Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0858

 

DATE :

30 juillet 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Kaddis Sidaros, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Antonio Tiberio

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

JONATHAN CHARBONNEAU, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 153 457)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 17, 18 et 19 août 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière « CSF » s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal dans le but de procéder à l’audition de la plainte portée contre l'intimé qui se lit comme suit :

 

LA PLAINTE

1.            À Montréal, le ou vers le 10 février 2005, l’intimé, alors qu’il faisait souscrire à A.M. la proposition d’assurance-vie no [...] auprès de Desjardins Sécurité Financière, n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme de ses besoins financiers, contrevenant ainsi aux articles 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

2.            À Montréal, le ou vers le 10 février 2005, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de A.M. en lui faisant souscrire le contrat d’assurance-vie no [...] auprès de Desjardins Sécurité Financière pour un capital assuré de 250 000 $ alors que cette transaction n’était pas dans l’intérêt de sa cliente et ne convenait pas à sa situation financière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 2, 10, 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., D-9.2, r. 1.1.2), 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.09);

3.            À Montréal, le ou vers le 10 février 2005, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par A.M. en la faisant souscrire au contrat d’assurance-vie no [...] auprès de Desjardins Sécurité Financière pour un capital assuré de 250 000 $ alors que cette dernière désirait souscrire à un placement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.09);

4.            À Montréal, le ou vers le 10 février 2005, l’intimé a fait des représentations fausses, inexactes ou susceptibles d’induire en erreur A.M. en ne s’assurant pas de la compréhension de cette dernière face au contrat d’assurance-vie no [...] souscrit auprès de Desjardins Sécurité Financière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 12, 13, 14, 16, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01), 7, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., D-9.2, r. 1.1.2).

[2]           La plaignante était représentée par Me Jean-François Noiseux.  L’intimé se représentait seul mais était accompagné de son père, lui-même un représentant.

[3]           La plaignante a fait entendre deux témoins, A.M. la cliente et un expert, Monsieur Denis Tremblay qui a produit un rapport écrit (pièce P-8). L’intimé et son père ont témoigné.

LA PREUVE

[4]           L’intimé est un représentant qui détient un certificat dans les disciplines d’assurance de personnes et de courtage en épargne collective depuis 2002 (pièce
P-1). Il travaille pour le compte de son père. Il est diplômé de l’Université Brown au Rhodes Island où il aurait fait des études en économie.

[5]       La cliente est une amie de l’intimé dont il a fait connaissance via un réseau de rencontres. L’intimé et la cliente se fréquentent au moment des actes reprochés. Elle a 26 ans et est diplômée en scénarisation cinématographique.

[6]           Malgré ses études en scénarisation, la cliente occupe un emploi de serveuse de restaurant. Elle a cependant l’ambition de faire autre chose dont celle éventuellement de faire des études en immobilier (pièce I-10) et d’investir. Elle aimerait « économiser à long terme » (pièce I-10). Elle demande conseil à l’intimé.

[7]           L’intimé lui présente un produit qu’il lui vend comme un produit d’épargne. Dans les faits, il s’agit d’une police d’assurance-vie universelle.

[8]           Les revenus de la cliente se situent alors entre 25 000 $ et 30 000 $ dollars par année mais selon l’intimé « beaucoup de $ non-déclaré » (pièce I-10).  Elle est locataire.

[9]           La cliente n’a aucune expérience en placements.

[10]        Le 10 février 2005, la cliente signe une proposition d’assurances avec Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie pour une police d’assurance-vie universelle.  Les primes sont établies à 80 $ par mois soit 960 $ par année pour les années 1 et 2[1]. Le 1er avril 2005, la police d’assurance-vie est émise pour un montant d’assurance initial de 250 000 $[2] (pièce P-7). Le père de la cliente, avocat de profession, est désigné comme bénéficiaire de la police malgré que, selon elle, il n’en a aucunement besoin.

[11]        Cette police lui permet d’épargner à l’abri de l’impôt (pièce P-7, page 8). Les primes servent d’abord à payer la couverture d’assurance et le surplus, le cas échéant, à investir. Des bonis sont versés à la cliente si certaines conditions sont remplies[3]. Cette police donne aussi droit à une rente en cas d’invalidité, perte d’autonomie ou maladie grave définie.

[12]        Quelques années après l’émission de la police, la cliente demande à l’intimé le retrait des sommes qu’elle croit avoir placées. Elle se fait dire qu’elle doit attendre cinq ans et qu’alors elle n’en recevra qu’une partie, le reste ayant servi à payer les coûts de l’assurance-vie. C’est à ce moment là, selon son témoignage, qu’elle aurait réalisé qu’elle avait souscrit à une assurance-vie.

[13]        Monsieur Jean Charbonneau, président du cabinet Groupe financier Charbonneau Inc., lui-même conseiller en sécurité financière, donne des conférences sur la police universelle. Différents tableaux utilisés lors de ses conférences (pièces I-3 et I-4) sont produits par lui au comité pour expliquer le fonctionnement de cette police et notamment l’accumulation du capital à l’abri de l’impôt et son encaissement par la « technique du financement collatéral » (pièce I-8) et enfin la couverture« SOMMUM » lors de la survenance de maladie grave (pièce I-7).

[14]        L’intimé avait, selon son père, développé une véritable passion pour cette police au point de la suggérer à beaucoup de ses clients et à en faire une grande partie de ses affaires.

[15]        D’autres tableaux présentés à la cliente lors de la souscription sont produits au comité par l’intimé (pièces I-2 et I-13). Ces tableaux vantent les mérites du concept « Sommum » de la police universelle.

[16]        L’intimé croyait au potentiel de la cliente malgré ses revenus courants modestes (pièce I-10) et c’est sur cette base qu’il lui a fait la recommandation de la police universelle. Selon lui, aucune analyse financière n’était requise puisqu’il s’agissait d’un produit de placement.

[17]        Dans un rapport produit comme pièce P-8, Monsieur Denis Tremblay qui a été qualifié d’expert soumet au comité que :

      L’intimé n’a pas procédé à une cueillette complète d’informations pour établir ses besoins en assurance;

      La cliente n’avait pas de besoin réel d’assurance et surtout pas à la hauteur de 250 000 $;

      Les frais de rachat du contrat dans les cinq (5) premières années rendaient l’accès au fond du contrat pratiquement impossible;

      En raison des coûts d’assurance et des frais de contrat, la partie épargne des primes payées était faible bien qu’elle augmentait la quatrième et cinquième année. Elle atteignait 73.67 % la 5e année pour diminuer par la suite (pièce P-8, page 12).  

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[18]        La plaignante a soumis au comité que l’intimé avait engagé la cliente dans un produit complexe lorsque celle-ci n’avait pas d’expérience en placements. L’intimé ne pouvait prendre pour acquis les revenus futurs et potentiels de la cliente. Il devait fournir des explications claires et véridiques.

[19]        Pour sa part, l’intimé a soumis au comité que la cueillette d’informations ou analyse de besoins financiers n’était pas requise parce que le contrat d’assurances était un contrat de placements avant tout.  Le contrat ne lui a rapporté que peu de commissions et sûrement pas plus qu’un régime d’épargne retraite conventionnel. Il exerce cette profession depuis neuf (9) ans et il n’a jamais eu de problèmes avec la conformité. Enfin, il est en désaccord avec l’expert qui prétend que les placements dans la police universelle ne sont pas rentables.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[20]        Après les représentations, le comité s’est adressé au procureur de la plaignante pour lui demander sur quelles dispositions légales ou réglementaires, chacun des chefs de la plainte était appuyé de sorte qu’il y aurait arrêt des procédures sur les autres dispositions. Ainsi le procureur de la plaignante a annoncé que le chef 1 repose sur l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants de sorte qu’il y aurait arrêt des procédures sur l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Le chef 2 repose sur les articles 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière de sorte qu’il y a arrêt des procédures sur les articles 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières; le chef 3 repose sur l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière de sorte qu’il y a arrêt des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers; enfin le chef 4 repose sur les articles 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière de sorte qu’il y a arrêt des procédures sur les articles 7, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[21]        Compte tenu de la règle interdisant les condamnations multiples établie par l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Kienapple[4], il y aura arrêt des procédures sur l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers sur le chef 1; sur les articles 2, 10, 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières sur le chef 2; sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers sur le chef 3 et sur les articles 7, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières sur le chef 4.

[22]        Dans la présente affaire, le comité doit répondre aux quatre questions suivantes soulevées par les chefs d’accusation :

   L’intimé a-t-il procédé à une analyse complète et conforme des besoins de sa cliente?

   Le contrat d’assurance convenait-il à celle-ci?

   L’intimé s’est-il acquitté de son mandat?

   L’intimé a-t-il fait des représentations fausses, inexactes ou susceptibles d’induire en erreur la cliente en ne s’assurant pas de sa compréhension?

[23]        L’intimé devait, selon l’article 6 du Règlement sur l’exercice des représentants (R.R.Q., c. D-9.2), faire une analyse complète et conforme des besoins d’assurance de sa cliente avant de faire remplir la proposition d’assurance (pièce P-6).  Les quelques notes manuscrites (pièce I-10) qu’il produit maintenant ne constituent pas une analyse de besoins.

[24]       Selon l’expert de la plaignante :

« le processus d’analyse des besoins d’un client est un processus important et essentiel pour conseiller adéquatement ce dernier. En l’absence d’une cueillette des renseignements, d’une analyse et de calculs, il est impossible que le représentant fasse des recommandations basées sur le besoin du client et que celles-ci soient appropriées »

(Pièce P-8, page 9).

[25]        Le comité est d’accord avec l’opinion de l’expert sur ce point. L’intimé sera donc déclaré coupable sous le chef 1.

[26]        La police d’assurance-vie universelle aurait pu s’avérer un bon produit pour la cliente si celle-ci avait pu accroître substantiellement ses revenus et par voie de conséquence ses dépôts dans la police. Toutefois, c’est la situation de la cliente, prévalante au moment de la souscription de la police, que l’intimé devait considérer.

[27]        Le comité fait sien les propos du comité de discipline dans l’affaire Major[5] au sujet de la police universelle :

« 46 L’intimé a suggéré à sa cliente qui, tel qu’il l’a reconnu lui-même, n’y comprenait pas grand-chose, un concept difficile, un produit sophistiqué qui, bien qu’en soi fort valable, est généralement mieux adapté à des gens relativement aguerris en matière de placement ou à des clients dont la situation particulière n’a rien à voir avec celle de cette dernière »

[28]        Il est évident dans le présent dossier que ce produit ne convenait tout simplement pas à la cliente.

[29]        L’article 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D.2, r.1.09) prévoit que le représentant doit subordonner son intérêt personnel à celui de son client.  Le représentant, plaide le procureur de la plaignante, avait développé « un intérêt intellectuel » dans le produit sans toutefois expliquer plus en détail ce qu’il signifiait.

[30]        Pour le comité, qu’il s’agisse d’un intérêt pécuniaire ou intellectuel, l’intimé avait développé un intérêt tel dans le produit qu’il en suggérait l’achat même s’il constatait que la cliente n’avait « pas besoin de protection-vie » (pièce I-10).

[31]        L’intimé sera donc déclaré coupable sous le chef 2.

[32]        La cliente croyait faire un placement. Les explications données par l’intimé et même son père devant le comité laissent effectivement croire que le produit est plus un produit de placements qu’un produit d’assurances. Le comité ne voit pas comment la cliente pouvait ignorer qu’elle souscrivait à une assurance dans le cadre de ce « placement ».  En effet, la cliente a signé une proposition d’assurance-vie (pièce P-6) le 10 février 2005. La page 1 de la proposition porte en titre en gros caractère PROPOSITION D’ASSURANCE-VIE.  De plus, la cliente a répondu à une série de questions portant sur ses habitudes de consommation de cigarettes et d’alcool et a signé à la dernière page une autorisation à la collecte et à la communication de renseignements personnels aux fins de l’établissement de l’assurabilité. Enfin la cliente avait beaucoup de revenus non déclarés (pièce I-10), ce qui rendait le produit intéressant pour elle.

[33]        La police universelle est à la fois un produit d’assurances et un produit de placement.

[34]        La police a été vendue à la cliente principalement comme un placement. On ne peut reprocher au représentant de ne s’être pas acquitté de son mandat qui était de faire un placement. Le chef 3 sera rejeté.

[35]        Le dernier chef (chef #4) est celui d’avoir fait des représentations fausses et inexactes ou susceptibles d’induire en erreur la cliente en ne s’assurant pas de sa compréhension du produit.

[36]        Le comité est d’opinion que la preuve de la plaignante n’établit pas que les représentations de l’intimé étaient fausses, inexactes ou faites dans le but de l’induire en erreur ou que ces représentations n’assuraient pas la compréhension du produit.

[37]        En effet, tel qu’il l’a déjà exprimé ci-dessus, le comité est d’opinion que le produit vendu par l’intimé comportait un volet placement et un volet assurance que l’intimé a expliqué à la cliente et que la cliente était en mesure de comprendre et a compris. Les réponses fournies par la cliente lors de la souscription de la police ainsi que les gestes concrets qu’elle a été amenée à poser lors de la souscription de celle-ci et par la suite, notamment en répondant au questionnaire et autres exigences médicales et en effectuant des versements périodiques de 80 $ par mois sont là autant de gestes qui amènent le comité a conclure que la cliente avait une compréhension du produit.

[38]        Le chef 4 sera donc rejeté.

 

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

ORDONNE un arrêt des procédures sur l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers sur le chef 1 et sur les articles 2, 10, 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières sur le chef 2;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1et 2;

ORDONNE un arrêt des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers sur le chef 3 et sur les articles 7, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières sur le chef 4.

DÉCLARE l’intimé non coupable des chefs d’accusation 3 et 4 contenus à la plainte.

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité, à une audition sur sanction.

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément________________

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

(s) Kaddis Sidaros____________________

M. Kaddis Sidaros, A.V.A., PL. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Antonio Tiberio____________________

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

Bélanger, Longtin

Procureurs de la partie plaignante

 

 

M. Jonathan Charbonneau

Se représente seul

 

 

Dates d’audience :

17, 18 et 19 août 2011

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0858

 

DATE :

22 janvier 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Kaddis Sidaros, A.V.A.

Membre

M. Antonio Tiberio

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JONATHAN CHARBONNEAU, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 153 457)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 17 décembre 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, dans le but de procéder à l’audition sur sanction suite à la décision sur culpabilité rendue le 30 juillet 2012.

[2]          Lors de cette audition, la partie plaignante était représentée par Me Jean-François Noiseux. L’intimé se représentait seul.

[3]          Aucune nouvelle preuve documentaire ou testimoniale n’a été présentée par la partie plaignante. L’intimé a pour sa part témoigné.

TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉ

[4]          Lors de son témoignage, l’intimé a d’abord informé le comité qu’il avait quitté l’exercice de la profession le 21 décembre 2011 et qu’il n’était pas dans ses intentions d’y retourner. Il a déclaré ne plus être capable de prendre la pression associée à l’exercice de la profession et avoir vécu et de vivre encore des problèmes sur le plan personnel.

[5]           Il occupe maintenant un poste d’assistant professeur à l’Université Brown où il poursuit des études de deuxième cycle.

[6]           Il conclut en disant qu’il était fier de ce qu’il avait accompli durant ses neuf années d’exercice. Il considère avoir été victime du système de mise en marché du produit d’assurance qu’il a fait souscrire à la cliente.

REPRÉSENTATIONS DE LA PARTIE PLAIGNANTE

[7]           Selon la partie plaignante, l’intimé n’a pas fait la démonstration d’une bonne pratique professionnelle malgré ses années d’exercice.

[8]           L’intimé n’a toutefois pas d’antécédent disciplinaire.

[9]          L’intimé a réparé sa faute en remboursant intégralement tous les montants que la cliente a versés sur la police et ce, même si elle avait bénéficié d’une couverture d’assurance-vie durant toute la période concernée.

[10]        Il s’agit d’un acte isolé. Les risques de récidive sont faibles, voire inexistants, puisque l’intimé n’a pas l’intention de reprendre la pratique.

[11]        Pour toutes ces raisons, la partie plaignante demande au comité qu’il lui impose une amende de 5 000 $ sous le chef d’accusation 1 et une radiation temporaire de deux mois sous le chef d’accusation 2 en sus des débours et de la publication de la décision.

[12]        À l’appui de sa demande, la partie plaignante cite quelques décisions et plus particulièrement les décisions rendues par le comité de discipline dans les affaires Borgia[6] et Larochelle[7].

MOTIFS ET DISPOSITIF

[13]        Le 30 juillet 2012, l’intimé a été reconnu coupable d’avoir fait défaut de procéder à l’analyse des besoins financiers de sa cliente (chef 1) et de n’avoir pas subordonné son intérêt personnel (chef 2) lors de la souscription d’une police d’assurance-vie universelle.

[14]        Comme l’a déjà décidé le comité dans l’affaire Borgia dont les faits s’apparentent à ceux du présent dossier[8]:

«  60… l’analyse des besoins… est la pierre d’assise sur laquelle doivent s’appuyer les recommandations du représentant.

 61. Ce n’est qu’après avoir procédé à celle-ci que le représentant pourra suggérer à son client le produit ou la stratégie qui convient le mieux à ses besoins. »

[15]        Dans la présente affaire, le comité constate que l’intimé a quand même recueilli un bon nombre d’informations sur la situation financière de sa cliente (pièce I-10, audition sur culpabilité) même s’il n’a pas préparé une analyse des besoins financiers en bonne et due forme tel que l’impose l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[16]         Pour ce type d’infractions, les représentants ont été condamnés au paiement d’une amende de 5 000 $ dans les affaires Borgia et Gagné, ce qui correspond d’ailleurs aux sanctions généralement imposées pour ce genre d’infractions.

[17]        Le comité suivra ces décisions même si la sanction lui apparaît sévère dans le présent cas, mais en tiendra compte dans l’imposition de la sanction sous le chef d’accusation 2.

[18]         Il autorisera l’intimé à payer cette amende sur une période de 18 mois.

[19]        Sous le chef d’accusation 2, le procureur de la plaignante avait plaidé  « l’intérêt intellectuel » de l’intimé dans le produit,  ne pouvant plaider l’intérêt pécuniaire, puisque l’intimé n’avait fait qu’une commission minime.

[20]        Dans la décision sur culpabilité, le comité n’avait pas jugé utile de qualifier le type d’intérêt, soulignant uniquement que l’intérêt de l’intimé dans le produit avait été suffisamment important pour que celui-ci l’amène à le proposer et à le vendre à sa cliente même si elle n’avait pas besoin d’assurance-vie

[21]        Dans les décisions rendues par le comité, dont la décision Gagné soumise, les représentants ont été radiés pour une période de deux mois après avoir été condamnés pour avoir encaissé des bonis et commissions substantiels dans des situations où il n’avait pas subordonné leur intérêt personnel.

[22]        Cependant, dans la présente affaire, le comité constate que :

           L’intimé n’a fait qu’une commission minime. En plus, il a complètement remboursé la cliente;

           L’intimé vit des problèmes personnels importants dont il a fait part au comité;

           Sa conduite n’est empreinte d’aucune malhonnêteté ou de mauvaise intention. Il apparaît évident au comité que l’intimé a bien compris la leçon;

           Il n’a pas l’intention d’exercer de nouveau la profession.

[23]       Ainsi, prenant en considération les faits particuliers de la présente affaire et l’effet global des sanctions, le comité estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une radiation de l’intimé.  Le comité lui  imposera plutôt une réprimande.

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 5 000 $ sous le chef d’accusation 1;

AUTORISE l’intimé à payer cette somme sur une période de 18 mois.

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous le chef d’accusation 2;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Kaddis Sidaros

Monsieur Kaddis Sidaros, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Antonio Tiberio

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

Bélanger Longtin, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Jonathan Charbonneau

Se représentant seul

 

 

Date d’audience :

17 décembre 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Les primes passent à 100 $ par mois soit 1 200 $ par année pour les années 3 et 4 et par la suite à 150 $ par mois ou 1 800 $ par année jusqu’à l’année 15. Une illustration des primes apparaît à la dernière page de la proposition. Dans les faits, la cliente ne fera que des versements de 80 $ par mois durant toute la période où elle a conservé la police.

[2] Ce montant d’assurance permet de recevoir des bonis dès la 10e année.

[3] Un boni de base et un boni de rendement sont payables sur le montant du fonds accumulé si le montant d’assurance est conservé à 250 000 $ pendant 10 années consécutives.

[4] Kienapple c. La Reine [1975] 1 R.C.S. 729.

[5][5] Rioux c. Major CD00-0572, décision sur culpabilité rendue le 10 mai 2006.

[6] Thibault c. Borgia, CD00-0637, décision sur sanction rendue le 28 juillet 2011.

[7] Lévesque c. Larochelle, CD00-0728, décision sur sanction rendue le 30 novembre 2010.

[8] L’affaire Champagne c. Gagné, CD00-0816, décision sur sanction rendue le 27 septembre 2012, est aussi au même effet.

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