Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0793

 

DATE :

23 décembre 2009

 

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Pierre Perreault, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JEAN-CLAUDE MORIN

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

 

 

                               

La plainte et la requête en radiation provisoire

 

[1] Le 14 novembre 2009, la plaignante a fait signifier à l’intimé une plainte et une requête en radiation provisoire.

 

[2]  Cette requête est libellée comme suit :

 

1.         Caroline Champagne, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière, a déposé une plainte disciplinaire à l’encontre de l’intimé, JEAN‑CLAUDE MORIN, laquelle plainte comporte cinq (5) accusations dont trois (3) portent sur de l’appropriation de fonds à des fins personnelles, une sur de l’exercice illégal et une sur son défaut de collaborer avec l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière, copie de cette plainte étant produite au soutien de la présente requête sous la cote R-1;

2.         Tel qu’il appert de cette plainte, pièce R-1, les gestes reprochés à l’intimé, JEAN-CLAUDE MORIN, sont de nature grave, sérieuse et répétitive et mettent de façon très importante la protection du public en danger s’il continue à exercer sa profession;

3.         L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN est, en date des présentes, certifié en assurance de personnes en tant que représentant autonome. Du 20 décembre 2001 au 31 août 2004, il a également été certifié en courtage en épargne collective pour le cabinet Investissements Excel Inc. sans jamais être inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers à titre de courtier ou de conseiller en valeurs de plein exercice, tel qu’il appert de l’attestation de sociétariat de la Chambre de la sécurité financière, de l’attestation de droit de pratique de l’Autorité des marchés financiers et de l’attestation d’absence de droit de pratique produites en liasse sous la cote R-2;

4.         Les informations recueillies lors de l’enquête démontrent notamment que l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN s’est approprié des sommes d’argent de son client Daniel Coupal entre les mois d’octobre 2002 et octobre 2003 inclusivement;

Appropriation de fonds

5.         L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN est le conseiller en sécurité financière de Daniel Coupal depuis les années 1990. Le ou vers le 3 février 1999, l’intimé JEAN‑CLAUDE MORIN a fait souscrire à Daniel Coupal un régime d’épargne-retraite auprès de Transamerica, tel qu’il appert de la proposition produite sous la cote R-3;

6.         Au courant de l’année 2002, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a proposé à Daniel Coupal un projet d’investissement par lequel ce dernier lui confierait des montants d’argent qui seraient utilisés pour acheter des actions qui seraient gardés dans le compte Disnat de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN. Ce dernier ajouterait quant à lui au compte Disnat un montant d’argent équivalant à celui confié par Daniel Coupal et verrait à faire fructifier le portefeuille;

7.         Daniel Coupal a accepté la proposition de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN pourvu qu’il puisse vendre les actions en tout temps;

8.         Le ou vers le 21 mai 2002, Daniel Coupal a confié un montant de 7 800 $ à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN afin qu’il le dépose dans son compte Disnat pour acheter des actions, tel qu’il appert du billet signé par l’intimé produit sous la cote R-4;

9.         Vers le mois de septembre 2002, Daniel Coupal s’est séparé de son épouse. L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN lui a alors conseillé de vendre sa propriété et d’investir le produit de la vente avec lui dans des actions;

10.      Le ou vers le 1er octobre 2002, Daniel Coupal a confié un montant de 55 000 $ à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN afin qu’il le dépose dans son compte Disnat pour acheter des actions, tel qu’il appert du billet signé par l’intimé produit sous la cote R-5;

11.      Le ou vers le 4 octobre 2002, Daniel Coupal a confié un montant de 80 000 $ à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN afin qu’il le dépose dans son compte Disnat pour acheter des actions, tel qu’il appert du billet signé par l’intimé et du chèque produits respectivement sous les cotes R-6 et R-7;

12.      Le ou vers le 2 juin 2003, Daniel Coupal a confié un montant de 80 000 $ à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN afin qu’il le dépose dans son compte Disnat pour acheter des actions, tel qu’il appert du billet signé par l’intimé et du chèque produits respectivement sous les cotes R-8 et R-9;

13.      Le ou vers le 31 octobre 2003, Daniel Coupal a confié un montant de 35 000 $ à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN afin qu’il le dépose dans son compte Disnat pour acheter des actions, tel qu’il appert du billet signé par l’intimé et du chèque produits respectivement sous les cotes R-10 et R-11;

14.      Au courant de l’année 2004, Daniel Coupal a accompagné l’intimé JEAN‑CLAUDE MORIN au Casino de Montréal où ce dernier a perdu un montant de 7 000 $ en moins d’une heure. L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a déclaré à Daniel Coupal qu’il était un adepte du casino et qu’il gagnait plus qu’il ne perdait;

15.      Daniel Coupal a demandé à plusieurs reprises à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN de lui fournir les relevés Disnat afin qu’il puisse vérifier l’état des placements, ce que l’intimé a toujours omis de faire. Il lui a toutefois fourni une liasse de copies de bordereaux de transaction sur lesquels l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN avait caviardé son nom et le numéro de compte et sur certains desquels il avait inscrit une annotation à l’effet que le partage entre lui et Daniel Coupal devait se faire à 50 % / 50 %, tel qu’il appert desdites copies de bordereaux de transaction produites en liasse sous la cote R-12;

16.      À trois reprises, Daniel Coupal a rencontré l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN pour lui demander de vendre les actions acquises avec son argent mais ce dernier a toujours refusé d’accéder à cette demande. Prétendant en premier lieu que les actions acquises allaient connaître un essor important et que le moment n’était pas propice à la vente, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a fini par admettre à Daniel Coupal, lors de la troisième rencontre, que les actions avaient subi une importante perte de valeur ce qui l’empêchait de vendre;

17.      Daniel Coupal n’a jamais pu récupérer son investissement sauf pour un montant d’environ 50 000 $ ayant été retiré;

Enquête de la Chambre de la sécurité financière

18.      Le ou vers le 18 mars 2009, la syndique de la Chambre de la sécurité financière, a été saisie d’une demande d’enquête concernant l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN;

19.      Le ou vers le 19 mars 2009, suite à la réception d’une lettre l’informant de l’ouverture de l’enquête, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a laissé un message vocal au bureau de la syndique pour indiquer qu’il avait l’intention de quitter pour le Costa Rica dans quelques mois;

20.      Le même jour, l’enquêteur du bureau de la syndique, Donald Poulin, a contacté l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN par téléphone. L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a alors fait les déclarations suivantes :

a)         Daniel Coupal est un grand ami;

b)         Daniel Coupal l’aurait approché pour lui prêter de l’argent afin qu’il l’investisse à la bourse en échange d’un taux d’intérêt annuel. L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN lui aurait proposé un taux d’intérêt annuel de 10 % garanti;

c)         Il a admis que Daniel Coupal lui a prêté au total environ 223 000 $ et qu’il a utilisé cet argent pour acheter des actions. Il avait carte blanche pour acheter ce qu’il voulait. Les actions ont été achetées par son compte Disnat et l’argent aurait transité par son compte de la Caisse Desjardins de Beloeil – Mont‑Saint‑Hilaire;

d)         En 2005, il aurait perdu tout son argent à la Bourse, soit 1,8 million $ de son argent personnel et l’argent confié par Daniel Coupal. Ce dernier aurait retiré un montant de 60 000 $ et aurait subi une perte d’environ 193 000 $;

e)         Il serait toujours en possession des actions de Daniel Coupal mais celles-ci ne vaudraient plus rien. Il n’aurait pas « mis d’argent dans ses poches »;

f)          Il a admis avoir fait la même chose pour son fils et l’ami de son fils pour un montant de 10 000 $ chacun, ainsi que pour l’ex-épouse de Daniel Coupal pour un montant de 5 000 $ et pour quelques autres personnes ayant investi des montants de 1 000 $ ou 2 000 $. Ils auraient tous été remboursés;

g)         Il a dû céder les renouvellements des polices d’assurance de ses clients à un collègue pour s’acquitter d’une dette. Cela expliquait que sa clientèle soit maintenant codée sous le nom de Roger Bilodeau. Il continuerait néanmoins à desservir sa clientèle;

h)         Il aurait sous sa gestion un actif d’environ 8 millions $;

i)          Jean Lalonde, directeur d’agence chez Transamerica, lui aurait dit qu’il avait l’intention de porter plainte contre lui;

j)          Il envisageait d’aller travailler au Costa Rica pour une période de cinq (5) à six (6) mois;

k)         Il a indiqué qu’il souhaitait parler à Daniel Coupal. Donald Poulin l’a mis en garde à l’effet qu’il n’avait pas le droit d’entrer en contact avec lui;

21.      Le ou vers le 20 mars 2009, Daniel Coupal a informé Donald Poulin que, la veille, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN avait tenté de l’appeler à deux reprises sur son téléphone cellulaire;

22.      Le même jour, Donald Poulin a contacté l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN par téléphone. L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a alors fait les déclarations suivantes :

a)         Il a admis avoir appelé sur le téléphone cellulaire de Daniel Coupal;

b)         Il a admis qu’il n’avait pas donné une garantie de 10 % à Daniel Coupal mais qu’il avait plutôt convenu d’investir des montants d’argent égaux à ceux confiés par Daniel Coupal et que le compte Disnat serait ainsi réparti à parts égales entre les deux;

c)         Il a admis avoir remis à Daniel Coupal des bordereaux de transaction et avoir caviardé le numéro de compte;

23.      Le ou vers le 25 mars 2009, Donald Poulin a transmis à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN une lettre accompagnée d’un formulaire de consentement relatif aux renseignements personnels afin d’obtenir son autorisation pour avoir accès à ses comptes pour permettre à l’enquêteur de poursuivre son enquête. La lettre a été reçue le ou vers le 27 mars 2009, tel qu’il appert de ladite lettre et du bordereau de livraison produits en liasse sous la cote R-13;

24.      Le ou vers le 1er avril 2009, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a contacté Donald Poulin par téléphone pour l’informer qu’il n’avait pas l’intention de signer le formulaire reçu puisqu’il considérait l’information apparaissant à son compte Disnat confidentielle et qu’elle n’aurait rien à voir avec Daniel Coupal. Donald Poulin a rappelé à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN son obligation de collaborer à l’enquête et qu’un refus de signer le formulaire pourrait constituer une entrave à son travail;

25.      En raison du refus de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN de signer le formulaire, l’enquêteur ne pouvait finaliser son enquête et la syndique ne pouvait déposer de plainte disciplinaire;

26.      Le ou vers le 6 août 2009, Donald Poulin a transmis à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN une nouvelle lettre accompagnée d’un formulaire de consentement relatif aux renseignements personnels pour obtenir sa signature, tel qu’il appert de ladite lettre produite sous la cote R-14;

27.      Le 17 août 2009, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a confirmé à Donald Poulin avoir reçu la lettre, R-13, mais a réitéré son refus de signer le formulaire relatif aux renseignements personnel. Il a également indiqué qu’il s’était débarrassé de ses relevés Disnat;

28.      Le 18 août 2009, Donald Poulin a reçu un envoi de l’intimé signifiant qu’il n’avait pas l’intention de signer le formulaire relatif aux renseignements personnels, bloquant ainsi de nouveau l’enquête, tel qu’il appert de l’envoi de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN produit sous la cote R‑15;

29.      Le ou vers le 13 octobre 2009, Donald Poulin a reçu de l’Autorité des marchés financiers les relevés Disnat de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN pour la période couvrant les années 2001 à 2008 inclusivement. Examinés avec les relevés du compte de la Caisse Desjardins de Beloeil – Mont-Saint-Hilaire de l’intimé JEAN‑CLAUDE MORIN, ces relevés révèlent que ce dernier s’est approprié l’argent de Daniel Coupal. En particulier, ces relevés révèlent notamment ce qui suit :

a)         Des montants de 80 000 $, 80 000 $ et 35 000 $ ont été respectivement déposés dans le compte de la Caisse Desjardins de Beloeil –Mont‑Saint‑Hilaire de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN les 4 octobre 2002, 3 juin 2003 et 31 octobre 2003. À ces mêmes dates, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a transféré dans son compte Disnat des montants respectifs de 80 000 $, 70 000 $ et 35 000 $, ce qui démontre déjà une appropriation de 10 000 $;

b)         L’intimé JEAN-CLAUDE MORIN n’a jamais déposé des montants d’argent équivalant à ce que Daniel Coupal lui avait confié;

c)         Entre le 4 octobre 2002 et le 2 mars 2006, en plus des montants d’argent provenant de Daniel Coupal, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a déposé dans son compte Disnat près de 300 000 $ provenant de sources inconnues;

d)         Pendant la même période, l’intimé a retiré plus de 700 000 $ de son compte Disnat. À partir de l’année 2005, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a systématiquement vidé le compte;

le tout tel qu’il appert des relevés Disnat pour la période de janvier 2002 à juin 2006 produits en liasse sous la cote R-16, des relevés du compte de la Caisse Desjardins de Beloeil – Mont-Saint-Hilaire folio 109736 pour la période de janvier 2002 à décembre 2005 produits en liasse sous la cote R-17 et des tableaux des dépôts et retraits du compte Disnat produits sous la cote R-18;

30.      Il existe une preuve prima facie que l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a commis les gestes reprochés;

31.      La syndique a agi avec diligence afin de présenter la présente requête le plus rapidement possible;

32.      Compte tenu de la gravité des infractions reprochées, il est d’intérêt d’ordonner la radiation provisoire immédiate de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN;

33.      La présente requête est bien fondée en faits et en droit.

PAR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente requête;

PRONONCER la radiation provisoire immédiate de l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN, et ce, jusqu’à ce que jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire, pièce R-1;

LE TOUT avec dépens.

 

[3]  Les chefs d’infraction contenus à la plainte se lisent comme suit :

 

1.         À Boucherville, le ou vers le 4 octobre 2002, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN s’est approprié pour ses fins personnelles un montant de 80 000 $ lui ayant été confié par son client Daniel Coupal, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D‑9.2, r. 1.01) et 6 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

2.         À Mont-Saint-Hilaire, le ou vers le 2 juin 2003, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN s’est approprié pour ses fins personnelles un montant de 80 000 $ lui ayant été confié par son client Daniel Coupal, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D‑9.2, r. 1.01) et 6 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

3.         À Mont-Saint-Hilaire, le ou vers le 31 octobre 2003, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN s’est approprié pour ses fins personnelles un montant de 35 000 $ lui ayant été confié par son client Daniel Coupal, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D‑9.2, r. 1.01) et 6 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

4.         À Mont-Saint-Hilaire, entre les ou vers les 21 mai 2002 et 31 octobre 2003, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN a conseillé à son client Daniel Coupal d’acheter des actions par son entremise alors qu’il n’était pas autorisé à donner de tels conseils en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 12 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

5.            Depuis le ou vers le 17 août 2009, l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN fait défaut de collaborer avec l’enquêteur du bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière en refusant de lui fournir les informations qu’il requiert, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.01).

 

PAR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente plainte;

DÉCLARER l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN coupable des infractions reprochées;

IMPOSER à l’intimé JEAN-CLAUDE MORIN les sanctions jugées opportunes et équitables dans les circonstances.

 

 

 

 

Le déroulement de l’audience des 23 NOVEMBRE et 3 décembre 2009

 

[4]      Le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a procédé à l’instruction de la requête en radiation provisoire les 23 novembre et 3 décembre 2009.

 

[5]      Le 18 novembre 2009, l’intimé avait fait parvenir au secrétariat du Comité de discipline une lettre dans laquelle il requérait la remise de l’audience du 23 novembre 2009 à une date ultérieure.

 

[6]      À la demande du président, le secrétariat du Comité de discipline a fait parvenir par huissier une lettre à l’intimé le 19 novembre 2009 dans laquelle il était écrit ce qui suit :

 

« Si vous avez l’intention de formuler une demande de remise en regard de la requête en radiation provisoire fixée au 23 novembre prochain, vous devrez vous présenter devant le Comité de discipline à cette date pour y faire vos représentations au soutien d’une telle demande; il vous est également recommandé de consulter un avocat. »

 

[7]      Le 23 novembre 2009, l’intimé s’est présenté devant le Comité et il a alors formulé une demande de remise en invoquant le fait que son avocat revenait tout juste de vacances; l’intimé a ajouté qu’il n’avait pas tenté de joindre cet avocat au cours de la fin de semaine.  L’intimé a indiqué qu’il souhaitait voir le Comité ne procéder à l’instruction de la requête qu’en janvier 2010.

 

[8]      La plaignante s’est opposée à cette demande de remise pour les motifs suivants :

 

  il est reproché à l’intimé de s’être approprié des sommes d’argent et d’avoir fait défaut de collaborer à l’enquête;

  les 2 témoins qu’elle a convoqués sont présents et prêts à témoigner;

  une requête en radiation provisoire est une procédure d’urgence et il est déraisonnable d’en demander le report en janvier 2010.

 

[9]      Avant de décider de la demande de remise, le Comité a suggéré à l’intimé de tenter de joindre son avocat.

 

[10]    L’intimé a donné suite à cette suggestion mais n’a pas réussi à parler à son avocat.

 

[11]    Le Comité a retenu les arguments proposés par la plaignante et a rejeté la demande de remise.

 

[12]    La partie plaignante a fait entendre 2 témoins : 

 

  M. Daniel Coupal, l’un des clients de l’intimé;

  M. Donald Poulin, un enquêteur du bureau de la syndique.

 

[13]    Le Comité a ensuite décidé d’interrompre l’instruction de la requête et de la poursuivre le 3 décembre 2009.

 

[14]    À la demande de la plaignante, l’intimé s’est alors engagé à poster son certificat au secrétariat du Comité de discipline et à ne pas agir à titre de représentant en assurance de personnes d’ici le 3 décembre 2009.

 

[15]    Le Comité a expliqué à l’intimé qu’il pourrait, le 3 décembre 2009, présenter ses motifs de contestation et lui a suggéré de retenir les services d’un avocat.

 

[16]    Le 3 décembre 2009, l’intimé ne s’est pas présenté.

 

[17]    L’instruction de la requête s’est poursuivie.

 

[18]    Le Comité a été informé du fait que l’intimé s’était conformé à l’engagement souscrit et avait transmis son certificat par la poste, le 23 novembre 2009, au secrétaire du Comité.

 

[19]    Me Mathieu Cardinal, procureur de la plaignante, a présenté ses arguments et l’enquêteur, M. Donald Poulin, a répondu à certaines questions des membres du Comité.

 

 

La preuve

 

[20]    Il ressort ce qui suit des pièces produites et des témoignages des personnes qui ont été entendues.

 

  Le témoignage de M. Daniel Coupal

 

[21]    Il est à l’emploi d’Hydro-Québec depuis plusieurs années; il a d’abord travaillé comme monteur de lignes et occupe maintenant le poste de chef des travaux.

 

[22]    Il connaît l’intimé depuis plusieurs années : leurs conjointes ont travaillé à la même caisse populaire et leurs enfants ont joué au hockey ensemble; ils ont été de bons amis pendant plusieurs années et leur divorce respectif, au début des années 1990, ont contribué à les rapprocher.

 

[23]    En 1988, l’intimé lui a proposé des produits en matière d’assurance; plus tard M. Coupal a souscrit, par l’entremise de l’intimé, des polices d’assurance sur sa vie ainsi que sur celle de ses enfants.

 

[24]    En février 1999, l’intimé lui a proposé des placements en vue de sa retraite.

 

[25]    En mai 2002, l’intimé leur a suggéré, à son épouse et à lui, de lui confier 7 800$ afin qu’il procède à l’achat de titres dans son compte Disnat.

 

[26]    L’intimé lui a ensuite proposé d’investir d’autres sommes d’argent dans son compte Disnat; l’intimé s’engageait quant à lui à investir des sommes équivalentes et à faire fructifier l’ensemble de leurs investissements communs par des placements fructueux.

 

[27]    Afin de l’inciter à lui confier des montants d’argent importants, l’intimé lui a dit :  « Tu seras millionnaire ».

 

[28]    Il a ainsi confié à l’intimé 55 000$ le 1er octobre 2002, 80 000$ le 4 octobre 2002, 80 000$ le 2 juin 2003 et 35 000$ le 31 octobre 2003.

 

[29]    Les sommes qu’il a ainsi confiées à l’intimé provenaient notamment de la vente d’un terrain et de la vente d’une maison.

 

[30]    De son côté, il a indiqué à l’intimé qu’il voulait que celui-ci vende les actions dès qu’il le lui demanderait.

 

[31]    Au début du mois de novembre 2003, il a quitté la rive-sud de Montréal et s’est établi en Abitibi; il a alors demandé à l’intimé la preuve que les placements avaient été effectués et il lui a dit qu’il souhaitait pouvoir consulter des documents afin de suivre l’évolution des placements; l’intimé lui a alors indiqué qu’il ne pouvait lui fournir de relevés car il les jetait au fur et à mesure.

 

[32]    Alors qu’il était en Abitibi, il a requis et obtenu de l’intimé qu’il lui fasse parvenir 45 000$ pour l’achat d’une moto; à la même époque l’intimé lui a dit que la valeur des actions avait augmenté.

 

[33]    Il est revenu sur la rive-sud de Montréal à l’automne 2004.  Désirant s’acheter une maison, il a demandé à l’intimé de vendre des actions; l’intimé lui a alors déconseillé de le faire au motif que ce n’était pas le temps de vendre.

 

[34]    Il a décidé de suivre le conseil de l’intimé mais il est revenu à la charge une semaine plus tard en exigeant la vente des actions; l’intimé lui a alors expliqué que la valeur des actions avait diminué et il a refusé de vendre.

 

[35]    Insatisfait, il a demandé de nouveau à l’intimé des documents faisant état des placements.

 

[36]    Quelques semaines plus tard, l’intimé lui a remis des copies de bordereaux de transaction caviardés; en ajoutant qu’il n’était pas censé les lui remettre.

 

[37]    M. Coupal a examiné ces documents avec l’un de ses « partenaires d’entraînement » lequel faisait également affaire avec l’intimé; il a alors constaté que certains documents que l’intimé lui avait remis étaient les mêmes que ceux remis à cette autre personne.

 

[38]    Interrogé à ce sujet, l’intimé lui a dit qu’il s’agissait peut-être d’une erreur.  M. Coupal n’a cependant pas reçu de l’intimé d’autres documents par la suite.

 

[39]    En une occasion, il a accompagné l’intimé au casino.  En vingt minutes, celui-ci a perdu 7 000$ à la « roulette ».  Nullement découragé, l’intimé lui a dit qu’il « faisait beaucoup d’argent au casino. ».

 

[40]    Au cours de l’été 2005, il a indiqué à l’intimé qu’il avait besoin d’argent et il lui a demandé à nouveau de vendre des actions.  L’intimé lui a répondu qu’il n’était pas le seul client qui demandait à être remboursé, qu’il recevait des menaces, qu’il le rembourserait « jusqu’à la dernière cenne » et il s’est mis à pleurer.  L’intimé lui a également dit qu’il avait réussi à rembourser son fils d’un montant de 10 000$ et certains autres clients de petits montants.

 

[41]    Il a longtemps conservé espoir d’être remboursé; il considérait l’intimé comme un ami et il avait pitié de lui; il croyait que l’intimé avait été malchanceux et avait fait de mauvais placements.  Cependant, il a appris en 2007 que l’intimé avait gagné 15 000$ à Loto-Québec et a témoigné du fait qu’il était déçu que l’intimé ne l’ait pas remboursé partiellement à même cette somme.

 

[42]    À part la somme de 45 000$ pour l’achat de sa moto, il n’a récupéré aucun montant d’argent de l’intimé.

 

[43]    Il a finalement formulé une « plainte » contre l’intimé auprès de l’Autorité des marchés financiers.

 

  Le témoignage de M. Donald Poulin

 

[44]    Il est enquêteur pour la syndique de la Chambre de la sécurité financière.

 

[45]    L’enquête au sujet de la conduite de l’intimé a débuté le 18 mars 2009.

 

[46]    Dans le cadre de l’enquête, il a communiqué à quelques reprises avec l’intimé et, à certains égards, la version des faits de celui-ci a varié au gré des conversations; de plus, certains des éléments qui sont au cœur des explications fournies par l’intimé sont contredits par les documents qu’il a recueillis au cours de son enquête.

 

[47]    Ainsi, quant aux sommes d’argent, l’intimé lui a successivement dit que M. Coupal les lui avait « prêtées », « données » puis « confiées ».

 

[48]    Au cours de l’enquête, il a dit à l’intimé qu’il n’avait pas le droit de communiquer avec M. Coupal.  Or, il croit que l’intimé a tenté par la suite d’entrer en communication avec M. Coupal.

 

[49]    L’intimé lui a déclaré qu’il avait tout perdu son argent et l’argent de M. Coupal à la Bourse en 2005 et que les pertes totalisaient 1.8 millions de dollars.  L’intimé lui a également dit qu’il était encore détenteur des actions mais que celles-ci ne valaient plus rien.

 

[50]    L’intimé a ajouté qu’il n’avait pas mis les sommes d’argent de M. Coupal « dans ses poches ».

 

[51]    À deux reprises, il a écrit à l’intimé afin que celui-ci consente à ce que la syndique et son personnel puissent obtenir certains renseignements de tiers aux fins de l’enquête.  L’intimé a refusé au motif que les informations détenues par Disnat étaient de nature confidentielle.

 

[52]    Informé du fait qu’il pourrait lui être reproché d’entraver le travail de la syndique, l’intimé lui a dit qu’il s’en « foutait », qu’il avait tout perdu et qu’il suivait les conseils de son avocat.  L’enquête a été, de ce fait, retardée de plusieurs mois.

 

[53]    Au cours de l’enquête, il a également appris que l’intimé avait rendu des services de même nature que ceux rendus à M. Coupal à d’autres personnes.  L’intimé lui a dit que les sommes d’argent impliquées étaient cependant beaucoup moins importantes et qu’il avait réussi à rembourser ces personnes.

 

[54]    L’intimé lui a dit que c’est M. Coupal qui l’avait « harcelé » pour qu’il fasse des placements pour lui.  M. Poulin a recueilli auprès de M. Coupal une version des faits différente : c’est l’intimé qui l’a approché et fait miroiter le fait qu’il deviendrait millionnaire.

 

[55]    L’intimé lui a dit ne plus avoir d’argent, ne pas cacher d’argent et en devoir au gouvernement.

 

[56]    L’enquête a révélé que M. Coupal avait remis des sommes d’argent à l’intimé, que celui-ci les avait déposées dans son compte personnel à la Caisse populaire Beloeil-Mont St-Hilaire et qu’il les avait ensuite transférées dans son compte Disnat.

 

[57]    Il a réussi à obtenir de Disnat et de la Caisse populaire Beloeil-Mont St-Hilaire les relevés et autres documents pertinents; l’analyse de l’ensemble de ces éléments lui a permis, entre autres, de constater ce qui suit :

 

  en avril 2002, M. Coupal a remis 80 000$ à l’intimé; celui-ci a déposé ce montant dans son compte personnel à la caisse populaire; il l’a ensuite transféré dans son compte Disnat;

  en juin 2003, M. Coupal a remis 80 000$ à l’intimé, il a déposé ce montant dans son compte personnel à la caisse populaire mais n’a transféré que 70 000$ dans son compte Disnat;

  en octobre 2003, M. Coupal a remis 35 000$ à l’intimé; celui-ci a déposé cette somme dans son compte personnel à la caisse populaire; il a ensuite transféré cette somme dans son compte Disnat;

  entre octobre 2002 et août 2005, l’intimé a fait transiter des sommes d’argent importantes de son compte personnel à la caisse populaire à son compte Disnat et inversement;

  il a cependant liquidé son compte Disnat et vidé son compte personnel à la caisse populaire si bien qu’au 30 juin 2006 la valeur de son compte Disnat était de 33,71$ et que son compte à la caisse populaire a été fermé le 14 décembre 2005 alors que le solde était à zéro;

  bien que la valeur des actions ait fluctué, la diminution de la valeur du compte Disnat est attribuable, pour l’essentiel, au fait que l’intimé a liquidé le compte.

 

[58]    La preuve documentaire démontre que le compte Disnat n’a jamais eu à l’époque pertinente une valeur de 1.8 millions.  Elle ne démontre pas non plus que l’intimé a investi des sommes équivalentes à celles investies par M. Coupal.

 

[59]    Les explications que lui a fournies l’intimé sont contredites par la preuve documentaire : l’intimé n’a pas « perdu l’argent à la bourse ».  L’intimé a « vidé » son compte à la caisse populaire et M. Coupal n’a rien récupéré.

 

[60]    L’intimé n’a jamais été inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers à titre de courtier en valeurs.

 

[61]    L’intimé lui a également dit qu’il souhaitait quitter le Québec pour le Costa Rica.  Il a ajouté qu’il souhaitait demeurer dans « l’industrie » au début de l’année 2010 pour conseiller ses clients lors du renouvellement de certains placements dans des fonds distincts.

 

  Le témoignage de l’intimé

 

[62]    Il s’est présenté à l’audience du 23 novembre 2009 mais non à celle du 3 décembre 2009; il n’a fourni aucune explication au Comité quant à sa conduite.

 

 

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

  La plaignante

 

[63]    Par l’entremise de son procureur, Me Mathieu Cardinal, la plaignante soumet ce qui suit.

 

[64]    Pendant plusieurs années, l’intimé a trompé M. Coupal, son ami et client.

 

[65]    Il l’a incité à lui confier des sommes d’argent importantes.  Contrairement à ce qu’il avait représenté à M. Coupal, l’intimé n’a pas investi à même ses propres deniers, l’équivalent de ce que son client lui avait confié.

 

[66]    Il a fourni à M. Coupal des relevés de transactions caviardés et trompeurs et ne lui a jamais donné l’heure juste.

 

[67]    Il a faussement représenté à son client que l’argent avait été perdu à la bourse et qu’il le rembourserait.

 

[68]    À l’insu de son client, il a en fait « liquidé » le compte Disnat et « vidé » son compte personnel à la caisse populaire.  Il s’agit d’un cas d’appropriation et M. Coupal a essuyé des pertes importantes.

 

[69]    L’intimé a ensuite entravé le travail de la syndique et de son enquêteur.  Il a refusé de leur donner accès à des documents détenus par des tiers.  Il a menti à l’enquêteur en disant qu’il avait été victime d’une chute des valeurs boursières et qu’il ne s’était pas mis d’argent dans les poches.

 

[70]    L’intimé a dit à l’enquêteur souhaiter aller vivre au Costa Rica mais vouloir continuer, entre-temps, à conseiller ses clients lors du renouvellement, dans quelques mois, de fonds distincts qui viendront à échéance.

 

[71]    La preuve a révélé que l’intimé a déjà perdu des sommes d’argent importantes au casino.

 

[72]    La plaignante qualifie la situation d’explosive : on ne peut, vu les faits mis en preuve, donner l’occasion à l’intimé de conseiller des clients en matière de gestion d’actifs.

 

[73]    La plaignante soumet que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession et cela même si les infractions alléguées d’appropriation ont été commises en 2002 et 2003.  Elle s’en remet aux faits mis en preuve et en tire comme conclusion qu’il y a risque actuel de compromission.

 

[74]    Elle requiert donc l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire immédiate contre l’intimé et la publication d’un avis de la décision qu’elle souhaite voir prononcer dans un journal conformément à ce qui est prévu à l’article 133 du Code des professions.

 

[75]    Elle demande également à ce que l’intimé soit condamné au paiement des déboursés.

 

  L’intimé

 

[76]    Il n’était pas présent lors des plaidoiries le 3 décembre 2009 et de ce fait n’a pas soumis ses prétentions.

 

 

L’ANALYSE 

 

[77]    La requête en radiation provisoire est une mesure d’exception; lorsque la protection du public l’exige, elle permet à un Comité de discipline de priver une personne de son droit de pratiquer avant même qu’une audience sur le mérite n’ait eu lieu et qu’un verdict de culpabilité n’ait été prononcé.

 

 

Les critères applicables à une demande de radiation provisoire

 

[78]    Suivant un jugement récent du Tribunal des professions[1], pour qu’une demande de radiation provisoire de la nature de celle qui est soumise dans le présent dossier soit accueillie, les critères suivants doivent être satisfaits :

 

1°        la plainte fait état de reproches graves et sérieux;

2°        ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession;

3°        la preuve « à première vue » (« prima facie ») révèle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés;

4°        la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.

 

[79]    De l’avis du Comité, ce quatrième critère se fond avec celui prévu à l’article 133 du Code des professions : 

 

« Le Comité peut rendre une ordonnance de radiation provisoire contre l’intimé s’il juge que la protection du public l’exige. »

 

[80]    Ajoutons que les deux premiers critères sont de nature objective et qu’ils se rapportent à la description des griefs contenus à la plainte et aux dispositions légales ou réglementaires invoquées.

 

 

L’application des critères au dossier

 

    La plainte fait-elle état de reproches graves et sérieux (critère 1°) et ces reproches portent-ils atteinte à la raison d’être de la profession (critère 2°)?

 

[81]    La plainte fait état de sommes d’argent importantes confiées par un client à son représentant et d’appropriation à des fins personnelles par celui-ci; les dispositions législatives et réglementaires invoquées imposent au représentant l’obligation d’agir avec honnêteté, loyauté et intégrité et prohibent l’exercice des activités de façon négligente ainsi que l’appropriation, à des fins personnelles, des sommes d’argent confiées.

 

[82]    De plus, au cas de verdict de culpabilité, l’article 156 du Code des professions impose au Comité l’obligation d’imposer une sanction de radiation.

 

[83]    Le Comité est d’avis que la plainte fait clairement état de reproches graves et sérieux; ces reproches vont au cœur du travail de représentant et portent atteinte à la raison d’être de la profession.

 

    La preuve à « première vue » (« prima facie ») révèle-t-elle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés (critère 3°)?

 

[84]    M. Coupal a confié, en toute confiance, des sommes d’argent importantes à l’intimé aux fins de placement.

 

[85]    L’intimé n’a jamais fourni à son client la documentation que celui-ci réclamait afin de connaître l’état des placements.

 

[86]    M. Coupal a réclamé, à plusieurs reprises, que l’intimé vende des actions et lui en remette le produit.  Sauf pour un montant de 45 000$, l’intimé n’a jamais donné suite à ces demandes prétextant qu’il ne s’agissait pas du moment opportun pour vendre.  En bout de ligne, l’intimé a expliqué à son client que la valeur des actions avait chuté et qu’il ne pouvait le rembourser.

 

[87]    Les relevés Disnat et ceux du compte personnel de l’intimé à la caisse populaire démontrent plutôt ce qui suit :

 

  bien que la valeur des actions a fluctué, ces fluctuations n’ont pas fait chuter la valeur du compte à 33,71$;

  l’intimé a transféré des sommes d’argent importantes de son compte Disnat à son compte à la caisse populaire;

  l’intimé a retiré de son compte à la caisse populaire les sommes qui s’y sont retrouvées de sorte que le solde s’est retrouvé à zéro.

 

[88]    L’intimé n’a pas donné accès à la syndique aux documents requis.  La version des faits offerte par l’intimé est contredite, à plusieurs égards, par les documents que la syndique a pu recueillir.

 

[89]    L’intimé n’a fourni au Comité aucune explication en regard de la situation décrite ci-haut.

 

[90]    Selon le Comité, la preuve « à première vue » révèle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés.

 

    La protection du public exige-t-elle la radiation provisoire de l’intimé (critère 4°)?

 

[91]    Les infractions alléguées aux paragraphes 1, 2 et 3 de la plainte auraient été commises en 2002 et en 2003, la protection du public exige-t-elle que le Comité ordonne aujourd’hui la radiation provisoire de l’intimé?

 

[92]    Le Comité est d’avis qu’une telle mesure s’impose.

 

[93]    En effet, l’intimé n’a pas donné à M. Coupal l’heure juste quant à ce qu’il avait fait de l’argent confié.  Les représentations faites par l’intimé à M. Coupal, son client et ami, ont amené celui-ci à faire preuve de patience et à croire qu’il serait un jour remboursé.

 

[94]    L’intimé a de plus entravé le travail de la syndique.  Ses pertes au casino et sa volonté de quitter pour le Costa Rica après avoir procédé, au cours des prochains mois, au renouvellement de fonds distincts, sont des éléments qui inquiètent le Comité.

 

[95]    La jurisprudence est claire : la syndique n’a pas à faire la démonstration que la protection du public est compromise mais qu’il y a risque de compromission[2].

 

[96]    Cette démonstration a été faite : en dépit du délai écoulé depuis la commission des infractions alléguées aux paragraphes 1, 2 et 3 de la plainte, la preuve présentée amène le Comité à conclure que l’intimé risque de mettre en danger la protection du public s’il continue à exercer[3].

 

La publication

 

[97]    La plaignante demande au Comité d’ordonner la publication d’un avis de la décision dans un journal tel que cela est prévu à l’article 133 du Code des professions.

 

[98]    Cette mesure vise à informer le public de la décision prise par le Comité et ainsi à assurer sa protection.  Le Comité est d’avis qu’une telle mesure s’impose dans le présent dossier.

 

[99]    Le Comité ordonnera la publication.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ :

 

ACCUEILLE la requête en radiation provisoire présentée par la plaignante;

 

ORDONNE la radiation provisoire de l’intimé;

 

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés;

 

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du Comité, à un appel conférence dans le but de déterminer la date d’audience de la plainte.

 

 

 

                                                                         

 

(S) Sylvain Généreux

 

__________________________________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(S) Pierre Perreault

__________________________________

M. Pierre Perreault, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Felice Torre

__________________________________

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Mathieu Cardinal

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représentait lui-même

 

 

Dates d’audience :

23 novembre et 3 décembre 2009

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Mailloux c. Médecins 2009 QCTP 80.

[2] Mailloux c. Médecins 2009 QCTP 80.

[3] Chimistes c. Bell [2001] DDOP 323.

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