Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0728

 

DATE :

 Le 10 novembre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Pierre Décarie

Membre

M. Alain Côté, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

VENISE LEVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JEAN LAROCHELLE, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 15 janvier 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au Palais de justice de Montréal, situé au 1, rue Notre-Dame Est, salle 3.05 à Montréal, et a procédé à l’audition d’une plainte portée contre l’intimé libellée comme suit :

« 1.      À Lévis, le 13 septembre 2003, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Justine Guillemette, une proposition pour l’émission du contrat d’assurance vie universelle numéro 04-4181936-6 auprès d’Industrielle Alliance, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement, la résiliation ou la réduction des bénéfices du contrat d’assurance-vie numéro 801989 émis par Zurich Canada compagnie d’assurance vie, l’intimé, Jean Larochelle, a fait défaut de procéder à l’analyse des besoins de sa cliente, le tout contrairement aux articles 6 et 22 (1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, c. 9.2 r. 1.3;

2.         À Lévis,  le 13 septembre 2003, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, madame Justine Guillemette, une proposition pour l’émission du contrat d’assurance vie universelle 04-4181936-6 auprès de l’Industrielle Alliance, l’intimé, Jean Larochelle, a priorisé ses intérêts personnels avant ceux de sa cliente en lui faisant souscrire un produit qui ne lui convenait pas, le tout contrairement à l’article 16 de La loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 et à l’article 19 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière, c. 9.2 r. 1.01;

 3.        À Lévis, le 13 septembre 2003, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, madame Justine Guillemette, une proposition pour l’émission du contrat d’assurance vie universelle numéro 04-4181936-6 auprès d’Industrielle Alliance, l’intimé, Jean Larochelle, a omis de fournir à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir, en y indiquant faussement, à la question relative à l’usage du tabac, que cette dernière n’avait pas fait usage de tabac au cours des 12 derniers mois et qu’elle avait cessé de fumer le 20 juillet 2002, le tout contrairement aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière, c. 9.2 r. 1.01;

4.         À Lévis, le 13 septembre 2003, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Justine Guillemette, une proposition pour l’émission d’un contrat d’assurance vie universelle numéro 04-4181936-6 auprès d’Industrielle Alliance, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement, la résiliation ou la réduction des bénéfices du contrat d’assurance-vie numéro 801989 émis par Zurich Canada compagnie d’assurance vie, l’intimé, Jean Larochelle, n’a pas rempli, en même temps que la proposition d’assurance le formulaire intitulé «Préavis de remplacement de police d’assurance vie», le tout contrairement à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, c. 9.2 r. 1.3; »

[2]          La plaignante était représentée par procureur tandis que l’intimé se représentait seul. Après l’enregistrement par l’intimé d’un plaidoyer de non culpabilité à l’égard de tous les chefs de la plainte, la plaignante entreprit sa preuve.

[3]          La plaignante, par l’entremise de son procureur, produisit avec le consentement de l’intimé sa preuve documentaire (P-1 à P-9).  Elle fit entendre Madame Justine Guillemette, la consommatrice et sa fille Madame Valérie Dunn, Madame Chantale Guinois, analyste d’affaires pour la financière Manuvie et Madame Nancy Brennon, analyste en gestion documentaire pour l’Industrielle Alliance.

[4]          L’intimé a pour sa part contre-interrogé certains des témoins et fournit sa version des faits.

LES FAITS

[5]          Madame Guillemette a débuté sa relation d’affaires avec M. Larochelle, au milieu des années 1980.  L’intimé avait été référé à son mari comme représentant en assurances et le couple souscrivit à des assurances-vie.  Deux filles, Valérie et Audrey, sont nées de leur union.  Quelques années plus tard, le couple s’est séparé et un divorce fut prononcé en 1994.

[6]          Suite à la séparation, Madame Guillemette a contacté M. Larochelle pour souscrire des assurances sur sa vie et celles de ses deux filles.  Madame Guillemette décrivit l’intimé comme un homme de belle prestance, qui a toujours été gentil, qui répondait à leurs besoins et en qui elle avait entièrement confiance.

[7]          Au moment où Madame Guillemette a contacté M. Larochelle, elle était prestataire de la sécurité du revenu.  Elle expliqua que détenir une assurance vie était très importante pour elle afin de pouvoir laisser un peu d’argent à ses enfants à son décès. De la même façon, si un enfant décédait avant elle, elle aurait l’argent nécessaire pour l’enterrer.

[8]          Madame Guillemette déclara avoir commencé à fumer dès l’âge de 13 ans et n’avoir jamais arrêté.

[9]          Madame Guillemette dit n’avoir jamais fait défaut de payer la prime d’assurance de 30 $ par mois à Zurich Canada compagnie d’assurance vie (« Zurich Canada »), même étant prestataire de la sécurité du revenu car ces assurances étaient primordiales pour elle.

[10]       La police d’assurance Zurich Canada portant le numéro 801989 a été établie le 10 juin 1992 (P-2, pp. 23 et ss.).  Suite à l’acquisition par la Financière Manuvie de  Zurich Canada (P-3, pp. 118 et 123), toutes les garanties et prestations du contrat détenu avec Zurich Canada sont restées inchangées.

[11]       La police d’assurance prévoyait en cas de décès de Madame Guillemette le versement d’un montant de 50 000 $, et de 10 000 $ dans le cas du décès de chacune de ses filles.  Le coût annuel total de la prime était de 308 $ acquittée par versements mensuels de 27,35 $. Une clause du contrat prévoyait que cette prime était révisée tous les 5 ans mais que la prime annuelle ne pourrait, en aucun temps, excéder 404,50 $.

[12]       Depuis son déménagement en 1994 dans la ville de Québec, Madame Guillemette travaille toujours pour le même employeur et a conservé le même numéro de téléphone.

[13]       Au cours de l’été 2003, devant accompagner son épouse à Québec, M. Larochelle a contacté Madame Guillemette lui proposant de revoir avec elle sa police d’assurance.

[14]       M. Larochelle a mentionné à Madame qu’elle payait pour rien la police de Zurich Canada puisqu’à 50 ans, la couverture d’assurance s’annulerait d’office et qu’elle perdrait la possibilité de la racheter pour un montant de 1 500 $.  Il lui aurait précisé qu’étant âgée de 46 ans, il n’y avait pas lieu de continuer à payer pour une période supplémentaire de 4 ans, et perdre ainsi le bénéfice de profiter de la valeur de rachat de 1 500 $. 

[15]       Madame Guillemette dit avoir signé différents documents (P-2, p. 286) le 1er octobre 2003 visant à annuler la police de Zurich Canada pour recevoir la valeur de rachat, ajoutant que bien qu’elle reconnaisse sa signature, l’écriture était celle de M. Larochelle.

[16]       Selon M. Larochelle, l’avantage de souscrire à de nouvelles assurances consistait à assurer les enfants et elle-même pour 50 000 $.  M Larochelle lui a fait valoir que cette police avec l’Industrielle Alliance était un investissement.  Il lui aurait également dit que la nouvelle prime serait de 50 $ par mois lui disant que si ses revenus augmentaient, bien qu’il n’y ait pas d’obligation, elle pourrait mettre un montant additionnel à titre d’épargne. 

[17]       Madame Guillemette dit que c’est le seul produit que M. Larochelle lui a présenté à ce moment-là.

[18]       Concernant le contrat d’assurance-vie universelle portant le numéro 04-4181936-6, souscrit le 13 septembre 2003 et émis le 2 octobre 2003 auprès de l’Industrielle Assurance, madame Guillemette, à la lecture des informations indiquées à la proposition (P-5, p. 69), déclare que l’information «centre de santé» apparaissant à titre de réponse à la question : genre d’entreprise est fausse, que le nom et l’adresse de l’employeur indiquant CLSC à Lévis est également faux car Madame a toujours travaillé pour une coopérative.  Elle mentionne également qu’elle n’a jamais eu de salaire de 25 000 $ par année ni des actifs de 30 000 $.  Elle se rappelle très bien avoir discuté avec M. Larochelle de ses revenus et lui avoir dit qu’ils variaient entre 13 000 $ et 15 000 $ par année et que son solde bancaire variait entre 150 $ et 300 $.

[19]       À la question concernant l’usage de tabac, Madame Guillemette dit que la réponse aurait dû être «oui» (P-5, p. 220), puisqu’elle affirme n’avoir jamais arrêté de fumer et même avoir fumé devant M. Larochelle au cours de leur rencontre.  De plus, elle ne se rappelle pas si M. Larochelle lui a posé quelque question que ce soit à ce sujet, et encore moins si elle avait déjà tenté d’arrêter de fumer.

[20]       Quant aux documents relatifs aux questions concernant ses filles et indiquant qu’Audrey ne fume pas (P-5, pp. 75-76), Madame Guillemette déclara n’avoir jamais dit à M. Larochelle qu’Audrey ne fumait pas et n’avoir jamais été questionnée à ce sujet. 

[21]       Madame Guillemette confirma que M. Larochelle n’avait pas d’ordinateur avec lui, qu’il ne lui a jamais montré ses notes ni passé en revue les informations qu’il avait prises et notées sur la proposition.  Madame Guillemette dit qu’elle avait entièrement confiance en M. Larochelle.

[22]       Suite à ces événements, Madame Guillemette a rencontré un représentant de la Caisse populaire Desjardins et celui-ci, après avoir examiné la police de l’Industrielle Alliance, lui a demandé si elle fumait.  Il lui a fait remarquer qu’il était indiqué sur le contrat qu’elle était non-fumeur.  Suite à cette constatation, Madame Guillemettte a communiqué avec l’Industrielle Alliance pour corriger cette erreur.  La compagnie lui précisa qu’elle devait, dans les circonstances, payer une prime plus élevée variant entre 70 $ et 80 $ par mois.  Comme cette somme était au-delà de ses capacités financières, Madame Guillemette, complètement découragée, a annulé la police.  Elle affirma qu’elle n’aurait jamais accepté de faire une fausse déclaration.

[23]       Madame Guillemette précisa qu’elle n’aurait jamais annulé la police Zurich Canada si la prime à verser pour le nouveau contrat avait été entre 70 $ et 80 $ par mois.  Elle déclara que bien que prête à augmenter ses versements mensuels de 36 $ à 50 $ pour le nouveau contrat, elle ne pouvait consentir à payer davantage. 

[24]       Madame Guillemette dit avoir eu un échange avec M. Larochelle au cours duquel elle lui a fait part de toute sa frustration et de sa colère.  M. Larochelle lui a tout simplement répondu qu’il ne se souvenait pas qu’elle fumait. 

[25]       Madame Chantal Guinois de la compagnie financière Manuvie rapporta que la police d’assurance Zurich Canada, portant le numéro 801989, était un contrat d’assurance-vie entière dont la prime pouvait être révisée tous les 5 ans.  La prise d’effet de ce contrat était le 10 juin 1992. Lors de la souscription Madame était âgée de 35 ans et la tarification de la prime était fumeur (P-2, p. 31) et son coût annuel de 308 $.  En 2003, le plan de base avait subi des augmentations à deux reprises et la prime mensuelle était d’environ 38 $.

[26]       De toute façon, il était stipulé au contrat que la prime annuelle ne pourrait jamais être supérieure à 404,50 $ pendant toute la durée du contrat.

[27]       Concernant les enfants, l’assurance était une assurance temporaire avec possibilité d’obtenir sans preuve d’assurabilité une assurance maximum équivalente à cinq fois le capital initial soit 50 000 $.

[28]       Madame Guinois confirma que la compagnie financière Manuvie n’a jamais reçu d’avis de remplacement concernant cette police.  D’ailleurs, il est bien indiqué à la proposition de la police d’assurance de l’Industrielle Alliance que cette police ne remplace aucune autre assurance.

[29]       Madame Nancy Brennon de la compagnie Industrielle Alliance a confirmé que la police avait bien été tarifée sur une base non-fumeur.  Si elle avait été calculée à un taux fumeur, au moment de la souscription, la cliente aurait payé un montant mensuel de 61 $ plus environ 13 $ pour l’assurance de ses deux filles (P-10).

[30]       Le contrat de l’Industrielle Alliance a fait l’objet d’une annulation suite à une plainte reçue de Madame Guillemette datée du 22 mars 2006 (P-11).  Madame Brennon explique que malheureusement les primes n’ont pas pu être remboursées à la cliente puisqu’il ne s’agissait pas d’une erreur de la compagnie.  La cliente a payé ainsi des primes pendant près de trois ans inutilement. 

[31]       Madame Brennon expliqua que, compte tenu que deux ans s’étaient écoulés depuis la souscription du contrat, la compagnie devait prouver une fausse déclaration intentionnelle pour être libérée du paiement du capital assuré advenant un décès.  Madame Brennon confirma en outre ne pas avoir d’analyse de besoins au dossier.

[32]       Madame Brennon mentionna que la police d’assurance-vie universelle génère des commissions plus élevées que pour d’autres contrats traditionnels.  Elle a aussi confirmé qu’en 2003, les formulaires pouvaient être remplis soit manuellement (formulaire papier), soit de façon électronique (avec un ordinateur portable).

[33]       Quant à M. Jean Larochelle, il exerce depuis plus de 25 ans.  Il est travailleur autonome pour le groupe Impresa à Montréal. 

[34]       En contre-interrogatoire, M. Larochelle reconnut, qu’avant de rencontrer Madame Guillemette en septembre 2003, il n’avait pas révisé son dossier sauf pour regarder la première page de la police de Zurich Canada.  Il était conscient de sa capacité financière limitée mais supposait qu’elle avait des besoins. Lors de leur rencontre, il réalisa que la situation de sa cliente n’avait pas beaucoup changé depuis 1992.

[35]       Selon ses dires, cette rencontre n’avait pas pour but d’annuler la police de Zurich Canada, mais de réduire la protection.  Il déclara avoir proposé de libérer la police et non pas d’obtenir la valeur de rachat. 

[36]       Il a toutefois fait souscrire sa cliente à une police d’assurance vie auprès de l’Industrielle Alliance. 

[37]       M. Larochelle reconnaît ne pas avoir rempli de formulaire d’analyse de besoins mais n’ayant apporté aucun formulaire avec lui, il dit avoir utilisé une feuille blanche pour ce faire. Il reconnut que le seul document concernant l’analyse de besoins est celui rempli au bureau portant l’entête de la Financière Manuvie (P-8, p. 201).  Il n’a pas montré ce document à sa cliente.  Il précisa qu’il n’a pas indiqué son revenu sur ce document car le système informatique aurait calculé d’office un besoin d’assurance moyennant une prime trop élevée pour Madame Guillemette.

[38]       Quant à la condition de fumeur, inscrite dans la proposition écrite de l’Industrielle Alliance, il ne se souvint pas avoir posé la question à sa cliente et dit ne pas se rappeler de l’avoir vu fumer. 

[39]       Il déclara qu’une fois de retour au bureau, il a tenté de remplir l’analyse de besoins et le questionnaire de la proposition à partir des notes qu’il avait prise sur sa feuille blanche.  Il expliqua que lorsqu’il a vu la question fumeur il a tenté de rejoindre à trois ou quatre reprises sa cliente sans succès et, dans les circonstances, aurait choisi d’indiquer «non fumeur» depuis un an.  Il reconnut que ce n’est probablement pas la bonne façon de remplir un questionnaire mais que c’est sa façon à lui. 

[40]       Quant à la mention du CLSC de Lévis comme employeur, il croit avoir noté qu’elle y faisait des ménages.

[41]       Il reconnut ne pas avoir envoyé d’avis de remplacement car, selon lui, il n’y avait pas de remplacement puisqu’il avait mentionné à sa cliente qu’il demandait que la police de Zurich Canada soit libérée.

[42]       Bien que M. Larochelle reconnut avoir préparé, le 1er octobre 2003, une lettre demandant l’annulation et le paiement de la valeur de rachat de la police Zurich Canada, il indiqua ne pas avoir pensé à ce moment là à remplir un avis de remplacement.

ANALYSE ET DÉCISION

CHEF 1

[43]       L’intimé est accusé de ne pas avoir procédé à l’analyse de besoins.  La preuve démontre, de façon non équivoque, que l’intimé ne prend pas son travail au sérieux.  Il n’a pas complété d’analyse de besoins pour sa cliente.  À part quelques questions sur son revenu dont le montant indiqué dans la proposition est, de toute façon, erroné et d’autres questions quant à ses économies, qui n’ont pas été non plus fidèlement inscrites dans la proposition, l’intimé n’a pas vraiment posé de questions à sa cliente et ne s’est pas enquis de ses besoins.  Cette analyse incomplète des besoins de sa cliente a été faite une fois revenu à son bureau et n’a pas été discutée avec sa cliente.  L’intimé a démontré qu’il était un représentant négligent accomplissant son travail de façon peu sérieuse. 

[44]       L’intimé sera donc déclaré coupable sur le chef 1. 

CHEF 2

[45]       Il ressort de la preuve que l’intimé n’a pensé qu’à son propre intérêt en faisant souscrire à sa cliente une nouvelle police d’assurance-vie auprès de l’Industrielle Alliance.  En aucun temps, cette police universelle n’était dans l’intérêt de sa cliente.  L’intérêt de Madame Guillemette était de conserver la police Zurich Canada existante dont les primes minimales et maximales à moindre coût étaient garanties.  Il est plus probable que l’intimé ait indiqué que Madame était «non-fumeur» afin de minimiser le coût de la prime.  L’intimé a non seulement priorisé son intérêt en faisant souscrire cette assurance mais il l’a fait au détriment de sa cliente.  Les conséquences sont excessivement graves pour Madame Guillementte qui, étant fumeuse, a perdu les bénéfices de son contrat avec Zurich Canada, au montant de 50 000 $ qui respectait sa capacité de payer la prime.  L’intimé sera déclaré coupable sur ce chef.

CHEF 3

[46]       L’intimé a, encore une fois, fait preuve d’incompétence en fournissant à l’assureur de faux renseignements quant à l’usage du tabac.  L’intimé a tout simplement démontré, tout au cours de cette transaction et au cours de l’audition devant le comité, qu’il était un représentant négligent.  Il avait lui-même fait souscrire la première police d’assurance avec la compagnie Zurich Canada et s’il avait eu la moindre conscience professionnelle il aurait analysé la police dans son ensemble et constaté que Madame était fumeuse.  S’il avait été consciencieux, l’intimé lui aurait demandé si elle fumait encore, ce qu’il ne fit malheureusement pas.  L’intimé a déclaré s’être limité à analyser la première page de la police.  Au surplus, il a déclaré avoir rempli la proposition de la nouvelle police auprès de la compagnie Industrielle Alliance à son retour au bureau.  Avec désinvolture, il décida d’inventer une réponse et une date de cessation de fumer pour sa cliente.  C’était une question primordiale pour les fins de la police d’assurance et pour la protection de sa cliente.  Il a de plus fourni des renseignements inexacts quant à l’employeur de Madame et quant à ses revenus et ses économies.

[47]       L’intimé sera par conséquent déclaré coupable sur ce chef.

CHEF 4

[48]       Quant au chef 4, il ressort clairement de la preuve que l’intimé n’a jamais préparé de préavis de remplacement.  Ceci est confirmé par la représentante de la compagnie Industrielle Alliance et l’intimé se justifia en disant qu’il n’avait pas à le faire puisque la police d’assurance n’était pas annulée mais seulement libérée ce qui s’est révélé faux.

[49]       L’intimé a non seulement fait défaut de le faire au moment de la souscription de la nouvelle police mais a également négligé de le faire, si on suivait sa version, lorsqu’il a préparé la lettre datée du 1er octobre 2003 à l’effet que Madame voulait toucher la valeur de rachat de la police d’assurance.  Notons que le nouveau contrat de l’Industrielle Alliance a été mis en vigueur le 3 octobre 2003.

[50]       En conséquence, l’intimé sera déclaré coupable du chef 4.

[51]       Le comité tient à préciser qu’il n’a aucune raison de douter du témoignage de Madame Guillemette, de sa fille et des autres témoins.  Par ailleurs, le témoignage de l’intimé fut cousu de fil blanc et sa manière d’opérer démontre de la grossière négligence voire même de la malhonnêteté.

[52]       L’intimé a non seulement commis ces fautes mais il a poussé l’incurie jusqu’à maintenir, dans le cas du chef 3, qu’il s’agissait juste d’un oubli lorsqu’il a pris ses notes concernant les fausses déclarations relatives à l’usage du tabac.  L’intimé sembla reprocher à sa cliente de ne pas l’avoir contacté avant de résilier la police de l’Industrielle Alliance afin qu’il puisse de lui-même, y apporter les corrections.  Il a ajouté que malgré cette fausse information, Madame Guillemette n’aurait pas été pénalisée puisqu’elle aurait bénéficié de l’assurance après que son contrat ait été en vigueur pendant deux ans, soit après 2005.

[53]       L’intimé alla même jusqu’à reprocher à Madame sa signature sur le document (P-5, p. 252) où elle reconnaît que les informations, les réponses données dans la proposition électronique sont vraies alors qu’il a témoigné à l’effet qu’il les avait inscrites rendu à son bureau.  M. Larochelle, comme la procureure de la plaignante le souligna, a révélé au cours de son témoignage et par ses représentations, qu’il avait une conscience professionnelle douteuse, en plus d’argumenter que son assurance-responsabilité professionnelle, au montant de deux millions, aurait indemnisé Madame si elle l’avait appelé pour corriger son erreur.

[54]       L’intimé prétendit avoir à cœur le bien de tous ses clients.  Pour sa part, le comité estime qu’il n’en a pas été ainsi dans le cas en l’espèce.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline

DÉCLARE  l’intimé coupable sur chacun des chefs 1, 2, 3 et 4 de la plainte;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

 

(s) Janine Kean

________________________________

ME JANINE KEAN

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Décarie

________________________________

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Alain Côté

________________________________

M. ALAIN CÔTÉ, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 


 

 

Me Lynne Chlala

BORDEN LADNER GERVAIS, s.r.l., s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

M. Jean Larochelle

Intimé

Non représenté

 

 

 

Date d’audience :

15 janvier 2009

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0728

 

DATE :

30 novembre 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Alain Côté, A.V.C., Pl. Fin.

M. Pierre Décarie

Membre

Membre

______________________________________________________________________

 

VENISE LEVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JEAN LAROCHELLE, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective (certificat 139 149)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

[1]          Pour faire suite à la décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s’est réuni les 1er et 28 juin 2010, pour procéder à l’audition sur sanction.

[2]          L’intimé, qui n’était pas représenté par procureur lors de l’audition sur culpabilité, l’était toutefois sur sanction.

[3]          Alors que la plaignante déclara ne pas avoir de preuve supplémentaire à présenter sur sanction, l’intimé témoigna et déposa une lettre de son nouvel employeur sous la cote SI-1.

[4]          D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé demanda le retrait, aux fins de la sanction, de la pièce P-9 produite par la plaignante à l’audition sur culpabilité, demande à laquelle la plaignante s’opposa. Il fut convenu que la décision sur cette demande de retrait serait rendue en même temps que la présente décision. 

[5]          Les parties entreprirent ensuite leurs représentations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]          La procureure de la plaignante, après un résumé des faits, suggéra les sanctions suivantes :  

  Pour le chef numéro 1, reprochant le défaut de procéder à l’analyse de besoins, une amende de 5 000 $;

  Pour le chef numéro 2, reprochant à l’intimé d’avoir priorisé ses intérêts personnels, une radiation temporaire de 3 mois;

  Pour le chef numéro 3, reprochant à l’intimé d’avoir fourni aux assureurs une fausse information concernant l’usage du tabac, une radiation provisoire d’un mois;

  Pour le chef numéro 4, concernant le préavis de remplacement, une amende de 3 000 $.

[7]          Elle demanda également au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé aux déboursés. 

[8]          Elle précisa que les amendes réclamées tenaient compte des nouvelles amendes fixées par l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) à la suite des amendements adoptés en décembre 2009, s’appuyant sur la décision Venise Levesque c. Norman Burns, CD00-0731, rendue le 1er mars 2010, où le comité a conclu à l’application immédiate de ces amendements à toutes les plaintes entendues postérieurement à ces amendements.  

[9]          Ensuite, elle mentionna les facteurs aggravants suivants : 

  Le préjudice subi par la consommatrice en raison de la perte du bénéfice de l’assurance Zurich;

  La perte financière correspondant aux primes mensuelles de près de 52 $ payées par la consommatrice à l’Industrielle Alliance, du mois d’octobre 2003 au mois de mars 2006;

  La gravité objective de l’infraction résultant de la fausse information fournie aux assureurs au sujet de l’usage du tabac;

  Les commissions plus importantes versées au représentant en fonction d’une police d’assurance vie universelle comparativement à une autre police;

  Les engagements volontaires signés par l’intimé le 24 octobre 2001 et le 16 juillet 2003 relativement à des infractions semblables;

  L’absence de repentir de la part de l’intimé qui semble plutôt faire porter le blâme à la consommatrice comme rapporté au paragraphe 53 de la décision sur culpabilité;

  L’absence de mesures prises par l’intimé lui-même pour corriger sa pratique au lieu des mesures de supervision assurées récemment par Financière Sun Life;

  Le fait que la rencontre avec la consommatrice ait été à l’initiative de l’intimé;

  La vulnérabilité de la consommatrice qui avait une confiance totale en l’intimé qui avait été son représentant depuis vingt ans;

  Les autres informations erronées inscrites sur la proposition à l’égard des revenus et économies de la cliente ainsi que le nom de son employeur;

  La perte du bénéfice des primes dont le coût maximal était garanti par la police Zurich comme mentionné au paragraphe 45 de la décision sur culpabilité.

[10]       Elle concéda comme facteur atténuant le fait qu’il s’agissait d’un seul événement et d’une seule consommatrice. 

[11]       À l’appui de ses recommandations, elle déposa un cahier de décisions[1] rendues antérieurement par le comité de discipline de la CSF et indiqua les parallèles et les distinctions qu’elle invitait le comité à faire avec le cas en l’espèce.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[12]       Le procureur de l’intimé rappela les principes devant guider le comité lors de la détermination de la sanction. Il insista pour dire que les sanctions devaient coller aux faits propres à chaque cas[2]. Ceux en l’instance différeraient grandement de ceux rapportés dans les décisions soumises par la plaignante et il n’a répertorié ou trouvé, pour sa part, aucune décision rendue sur des faits comparables.

[13]        Il a soutenu que l’intimé avait déjà, en quelque sorte, subi des sanctions par l’effet dommageable important que la décision sur culpabilité a eu sur sa pratique : notamment, la décision de son nouvel employeur, La Financière Sun Life, de le soumettre à une surveillance étroite de la part de son directeur pour chaque nouvelle proposition (SI-1). Il ajouta que cette initiative de son employeur garantissait l’atteinte des objectifs de dissuasion et d’exemplarité des sanctions en plus de rendre les risques de récidive peu probables.

[14]       Il rappela le témoignage de l’intimé sur sanction qui expliqua qu’au moment des faits reprochés en 2003, il assistait principalement (95 %) les conseillers en assurance et en placement qui œuvraient au sein des Services financiers de la Banque Nationale. Le reste de sa pratique était consacré à quelques clients de longue date et à des dossiers d’assurance collective. Ainsi, le cas de la consommatrice différait de ceux qu’il avait l’habitude de traiter lesquels touchaient plutôt les besoins d’une clientèle d’affaires et d’employés d’entreprise. À cette époque, son revenu annuel était d’environ 175 000 $.

[15]       Il contesta la prétendue absence de repentir avancée par la plaignante.  À l’appui, il releva un passage du témoignage de l’intimé, rendu au cours de l’audition sur culpabilité, où il avait reconnu l’erreur commise au sujet de l’usage du tabac déclarant même que si sa cliente l’avait mis au courant de cette erreur, il aurait pu intervenir pour régler la difficulté ou la faire indemniser par le biais de son assurance responsabilité. 

[16]        Il a de plus soutenu que la consommatrice, en signant la proposition que l’intimé lui avait soumise, se rendait elle-même responsable car, ce faisant, elle attestait de la véracité des informations inscrites.

[17]       Il prétendit que le fait d’avoir porté en appel la décision sur culpabilité démontrait un faible risque de récidive ou une forme de repentir. Il cita à l’appui la décision de la Cour du Québec dans Murphy[3] disant y voir un parallèle avec la présente affaire.

[18]       Au sujet du préjudice découlant du coût des primes payées, il a soutenu que la cliente avait quand même bénéficié de la couverture d’assurance de la police pendant trois ans. De plus, il indiqua que la police d’assurance vie universelle était d’un montant peu élevé (50 000 $) assortie de primes mensuelles somme toute minimes (entre 40 et 50 $) semblables à celles de la première.

[19]       Il s’est dit en désaccord avec les conclusions du comité particulièrement à l’égard du deuxième chef reprochant à l’intimé d’avoir priorisé son intérêt en remplaçant la police Zurich par une police qui ne convenait pas à la cliente. Rappelant le témoignage de son client, il se demanda comment l’intimé pouvait avoir priorisé ses intérêts alors qu’il avait un revenu annuel de 175 000 $ et que la commission perçue n’était que d’environ 400 $ et par la suite de 15 $ annuellement. 

[20]       Il entreprit ensuite de soumettre au comité les différences entre les faits des décisions produites par la plaignante et ceux en l’espèce.

[21]       Enfin, il a soutenu que l’application du principe de la gradation des sanctions ne serait pas justifiée, car l’intimé n’avait pas d’antécédent disciplinaire. Aussi, la sanction devrait être moins sévère étant d’avis que le risque de récidive était faible.

[22]       Il suggéra l’imposition d’une réprimande comme une sanction juste et appropriée. Subsidiairement, si la réprimande n’était pas retenue par le comité, il avança que seules des amendes devraient être imposées, car toute radiation pour quelque durée que ce soit serait déraisonnable.

ANALYSE ET DISPOSITIF

DEMANDE PAR L’INTIMÉ DU RETRAIT AUX FINS DE LA SANCTION DE LA PIÈCE P-9

[23]       Le comité traitera d’abord de la demande de retrait de la pièce P-9 formulée par le procureur de l’intimé.  Cette pièce est constituée de deux engagements volontaires signés par l’intimé, en octobre 2001 et en juillet 2003.  Ces engagements visent des contraventions de nature similaire à l’infraction reprochée au chef 4 et des manquements relatifs aux informations fournies par le représentant au client.

[24]       Les deux procureurs argumentèrent longuement sur le droit de la plaignante de les produire.  Au soutien de sa prétention, la plaignante a produit un avis de réception d’enquête, adressé à l’intimé, daté du 20 avril 2006 (SP-1). 

La pièce P-9 a été produite en preuve lors de l’audition sur culpabilité avec le consentement de l’intimé. Elle fait donc légalement partie du dossier. Il n’appartient pas au comité de réviser sa production.  En conséquence, la demande de retrait de la pièce P-9 est rejetée.

LA SANCTION

[25]       Les infractions commises par l’intimé touchent les premiers devoirs et obligations d’un représentant en assurance. Leur gravité objective est indéniable.

[26]       Par ailleurs, les recommandations des parties sont diamétralement opposées. Alors que la plaignante a suggéré des amendes de 3 000 $ et 5 000 $ et des radiations d’un et trois mois, l’intimé a proposé des réprimandes ou subsidiairement des amendes, mais sans en préciser le montant.

[27]       La Cour d’appel du Québec dans Pigeon c. Daigneault [2003] R.J.Q. 1090, a établi que la sanction disciplinaire doit favoriser l’atteinte des objectifs suivants :

1.    la protection du public ;

2.    la dissuasion du professionnel de récidiver;

3.    l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

4.    le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession[4].

[28]       De plus, tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier doivent être pris en compte pour la déterminer la sanction. Les facteurs objectifs sont :

1.    le public est-il affecté par les gestes posés par le professionnel,

2.    l'infraction retenue contre le professionnel a-t-elle un lien avec l'exercice de la profession,

3.    le geste posé est-il un acte isolé ou un geste répétitif.

[29]       Les facteurs subjectifs sont l'expérience, le passé disciplinaire, l'âge du professionnel et sa volonté de corriger son comportement.  La Cour d’appel énonça que « la délicate tâche du comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire »[5].

[30]       Les infractions commises par l’intimé ont causé un préjudice à la cliente. À la date de souscription de la nouvelle police, il ne lui était plus possible d’obtenir au même coût une protection équivalant à celle détenue par la police Zurich compte tenu de son statut de fumeur, de son âge et de sa capacité limitée de payer. L’infraction a un lien direct avec l’exercice de la profession, mais il ne s’agit que d’un seul événement. L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire et plus de vingt-cinq ans d’expérience. 

[31]       Par ailleurs, l’intimé paraît éprouver une certaine difficulté à comprendre ses obligations déontologiques.  Il excuse sa conduite en reportant la responsabilité de ses erreurs sur sa cliente démontrant ainsi peu de remords et de regrets.  Son procureur prétendit que la supervision par son nouvel employeur était le gage ou la garantie de non-récidive et d’une pratique appropriée.  Or, c’est au représentant d’améliorer ou de corriger son comportement et il ne peut reporter sur un tiers cette responsabilité. Le comité rejette donc cet argument. 

[32]       Quant à l’argument, apparemment inspiré de la décision rendue par la Cour du Québec dans l’affaire Murphy, qui voudrait que l’appel de la décision sur culpabilité supporte l’existence de repentir, le comité l’estime non-applicable en l’espèce. 

[33]        Le comité ne peut pas davantage retenir la prétention voulant qu’un risque de récidive soit peu probable compte tenu des deux engagements volontaires signés par l’intimé, le premier, le 24 octobre 2001, concernant le défaut de préavis de remplacement et le second, le 15 juillet 2003, concernant des informations ou explications incomplètes, trompeuses ou mensongères fournies au client avant la conclusion d’un contrat d’assurance.  

[34]        Même si dans ce second engagement volontaire, les infractions s’appuient sur des dispositions différentes de la LDPSF ou de ses règlements que celles décrites aux chefs 1, 2 et 3, l’attitude de l’intimé ne témoigne certainement pas d’une volonté de corriger son comportement.  À peine deux mois plus tard, en septembre 2003, il a fait souscrire à sa cliente une police d’assurance, sans procéder au préalable à une analyse de ses besoins, lui a présenté une illustration basée sur des coûts d’assurance d’un taux non-fumeurs et a fourni à la compagnie d’assurance une information erronée quant à son usage du tabac.  Le comité estime donc que ces faits constituent une circonstance aggravante et fait craindre un risque important de récidive. 

Chef d’accusation numéro 1

[35]       L’intimé a été reconnu coupable d’avoir fait défaut d’effectuer une analyse des besoins de sa cliente.

[36]       À maintes reprises, le comité de discipline de la CSF a souligné que procéder à l’analyse des besoins financiers du client de façon complète et exhaustive constituait la pierre d’assise de la pratique du représentant. L’intimé a déclaré avoir pris des notes sur une feuille blanche sans pour autant en conserver de copie. Il aurait rempli la proposition à partir de ces notes à son retour au bureau. Or, cette proposition démontre des informations erronées notamment quant au lieu de naissance de la cliente, ses revenus, ses économies, le nom et l’adresse de son employeur (décision sur culpabilité, par. 18). Or, l’analyse doit se faire à partir de la collecte d’informations obtenues et consignées par écrit, de façon consciencieuse et non négligente. 

[37]       Pour cette infraction, les décisions antérieures du comité de discipline de la CSF font état de condamnation à des amendes de l’ordre de 2 500 $.  Toutefois, depuis l’adoption, en décembre 2009, des amendements à l’article 376 de la LDPSF portant l’amende minimale à 2 000 $ et maximale à 50 000 $, le comité, notamment dans Venise Levesque c. Norman Burns, CD00-0731, rendue le 1er mars 2010, a imposé une amende de 15 000 $ pour ce type d’infractions compte tenu du caractère répétitif du geste reproché à l’égard de trois clients.

[38]       Comme il s’agit, en l’espèce, d’un geste isolé, le comité condamnera l’intimé à une amende de 4 500 $ sous ce premier chef d’accusation.

Chef d’accusation numéro 2 

[39]       Sur ce chef, l’intimé a été reconnu coupable d’avoir priorisé ses intérêts en faisant souscrire à sa cliente un produit qui ne lui convenait pas.

[40]       Selon la preuve sur culpabilité, l’intimé a représenté à la cliente que sa police tomberait en déchéance alors qu’elle aurait atteint l’âge de 50 ans en l’occurrence dans quatre ans. Cette information était inexacte. Aussi, l’intimé a exhibé pour la nouvelle assurance une illustration basée sur un taux non-fumeur plutôt que celui d’un fumeur, induisant ainsi sa cliente en erreur puisque l’information relative à l’usage du tabac est déterminante pour établir la prime que le client doit verser pour l’assurance vie proposée. En conséquence, le choix de la consommatrice de souscrire à une nouvelle police ne pouvait être le résultat d’une décision éclairée.

[41]       La police Zurich détenue par la consommatrice offrait différentes options. Une première option consistait à maintenir le statu quo, ce qui voulait dire continuer de verser les primes comme elle l’avait toujours fait jusqu’alors ce qui lui permettait de conserver une couverture d’assurance vie de 50 000 $. La prime, bien que révisable tous les cinq ans, n’aurait pu dans tous les cas excéder 404,50 $ annuellement (P-2, p. 23).

[42]       Deuxièmement, elle aurait pu cesser d’acquitter la prime tout en demeurant assurée, mais pour une couverture d’un montant moindre. La troisième option lui permettait de cesser les paiements des primes tout en conservant la même couverture, mais pendant seulement une période à être déterminée par la compagnie (prolongation d’assurance, P-2, p. 26).

[43]       Alors que la prime versée pour la police Zurich existante n’était que de 38 $ (décision sur culpabilité, par. 25), la police vie universelle, un produit orienté vers l’investissement, ne pouvait convenir à la cliente puisque sa situation financière ne lui permettait pas de verser des montants additionnels à la prime mensuelle établie à près de 52 $ suivant la tarification du statut de non-fumeur.  De surcroît, le statut de fumeur aurait établi la prime pour elle et ses filles à près de 73 $, dont 61 $ seulement pour elle (P-10).

[44]       Le comité ne peut souscrire à l’argument du procureur de l’intimé voulant que ce dernier n’ait pas voulu prioriser son intérêt compte tenu de la commission de l’ordre de 400 $ alors qu’il gagnait 175 000 $ annuellement.  Quel était alors l’intérêt de l’intimé de remplacer une police de 50 000 $ par une autre du même montant si ce n’est que de rechercher une nouvelle rémunération composée non seulement de la commission, mais potentiellement de bonis.

[45]       La recommandation de la plaignante pour une radiation de trois mois s’appuie notamment sur les décisions rendues dans les affaires Samson, Masse et Petit. Or, il s’agit dans le premier cas de vente d’une assurance supplémentaire alors que la cliente n’avait pas de besoin additionnel. Dans Masse, le client semble n’avoir eu aucun besoin en assurance, il s’agissait davantage d’une forme d’investissement. Quant à Petit, il est difficile à même la décision de savoir s’il y avait des besoins.  

[46]       Dans Samson, la cliente a dû puiser à même 50 % de ses actifs pour assurer le paiement et le maintien de la police de 250 000 $. Ayant considéré les antécédents disciplinaires et l’absence de facteurs atténuants, le comité imposa, en janvier 2007, une amende de 6 000 $ assortie d’une radiation de trois mois plutôt qu’un an tel que réclamé par la plaignante. 

[47]       Dans Masse, l’intimé a vendu une assurance de 2 000 000 $ qui ne correspondait pas au profil des clients et une radiation d’un mois fut imposée en considération du peu d’années de pratique du représentant au moment des événements et de l’absence d’antécédent disciplinaire.  

[48]       Dans l’affaire Petit, les chefs reprochaient à ce dernier d’avoir priorisé son intérêt ainsi que fourni des explications trompeuses, et ce, à l’égard de deux clients. Bien que l’intimé n’avait aucun antécédent disciplinaire en quinze ans de pratique et avait enregistré un plaidoyer de culpabilité, le comité suivit les recommandations communes des parties et lui imposa une radiation de dix-huit mois.

[49]       Quoique que la comparaison de décisions soit bien souvent imparfaite, il ne faut pas pour autant minimiser les gestes de l’intimé sur la base que les sommes impliquées sont moindres. Bien qu’il ait constaté que la situation de sa cliente n’avait pas réellement changé depuis la souscription de la police de Zurich en 1992, il lui proposa tout de même une autre police d’assurance au même montant (décision sur culpabilité, par. 34). En cela, les faits s’apparentent aux décisions susmentionnées, et ce, même si la police Zurich a été annulée par son rachat le jour précédent la date de mise en vigueur du nouveau contrat de l’Industrielle Alliance (P-2 p.286). 

[50]       Le préjudice causé à la cliente est aussi sérieux. Son objectif était de procurer un héritage de 50 000 $ à ses filles par le biais de l’assurance vie.  Maintenant, en conséquence du remplacement et de l’annulation de la police Zurich par l’intimé, cet objectif ne pourra probablement plus être atteint tenant compte du statut de fumeur et de la capacité de payer de la cliente.

[51]       Aussi, malgré l’absence d’antécédent disciplinaire, le comité ne peut ignorer les engagements volontaires signés par l’intimé en 2001 et 2003.  Il ressort des décisions antérieures que ce type d’infraction réclame à tout le moins une période de radiation. 

[52]       En conséquence, le comité imposera à l’intimé une radiation pour une période de deux mois.

Chef d’accusation numéro 3

[53]       Ce chef reproche la fausse information fournie à l’assureur au sujet de l’usage du tabac.  Comme dit précédemment, l’information relative à l’usage du tabac est déterminante quant à la prime que le client doit verser pour l’assurance vie proposée. Ce faisant, non seulement l’intimé n’a pas fourni à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir, mais l’a induit en erreur sur le risque lié à la situation de l’assuré.

[54]       Comme rapporté à la décision sur culpabilité (par. 38-39), l’intimé a rempli la proposition à son retour au bureau.  Alors qu’il n’avait pas abordé la question avec sa cliente au cours de leur rencontre et puisqu’il ne la rejoignait pas, il a indiqué qu’elle avait cessé de fumer et a délibérément inventé une date de cessation.  De façon laconique, l’intimé ajouta que ce n’était probablement pas la bonne façon de faire, mais que c’était sa façon à lui. 

[55]       Cette erreur volontaire de l’intimé aurait pu être corrigée au moment de la livraison du contrat à la cliente s’il avait révisé avec elle les informations indiquées sur la police comme l’exige une saine pratique.

[56]       Cette façon de l’intimé d’exercer sa profession ne répond certes pas au travail appliqué, minutieux et diligent que l’assureur et l’assuré étaient en droit de s’attendre de sa part.  Il ne semble pas bien saisir la nécessité d'agir en toutes circonstances en professionnel consciencieux et diligent.  L’intimé est sans excuse pour ne pas avoir respecté ses obligations professionnelles. 

[57]       Les affaires Haddaoui et Berry furent rendues en 2008 et, pour des infractions semblables, les intimés ont été condamnés soit à une radiation d’un mois ou à une amende de 2 000 $, mais cette amende est le résultat de recommandations communes où le principe de la globalité des sanctions devait être considéré. 

[58]       Dans l’affaire Daoust, rendue en 2006, l’intimé fut condamné pour cette infraction à une radiation de 2 mois en plus d’une amende de 1 500 $. Les faits en l’espèce se rapprochent de cette affaire.

[59]       Toutefois, conscient que contrairement à l’affaire Daoust, l’intimé, en l’espèce, n’a pas d’antécédent disciplinaire, le comité est d’avis de ne pas lui imposer d’amende mais seulement une radiation de deux mois. Le comité estime que cette sanction est  juste et appropriée, tient compte de la faute de l'intimé et est de nature à le convaincre de ne pas recommencer, tout en comportant un caractère dissuasif à l'endroit de représentants qui pourraient être tentés d'imiter sa conduite.

Chef d’accusation numéro 4

[60]       Le défaut de remplir un préavis de remplacement constitue sans aucun doute une faute sérieuse.  Si l'on doit se fier au témoignage de l'intimé, il était convaincu qu’il ne s’agissait pas d’un remplacement, mais d’un rachat de police.  Or, la preuve a démontré que par deux fois, l’intimé a eu l’occasion de procéder au préavis de remplacement.  Une première fois au moment de remplir la souscription et une deuxième quand il a préparé la demande d’annulation de la police Zurich et le paiement de la valeur de rachat signée par sa cliente le 1er octobre 2003 (décision sur culpabilité par. 41-42) alors que la police d’assurance vie universelle Industrielle vendue par l’intimé est entrée en vigueur le 2 octobre 2003. 

[61]       Tenant compte que la norme pour une infraction de cette nature était de 2 000 $ avant les amendements à la LDPSF de décembre 2009 où le législateur a manifesté clairement son intention que le comité impose des amendes plus importantes[6], le comité retiendra la proposition de la plaignante et condamnera l’intimé à une amende de 3 000 $.

[62]       Enfin, l’intimé sera condamné au paiement des déboursés et le comité ordonnera à ses frais la publication de la décision.


POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 4 500 $ sous le chef 1 et d'une amende de 3 000 $ sous le chef 4;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs 2 et 3;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean_________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Alain Côté   __________________

M. Alain Côté, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Décarie________________

M. Pierre Décarie

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Stéphane Nobert

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audience :

1er et 28 juin 2010

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Rioux c. Noureddine Haddaoui, CD00-0622, rendue le 25 juin 2008; Rioux c. Benoît Amar, CD00-0653, rendue le 22 mai 2009; Lévesque c. Norman Burns, CD00-0731, rendue le 1er mars 2010; Rioux c. Samson, CD00-0584, rendue le 10 janvier 2007; Rioux c. Christian Masse, CD00-0621, rendue le 17 avril 2008; Thibault c. Michel Petit, CD00-0692, rendue le 30 juillet 2008; Rioux c. Luc Daoust, CD00-0576, rendue le 21 novembre 2006; Rioux c. Denis Boisvert, CD00-0557, rendue le 3 août 2006; Rioux c. Pierre Berry, CD00-0636, rendue le 8 novembre 2007; Rioux c. François Binet, CD00-0623, rendue le 20 février 2008.

[2] Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090.

[3] Murphy c. CSF, [2007] QCCQ 7950.

[4] Par. 38.

[5] Par. 39.

[6] Voir note précédente.

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