse des besoins de ces derniers.

[9]           Or, même si la police d'assurance-vie universelle comporte un volet « placement », le représentant n'est pas pour autant affranchi, lors de la souscription de celle-ci, tel que le comité l'a mentionné déjà à quelques reprises, de son devoir de procéder à l'analyse des besoins de son client.

[10]        En l'espèce, une analyse appropriée et conforme aurait possiblement conclu à une absence de besoins d'assurance-vie des clients mais l'exercice réalisé en bonne et due forme aurait, entre autres, clairement indiqué et rappelé à ceux-ci que, dans le but de profiter d'un « placement » comportant possiblement certains avantages fiscaux, ils contractaient une police d'assurance-vie (universelle) alors qu'ils n'avaient aucun véritable besoin d'assurance-vie.

[11]        En terminant sur ce chef, il nous faut mentionner qu'il est vrai que lors de l'audition l'intimé a produit au dossier sous la pièce D-34 un document où l'on retrouve le résultat d'une cueillette d'informations effectuée, si l'on se fie au témoignage de M. Jean Borgia, le 23 août 2000, au moment où aurait été discuté avec les clients le concept de la police d'assurance-vie universelle.

[12]        Toutefois, même si le document en cause établit que bon nombre de renseignements ont été recueillis auprès des clients, il ne témoigne néanmoins pas d'une analyse de besoins d'assurance appropriée et conforme à la disposition législative préalablement invoquée.

[13]        Aussi la plaignante s'étant déchargée de son fardeau de preuve sur ce chef, l'intimé sera déclaré coupable sur celui-ci.

Chef numéro 2

[14]        À ce chef d'accusation, il est reproché à l'intimé d'avoir fait défaut de s'acquitter de son mandat avec diligence en ne respectant pas les instructions de ses clients (M. Ghislain et Mme Charlène Bédard) et plus particulièrement en leur faisant souscrire une proposition d'assurance-vie universelle alors qu'ils n'en désiraient pas et qu'ils avaient clairement indiqué à l'intimé vouloir effectuer un placement.

[15]        Or, si en l'espèce les assurés cherchaient à effectuer un « placement », la police d'assurance-vie universelle, le produit utilisé et suggéré par l'intimé comportait en plus de la couverture d'assurance-vie un volet « placement ».

[16]        Les documents présentés ou remis au couple Bédard l'indiquent bien. Sur l'un de ceux-ci, M. Ghislain Bédard est appelé à y signer une déclaration dont le contenu se lit comme suit : « Je comprends très bien que l'illustration que j'ai reçue repose sur diverses hypothèses. Les valeurs de mon contrat dépendront des taux de rendement courants qui varieront au cours des années. Ces valeurs seront plus élevées ou moins élevées que celles de l'illustration, selon les conditions financières et économiques diverses. Je comprends très bien que les résultats financiers ne sont pas garantis. »

[17]        D'autre part, le document intitulé : « Maximiseur solution » préparé par AIG Vie du Canada fait état du marché cible pour le produit concerné. Il y est indiqué que celui-ci est « approprié pour des personnes ayant besoin d'accumuler des fonds et dont le besoin d'assurance est provisoire ou inexistant ».

[18]        En l'espèce, la police d'assurance-vie universelle a été proposée puis employée d'abord comme outil financier, l'objectif des clients étant d'y investir une somme de 100 000 $ dont ils croyaient ne pas avoir besoin à moyen terme et d'effectuer un placement libre d'impôt. Aussi choisirent-ils une police payable au deuxième décès pour minimiser les coûts d'assurance et un capital décès décroissant afin de maximiser le placement.

[19]        Par ailleurs, de la preuve qui lui a été présentée, le comité ne peut conclure de façon prépondérante que les clients ne désiraient pas souscrire à une police d'assurance-vie universelle.

[20]        Les documents de souscription signés par M. et Mme Bédard indiquaient qu'il s'agissait d'une police d'assurance-vie universelle. De plus, ces derniers ont émis un chèque de 100 000 $ en paiement de la prime unique et ont accepté de se soumettre aux examens médicaux nécessaires à l'émission de la police. Par la suite, ils ont tous deux accepté une modification à cette dernière à la suite d'une surprime imposée par l'assureur.

[21]        De plus, en mai 2001, bien après la souscription, ils ont apposé leur signature sur des documents afin de corriger un nom apparaissant sur la police. Également, bien après son émission, ils ont autorisé des modifications de placements à l'intérieur de celle-ci. Enfin, certains documents leur étaient périodiquement acheminés par l'assureur. Ces documents faisaient état de capital assuré, de prime annuelle et la preuve n'indique pas qu'ils aient alors réagi négativement.

[22]        De plus, alors que Mme Bédard, lorsqu'elle a témoigné, a déclaré qu'elle savait que le capital assuré était décroissant, M. Bédard a admis qu'il avait compris le mécanisme voulant que 100 000 $ soit affecté au volet « placement » de la police d'assurance-vie universelle.

[23]        Aussi, bien que M. Bédard ait suggéré lors de son témoignage qu'il aurait été harcelé et presque « astreint » de contracter une police d'assurance-vie universelle, il a aussi admis que s'il n'avait vraiment pas voulu d'assurance, il aurait pu ne pas signer les documents de souscription.

[24]        Enfin, il mérite d'être souligné qu'au moment des événements en cause M. Bédard connaissait le produit puisqu'il possédait déjà un contrat d'assurance-vie universelle contracté auprès d'un autre assureur, soit La Métropolitaine. Comme ledit contrat ne permettait pas que de nouvelles sommes capitales y soient injectées, une nouvelle police (la police concernée) fut souscrite auprès de AIG.

[25]        Finalement, selon la preuve présentée au comité, la police d'assurance-vie universelle en cause serait toujours en vigueur et l'on peut se questionner à savoir pourquoi le couple Bédard aurait continué de maintenir celle-ci en vigueur s'ils n'en voulaient pas.

[26]        La plaignante ne s'étant donc pas déchargée de son fardeau de preuve prépondérante sur ce chef, il sera rejeté.

Chef numéro 3

[27]        À ce chef, il est reproché à l'intimé d'avoir procédé dans le compte conjoint de ses clients aux opérations y mentionnées alors qu'il n'aurait pas possédé les autorisations nécessaires de ces derniers.

[28]        Or, soulignons d'abord que rien dans la preuve qui a été présentée au comité n'a démontré que les clients auraient subi un quelconque préjudice des transactions en cause.

[29]        M. Bédard avait préalablement contracté deux (2) prêts levier chez B2B Trust de 100 000 $ chacun. Un nouveau prêt levier au montant de 300 000 $ émis conjointement au nom de M. et de Mme Bédard leur fut substitué.

[30]        La demande relative à celui-ci fut signée par M. et Mme Bédard le 23 juillet 2002. On y retrouve au paragraphe intitulé : « Autorisation du client » le texte suivant : « J'autorise par la présente B2B Trust (le Trust) à accepter les directives de mon conseiller et de toute personne dûment autorisée par mon conseiller relativement à toute transaction à l'égard des placements détenus dans mon compte par le Trust incluant les achats ou les ventes. »

[31]        Ainsi, s'il est vrai que les documents de « modifications financières » associés aux opérations en cause adressés à B2B Trust, le prêteur financier, ne comportent pas la signature des clients, ces derniers, tel que nous venons de le voir, avaient spécifiquement autorisé par écrit B2B Trust à accepter en leur nom les directives de leur conseiller.

[32]        Pour ce qui est des lettres d'instructions adressées à Investissement BBA inc., elles portent toutes les signatures des clients même s'il est vrai que ces autorisations ont été signées le ou vers le 23 juillet 2002 alors que les transactions se sont effectuées beaucoup plus tard, soit à la fin de l'année et que les fonds entre-temps ont transité par le marché monétaire. Toutefois le délai, dû notamment à la procédure de regroupement des placements sous le nouveau compte conjoint, a fait l'objet d'explications que le comité juge satisfaisantes.

[33]        Dans de telles circonstances, la plaignante n'ayant pas démontré au moyen d'une preuve prépondérante l'absence d'autorisation à l'égard des transactions concernées, ce chef d'accusation sera rejeté.

Chefs numéros 4 et 5

[34]        À ces chefs d'accusation, il est reproché à l'intimé d'avoir procédé aux opérations y mentionnées dans le compte de ses clients auprès de MRS, le fiduciaire, alors qu'il ne possédait pas l'autorisation nécessaire de ces derniers pour procéder auxdites transactions.

[35]        Or, tel qu'en a témoigné Mme Bédard, au moment de leur demande d'adhésion à un régime enregistré auprès de MRS, elle-même et son mari ont tous d'eux signé un document (D-12 dans le cas de monsieur et D-16 dans le cas de madame) intitulé : « Demande d'adhésion à un régime enregistré ». Au paragraphe 4 dudit document signé par ces derniers, il a été coché : « J'autorise mon courtier et représentant à signer tous les documents requis pour les opérations exécutées en mon nom. La présente ne constitue pas une autorisation discrétionnaire de négocier il ne s'agit pas d'un compte géré. Celle-ci demeurera valide jusqu'à ce que je la résilie au moyen d'un avis écrit donné tant à l'organisme de courtage responsable qu'au Fiduciaire. La présente autorisation expire à mon décès. »

[36]        Alors, s'il est vrai que les fiches d'ordre relativement aux transactions qui concernent ce chef ne comportent que la signature de l'intimé et n'ont pas été signées par les clients, la signature de ces derniers sur celles-ci n'était pas nécessaire compte tenu de l'autorisation qu'ils avaient donnée à leur représentant de « signer tous les documents requis pour les opérations exécutés en leur nom ».

[37]        Par ailleurs, les transactions en cause sont appuyées par des lettres d'instructions qu'ont signées M. et Mme Bédard et qui témoignent de leur volonté de procéder à celles-ci.[3]

[38]        De plus, des documents confirmant lesdites transactions leur ont été envoyés et n'ont pas été contestés.

[39]        Également, des relevés annuels faisant état de l'ensemble des activités à leurs comptes leur ont été expédiés et la preuve n'a pas démontré qu'ils s'en soient plaints ou qu'ils les aient disputés de quelque façon.

[40]        Enfin, l'enquêteur du bureau du syndic qui a travaillé sur le dossier, lorsque contre interrogé par le procureur de l'intimé relativement aux transactions mentionnées à ces chefs d'accusation, a admis qu'en bout de ligne les consommateurs avaient eu ce qu'ils avaient autorisé. Aussi si le comité a pu remarquer en l'espèce que l'ordre des transactions pouvait différer de ce qui avait été convenu, il a observé que le résultat obtenu a été équivalent.

[41]        La plaignante ne s'étant pas déchargée de son fardeau de preuve sur ces chefs, ils seront rejetés.

Clients Nicole et Donald Nadeau

Chefs d'accusation numéros 6 et 7

[42]        À ces chefs d'accusation, il est reproché à l'intimé, le 9 décembre 1999 et le 22 octobre 2002, alors qu'il recommandait à ses clients, Mme Nicole et M. Donald Nadeau, d'investir dans un portefeuille composé à 100 % de titres étrangers à capital et rendement non garantis constitués de parts de fonds communs de placement, d'avoir fait défaut de leur recommander des placements correspondant à leurs profil et objectifs d'investissement, notamment en ne respectant pas leur seuil de tolérance aux risques.

[43]        Le contexte factuel lié à ces chefs d'accusation est le suivant.

[44]        Jusqu'en décembre 1999, M. et Mme Nadeau détenaient, à titre de placement, essentiellement des fonds distincts, des CPG et quelques fonds mutuels. Leur patrimoine d'investissement se chiffrait aux alentours de 150 000 $.

[45]        Celui-ci provenait essentiellement de la vente de petits commerces de distribution qu'avait détenus M. Nadeau.

[46]        Le ou vers le 9 décembre 1999, ils rencontrèrent l'intimé. Ce dernier était accompagné de Mme Marlène Morasse (Mme Morasse) qui était l'épouse d'un confrère de travail de M. Nadeau. Elle oeuvrait depuis peu avec l'intimé au sein du cabinet Investissements BBA inc. (BBA).

[47]        Monsieur Nadeau était âgé de 46 ans alors que Mme Nadeau était âgée de 45 ans. Ils avaient pour objectif de prendre leur retraite à l'âge de 55 ans.

[48]        Mme Nadeau possédait comme niveau d'instruction un secondaire V et, si l'on se fie à son témoignage, aucune formation en placement ou en investissement. Elle avait suivi un cours de comptabilité.

[49]        M. Nadeau quant à lui possédait un niveau d'instruction correspondant à une neuvième année et aucune formation en placement ou investissement.

[50]        Lors de la rencontre, le couple aurait laissé entendre qu'ils voulaient obtenir de meilleurs rendements de leurs placements en réponse de quoi, si l'on se fie à leur témoignage, il leur aurait été représenté que leur portefeuille n'était pas suffisamment diversifié et qu'il était défaillant.

[51]        Leur patrimoine était alors investi dans des instruments financiers dont le capital et le rendement étaient garantis, soit dans des CPG à raison d'environ 54 %, dans des fonds distincts dont le capital était garanti après 10 ans ou au cas de décès à raison d'environ 28 % et dans des fonds mutuels dont ni le capital ni le rendement n'était garanti à raison d'environ 18%.

[52]        Ils auraient été convaincus d'effectuer un virage important et d'abandonner cet ensemble de produits financiers pour concentrer tout leur portefeuille dans un seul et même type de produit sans garanti et à rendement variable : des fonds mutuels suggérés par l'intimé.

[53]        L'objectif visé par les changements proposés était d'augmenter les rendements de leur portefeuille de façon qu'ils puissent réaliser leur ambition de prendre une retraite à 55 ans.

[54]        Ceci est clairement exprimé par l'expert de l'intimé, M. Richard Diotte, lorsqu'il écrit à son rapport d'expertise :

« Malgré l'horizon de placements, l'état du patrimoine familial ne permettait pas au couple Nadeau de prendre une retraite à l'âge de 55 ans sauf si le rendement des placements augmentait de manière significative.

Entre autre à 6% de rendement annuel, le patrimoine combiné serait passé de 152 000 $ à 257 000 $ approximativement. Cette somme aurait dû être encaissé entre l'âge de 55 ans et 64 ans afin de subvenir aux besoins du couple. À l'âge de 65 ans le couple devenant éligible au Régime de pension du gouvernement, le couple Nadeau pourrait soutenir un niveau de vie minimum.

Afin d'échapper à cette perspective de misère madame et monsieur Nadeau devait orienter leurs portefeuilles vers la croissance du capital à long terme et sélectionner des placements à haut rendement afin d'enrichir leurs R.E.E.R. suffisamment pour prendre une retraite à 55 ans. »

[55]        Or, même si M. et Mme Nadeau ne pouvaient ignorer que pour améliorer le rendement total de leur portefeuille, ils allaient prendre des risques, ils ont en l'espèce été appelés à prendre des risques au-delà de leur seuil de tolérance.

[56]        De la preuve qui lui a été présentée, le comité en arrive à la conclusion que le profil d'investisseur des Nadeau était, comme l'écrit l'expert de la plaignante M. Pilon dans son rapport d'expertise : « moins averti et assuré que celui présenté dans les documents d'ouverture de compte » qui ont été signés par ces derniers où ils y sont décrits comme ayant de bonnes connaissances en placement.

[57]        De l'avis du comité, il lui a clairement été démontré que les Nadeau, malgré les explications qui ont pu leur être fournies et les documents qu'ils ont signés, n'ont pas réellement compris les risques auxquels ils allaient être exposés non plus que la portée de la décision qu'ils allaient prendre.

[58]        Il est possible que ces derniers aient pu être aveuglés par l'appât du gain mais, si l'on se fie à leur témoignage, ils ont naïvement cru ou compris, après se l'être fait dire, qu'ils ne pouvaient pas perdre.

[59]        Sans connaissances approfondies[4] du domaine du placement ou des investissements financiers, ils se fiaient de façon importante, peut-être même inconsidérée, à l'intimé dont la profession et le titre d'actuaire était de nature à les impressionner. Dans une telle situation, l'obligation de conseil de ce dernier devenait plus contraignante.

[60]        Or, au moment de sa rencontre avec M. et Mme Nadeau, ces derniers possédaient un portefeuille dont plus de 80 % des actifs était à capital garanti alors que plus de 50 % était à capital et revenus garantis.

[61]        Ceci aurait dû amener l'intimé à se méfier et à analyser très attentivement leur seuil de tolérance aux risques puisque très souvent, pour ne pas dire habituellement, l'investisseur qui recherche avant tout la sécurité du capital possède une très faible tolérance au risque.

[62]        En l'espèce l'intimé a fait défaut de s'assurer de bien connaître la capacité de tolérance aux risques de ses clients.

[63]        Leur réaction, notamment lors de leur rencontre avec l'intimé en octobre 2002, lorsqu'ils ont compris que leurs avoirs avaient « fondus de près de 40 % » à la suite d'investissements qui ne leur convenaient pas, témoigne bien de leur incapacité à supporter les risques associés à la stratégie de placement mise en place par l'intimé.

[64]        Le portefeuille choisi et recommandé par ce dernier ne comportait ni garantie ni limite de volatilité. Cette absence totale de garantie et l'amplitude possible de sa variation en cas de chute des marchés en faisaient un portefeuille comportant un niveau de risque qui ne pouvait convenir au couple Nadeau et l'intimé aurait dû le savoir.

[65]        En l'espèce, l'intimé a fait défaut de s'assurer que ses clients soient des investisseurs qualifiés pour le portefeuille qu'il leur suggérait.

[66]        Il a plutôt cherché à combler les espoirs peu réalistes de ces derniers de prendre une retraite à compter de l'âge de 55 ans.

[67]        Pour ce faire, il a choisi un portefeuille beaucoup plus risqué et volatile que celui qu'ils détenaient antérieurement tout en faisant défaut de s'assurer que la stratégie qu'il leur proposait corresponde à leur profil d'investisseur et à leur seuil de tolérance aux risques.

[68]        Certes un placement sans aucun danger n'existe pas mais le représentant doit déterminer le niveau de risque acceptable pour le client. Il lui faut tenter de concilier celui-ci avec les objectifs de ce dernier et son horizon de placement. Il ne peut se contenter de simplement répondre à ses demandes ou aux cibles de rendement que ce dernier s'est fixé.

[69]        La conclusion qui s'impose en l'espèce c'est que l'intimé a fait défaut de respecter son obligation générale de diligence et de prudence particulièrement dans la recherche de la tolérance aux risques de ses clients et de ce qui pouvait leur convenir.

[70]        La plaignante s'étant déchargée de son fardeau de preuve sur le chef 6, l'intimé sera déclaré coupable sur celui-ci.

[71]        Quant au chef 7, il se rapporte à la deuxième rencontre entre les parties le 22 octobre 2002.

[72]        À cette même date, Mme Morasse, qui avait été leur premier lien avec le cabinet de services financiers qui les servait, devient la représentante en titre du couple Nadeau. Elle prend la charge et la responsabilité de leurs comptes et de leurs investissements.

[73]        M. et Mme Nadeau signent alors des documents d'ouverture de compte auprès de Investissements BBA inc. Lesdits documents sont contresignés par Mme Morasse à titre de représentante et elle doit dès lors assumer la responsabilité des recommandations de placement faites aux clients.

[74]        Il est vrai que dans le document ou relevé qui parvint par la suite au couple Nadeau (daté du 22 novembre 2002), il y est indiqué à titre de représentant M. Luc Borgia et M. Jean Borgia. Ceci cependant est dû au fait qu'après la rencontre du 22 octobre 2002 le couple Nadeau a choisi d'annuler ou de révoquer les ouvertures de compte et les transactions effectuées cette journée-là.

[75]        En résumé, la prépondérance de la preuve présentée au comité est à l'effet qu'à compter du 22 octobre 2002 c'est Mme Morasse et non l'intimé qui a assumé la responsabilité d'agir à titre de représentante de M. et Mme Nadeau.

[76]        Ce chef d'accusation sera rejeté.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable des chefs d'accusation 1 et 6;

REJETTE les chefs d'accusation 2, 3, 4, 5 et 7;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité de discipline à l'audition de la preuve et de leurs représentations sur sanction.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Carmel Gagnon

M. CARMEL GAGNON, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Réjean Talbot

M. RÉJEAN TALBOT, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

LA ROCHE ROULEAU & ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

3, 4, 5 et 6 juillet 2007, 18, 19 et 20 juin 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0637

 

DATE :

28 juillet 2011

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Réjean Talbot, A.V.C.

Membre

 

 

_____________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

M. LUC BORGIA, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective;

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 18 mars 2011, au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, et a entendu la preuve et les représentations des parties sur sanction.

[2]           Le troisième membre de la formation, M. Carmel Gagnon ayant pris sa retraite et n’étant plus membre de la Chambre de la sécurité financière, le comité était alors composé du président et du membre indiqué en titre.

[3]           Au terme de l’audition, les parties ont convenu d’acheminer au comité des notes et autorités sur la question de la compétence du comité d’ordonner, dans les cas où aucune des sanctions imposées ne comportent une ordonnance de radiation, la publication de la décision. La plaignante lui a transmis les siennes le 4 avril 2011 alors que l’intimé lui a fait tenir les siennes le 14 avril 2011, moment de la prise en délibéré.

LA PREUVE

[4]           Au plan de la preuve, la plaignante se contenta de déposer sous la cote SP-1 une attestation de pratique à jour de l’intimé. Elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           L’intimé quant à lui choisit de témoigner.

[6]           Au cours de son témoignage, il déposa une preuve documentaire cotée SI-1 à SI-4. (Les pièces produites en liasse sous la cote SI-4 ont fait l’objet d’une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de la part du comité.)

[7]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]            La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en commentant certains des propos tenus par l’intimé lors de son témoignage.

[9]           Elle évoqua ensuite la gravité objective des infractions pour lesquelles ce dernier a été reconnu coupable.

[10]        Relativement au chef numéro 1, elle mentionna qu’au moment de l’infraction (commise en l’an 2000) l’intimé exerçait dans le domaine de l’assurance de personnes depuis environ deux (2) ans.

[11]        Elle évoqua la « vulnérabilité » du couple Bédard, les consommateurs en cause, soulignant notamment leur niveau de scolarité et l’absence chez ces derniers de formation particulière en matière de placements.

[12]        Elle mentionna que ceux-ci avaient souscrit une police d’assurance-vie universelle à prime unique au montant de 100 000 $ alors qu’ils n’avaient aucun besoin d’assurance-vie.

[13]        Puis, après avoir fait état des pertes et du résultat de la situation pour le couple, elle énuméra les bénéfices retirés par l’intimé à la suite de l’émission de ladite police. Elle signala notamment que les commissions directes et indirectes échues à ce dernier ou à son cabinet avaient été de l’ordre de 57 000 $ (pièce P-10).

[14]        Passant ensuite au chef numéro 6, elle indiqua que l’infraction avait été commise en 1999 alors que l’intimé détenait une certification dans la discipline pertinente depuis 1994.

[15]        Puis, analysant la compétence en matière d’investissement du couple Nadeau, les consommateurs en cause, elle référa aux paragraphes 57 et 59 de la décision sur culpabilité, rappelant que le comité y avait indiqué que ces derniers, « sans connaissances approfondies du domaine du placement », s’étaient fiés « de façon importante, peut-être même inconsidérée, à l’intimé dont la profession et le titre d’actuaire étaient de nature à les impressionner » et n’avaient pas « réellement compris les risques auxquels ils allaient être exposés non plus que la portée de la décision qu’ils allaient prendre ».

[16]        Elle signala de plus qu’alors que Mme Nadeau avait investi, à la suite des conseils de l’intimé, environ 64 000 $ en décembre 1999, la valeur marchande de ses investissements, au 22 octobre 2002, n’était plus que de 35 700 $ de sorte qu’il fallait conclure dans son cas à une perte de plus de 28 000 $. Quant à M. Nadeau, elle indiqua que celui-ci avait investi plus de 71 000 $ et que la valeur marchande de ses placements, à la même date, se situait aux alentours de 40 000 $ de sorte qu’il avait quant à lui subi une perte de plus de 30 000 $. Selon la plaignante, le couple avait donc éprouvé un appauvrissement de près de 60 000 $ sur des investissements de 135 000 $.

[17]        Elle référa ensuite au témoignage rendu par Mme Nadeau lors de l’audition au fond, rappelant comment cette dernière avait déclaré avoir été personnellement fort affectée par les événements. Elle ajouta qu’à la suite des pertes financières subies, le couple Nadeau avait dû se résigner à vendre leur maison.

[18]        Elle souligna que bien que l’intimé avait choisi, tel qu’il venait d’en témoigner, de ne plus exercer en épargne collective, il demeurait néanmoins toujours actif dans l’exercice de la profession et en contact avec le public si bien que le comité n’était pas confronté à un représentant n’exerçant plus sa profession.

[19]        Elle suggéra ensuite au comité l’imposition des sanctions suivantes :

a) sur le chef d’accusation numéro 1 : une amende de 17 000 $;

b) sur le chef d’accusation numéro 6, une amende de 17 000 $.

[20]        Elle signala que chacune des amendes suggérées représentait environ le tiers de l’amende maximale (50 000 $) que pouvait imposer le comité à la suite des amendements intervenus en décembre 2009 à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[21]        Elle justifia sa recommandation en mentionnant que la jurisprudence antérieure aux modifications législatives précitées, dans le cas du défaut de préparation d’une analyse des besoins financiers du client, avait été d’habituellement imposer au représentant fautif une amende de 2 000 $ à 2 500 $, ce qui représentait environ le tiers (1/3) de l’amende maximale alors imposable. Une simple règle de trois lui dictait donc de suggérer qu’une amende de 17 000 $ soit imposée à l’intimé sur le chef 1.

[22]        Par ailleurs, à l’égard du chef 6, elle indiqua que les sanctions imposées avant lesdites modifications pour le type d’infraction en cause étaient singulièrement plus élevées que dans les cas du défaut de préparer une analyse de besoins et que dans de telles circonstances l’imposition, également sous ce chef, d’une amende de 17 000 $ lui apparaissait appropriée.

[23]        Elle termina en réclamant la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés ainsi que la publication de la décision. Elle déposa au soutien de ses suggestions un cahier d’autorités contenant six (6) décisions antérieures du comité.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[24]        Le procureur de l’intimé débuta en contestant l’interprétation que faisait la plaignante du témoignage rendu par son client.

[25]        Il résuma le témoignage de ce dernier en déclarant qu’il avait simplement et honnêtement exposé la leçon qu’il avait tirée de la décision du comité, et ce, en homme honnête et intègre qu’il était.

[26]        Relativement au premier chef d’accusation, il mentionna qu’au meilleur de sa connaissance la police d’assurance-vie universelle souscrite par le couple Bédard avait été maintenue en vigueur par celui-ci.

[27]        Il rappela ensuite que le comité avait rejeté le chef d’accusation numéro 2 et conclu que le couple avait « souhaité » souscrire la police d’assurance-vie en cause.

[28]        Il contesta l’utilisation de la règle mathématique évoquée par la plaignante pour justifier l’imposition d’amendes au montant de 17 000 $ puis commenta les décisions déposées par la plaignante.

[29]        Il invoqua ensuite en faveur de son client les facteurs atténuants suivants :

a)           l’absence de malhonnêteté de ce dernier;

b)           l’absence d’appropriation illégale ou de situation de conflit d’intérêts;

c)            des fautes remontant à l’an 2000 dans le cas du couple Bédard et en 1999 dans le cas du couple Nadeau;

d)           le maintien en vigueur jusqu’à ce jour par le couple Bédard de la police d’assurance-vie universelle souscrite par l’entremise de l’intimé.

[30]        Puis référant au témoignage que venait de livrer son client, il invita le comité à conclure que ce dernier était un « homme de cœur », « de valeurs », qui, alors que ses deux (2) enfants éprouvaient certaines difficultés, n’avait pas hésité à mettre de côté sa carrière pour prendre en main leur éducation.

[31]        Il ajouta que ce dernier était de plus impliqué dans sa communauté, qu’il avait créé un fonds de dotation pour venir en aide à une petite municipalité d’un comté rural et que sa pratique se résumait maintenant à des services à l’endroit d’organismes de philanthropie.

[32]        Il affirma qu’à son avis il ne représentait plus aucun danger pour le public et il n’y avait aucun risque qu’il ne récidive.

[33]        Il rappela qu’au cours de son témoignage il avait indiqué qu’il possédait maintenant de meilleurs outils de travail et qu’il les utilisait, ajoutant que ce dernier était maintenant un représentant plus expérimenté.

[34]        Il affirma que l’imposition d’amendes totalisant 34 000 $, tel que réclamé par la plaignante, compte tenu des faibles revenus mentionnés par son client, ne serait rien d’autre que l’imposition d’une sanction punitive.

[35]        Il ajouta que ce dernier, objet d’une poursuite civile de la part du couple Bédard qui avait donné lieu à un battage médiatique important, avait à son avis déjà été suffisamment éprouvé dans cette affaire et qu’il n’y avait pas lieu de s’acharner sur lui.

[36]        Il rappela ensuite le contexte factuel rattaché à chacun des deux (2) chefs d’accusation pour lesquels son client a été déclaré coupable.

[37]        Ainsi relativement au chef numéro 1, concernant l’analyse des besoins, il indiqua que le comité n’était pas confronté à une situation où le représentant aurait fait fi complètement de ses obligations. Il rappela qu’il y avait eu de la part de l’intimé une cueillette exhaustive d’informations auprès des clients, même si le comité avait jugé que l’exercice effectué ne respectait pas les dispositions législatives applicables.

[38]        Relativement au chef numéro 6, il mentionna qu’un prospectus avait été remis aux clients par l’intimé. Il indiqua également que ce dernier avait procédé auprès d’eux à une collecte d’informations, qu’il s’était informé de leur « profil » et, tout en soulignant que son client avait peu d’expérience en épargne collective au moment des événements reprochés, il ajouta que s’il avait « manqué la cible », il n’avait pas été malhonnête et ne leur avait fourni aucune information fausse ou trompeuse.

[39]        Enfin, il critiqua la suggestion de la plaignante de « cristalliser » la perte des clients au moment où Mme Morasse a pris le dossier, soit en octobre 2008, tandis que personne a-t-il déclaré « ne sait vraiment ce qui est advenu des placements du couple Nadeau ».

[40]        Il affirma ensuite que pour les motifs qu’il venait d’exposer, il suggérait au comité, sous chacun des chefs 1 et 6, d’imposer à l’intimé à titre de sanction le paiement d’une amende de 3 000 $ (total 6 000 $).

[41]        Pour ce qui est du paiement des déboursés, il rappela que l’audition de cette affaire avait duré dix (10) jours et mentionna que si l’on considérait non seulement chacun des chefs d’accusation mais aussi chacun de leurs sous-paragraphes, l’intimé n’avait été en fin de compte reconnu coupable que sur deux (2) des vingt et une (21) accusations portées contre lui.

[42]        Dans un tel contexte, il indiqua au comité que si l’intimé devait « supporter des frais », ce ne devrait être qu’à la hauteur de 2/21. Il ajouta que les frais d’experts de la plaignante devraient de plus être exclus des déboursés.

[43]        Il suggéra de plus que compte tenu de la situation financière précaire de l’intimé, un délai de vingt-quatre (24) mois devrait lui être accordé pour le paiement, le cas échéant, des amendes qui lui seront imposées.

[44]        Enfin, il indiqua qu’à son avis rien ne justifiait d’ordonner la publication de la décision et que de toute façon elle ne pouvait pas être ordonnée par le comité puisque la plaignante ne réclamait aucune ordonnance de radiation contre son client.

[45]        Il termina, en citant à son tour, à l’appui de ses arguments, quelques décisions antérieures du comité.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[46]        L’intimé exerce la profession de représentant depuis 1998.

[47]        Aucun antécédent disciplinaire le concernant n’a été invoqué.

[48]        Aucun élément de preuve pouvant inciter le comité à conclure qu’il aurait agi avec une intention malveillante n’a été présenté.

[49]        Selon son témoignage, à compter d’août 2008 il s’est consacré presqu’entièrement à l’éducation de ses deux (2) enfants âgés respectivement de 8 ans et de 11 ans (2 garçons). Afin de demeurer auprès de ces derniers, il a pris un congé sabbatique de 1 ½ an.

[50]        Depuis octobre 2008, il a cessé toute pratique en épargne collective, et ce, après avoir cédé ou vendu l’ensemble de sa clientèle. Il n’exerce plus aujourd’hui qu’en assurance de personnes et consacre son temps à ce qu’il a appelé la « planification philanthropique ».

[51]        En décembre 2009, il a créé une fondation dont l’objectif est de combattre la pauvreté à Rivière-à-Pierre, une municipalité dans le district de Portneuf.

[52]        Étant maintenant rattaché à Placements Cabinet de Services Financiers (SFL), si l’on se fie à son témoignage, il utilise dorénavant, lorsqu’il procède à l’analyse des besoins de ses clients, un formulaire préparé par Desjardins Sécurité Financière intitulé « Analyse des besoins en cas de décès » (pièce SI-1).

[53]        Par ailleurs, au plan de la recherche du profil d’investisseur de ses clients, il utilise également un document préparé par SFL intitulé : « Découvrez votre profil d’investisseur » (pièce SI-2).

[54]        Au cours de son témoignage (sur sanction), il a déclaré qu’une des leçons qu’il avait tirée de la décision du comité concernait l’importance de posséder les bons instruments de travail et que s’il avait eu en sa possession, au moment des événements reprochés, les outils dont il dispose maintenant tant pour l’ABF que pour l’établissement du profil d’investisseur de ses clients, il aurait évité les fautes qui lui sont reprochées.

[55]        Il a déposé au dossier un avis de cotisation provenant de l’Agence du revenu du Canada indiquant un revenu total de l’ordre de 60 824 $ pour l’an 2009 et a aussi témoigné à l’effet qu’il prévoyait pour l’année 2010 que le total des revenus qu’il aurait à déclarer serait de l’ordre de 5 568 $.

[56]        Selon son témoignage, bien que ses revenus étaient plus élevés en 2009, très peu provenaient de l’exercice de la profession à proprement parler, ceux-ci provenant plutôt de sommes qui lui étaient dues à la suite de la vente de sa clientèle.

[57]        De l’avis du comité, il ne fait nul doute que l’intimé a souffert tant personnellement que professionnellement des événements en cause. Ceux-ci ont été suivis de procédures judiciaires qui ont fait l’objet d’amples commentaires dans les journaux et il en a été éprouvé.

[58]        Néanmoins les fautes qu’il a commises sont sérieuses et vont au cœur de l’exercice de la profession.

Chef d’accusation numéro 1

[59]        À ce chef, l’intimé a été reconnu coupable du défaut de procéder, lors de la souscription d’une proposition d’assurance-vie universelle, à l’analyse des besoins de ses clients.

[60]        Or, l’analyse des besoins du client (ABF) est un exercice préalable indispensable à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes. Il s’agit de la pierre d’assise fondamentale sur laquelle doivent s’appuyer les recommandations du représentant.

[61]        Ce n’est qu’après avoir procédé à celle-ci que le représentant pourra suggérer à son client le produit ou la stratégie qui convient le mieux à ses besoins.

[62]        En l’espèce, même si la preuve a démontré que l’intimé a procédé à la cueillette de plusieurs des éléments d’informations nécessaires à la préparation de l’ABF, aucune ABF en bonne et due forme n’a été complétée par ce dernier.

[63]        Aussi, compte tenu des éléments tant objectifs que subjectifs propres à ce dossier, le comité est d’avis que l’imposition d’une amende de 5 000 $ sous ce chef serait une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il lui faut tenir compte.

Chef d’accusation numéro 6

[64]        À ce chef, l’intimé a été déclaré coupable d’avoir recommandé à ses clients des investissements ne correspondant pas à leur profil et à leurs objectifs de placements.

[65]        Encore une fois, il s’agit d’une infraction sérieuse qui va au cœur de l’exercice de la profession.

[66]        Compte tenu des particularités du dossier, des éléments tant objectifs que subjectifs qui lui sont propres et de la globalité des sanctions qui seront imposées à l’intimé, le comité est d’avis que l’imposition d’une amende de 5 000 $ sous ce chef serait une sanction juste, raisonnable, appropriée et proportionnée à l’infraction reprochée.

[67]        Par ailleurs, considérant, au plan des revenus, la situation de l’intimé, le comité est d’avis d’accorder à ce dernier un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement des amendes qui lui seront imposées.

[68]        Au plan des déboursés, l’intimé ayant été reconnu coupable de deux (2) des sept (7) chefs d’accusation portés contre lui, le comité est d’avis qu’il devrait en supporter le 2/7.

[69]        Enfin le comité est d’avis (sans pour autant affirmer son habileté à l’ordonner, ce sur quoi il ne se prononce pas), qu’il n’y a pas lieu en l’espèce d’ordonner la publication de la décision. La plaignante n’a pas réellement fait valoir de raison particulière au soutien de sa demande et le comité ne voit pas en l’instance la nécessité ou l’opportunité de faire publier l’avis réclamé.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef 6 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

ACCORDE à l’intimé un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement des amendes;

CONDAMNE l’intimé au paiement de 2/7 des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Réjean Talbot____________________

M. RÉJEAN TALBOT, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

DE CHANTAL  D’AMOUR FORTIER

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

18 mars 2011

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]     Le dossier a fait l'objet d'une audition conjointe avec le dossier CD00-0639.

[2]     Voir Me Micheline Rioux c. M. Yves Blanchet, CD00-0571, décision du 20 mars 2006.

[3]     Voir P-2, pièces 5 et 5.1

[4]     L'expert de la plaignante fait état d'un « niveau de connaissances restreint ».

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