Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0719

 

DATE :

19 février 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Gilles C. Gagné, A.V.C.

Membre

M. Nicol Lapointe, C.d'A.A.

Membre

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Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Mme JOSÉ FORTIN

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 4 décembre 2008, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« MARIE VILLENEUVE

1.             À Albanel, entre le ou vers le mois de juin 2003 et le ou vers le mois de février 2007, l’intimée n’a pas agi avec intégrité, n’a pas sauvegardé son indépendance et s’est placée dans une situation de conflit d’intérêt, notamment en empruntant de sa cliente, Marie Villeneuve, à quelques 21 reprises, des sommes variant entre 1 500,00 $ et 22 000,00 $ et totalisant plus de 131 000 $, le tout contrairement à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi qu’aux articles 11, 12, 18, 19 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

PIERRETTE GIRARD

2.             À Chicoutimi, entre le ou vers le 8 février 2006 et le ou vers le 16 février 2006, l’intimée n’a pas agi avec intégrité, n’a pas sauvegardé son indépendance et s’est placée dans une situation de conflit d’intérêt, notamment en empruntant de sa cliente, Pierrette Girard, des sommes totalisant 19 867,40 $, le tout contrairement à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi qu’aux articles 11, 12, 18, 19 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

NON COLLABORATION À UNE ENQUÊTE DU SYNDIC

3.                   À Montréal, le ou vers le 10 août 2007, l’intimé a nui au travail du syndic et de son personnel, notamment a tenté d’induire en erreur la syndic Léna Thibault et l’enquêteur Pierre Boivin, en prétendant ne pas avoir emprunté de sommes d’argent de d’autres de ses clients et ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 44 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière adopté en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers l.r.q., c. d-9.2; »

[2]           La plaignante était représentée par son procureur Me Johanne Pinsonnault alors que l'intimée et son procureur Me Jean-Marc Fradette étaient absents.

[3]           Néanmoins, l’intimée avait produit auprès du secrétariat du comité un plaidoyer de culpabilité sur chacune des infractions qui lui étaient reprochées.

[4]           Par ailleurs, la procureure de la plaignante avisa alors le comité qu'elle avait convenu avec le procureur de l'intimée, de produire au dossier, de consentement, une preuve documentaire et un résumé des faits ainsi que de proposer des « recommandations conjointes » sur sanction.

[5]           Ainsi après avoir déposé une preuve documentaire et un résumé des événements sous les cotes P‑1 à P-11, elle entreprit de présenter au comité les recommandations qui suivent.

[6]           Sur chacun des chefs numéros 1 et 2, elle recommanda d'imposer à l'intimée une radiation temporaire de dix (10) ans à être purgée de façon concurrente.

[7]           Relativement au chef numéro 3, elle proposa l'imposition d'une radiation temporaire de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente ainsi que l'imposition d'une amende de 1 000 $.

[8]           Elle suggéra enfin au comité d'ordonner la publication de la décision et de condamner l'intimée au paiement des déboursés.

[9]           Elle termina en passant en revue les circonstances entourant la commission des infractions et en soulignant tant les facteurs objectifs que subjectifs pertinents. Enfin, à l'appui de ses recommandations, elle soumit un cahier d'autorités qu'elle commenta.

LES FAITS

[10]        L'intimée a débuté dans l'exercice de la profession en octobre 2002. Elle détenait un certificat en assurance de personnes et était rattachée au cabinet de l'Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc. (l'Industrielle Alliance).

Marie Villeneuve

Chef numéro 1

[11]        En 2003, elle avait pour cliente Mme Marie Villeneuve (Mme Villeneuve), cette dernière ayant souscrit par son entremise une police d'assurance-vie en mars de la même année.

[12]        Au moyen de petites attentions lors de visites régulières à son domicile, elle réussit à bâtir avec Mme Villeneuve une relation de confiance telle qu'elle amena cette dernière à lui prêter au fil des ans des sommes d'argent fort importantes.

[13]        Ainsi entre le mois de juin 2003 et le mois de février 2007, l'intimée emprunta à Mme Villeneuve à quelque vingt et une (21) reprises des montants variant entre 1 500 $ et 22 000 $. La somme des montants empruntés totalise plus de 131 000 $.

[14]        Diverses reconnaissances de dette furent alors signées par l'intimée en faveur de Mme Villeneuve mais dans l'ensemble elle fit défaut de les honorer.

[15]        C'est en bout de compte l'Industrielle Alliance qui remboursa à Mme Villeneuve les montants empruntés en lui versant la somme de 135 997 $.

Pierrette Girard

Chef numéro 2

[16]        Mme Pierrette Girard (Mme Girard), amie du conjoint de l'intimée, était aussi sa cliente depuis mars 2004.

[17]        Entre les mois de février 2005 et février 2006, l'intimée lui emprunta des sommes d'argent totalisant 19 867,40 $ qu'elle fit par la suite, comme dans le cas précédent, défaut de lui rembourser.

[18]        En novembre 2007, à la suite dudit défaut de remboursement, l'Industrielle Alliance versa à Mme Girard pour la compenser une somme de 40 000 $.

Non collaboration à une enquête du syndic

Chef numéro 3

[19]        Le 10 août 2007, l'intimée rencontra l'enquêteur au bureau du syndic, M. Pierre Boivin ainsi que la syndic Mme Léna Thibault.

[20]        Leur ayant admis les emprunts qu'elle avait contractés auprès de Mme Marie Villeneuve, elle fut questionnée sur l'existence possible d'emprunt auprès d'autres clients.

[21]        L'intimée prétendit alors faussement qu'elle n'avait emprunté aucune autre somme d'argent d'aucun autre client tandis qu'elle avait en réalité également procédé à des emprunts, tel que précédemment mentionné, auprès de Mme Pierrette Girard.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[22]        À la suite de la production par l'intimée d'un plaidoyer de culpabilité, il y a lieu de déclarer celle-ci coupable des infractions reprochées.

[23]        Quant aux sanctions recommandées par les parties, le comité a revu celles-ci ainsi que les décisions citées par la plaignante. Lesdites sanctions lui apparaissent justes et raisonnables.

[24]        L'intimée avait entre six (6) mois et quatre ans et demi (4 ½) d'expérience au moment de la commission des infractions. Elle était âgée de 47 ans.

[25]        Elle n'a aucun antécédent disciplinaire et a cessé d'exercer la profession le 23 avril 2007, moment où elle a cessé de détenir un certificat.

[26]        Elle vivrait actuellement certaines difficultés financières ayant possiblement fait cession de ses biens au début de l'année 2008.

[27]        Les clientes en cause, Mme Marie Villeneuve et Mme Pierrette Girard, ont toutes deux récupéré les sommes d'argent empruntées ayant été indemnisées par l'institution financière à laquelle l'intimée était rattachée, soit l'Industrielle Alliance.

[28]        Néanmoins, la gravité objective des infractions mentionnées aux chefs 1 et 2 qui lui reprochent de s'être placée en situation de «conflit d'intérêt» en empruntant des sommes d'argent de ses clientes et en faisant défaut par la suite de leur remettre les sommes empruntées ne fait aucun doute. Il s'agit d'infractions allant au cœur de l'exercice de la profession.

[29]        De plus, la méthode utilisée par l'intimée pour obtenir ses « emprunts », les montants impliqués, l'élément de redite ainsi que la période de trois (3) ans durant laquelle les infractions ont été commises doivent être soulignés.

[30]        Sur les chefs 1 et 2, le comité retiendra les recommandations conjointes des parties. Elles lui apparaissent appropriées compte tenu notamment du nombre et du caractère répétitif des fautes commises.

[31]        Enfin, relativement au chef numéro 3 reprochant à l'intimée ses fausses déclarations au représentant du bureau du syndic, il faut souligner que cette dernière a agi ainsi dans le but de camoufler une infraction disciplinaire sérieuse, soit les emprunts auprès de sa cliente Mme Girard.

[32]        L'intimée a ainsi persévéré dans un comportement fautif même lorsque interpellée sur ses manquements par la syndic de son organisme professionnel.

[33]        La sanction suggérée par les parties sur ce chef apparaît, dans les circonstances, juste et appropriée. Elle répond à l'objectif premier du législateur qui est la protection du public. Le comité ne voit aucune raison de ne pas se conformer à cette recommandation.

[34]        Par ailleurs, le comité est aussi d'avis qu'il y a lieu en l'espèce de suivre la suggestion des parties et de condamner l'intimée au paiement des déboursés ainsi que d'ordonner la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimée sur chacun des chefs 1, 2 et 3 mentionnés à la plainte;

DÉCLARE l'intimée coupable de chacun des chefs 1, 2 et 3 mentionnés à la plainte;

ET, STATUANT SUR LA SANCTION :

Sur chacun des chefs 1 et 2 :

ORDONNE la radiation temporaire de l'intimée de la Chambre de la sécurité financière pour une période de dix (10) ans à être purgée de façon concurrente;

Sur le chef numéro 3 :

ORDONNE la radiation temporaire de l'intimée pour une période de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente;

Et

CONDAMNE l'intimée au paiement d'une amende de 1 000 $;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimée un avis de la présente décision dans un journal où l'intimée a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l'article 156-5 du Code des professions;

CONDAMNE l'intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Gilles C. Gagné

M. GILLES C. GAGNÉ, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Nicol Lapointe

M. NICOL LAPOINTE, C.d'A.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Johanne Pinsonnault

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure de la partie plaignante

 

Me Jean-Marc Fradette

FRADETTE, GAGNON, TÊTU, LE BEL, POTVIN

Procureurs de la partie intimée

Absent

 

Date d’audience :

 4 décembre 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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