Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0784

 

DATE :

23 septembre 2010

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

M. Roger Dionne, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

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Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. JEAN-BAPTISTE TRAN, conseiller en sécurité financière (certificat 154 612)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 6 juillet 2010, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni aux locaux de la Cour fédérale du Canada, sis au Palais de justice de Québec, Québec, et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Lévis, entre le 17 août 2005 et le 6 février 2006, l'intimé, JEAN-BAPTISTE TRAN, après être intervenu pour rembourser partiellement l'avance sur la police d'assurance-vie portant le numéro 00-2619514-4 de son client, Jacques Laflamme, notamment en procédant au rachat total de la police d'assurance-vie portant le numéro 00-2428438-7 sur la vie de Vincent Laflamme  et en effectuant une avance de 500 $ sur la police d'assurance-vie portant le numéro 00-2621780-6 sur la vie de Louise Fortin-Laflamme, a été négligent et a fait défaut d'agir avec diligence et en conseiller consciencieux en n'effectuant pas de suivi auprès de l'assureur Industrielle-Alliance afin de s'assurer que son intervention assurerait la pérennité de la police d'assurance-vie portant le numéro 00-2619514-4 et en omettant d'assurer un suivi auprès de son client, contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., D-9.2) et aux articles 12, 23 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., C. D-9.2, r. 1.01);

2.          À Lévis, le ou vers le 7 février 2006, l’intimé JEAN-BAPTISTE TRAN a été négligent et a fait défaut d’agir avec diligence et en conseiller consciencieux en omettant de communiquer et d’assurer un suivi auprès de Jacques Laflamme suite à la réception d’un avis de terminaison de la police d’assurance 00-2619514-4 afin de remettre ladite police d’assurance en vigueur, créant ainsi un découvert d’assurance, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., D-9.2) et aux articles 12, 23 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., C. D-9.2, r. 1.01); »

[2]           D’entrée de jeu, le procureur de la plaignante demanda et fut autorisé à procéder au retrait du deuxième chef d’accusation.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           Par la suite, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité sur l’unique chef d’accusation demeurant à la plainte.

[4]           Les parties présentèrent ensuite au comité leurs preuve et recommandations sur sanction.

[5]           Alors que la plaignante déposa de consentement une abondante preuve documentaire cotée P-1 à P-28, l’intimé choisit de n’offrir aucune preuve.

[6]           Par la suite, les parties soumirent au comité leurs représentations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           Celle-ci débuta ses représentations en avisant le comité que les procureurs des parties avaient convenu de lui présenter des « suggestions communes » et de lui recommander, à titre de sanction, la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $.

[8]           Elle mentionna que ces derniers avaient de plus convenu de suggérer au comité de condamner l’intimé au paiement des déboursés et de lui accorder un délai de six (6) mois tant pour le paiement de l’amende que pour l’acquittement de ceux-ci.

[9]           Elle poursuivit en signalant que la faute commise par l’intimé n’avait pas été sans conséquence pour les consommateurs en cause puisqu’en avril 2006, la police d’assurance sur la vie de Jacques Laflamme était tombée en déchéance et à son décès, il ne bénéficiait plus de cette protection.

[10]        La plaignante souligna, à l’appui de sa recommandation, qu’il s’agissait d’une première offense de la part de l’intimé et indiqua que ce dernier avait étroitement collaboré à l’enquête de la syndique.

[11]        Elle termina en invoquant qu’à son avis l’intimé semblait maintenant comprendre l’importance d’effectuer dans ses dossiers, un suivi minutieux auprès des clients, et ce, notamment lorsqu’en l’absence d’une telle démarche les droits de ces derniers risquent d’être mis en péril.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[12]        Le procureur de l’intimé invoqua d’abord que son client avait maintenant huit (8) ans d’expérience dans le domaine de la distribution des produits d’assurance de personnes mais qu’au moment des incidents reprochés, soit en 2005 et 2006, il n’en était qu’à ses premières années dans l’exercice de la profession.

[13]        Il indiqua ensuite que le délai de six (6) mois réclamé pour l’acquittement tant de l’amende que des déboursés avait été convenu en considération des ressources financières de son client.

[14]        Il confirma enfin les affirmations de la plaignante à l’effet que ses recommandations constituaient « une suggestion commune » des parties.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[15]        Après avoir, le ou vers le 17 août 2005, procédé à ce qu’il est convenu d’appeler dans le jargon de l’assurance-vie, une « prolongation modulaire » du contrat de son client Jacques Laflamme, l’intimé a omis, aux fins d’éviter que ladite police ne tombe en déchéance, d’effectuer par la suite un suivi adéquat du dossier (tant auprès de l’assureur que de son client).

[16]        À la date précitée, à la suite des démarches de l’intimé, l’assureur concerné consentait en effet une avance sur la police d’assurance-vie de M. Laflamme garantie par sa valeur de rachat.

[17]        Les termes de ladite police prévoyaient qu’au moment où la valeur de rachat devenait moindre que la somme et les intérêts dus sur l’emprunt, l’assureur y mettrait fin.

[18]        L’intimé ne pouvait donc ignorer que dès le moment où son client ne payait pas les intérêts sur le prêt et/ou ne prenait pas les moyens pour rembourser celui-ci, la valeur de rachat de sa police allait immanquablement baisser et il risquait de se retrouver rapidement sans couverture.

[19]        Et c’est ce qui est arrivé puisque le ou vers le 23 janvier 2006, au moment où le prêt et les intérêts ont atteint le montant de la valeur de rachat, la police a été terminée par l’assureur.

[20]        Selon la preuve présentée au comité, aucun avis de déchéance n’aurait préalablement été expédié par l’assureur à l’intimé ou à son client. L’assureur aurait simplement fait tenir, le ou vers le 7 février 2006, un avis de terminaison à son assuré. Ledit avis informait celui-ci que son contrat avait été terminé mais lui laissait la possibilité de le remettre en vigueur dans les cent vingt (120) jours. Malheureusement, le client n’a pas réagi à l’avis et ne s’est pas prévalu de la possibilité de remettre en vigueur sa couverture d’assurance si bien qu’il s’est retrouvé sans protection.

[21]        À la décharge de l’intimé, il faut souligner que tel que nous venons de le mentionner, aucun préavis ou avis de déchéance ne lui a été adressé par l’assureur. De plus, le client n’a pas jugé bon de communiquer avec lui après la réception de l’avis de terminaison de son contrat. L’on peut penser que si l’intimé avait été avisé de la situation, il aurait vraisemblablement incité son client à prendre les mesures appropriées, si telle était la volonté de ce dernier, pour éviter que le contrat ne tombe en déchéance.

[22]        Par l’enregistrement de son plaidoyer de culpabilité, l’intimé a reconnu que bien qu’il avait une connaissance des risques singuliers qui, à la suite de son intervention, menaçaient la couverture d’assurance de son client, il a fait défaut d’assurer le suivi approprié du dossier.

[23]        En l’espèce, les parties ont présenté au comité des « suggestions communes » sur sanction.

[24]        Or, tel que l’a antérieurement indiqué le comité à plusieurs reprises, dans l’arrêt R. c. Douglas, 2002, 162 Ccc (3rd 37), la Cour d’appel du Québec a statué sur l’attitude à adopter lorsque les parties, représentées par procureurs, après de sérieuses négociations, en sont arrivées à s’entendre pour présenter de façon conjointe des recommandations sur sanction. La Cour d’appel a indiqué qu’elles ne devaient être écartées que si le tribunal les jugeait inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou était d’avis qu’elles étaient de nature à discréditer l’administration de la justice[1].

[25]        Le comité ne croit pas être en présence d’une telle situation. Il est plutôt d’avis que dans les circonstances, rien ne le justifierait de s’écarter des recommandations conjointes des parties. Il y donnera donc suite.

[26]        Ainsi sur le chef d’accusation numéro 1, il condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $.

[27]        Enfin, il imposera à ce dernier d’acquitter les déboursés et lui accordera un délai de six (6) mois, tant pour le paiement de l’amende que des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

AUTORISE le retrait par la plaignante du chef d’accusation numéro 2;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sur le chef d’accusation numéro 1;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef d’accusation numéro 1;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sur le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE             l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de six (6) mois pour le paiement tant de l’amende que des déboursés.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) André Chicoine___________________

M. ANDRÉ CHICHOINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Roger Dionne_____________________

M. ROGER DIONNE, A.V.C., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

Me Suzie Cloutier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Guy Leblanc

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

6 juillet 2010

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Ces mêmes principes ont été repris par le Tribunal des professions notamment dans l’affaire Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 750-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002.

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