Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0686

 

DATE :

3 juillet 2009 

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Pierre Décarie

Membre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. fin.

 

Membre

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CENTRE DE SERVICES EXCEL INC.

Partie plaignante

c.

FRANÇOIS BOISSONNEAULT, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 7 avril 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni à l’Hôtel Jardins de Ville, 4235 boulevard Bourque, à Sherbrooke et a procédé à l’audition de la plainte portée contre l’intimé.

[2]           Les procureurs informèrent le comité que l’intimé plaidait coupable aux chefs d’accusation 3 et 4 contenus à la plainte.  Le chef 1 ayant déjà été rejeté par le comité par la décision du 2 octobre 2008, ils demandèrent le retrait du chef 2 en raison de l’application du principe visant à éviter les condamnations multiples pour une même infraction.

[3]           Les faits reprochés à M. Boissonneault sont portés en vertu de différents articles du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D-9.2, r.1.01 et ont été rapportés comme suit par les procureurs des parties.

[4]           Le 21 décembre 2005, M. Boissonneault communique avec M. McMahon et les deux hommes se rencontrent dans un café situé sur le boulevard Bourque à Sherbrooke. À cette occasion, l’intimé exige de M. McMahon qu’il lui soit versé 150 000 $ faute de quoi il ferait en sorte de ternir le nom du Centre Excel, en révélant au public, aux assureurs, à la clientèle et à d’autres courtiers, l’existence d’un certain «stratagème» qui serait mené par cette dernière sur les produits d’assurance offerts.  M. McMahon aurait dit à l’intimé qu’il devait consulter à ce sujet le conseil d’administration du cabinet et qu’il lui donnerait une réponse dans les jours suivants. 

[5]           Deux jours plus tard, le 23 décembre 2005, M. McMahon téléphone à l’intimé et l’informe du refus de la plaignante de verser l’argent demandé.  L’intimé lui indique alors qu’il mettra sa menace à exécution en ayant, entre autres, recours aux médias. M. McMahon enregistra cette conversation dont la transcription fut produite de consentement (P-2).  Les procureurs ont confirmé que l’intimé n’a pas donné suite à cette menace.

[6]           Une entente signée par les deux parties et leurs procureurs (P-1) confirme le plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur les chefs 3 et 4 et la recommandation commune des parties à une radiation temporaire d’une année sur chacun de ces chefs, à être purgée de façon concurrente.  Quant au paiement des débours, le procureur de l’intimé a demandé au comité d’accorder un délai de 60 jours à l’intimé pour les acquitter.

[7]           Le procureur de l’intimé déclara que son client était conscient de la gravité des infractions qui lui étaient reprochées et qu’il les regrettait. 

[8]           De plus, les parties ont demandé, s’appuyant sur la décision[1] rendue par une autre formation du comité de discipline, de dispenser la secrétaire du comité de discipline de faire publier un avis de la décision sur sanction au motif que cette publication serait préjudiciable au fils de l’intimé qui est aussi représentant en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) et qui porte le même prénom et pratique dans la même localité.

[9]           Les faits reprochés à l’intimé sont très sérieux étant ni plus ni moins qu’une tentative d’extorsion.  Néanmoins, les actes reprochés se sont produits en privé avec M. McMahon.  Aussi, il s’est avéré que l’intimé n’a pas donné suite à ses menaces.  Si l’intimé avait des réclamations à faire ou des pratiques déloyales à dénoncer, recourir à l’extorsion n’était certes pas la voie à suivre.  En agissant ainsi, l’intimé a enfreint ses devoirs et obligations eu égard à la profession, aux cabinets faisant partie de la même industrie, au public, ce dernier englobant aussi les autres représentants[2].

[10]        Le comité déclarera en conséquence l’intimé coupable des chefs 3 et 4.

[11]        Quant aux recommandations communes, les parties ont déclaré au comité ne pas avoir à lui soumettre de décisions rendues dans des affaires semblables mais lui ont, à la demande du comité, exposé le cheminement suivi pour conclure à une radiation d’un an[3]

[12]        Il a été bien établi par la jurisprudence, en matière de suggestion commune[4], que le comité, quoique non lié par une telle suggestion, ne peut non plus l’écarter si elle n’est pas «elle-même déraisonnable, inadéquate, contraire à l’intérêt public et de nature à déconsidérer le système de justice».[5]  Estimant que les actes reprochés à l’intimé sont indignes d’un représentant et ne sauraient être tolérés dans la profession, le comité convient que le message doit être clair tant pour dissuader l’intimé de récidiver que pour répondre au caractère d’exemplarité pour les autres membres de la profession.  Il sera donné suite à la recommandation commune, le comité estimant qu’il n’y a pas lieu de s’en dissocier.

[13]        Il en sera de même de la demande de dispense de publication de la décision, le comité étant d’avis qu’il s’agit, en l’espèce, de circonstances exceptionnelles.  Ce n’est pas tant sa réputation auprès du grand public que l’intimé demande de préserver par cette dispense mais bien celle de son fils qui exerce dans le même cabinet, la même localité et porte non seulement le même nom mais le même prénom que lui.  Une publication dans le journal circulant dans la localité où l’intimé fait affaire pourrait en conséquence porter préjudice à son fils.  En conséquence, le comité donnera suite à la demande commune de dispense de publication d’un avis de la radiation temporaire.

[14]        Le comité accordera aussi le délai demandé par l’intimé pour le paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

AUTORISE le retrait du chef 2 de la plainte;

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard des chefs 3 et 4;

 

DÉCLARE l’intimé coupable sur chacun des chefs 3 et 4;

 

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière, pour une année à l’égard de chacun des chefs 3 et 4, à être purgée de façon concurrente;

DISPENSE la secrétaire du comité de discipline de faire publier un avis de la présente décision en vertu de l’article 156, al. 5, du Code des professions (L.R.Q. c. C-26);

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément à l’article 151 du Code des professions (L.R.Q. c. C-26), à l’exception des frais d’expertise;

ACCORDE à l'intimé un délai 60 jours de la présente décision pour acquitter les déboursés.  

 

 

(s) Janine Kean   ________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie________________

M. Pierre Décarie

Membre du comité de discipline

 

(s) Felice Torre __________________

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. fin.

Membre du comité de discipline

 


 

 

Me Charles Ouellet

CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS, s.e.n.c. r. l.

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Jean-Claude Boutin

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

7 avril 2009

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]  CSF c. Réjean Giroux, CD00-0629, rendue le 23 mars 2007.

[2] Comité de surveillance de l’AIAPQ c. Alan Murphy, 95-0203, 95-0651; 96-0580, décision sur culpabilité rendue le 11 mars 1997 et décision sur sanction rendue le 22 avril 1997.

[3] Représentations écrites des procureurs de juin 2009.

[4] R. c. Douglas, J.E. 2002-249, par. 42-43 et 51-52.

[5] R. c. Sideris, EYB 2006-110462 (C.A.), par. 18.

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