Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0739

 

DATE :

 9 juillet 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

PIERO D’AMORE (108829)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]          Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s’est réuni les 8, 10, 11 et 29 septembre 2009 afin de procéder à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé libellée comme suit :

À L’ÉGARD DE SON CLIENT BOB SQUIRES

1.             À Montréal, le ou vers le 9 mars 1996, l’intimé PIERO D’AMORE a conseillé et fait souscrire à son client, Bob Squires, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation, pour un montant de 20 279,60 $ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 3, 121, 130, 132 et 157 du Règlement du conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance des personnes (c. I‑15.1, r.0.5);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT NICOLA GRAVINO

2.             À Lorraine, l’intimé PIERO D’AMORE a fait souscrire à son client, Nicola Gravino, les billets à ordre suivants :

a)             le ou vers le 25 février 1997, au nom de Mount Real Acceptance Corporation, pour un montant de 8 500 $;

b)            le ou vers le 8 novembre 2001, au nom de Mount Real Acceptance Corporation, pour un montant de 33 324,74 $;

alors qu’il n’était pas autorisé à offrir de tels placements en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 3, 121, 130, 132 et 157 du Règlement du conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance des personnes (c. I‑15.1, r.0.5) et aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (c. D‑9.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D‑9.2, r. 1.1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE HÉLÈNE BELLEAU

3.             À Lorraine, le ou vers le 8 août 2004, l’intimé PIERO D’AMORE a fait souscrire à sa cliente, Hélène Belleau, deux billets à ordre émis par MRACS Management Ltd., pour des montants de 109 202,61 $ et 9 864,32 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir de tels placements en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (c. D‑9.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D‑9.2, r. 1.1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT ADRIEN CHARBONNEAU

4.             À Saint-Jérôme, le ou vers le 5 octobre 2002, l’intimé PIERO D’AMORE a fait souscrire à son client, Adrien Charbonneau, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation, pour un montant de 40 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (c. D‑9.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D‑9.2, r. 1.1.01);

À L’ÉGARD DE LA PROFESSION

5.             À Pointe-aux-Trembles, entre le ou vers le 1 août 2007 et le ou vers le 1er janvier 2008, l’intimé PIERO D’AMORE a nui au travail du bureau du syndic en ne répondant pas de façon complète et dans les meilleurs délais aux diverses correspondances de l’enquêteur, contrevenant ainsi aux  articles 42 et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

[2]          Le comité a requis la transcription des témoignages entendus. L’acheminement des notes sténographiques fut complété le 16 octobre 2009, date de la prise en délibéré.

[3]          Les deux parties étaient représentées par procureurs.

[4]          La plaignante fit entendre Me Brigitte Poirier, l’enquêteuse au dossier, ainsi que les quatre consommateurs visés par la plainte.

[5]          L’intimé quoique présent, n’a pas témoigné. Il fit par ailleurs entendre Mme Danièle Dumas, épouse de l’intimé, M. Giacinto George Gravino (dit George Gravino) et sa fille, Mme Antonia Gravino, M. Michel Gravino et M. Nicola Gravino, frères de M. George Gravino.

[6]          En début d’audition, l’intimé présenta une objection préliminaire alléguant le défaut de compétence du comité à entendre les quatre premiers chefs de la plainte.

[7]          Il fut convenu du consentement des parties que le comité disposerait de cette objection lors de la décision au mérite.

[8]          Il en fut de même des objections de l’intimé soulevant, à l’égard de la production par la plaignante de copies de billets à ordre (P-3, P-5, P-8 et P-9), la règle de la meilleure preuve qui exige la production de l’original.

[9]          Le comité traitera immédiatement des objections.

OBJECTION PRÉLIMINAIRE

[10]       Le procureur de l’intimé allégua essentiellement que le libellé des quatre premiers chefs d’accusation de la plainte ne reproche aucune faute déontologique à son client d’où l’absence de compétence du comité de discipline pour se prononcer sur ces chefs.

[11]       Après avoir mentionné les articles de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] (LDPSF) d’où tire sa compétence le comité de discipline de la CSF et de certains autres de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec (LVM)[2], il a soutenu que les billets à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation et MRACS Management Ltd., ci-après appelées Mount Real [3] n’étant pas des produits couverts par la LDPSF mais par la LVM[4], l’intimé ne pouvait faire l’objet de surveillance par le comité de discipline de la CSF.

[12]       Il avança ensuite que l’article 16 de la LDPSF, invoqué au soutien des quatre premiers chefs d’accusation, qui exige du représentant d’agir avec honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme, étant d’ordre général, ne saurait tenir lieu de libellé pour ces chefs d’accusation.  Quant à l’article 13 de la LDPSF, il ne ferait que référer au titre ou type de professionnel que la LDPSF encadre relativement à leurs activités professionnelles et déontologiques. 

[13]       La plaignante, tout en partageant l’avis de l’intimé disant que le billet à ordre en cause n’était pas un produit visé par la LDPSF, fit valoir néanmoins que les faits reprochés à l’intimé ne visaient pas le produit mais les comportements du représentant envers ses clients. S’appuyant sur plusieurs décisions, il argumenta que le comité avait compétence sur les comportements des représentants peu importe que le produit soit couvert ou non par la LDPSF.

[14]       Les procureurs des parties ont convenu que leurs arguments s’appliquaient de la même façon aux chefs 1 et 2 a) pour lesquels les dispositions invoquées en vigueur à l’époque étaient les articles 3, 121, 130, 132 et 157 du Règlement du conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance des personnes.

[15]       Le comité est d’avis, comme soutenu par la plaignante, que ce sont les comportements de l’intimé envers les consommateurs nommés qui sont reprochés par les chefs d’accusation en cause.  Ces chefs allèguent que l’intimé a commis une infraction déontologique en conseillant et en faisant souscrire le billet à ordre de Mount Real à ses clients (pour les quatre chefs) invoquant les articles 9, 12, 13 et 16 de la LDPSF et l’article 9 du Code de déontologie de la CSF. Il lui est ainsi reproché d’avoir exercé en dehors de la discipline pour laquelle il était autorisé à agir, de ne pas avoir tenu compte des limites de ses connaissances et de ne pas avoir pas agi avec compétence en conseillant et en faisant souscrire à ses clients ces billets à ordre.

[16]       Rappelons que c’est la disposition législative qui crée l’infraction et non le libellé du chef qui a seulement pour but d'identifier les circonstances dans lesquelles les infractions reprochées ont été commises afin de satisfaire aux exigences énoncées à l'article 129 et au premier alinéa de l'article 144 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26) qui réfère au droit de l’intimé à une défense pleine et entière. Le droit disciplinaire exige seulement que le professionnel se trouve suffisamment informé des actes reprochés.

[17]       Concernant sa compétence, le comité partage la conclusion tirée par les deux autres formations du comité de discipline de la CSF dans les affaires Giroux[5] et Poulin[6] respectivement estimant que les activités d’un représentant ne pouvaient «échapper au contrôle déontologique de la Chambre de la sécurité financière» au motif que «les investissements proposés à ses clients ne figurent pas dans le cadre des produits qui lui sont réservés par ses certifications» et que «les gestes reprochés se situeraient en dehors de son champ d’exercice».

[18]       En conséquence, l’objection de l’intimé alléguant l’absence de compétence du comité est rejetée.

OBJECTIONS PRISES SOUS RÉSERVES

[19]       L’intimé s’est objecté à la production de copies des billets à ordre (P-3, P-5, P-8 et P-9) alléguant la règle de la meilleure preuve exigeant la production de l’original.

[20]       La plaignante fit valoir qu’à part M. Charbonneau qui avait reçu un original qui avait été exhibé au comité, les trois autres consommateurs ont affirmé qu’ils n’avaient jamais reçu les originaux des billets souscrits. Ils ne pouvaient en conséquence que déposer des copies. Il y avait donc impossibilité de produire des originaux.

[21]       Ces documents étaient similaires à l’original exhibé par M. Charbonneau. Ils établissent sans contredit l’existence d’un acte juridique entre les consommateurs et un tiers. De plus, cette acquisition de billets à ordre par les consommateurs n’a pas été contestée par l’intimé.

[22]       Il fit remarquer que l’intimé avait lui-même produit certaines copies de ces billets à ordre (IHB-2, IHB-3, IHB-4 et IBS-1).

[23]       Il cita à l’appui de ses prétentions des extraits du traité sur la preuve civile de Jean-Claude Royer [7] ainsi que d’une décision de la Cour d’appel du Québec[8] se prononçant sur la suffisance de la preuve aux fins du fardeau de preuve des parties. Faisant valoir que la suffisance de la preuve secondaire relève de l’appréciation du comité, il a soutenu que la preuve des billets à ordre par le biais de copies était suffisante.

[24]       Le comité a fait une analyse minutieuse des témoignages rendus par les consommateurs et estime qu’il n’y a pas lieu de douter de leur bonne foi quand ils déclarent que les seuls documents qu’ils ont reçus pour confirmer leurs investissements sont des copies des billets à ordre.  L’intimé lui-même a fait reconnaître par les consommateurs et a produit des copies de billets à ordre antérieurs attestant du renouvellement des investissements.  L’intimé n’a, en aucun temps, contesté le fait que les consommateurs avaient acquis ces billets à ordre mais plutôt le fait qu’ils disent que c’est lui qui leur a conseillé ces investissements et qui les a fait souscrire.

[25]       Dans les circonstances, le comité considère que l’impossibilité de produire les originaux des billets à ordre (P-3, P-5, P-8 et P-9) a été démontrée et que les copies déposées constituent une preuve suffisante de la souscription de ces billets à ordre. 

[26]       Par conséquent, ces objections de l’intimé sont rejetées.

[27]       Le comité se prononcera maintenant sur le mérite des différents chefs d’accusation contenus à la plainte.  Un résumé des faits généraux et des prétentions de l’intimé sera d’abord présenté.  Suivra le résumé des faits propres à chaque chef ainsi que leur analyse.  Enfin, le comité les traitera dans un ordre différent de celui présenté dans la plainte.

LES FAITS GÉNÉRAUX

[28]       Au moment des faits en litige, l’intimé était certifié en assurance de personnes, en assurance collective de personnes, en régime d’assurance collective et, de ce fait, encadré par la CSF (P-1).  Par ailleurs, il n’est pas certifié comme représentant en épargne collective prévu à l’article 9 de la LDPSF.

[29]       L’intimé est un vieil ami de George Gravino, frère de Nicolas Gravino, un des consommateurs visés par la plainte.  Ils se sont connus dans les années 1970 alors qu’ils travaillaient tous deux pour la compagnie pétrolière Shell.

[30]       M. Squires, un autre des consommateurs, a connu l’intimé dans les années 1980 alors que ce dernier travaillait toujours pour la compagnie Shell.  M. Squires connaît aussi George Gravino et sa famille.

[31]       L’intimé se trouvait souvent chez George Gravino lorsque sa famille se réunissait chez lui.  L’intimé est devenu en quelque sorte un ami de la famille Gravino.  C’est dans ce contexte que le couple Belleau-Gravino, deux des consommateurs visés par la plainte, ont connu l’intimé.

[32]       Seul M. Adrien Charbonneau, consommateur concerné par le troisième chef, n’a aucun lien personnel ou d’affaire avec la famille Gravino.

[33]       M. Nicolas Gravino et M. Adrien Charbonneau ont tous deux présenté des réclamations au Fonds d’indemnisation des services financiers qui ont été rejetées (P-11 et P-25).

[34]       Il ressort de la décision rendue par le Bureau de décision et révision en valeurs mobilières (BDRVM) le 22 décembre 2005 (P-23) que l’intimé a été un administrateur de la compagnie Gopher Media Service Corporation (Gopher) qui entretenait des liens avec Mount Real et ses compagnies liées et avait la même adresse de place d’affaires : 2500 rue Allard, à Montréal.  Par cette décision, Gopher fit l’objet d’une interdiction d’opérations sur valeurs en décembre 2005.

[35]       L’intimé reconnut lors la rencontre du 29 novembre 2007 (P-16) qu’il connaissait M. Mylonakis, aussi administrateur de Gopher, qui fut reconnu coupable, le 30 avril 2009, d’infractions de même nature par une autre formation du comité de discipline de la CSF suite à l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité.

PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉ

[36]       Rappelons d’emblée que les quatre premiers chefs reprochent à l’intimé d’avoir fait souscrire des billets à ordre de Mount Real aux quatre consommateurs alors que ces investissements ne figurent pas dans le cadre des produits qui lui sont réservés par ses certifications.  Le dernier et cinquième chef lui reproche d’avoir nui au travail du bureau du syndic.

[37]       Les principaux arguments de l’intimé peuvent se résumer ainsi : 

         le lien de l’intimé avec les consommateurs n’était pas celui de représentant client;

         le nom de l’intimé n’apparaissait pas sur la preuve documentaire relative au billet à ordre;

         à l’exception de M. Charbonneau, il s’agissait en quelque sorte d’une manoeuvre ourdie par la famille Gravino et plus particulièrement par Nicolas Gravino;

         M. Nicolas Gravino ne serait pas crédible;

         les connaissances et l’expérience de la profession par les pairs qui siègent sur un comité de discipline «ne peuvent en aucun temps suppléer à l’absence de preuve»[9], ce comité ne peut en conséquence décider de l’existence d’une faute déontologique en l’absence de preuve d’expert qui l’établit par prépondérance de preuve[10].

CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 4

À L’ÉGARD DE SON CLIENT ADRIEN CHARBONNEAU

[38]       M. Charbonneau est rentier et ne connaît pas la famille Gravino. Il a rencontré l’intimé par l’entremise de son frère qui avait déjà investi depuis plusieurs années dans Mount Real.  Il l’a rencontré à trois reprises.  Une première fois chez lui en 2002 lorsqu’il a investi dans la compagnie Mount Real qui, selon les représentations de l’intimé, œuvrait dans le domaine des journaux ou des revues.  L’intimé lui a fait signer un document «comme une espèce de contrat»[11] et il lui a remis un chèque de 40 000 $. Il a ainsi souscrit le 5 octobre 2002, par l’entremise de l’intimé, à un billet à ordre de 40 000 $ dans Mount Real dont l’original a pu être examiné par le comité (P-10 et P-10A).

[39]       Pendant environ deux ans et demi, il percevait à tous les six mois des intérêts. Il a renouvelé le billet à ordre en 2003 et en 2004 (IAC-1 et IAC-2).  Après 2004, le paiement des intérêts a retardé.  Par la suite, il a rencontré à deux reprises l’intimé chez son frère pour qu’il les aide à remplir les formulaires de réclamation à l’Autorité des marchés financiers (AMF) (IAC-3).  Le nom de l’intimé n’apparaît pas comme représentant sur ces derniers formulaires.

ANALYSE DU CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 4

[40]       La preuve non contredite a démontré que c’est l’intimé qui a fait souscrire à M. Charbonneau le billet à ordre de Mount Real.  Bien qu’il n’ait pas indiqué son nom comme représentant sur le formulaire de réclamation à l’AMF, il ressort clairement de la preuve que c’est par son entremise que M. Charbonneau a souscrit au billet à ordre de Mount Real

[41]       Le comité est d’avis que le témoignage de M. Charbonneau est digne de foi.  Il le croit quand il affirme que l’intimé est venu chez lui, lui a fait remplir des documents aux fins de souscription d’un billet à ordre de Mount Real qui fut émis le 5 octobre 2002 au taux d’intérêt annuel de 9% pour un montant de 40 000 $ (P-10 et P-10A). Il en est de même quand il relate que l’intimé l’a aidé ainsi que son frère à remplir les réclamations à l’AMF.  Comment expliquer d’ailleurs qu’il ait fourni cette aide si ce n’est que c’est par son entremise que M. Charbonneau a souscrit ledit billet à ordre de Mount Real ?  Ainsi, il en ressort que l’intimé a activement participé à la souscription dudit billet à ordre.

[42]       Or, ces gestes ne pouvaient être posés que par une personne inscrite comme courtier en valeurs de plein exercice auprès de l’AMF alors que l’intimé n’était pas inscrit à ce titre.

[43]       Le comité de discipline de la CSF s’est prononcé maintes fois sur des infractions de même nature que celles reprochées à l’intimé.  Les décisions citées par la plaignante l’établissent clairement[12]

[44]       Le comité rejette en conséquence l’argument du procureur de l’intimé voulant qu’une preuve d’expert soit faite pour démontrer l’existence de cette faute.

[45]       Ainsi, un représentant qui détient uniquement une certification en assurance de personnes, en assurance collective de personnes, en régime d’assurance collective, comme c’est le cas pour l’intimé, ne peut légalement ni offrir ni faire souscrire lesdits billets à ordre.

[46]       La présente affaire s’apparente sous plusieurs aspects à celle de Kalipolidis[13] où le comité énonçait : «En agissant tel qu’il lui est reproché, il a fait défaut de respecter les mécanismes mis en place par le législateur pour assurer qu’avant de souscrire à de tels produits les consommateurs bénéficient des conseils d’un professionnel compétent

[47]       Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 4.

CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 1

À L’ÉGARD DE SON CLIENT BOB SQUIRES

[48]       M. Bob Squires a connu l’intimé dans les années 1980 alors que ce dernier  travaillait pour la compagnie Shell. Quand, en juillet 1995, il a fondé une compagnie d’inspection, l’intimé qui était devenu représentant en assurances lui a vendu une assurance responsabilité civile et des polices d’assurance-vie pour lui et ses enfants.

[49]       Suivant le témoignage de M. Squires, c’est au printemps 1996 que l’intimé lui a recommandé d’investir dans la compagnie Mount Real qui était, selon les représentations de l’intimé, une compagnie cotée à la Bourse d’Alberta, ce qu’il fit en remettant à l’intimé un chèque de 20 279, 60 $ en mars 1996 (P-3).  Environ trois ans plus tard, suivant les recommandations de l’intimé, il a investi de nouveau par son entremise.

[50]       M. Squires affirma n’avoir jamais reçu les originaux des billets à ordre de Mount Real mais seulement des copies d’année en année à l’anniversaire de l’investissement jusqu’aux problèmes qu’a connus la compagnie.  Il a rempli lui-même une réclamation à l’Autorité des marchés financiers (P-2) en février 2007, pour 73 793,80 $ où il indiqua qu’il avait investi dans Mount Real par l’entremise de l’intimé.

ANALYSE DU CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 1

[51]       L’intimé n’a pas témoigné.  Bien qu’il ait nié lors de l’entrevue avec l’enquêteur avoir fait souscrire ce billet à ordre, cette déclaration doit être prise à caution, n’ayant pas été faite sous serment et compte tenu de l’ensemble de la preuve offerte quant à ses liens avec la compagnie Bear Bay International Holdings et la compagnie Gopher.

[52]       M. Squires dit avoir reçu les conseils et les services de l’intimé pour l’achat d’un billet à ordre pour un montant de 20 279,60 $ (P-3).  Il a déclaré avoir préparé lui-même la réclamation (P-2) à l’AMF et indiqué le nom de l’intimé comme son représentant puisque c’est par son entremise qu’il a souscrit à ce billet à ordre.

[53]       Le comité croit que le témoignage de M. Squires a été fait de bonne foi et l’estime fiable devant l’ensemble des faits et des dates des souscriptions.

[54]       Le comité voit aussi dans la lettre (P-5A) adressée, en 1997, par Mme Loraine Lyttle à M. Nicolas Gravino, informant que la compagnie Mount Real est cotée à la Bourse d’Alberta, une confirmation des dires de M. Squires qui a déclaré que l’intimé lui avait représenté que la compagnie était cotée à cette bourse.

[55]       Le comité est d’avis que la preuve a démontré de façon prépondérante que l’intimé a bel et bien conseillé et fait souscrire à M. Squires un billet à ordre de Mount Real, investissement non couvert par sa certification.

[56]       Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 1.

CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 3

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE HÉLÈNE BELLEAU

[57]       Mme Belleau est l’épouse de M. Nicolas Gravino depuis environ vingt ans. Elle a connu l’intimé au début des années 1990 chez son beau-frère, M. Georges Gravino, de qui il était un ami de longue date.

[58]       Elle dit avoir fait affaire avec l’intimé, pour la première fois, autour de 1997, quand son mari a placé à son nom 5 000 $ dans un billet à ordre de Mount Real dans son REER[14] en ayant pris en même temps pour lui-même.  Cet investissement de 5 000 $, compte tenu des intérêts composés et le renouvellement automatique effectué au cours des années précédentes, avait augmenté à 9 864,32 $ en 2004 (P-9).

[59]       Elle a fait affaire avec l’intimé une deuxième fois pour le transfert en 2000 de son fonds de pension, jusque là géré par la compagnie pour laquelle elle avait travaillé, dans un billet à ordre de Mount Real au montant de 109 202,61 $ (P-8).

[60]       Ces deux billets ont été renouvelés, pour la dernière fois le 8 août 2004, à un taux d’intérêt annuel de 8,5 %.

[61]       Mme Belleau dit avoir entendu parler des produits de Mount Real par la famille Gravino et par l’intimé.  Les explications fournies par l’intimé étaient «que c’était un produit qui rapportait bien, qui était sûr et puis c’était une bonne idée de faire des placements là.»[15]

[62]       Elle affirma n’avoir toujours reçu que des copies des billets, recto seulement. À ces copies était jointe une lettre signée par Mme Laraine Lyttle pour Mount Real (P-8A et P-9A) qui confirmait les renouvellements.  Elle n’a jamais rencontré Mme  Lyttle mais lui a parlé pour les renouvellements.

ANALYSE DU CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 3

[63]       Le comité croit Mme Belleau au sujet de l’implication de l’intimé dans la souscription des billets à ordre de Mount Real. Son témoignage lui a paru honnête et fiable.  Le procureur de l’intimé lui-même a avancé que Mme Belleau disait la vérité.

[64]       Les faits rapportés par Mme Belleau sont conséquents aux autres éléments mis en preuve.  Un extrait d’une lettre adressée le 7 mars 1997 à Mme Belleau par Mme Colleen Dance (IHB-1) pour le premier billet à ordre de 5 000 $ est assez révélateur :

«Objet : Régime D’Épargne-Retraite Autogéré

Vous trouverez ci-jointe votre copie de la proposition concernant Mount Real Corporation et La Trust National.

Nous les avons envoyés directement à Mount Real Corporation pour qu’ils soient traités. Une fois que les fonds seront reçu (hic), nous vous enverrons une copie du certificat

(Nos soulignés)

[65]       En plus de préciser qu’une copie du billet lui serait acheminée, cette lettre affiche le logo de la compagnie Bear Bay Holding Canada Inc. dont l’intimé était «account executive» comme indiqué sur une de ses cartes d’affaires remise à Nicolas Gravino lors de la souscription en 1997 (P-6A).

[66]       À cela s’ajoute le fait que l’intimé a été un des administrateurs de la compagnie Gopher laquelle, selon la décision rendue le 22 décembre 2005 par le BDRVM (P-23), avait des liens avec Mount Real.  De cette décision, il ressort que l’enquête instituée par l’AMF le 21 février 2005 à l’égard de Mount Real visait également la compagnie Bear Bay Holding Canada Inc. Ces deux compagnies avaient la même adresse de place d’affaires comme il peut être constaté à la lettre signée par Mme Laraine Lyttle pour la compagnie Mount Real du 17 août 2004 et adressée à Mme Belleau (P-8A).

[67]       Le comité est d’avis que ces faits appuient la version de Mme Belleau et que la preuve prépondérante a démontré que l’intimé est celui qui a fait souscrire à Mme Belleau les billets à ordre de Mount Real allégués au chef d’accusation.

[68]       Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 3.

CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 2 A) ET B)

À L’ÉGARD DE SON CLIENT NICOLAS GRAVINO

[69]       Ce chef reproche à l’intimé la même chose que les autres à la différence que la preuve documentaire pour le chef 2 a) ne comporte pas de copie de billet à ordre.

[70]       M. Nicolas Gravino affirma que c’est l’intimé qui lui a fait souscrire les billets à ordre de Mount Real.  Lors de sa première souscription en 1997, l’intimé lui a remis une carte d’affaires où il apparaît comme «account executive» pour la compagnie Bear Bay Holding Canada Inc. (P-6A).

[71]       La preuve documentaire de la souscription d’un billet à ordre de 8 500 $ le 25 février 1997 (chef 2 a) se limite à une lettre datée du 10 mars 1997 adressée à M. Gravino signée par Mme Colleen Dance de la compagnie Bear Bay Holding Canada Inc. (P-6), ainsi que la proposition concernant Mount Real et le Trust National de 8 500 $.  Cette lettre accompagnant la proposition est identique à celle qui a été adressée à Mme Belleau, reproduite en partie sous le troisième chef d’accusation la concernant (P-8A).  M. Gravino a aussi produit le relevé de compte reçu du Trust National pour décembre 1997 (P-7).

[72]       Une copie du billet à ordre de 33 324, 74 $ en date du 8 novembre 2001 (chef 2 b) fut produit avec la lettre qui l’accompagnait signée par Mme Lyttle (P-5, P-5A).

[73]       Le comité est d’avis que ces faits appuient la version de M. Gravino voulant que c’est par l’entremise de l’intimé qu’il a souscrit le billet à ordre de Mount Real (chefs 2a et 2b).

[74]       Bien que le procureur de l’intimé ait insinué que Mme Laraine Lyttle était la représentante, la preuve offerte le contredit.  Par sa lettre du 12 décembre 1997, Mme Lyttle (P-5A) non seulement signe à titre d’administratrice de placement mais écrit :

 «Il est important de nous faire connaître, directement ou par l’entremise de votre représentant, vos directives d’investissement et ce 30 jours avant la date d’échéance.».

(Nos soulignés)

[75]       Le comité est d’avis que ceci supporte aussi la version des consommateurs que Mme Lyttle n’était pas leur représentante sinon elle ne demanderait pas au client de lui transmettre son nom. 

[76]       La preuve non contredite a établi que l’intimé s’est présenté à M. Gravino comme «account executive» pour la compagnie Bear Bay Holding Canada Inc. laquelle carte a été exhibée au comité et copie produite à cette fin (P-6A).

[77]       Tous les consommateurs de même que les propres témoins de l’intimé l’ont identifié comme étant celui par l’entremise de qui ils ont souscrit aux billets à ordre de Mount Real.  Mme Antonia Gravino a même dit qu’il avait représenté qu’il s’agissait d’un bon produit avec des rendements intéressants.  M. George Gravino, qui, ayant pris part à la poursuite civile intentée contre l’intimé par plusieurs membres de la famille Gravino, amis et autres, déclara ne pas en vouloir à l’intimé malgré que ce dernier lui ait fait souscrire ces billets à ordre.

[78]       Ainsi, seul le nom de l’intimé a été mentionné et aucun autre intermédiaire. À cela s’ajoute, les liens de l’intimé avec la compagnie Bear Bay Holdings Inc., ainsi qu’avec la compagnie Gopher (P-23) pour laquelle il était administrateur et dont la place d’affaires était à la même adresse que la compagnie Mount Real.

[79]       Le procureur de l’intimé s’est dit d’avis, qu’hormis le cas de M. Charbonneau, c’était M. Nicolas Gravino, homme d’affaires avisé, qui était le conseiller des consommateurs ajoutant que c’était également lui qui était à l’origine de la poursuite civile contre son client. Il dit aussi que c’est parce que Mme Lytttle ne détenait pas de permis comme représentante que les consommateurs auraient décidé d’incriminer l’intimé.

[80]       Le procureur de l’intimé a soutenu que son client était le «chum» de tout le monde et qu’il serait victime en quelque sorte d’une manœuvre ourdie par la famille Gravino et plus particulièrement par M. Nicolas Gravino pour trouver un coupable d’où les recours civils intentés contre lui.

[81]       En d’autres mots, il a avancé que les quatre consommateurs concernés par la plainte de même que ses propres témoins ont tous menti au comité.

[82]       Le comité ne partage pas son avis et estime plutôt qu’ils ont tous dit la vérité quand ils ont affirmé que c’est par l’entremise de l’intimé qu’ils ont souscrit les billets à ordre de Mount Real.

[83]       Dans l’affaire Denis[16] le comité indique : « […] l’implication de l’intimé dans cette transaction ne fait aucun doute.  Il en est même l’acteur principal, que son nom ne se retrouve pas sur la proposition initiale (une assurance-vie) où qu’il n’en assumait pas le suivi ne modifiait en rien, les circonstances, la responsabilité qui en découle ce qui écarte le moyen soulevé par l’intimé qu’il n’a pas signé la proposition

[84]       Il ressort de l’ensemble de la preuve que l’intimé avait développé une amitié avec M. Georges Gravino et de ce fait, avait rencontré le reste de la famille Gravino. Il est plausible que M. Nicolas Gravino ait une influence importante sur le reste de sa famille mais c’est l’intimé qui est représentant et qui avait des liens avec Mount Real

[85]       C’est lui qui pouvait faire souscrire les billets à ordre et non M. Nicolas Gravino. Après une analyse minutieuse des témoignages des consommateurs, le comité est d’avis qu’il peut donner foi à leurs témoignages y compris à celui de M.  Nicolas Gravino malgré ses réticences et quelques contradictions mais non sur les éléments d’importance.

[86]       Bien que les consommateurs aient pu entendre parler des billets à ordre de Mount Real par d’autres sources que l’intimé, ils ont été unanimes pour dire que c’est par sa seule entremise que les souscriptions se sont faites. 

[87]       S’appuyant sur des décisions[17] portant sur l’exercice illégal, la plaignante rapporta que celui qui laisse croire qu’il est autorisé à faire un acte, commet un acte dérogatoire.

[88]       Dans ces décisions, il est conclu que ce n’est pas au consommateur de connaître les limites du représentant mais au représentant lui-même de connaître ses limites. 

[89]       La plaignante fit valoir qu’il importait peu que le consommateur soit un investisseur avisé ou pas, qu’il ait ou non l’habitude de ces transactions, l’intimé ne pouvant s’en servir pour excuser ses faits et gestes, ceux-ci constituant un accroc à ses obligations déontologiques. Le comité partage ce point de vue.

[90]       Même si pour certaines de des décisions du comité de discipline de la CSF[18] le libellé des chefs d’accusation pouvait être différent, la plaignante insista pour dire que toutes concernaient des cas où le représentant avait agi en dehors des limites de sa certification.

[91]       Elle attira l’attention du comité sur trois autres décisions[19], plus particulièrement dans l’affaire Rifai, où il est retenu que l’absence d’autre intermédiaire dans la transaction est un élément déterminant[20]. C’est aussi le cas en l’espèce.

[92]       Elle signala que pour le chef 2 b) le reproche concerne la souscription d’origine en date du 8 novembre 2001 de 33 324,74 $ et non pas les renouvellements puisqu’il n’y avait pas de preuve d’implication de la part de l’intimé pour les renouvellements.

[93]       Citant l’affaire Kalipolidis[21], elle insista sur le passage où le comité dit que l’intimé ne pouvait légalement offrir ni faire souscrire lesdits fonds à ses clients car, ce faisant, il ne respectait pas le mécanisme mis en place par le législateur pour assurer qu’avant de souscrire à de tels produits les consommateurs bénéficient les conseils d’un professionnel compétent.

[94]       Elle rappela ce que le comité de discipline énonça dans l’affaire Poulin[22], soit que l’intimé aurait dû référer ses clients au professionnel compétent pour le conseiller à l’égard de ces produits financiers et que le devoir de conseil est intrinsèquement lié au droit d’offrir le produit. ».

[95]       Le comité partage les énoncés du comité de discipline cités par la plaignante dans les décisions précédentes et conclut, dans les circonstances, que l’intimé en dépassant les limites de son certificat a privé par le fait même les consommateurs des conseils d’une personne compétente.

[96]       Le comité est également d’avis que l’infraction relative au conseil est comprise dans celle de vente sans certification comme conclu dans l’affaire Caya[23].

[97]       Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 2.

CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 5

À L’ÉGARD DE LA PROFESSION

[98]       Ce chef reproche à l’intimé d’avoir nuit au travail du bureau du syndic en ne répondant pas de façon complète et dans les meilleurs délais aux diverses correspondances de l’enquêteur entre le 1er août 2007 et le 1er janvier 2008.

[99]       Il ressort de la preuve que l’intimé, malgré qu’il ait fourni des réponses tant dans ses lettres que lors de son entrevue aux questions posées par le bureau du syndic, a répondu de façon vague et incomplète.

[100]    Même si, à première vue, l’intimé a répondu dans un délai raisonnable dès la première demande d’informations par l’enquêteuse en août 2007, ses réponses insatisfaisantes ont obligé le bureau du syndic à revenir à la charge jusqu’en février 2007.

[101]    Son procureur a longuement contre-interrogé l’enquêteur pour tenter de faire admettre que le dossier avait commencé au sujet de M. Squires et que c’est considérant cette première demande que l’intimé était justifié de répondre en fonction de ce client seulement et non des autres dossiers susceptibles d’être enquêtés par le bureau du syndic.

[102]    Le comité est plutôt d’avis que l’intimé a choisi de jouer au chat et à la souris avec le bureau du syndic étant évasif pour éviter de répondre adéquatement aux questions posées. Le comité estime que la transcription sténographique de la rencontre du 29 novembre 2007 (P-16) ainsi que des lettres échangées le démontrent clairement (P-18 et P-19).

[103]    Entre autres, aux questions lui demandant les dates où il a agi à titre d’administrateur de la compagnie Gopher et combien d’heures il y consacrait (P-18), l’intimé se limite au cas de son client M. Squires. Il écrit que durant la période visée par la police d’assurance souscrite par celui-ci entre 1995 et 1997 jusqu’en 2001, il n’a pas été administrateur ou occupé d’autres postes pour la compagnie Gopher (P-19).

[104]    Pourtant, la formulation des questions de l’enquêteur était plus générale et ne limitait aucunement au cas de M. Squires. Il en est de même tout au long de sa rencontre du 29 novembre 2007 avec le bureau du syndic.  Au lieu de répondre avec promptitude et précision aux questions qui lui étaient posées comme il devait le faire, l’intimé a choisi de ne pas satisfaire aux demandes qui lui étaient faites et de gagner du temps.

[105]    De l’ensemble du dossier, le comité considère tel que précédemment mentionné, que l’intimé à tout simplement voulu jouer au plus fin au cours de l’enquête et ce faisant, il a fait défaut de collaborer, a retardé et nui à l’enquête de la plaignante.

[106]    Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 5.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sur chacun des cinq (5) chefs d’accusation de la plainte portée contre lui;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Stéphane Côté

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Robert Archambault

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Luc Mannella

MANNELLA ET ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience

8, 10, 11 et 29 septembre 2009

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0739

 

DATE :

3 mars 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

PIERO D’AMORE (certificat 108829)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        Le 8 février 2011, à la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Parizeau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l’audition sur sanction.

[2]          Le procureur de la plaignante informa le comité que les parties avaient des recommandations « communes » sur sanction à lui présenter, à l’exception des demandes au sujet des déboursés pour lesquels l’intimé avait des représentations particulières.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[3]          Après avoir déposé sous la cote PS-1 l’attestation de droit de pratique de l’intimé en date du 13 janvier 2011, le procureur de la plaignante rappela que les quatre premiers chefs d’accusation dont l’intimé a été trouvé coupable lui reprochaient d’avoir offert un produit qu’il n’était pas autorisé à offrir en vertu de sa certification.  Quant au cinquième chef, il lui était reproché d’avoir nui au travail du bureau du syndic.

[4]          Il mentionna que les événements reprochés à l’intimé s’étaient déroulés sur plusieurs années de 1996 à 2004, impliquaient quatre clients et que leurs pertes atteignaient environ 221 000 $.

[5]          Parmi les facteurs aggravants, le procureur de la plaignante mentionna :

  la gravité objective des infractions commises;

  les pertes financières de 221 000 $;

  la période de huit ans pendant laquelle les infractions ont été commises.

[6]          Comme facteurs atténuants, il indiqua que l’intimé n’avait pas d’antécédent disciplinaire et qu’il n’était plus représentant depuis deux ans, n’ayant pas renouvelé au 31 mars 2008 sa certification en assurance de personnes et en assurance collective de personnes.

[7]          Il indiqua que pour les quatre premiers chefs d’accusation, les parties recommandaient une radiation de trois ans et pour le cinquième chef une radiation de trois mois, ces radiations devant être purgées de façon concurrente.

[8]          À propos des recommandations communes, il évoqua les principes émis par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Douglas[24] voulant qu’un tribunal ne doit pas déroger aux recommandations des parties dans la mesure où elles ne sont pas déraisonnables, ne sont pas contre l’intérêt public et ne déconsidèrent pas la justice. 

[9]          Ensuite, pour les sanctions suggérées, il s’appuya sur trois décisions[25] antérieures du comité.  Dans les deux premières, pour les chefs portant sur «l’exercice illégal», le comité a imposé une radiation temporaire de trois ans et dans la troisième, pour le chef d’entrave au travail du syndic, une radiation temporaire de trois mois.

[10]       Il termina en réclamant la condamnation de l’intimé aux entiers dépens ainsi que la publication de la décision.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[11]       Le procureur de l’intimé confirma que, considérant les recommandations communes des parties sur sanction, ses représentations porteraient uniquement sur les débours qui étaient évalués, selon l’information transmise par le procureur de la plaignante, à environ 8 000 $.

[12]       Il signala que le sort réservé aux poursuites civiles intentées par les clients contre l’intimé était encore inconnu puisque la Cour supérieure avait accueilli une requête pour suspension desdites poursuites en attendant l’issue d’une requête pour permission d’intenter un recours collectif contre Mount Real.

[13]       Ensuite, faisant appel à la discrétion du comité dans l’adjudication des dépens, il demanda au comité de les mitiger invoquant le lien d’amitié qui existait entre les clients et l’intimé soulignant que ce dernier ne pensait pas agir dans l’exercice de sa profession.

[14]       Il ajouta que la conclusion de recommandations communes par les parties réduisait de façon significative le temps d’audition sur sanction ce qui militait en faveur d’un partage des dépens dont il laissait le pourcentage à la discrétion du comité.

[15]       Subsidiairement, au cas où le comité refusait de partager les dépens entre les parties, il demanda d’accueillir sa demande et d’assortir de modalités le paiement à raison de mensualités de 1 000 $.

ANALYSE ET MOTIFS

[16]       L’intimé n’exerce plus dans le domaine de la distribution de produits financiers ou d’assurance depuis 2008.

[17]       Les infractions qu’il a commises sont objectivement sérieuses, elles vont au cœur même de l’exercice de la profession et portent directement atteinte à l’image de celle-ci.

[18]       Quatre clients sont impliqués.  Les infractions se sont répétées sur une période de huit ans et les pertes financières encourues, à la suite des investissements initiaux faits par l’entremise de l’intimé, sont d’environ 221 000 $.  Ce montant exclut les pertes subies à la suite des renouvellements qui ont été faits sans son intervention.

[19]       De plus, ces consommateurs ne peuvent espérer quelque réparation que ce soit du Fonds d’indemnisation des services financiers puisque les produits visés n’étaient pas des produits que l’intimé était autorisé à distribuer en vertu de ses certifications.

[20]       L’intimé a commis ces infractions alors que qu’il n’était pas autorisé en vertu de ses certifications à distribuer ces billets à ordre.  En conséquence, le fait qu’il n’ait pas procéder à leurs renouvellements depuis deux ans ne peut, de l’avis du comité, constituer un facteur atténuant.

[21]       Le procureur de l’intimé dit que ce dernier ignorait qu’il n’avait pas le droit de faire souscrire ces billets à ordre.  Le comité croit qu’il est permis d’en douter notamment devant le fait que l’intimé a été un administrateur de la compagnie Gopher Media Service Corporation (Gopher) qui entretenait des liens avec Mount Real et ses compagnies liées et avait la même adresse de place d’affaires.  Gopher a aussi fait l’objet d’une interdiction d’opérations sur valeurs en décembre 2005 (décision sur culpabilité, par. 34 et 35).  À cela s’ajoute le comportement de l’intimé durant l’enquête qui « a tout simplement voulu jouer au plus fin au cours de l’enquête et ce faisant, il a fait défaut de collaborer, a retardé et nui à l’enquête de la plaignante.» (décision sur culpabilité, par. 105). 

[22]       Enfin, les trois décisions[26] fournies à l’appui des recommandations furent rendues sur culpabilité à la suite de l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité ou par défaut alors que sur la sanction, elles l’ont été suivant des recommandations communes, par défaut ou après un léger débat contradictoire.  Ainsi, il ne peut leur être attribué le même poids qu’aux décisions rendues par le comité suite à une preuve détaillée et un débat contradictoire.

[23]       Par ailleurs, les principes émis par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Douglas et invoqués par la plaignante, ont à maintes reprises été retenus en droit disciplinaire[27].  Ainsi, les recommandations communes des parties ne doivent être écartées que si le comité les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[24]       Aussi, même si le comité estime que les recommandations communes semblent plutôt clémentes, compte tenu notamment des circonstances mentionnées précédemment, il y donnera suite.

[25]       Concernant la demande de l’intimé d’ordonner le partage des dépens, le comité est d’avis que l’amitié invoquée entre ses clients et lui ne constitue pas un motif justifiant de déroger à la règle qui veut que la partie qui succombe doive supporter les frais.  Dans cette profession, il est fréquent pour les représentants d’offrir des services professionnels à leurs amis ou de développer une amitié avec leurs clients.  L’amitié avec des clients ne peut excuser un représentant de contrevenir à ses devoirs et obligations déontologiques.  Aussi, la preuve au dossier a plutôt démontré que seul Georges Gravino était l’ami de longue date de l’intimé mais il n’est pas un consommateur visé par la plainte.  En outre, quatre jours furent nécessaires pour la preuve sur la culpabilité alors que l’intimé lui-même n’a pas témoigné et il a été trouvé coupable sous tous les chefs.

[26]       Par conséquent, en l’absence de motifs qui lui permettraient d’agir autrement, le comité suivra la recommandation de la plaignante et condamnera l’intimé aux entiers dépens et ordonnera la publication de la décision.

[27]       De façon subsidiaire, l’intimé demanda au comité d’assortir de modalités le paiement des frais alors que la plaignante laissa cette demande à la discrétion du comité.

[28]       La Cour du Québec, dans sa décision Cassof[28], s’inspirant de celle rendue par la Cour suprême dans Lignes aériennes Canadien Pacific Limitée c. Association canadienne des pilotes de lignes aériennes[29] qui traite de la compétence du Conseil canadien des relations de travail, conclut qu’un tribunal administratif, en l’occurrence le comité de discipline de l’Association des courtiers et agents immobilier du Québec, ne peut s’attribuer un pouvoir que la loi ne lui attribue pas.

[29]       Or, l’article 151 du Code des professions, applicable en l’espèce, n’attribue pas au comité ce pouvoir d’assortir la condamnation aux frais de modalités comme le permet pour la sanction l’alinéa 4 de l’article 156.

[30]       En conséquence, à la lumière de ces décisions, le comité est d’avis qu’il n’a pas compétence pour ordonner des modalités de paiement à l’égard des frais auxquels une partie est condamnée.  

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous chacun des chefs 1, 2, 3 et 4 

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois ans, à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef 5

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois à être purgée de façon concurrente avec celle ordonnée pour les chefs précédents;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. chap. C‑26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Stéphane Côté

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Robert Archambault

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Luc Mannella

MANNELLA ET ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience

8 février 2011

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] L.R.Q., c. D-9.2, art. 284, 312, 329, 353.

[2] L.R.Q., c. V-1.1, art. 148, 211 et 208.

[3] L’enquête de l’AMF a porté sur les activités de placements de valeurs mobilières de Corporation Mount Real et de ses sociétés liées (P-25).

[4] Autorité des marchés financiers (AMF) c. Enrico Bruni, décision no : 2007-013-001 rendue le 27 septembre 2007 par le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières.

[5] CD00-0585, par. 31 à 41.

[6] CD00-0600, par. 142.

[7] Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 1175-1176.

[8] Paquet c. Navada, rendue le 1er octobre 1980, AZ-80011145.

[9] Préc. note 6, par.168.

[10] Id., par. 171.

[11] N.S. du 8 septembre 2009, p. 104, ligne 1.

[12] Préc. note 6; CSF c. Gérald Deslandes, 2007 CanLII 58651; CSF c. Paul Messier, 2008 CanLII 13824; CSF c. Christophe Balayer, 2008 CanLII 27532; CSF c. Maryse Labarre, 2008 CanLII 34532; CSF c. Fayza Rifai, 2008 CanLII 63286; CSF c. Kalipolidis, 2009 CanLII 294; Rioux c. Pollender, 2002 CanLII 49177; CSF c. Caya, 2009 CanLII 28256; CSF c. Denis, 2003 CanLII 57165.

[13] Préc. note 12, par. 27.

[14] HIB-1-lettre du 7 mars 1997 signée par Mme Colleen Dance avec logo de compagnie Bear Bay et demande d’ouverture d’un REÉR.

[15] N.S. du 10 septembre 2009, p. 119, lignes 1-6.

[16] Préc. note 12, p. 3 par. 22.

[17] Chambre des notaires c. Gagné AZ-93021107 rendue le 18 décembre 1992; Barreau du Québec c. Ruest AZ-50428024 rendue le 18 avril 2007; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Tardif 2007 QCCQ15822, rendue le 19 octobre 2007.

[18] Poulin, préc. note 6; Deslandes, Messier, Balayer, Labarre, préc. note 12.

[19] Rifai, Kalipolidis, Pollender, préc. note 12.

[20] Préc. note 12, par. 36.

[21] Id., par. 27.

[22] Préc. note 6, par. 231.

[23] Préc. note 12, par. 24.

[24] Douglas c. Sa Majesté la Reine, [2002] Can LII 32492 (QC C.A.).

[25] Léna Thibault c. Marc-André Froment, CD00-0733, le 21 septembre 2010; Léna Thibault c. Nick Mylonakis, CD00-0718, le 30 avril 2009; Caroline Champagne c. Réal Samson, CD00-0810, le 25 octobre 2010.

[26] Voir note 2.

[27] Voir notamment Tremblay c. Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des), [2001] D.D.O.P. 245 (T.P.); Malouin c. Notaires, D.D.E. 2002 D-23 (T.P.); Stebenne c. Médecins (Ordre professionnel des), [2002] D.D.O.P. 280 (T.P.).

[28] Cassof c. Deschamps, 2008, QCCQ 4646.

[29] [1993] 3 R.C.S. 724

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