Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0760

 

DATE :

28 juin 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Pierre Décarie

Membre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me VENISE LEVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. PIERRE NADEAU, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 6 avril 2010, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, à Montréal et à procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

 

«  1.     À Montréal, depuis le ou vers le 12 août 2008, l’intimé PIERRE NADEAU a fait défaut de répondre à une correspondance du 12 août 2008 émanant du bureau du syndic et signée par l’enquêteur Laurent Larivière, contrevenant ainsi à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

2.         À Montréal, depuis le ou vers le 25 août 2008, l’intimé PIERRE NADEAU a fait défaut de répondre à une correspondance du 25 août 2008 émanant du bureau du syndic et signée par l’enquêteur Laurent Larivière, contrevenant ainsi à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

3.         À Montréal, depuis le ou vers le 12 août 2008, l’intimé PIERRE NADEAU a nui au travail du bureau du syndic, notamment en faisant défaut de donner suite aux communications de l’enquêteur Laurent Larivière, contrevenant ainsi à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01); »

 

LES FAITS

[2]           Il ressort essentiellement de la preuve présentée au comité les faits suivants.

[3]           Le ou vers le 12 août 2008, à la suite d’une demande d’enquête déposée par une consommatrice, Mme Josée Désormeau, l’enquêteur au bureau du syndic, M. Laurent Larivière (M. Larivière), fit tenir à l’intimé une correspondance l’enjoignant de répondre à certaines questions en lien avec ses activités professionnelles. Il lui demandait de plus de lui expédier une copie complète du dossier de la cliente. Dans sa correspondance, M. Larivière accordait à l’intimé un délai de dix (10) jours pour l’acheminement des documents et renseignements réclamés.

[4]           Le ou vers le 25 août 2008, n’ayant reçu aucune réponse à ses demandes, M. Larivière fit tenir à l’intimé une nouvelle correspondance accompagnée d’une photocopie de celle du 12 août 2008. Tout en lui rappelant les termes des articles 340 et 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi que de l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, il lui soulignait alors son défaut de donner suite à la correspondance antérieure.

[5]           Quelque temps après, au cours d’une conversation téléphonique, l’intimé confirma à M. Larivière la réception des deux (2) lettres. Il indiqua à ce dernier qu’il était de son intention d’y donner suite mais lui mentionna qu’avant de ce faire, il lui fallait obtenir l’accord de son assureur responsabilité, et ce, pour éviter de mettre en péril sa couverture d’assurance. Il lui déclara que dans une situation de même nature, il avait antérieurement éprouvé des difficultés avec l’assureur.

[6]           Ne recevant toutefois aucune communication de l’intimé par la suite, le 16 septembre 2008, M. Larivière transmit à ce dernier un message téléphonique le priant de communiquer avec lui.

[7]           Le ou vers le 18  septembre 2008, l’intimé plaça un appel auprès de M. Larivière. Encore une fois, il assura ce dernier qu’il était de son intention de lui faire tenir rapidement les informations et documents qu’il réclamait, lui affirmant alors que ceux-ci lui seraient expédiés au cours de la fin de semaine qui allait suivre.

[8]           Le ou vers le 6 octobre 2008, n’ayant, malgré les assurances de l’intimé, toujours reçu aucune réponse à ses demandes, M. Larivière tenta de le rejoindre par téléphone. N’y parvenant pas, il laissa un message à ce dernier l’exhortant à nouveau de lui transmettre les documents et informations réclamés.

[9]           Le ou vers le 16 octobre 2008, l’intimé ne s’étant toujours pas manifesté, M. Larivière lui transmit un second message téléphonique au même effet.

[10]        Le ou vers le 22 octobre 2008, après quelques démarches, M. Larivière parvint à entrer en communication avec l’intimé. Ce dernier assura alors l’enquêteur qu’il allait bien, cette fois-ci, faire diligence et qu’il verrait à lui faire tenir « d’ici quelques jours » les documents et informations qui lui étaient réclamés depuis le 12 août 2008.

[11]        Le ou vers le 19 novembre 2008, M. Larivière tenta de le rejoindre par téléphone. Il n’y parvint pas. Il laissa un nouveau message téléphonique à l’intention de ce dernier.

[12]        Finalement, le ou vers le 26 novembre 2008, n’ayant eu aucune communication de l’intimé et n’ayant toujours pas reçu de ce dernier, malgré ses efforts et démarches, les documents et informations qu’il lui réclamait depuis le 12 août 2008, M. Larivière présenta le dossier au syndic de la Chambre qui prit alors la décision de porter la présente plainte contre l’intimé.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[13]        L’intimé qui a témoigné n’a pas disputé son défaut de donner suite avec diligence tant à la correspondance que lui faisait parvenir M. Larivière les 12 et 25 août 2008 qu’aux engagements verbaux auxquels il souscrivait par la suite auprès de ce dernier.

[14]        Il n’a pas contesté non plus qu’en agissant de la sorte, il a contrevenu aux dispositions de l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[15]        Aussi, compte tenu de ses admissions ainsi que de la preuve présentée par la plaignante, l’intimé sera déclaré coupable du chef d’accusation numéro 1.

[16]        Pour ce qui est du chef d’accusation numéro 2, puisque l’intimé sera reconnu coupable du premier chef, le comité est d’avis qu’il ne pourrait le déclarer coupable sur le second sans enfreindre la règle interdisant les condamnations multiples puisque la correspondance du 25 août 2008 auquel réfère le second chef n’est qu’un rappel de celle du 12 août 2008 mentionnée au premier chef.

[17]        En application de ladite règle, le comité ordonnera donc un arrêt conditionnel des procédures sur le chef d’accusation numéro 2.

[18]        Quant au chef d’accusation numéro 3, l’intimé a contesté sa culpabilité sur celui-ci.

[19]        Ledit chef lui reproche, en agissant comme il l’a fait et notamment en faisant défaut de donner suite aux communications de l’enquêteur M. Larivière, d’avoir « nui au travail du bureau du syndic ».

[20]        Or l’intimé déclare qu’il n’a jamais « empêché M. Larivière de travailler » et qu’il n’a jamais cherché à l’entraver dans ses fonctions. Selon ses déclarations, il n’a ni cherché à nuire à M. Larivière ni à lui mentir. Bien qu’il ait malheureusement fait défaut de respecter sa parole ou ses engagements, il déclare qu’aucune mauvaise foi ne doit lui être attribuée. Il invoque que dans de telles circonstances il ne devrait pas être déclaré coupable du troisième chef d’accusation.

[21]        Ledit chef d’accusation réfère à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui se lit comme suit :

« 44. Le représentant ne doit pas nuire au travail du Bureau, de la Chambre ou de l’un de ses comités, du syndic, d’un adjoint du syndic, du co-syndic, d’un adjoint du co-syndic ou d’un membre de leur personnel ou d’un dirigeant de la Chambre. »

[22]        En l’espèce, s’il est vrai que l’intimé n’a pas engagé l’enquêteur du bureau du syndic sur de fausses pistes et qu’il ne lui a pas non plus transmis de faux renseignements, il a néanmoins, après de multiples assurances de sa part à l’effet qu’il allait incessamment les lui transmettre, fait défaut de s’exécuter et de communiquer à ce dernier les informations et documents nécessaires à la poursuite de son enquête.

[23]        Sous l’apparence d’une volonté de collaborer, l’intimé a utilisé des mesures, des moyens, pour « gagner du temps », pour se soustraire à ses obligations et ainsi se dispenser de répondre aux demandes d’informations qui lui étaient adressées.

[24]        Une bonne part du travail de l’enquêteur du bureau du syndic consiste à obtenir toute l’information disponible à l’égard des faits rattachés à la demande d’enquête du consommateur. L’intimé, en faisant défaut de transmettre à ce dernier les renseignements et documents qui lui étaient réclamés, et ce, malgré ses engagements et ses assurances à l’effet qu’il entendait collaborer, a gêné, ralenti, entravé et en partie paralysé, le travail de l’enquêteur.

[25]        Son attitude générale en réponse aux démarches de ce dernier et son défaut de coopérer a compromis les capacités de ce dernier d’exercer sa fonction et nui au travail du bureau du syndic bien que la preuve présentée ne permette pas d’évaluer l’ampleur des conséquences de sa conduite.

[26]        Tel que l’a déjà indiqué le comité dans quelques décisions antérieures : « un système professionnel qui assure la protection du public exige l’entière coopération et collaboration des membres avec le bureau du syndic. »

[27]        Dans l’affaire Pharmascience inc. c. Binet, [2006] 2 R.C.S., page 513, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que, compte tenu de l’objectif de protection du public lié à la mission du syndic d’enquêter sur la conduite des professionnels, il est indispensable que ces derniers et même les tiers collaborent aussi étroitement que possible à son enquête[1].

[28]        Compte tenu de ce qui précède, le comité doit conclure que l’intimé, par ses agissements, a nui au travail du bureau du syndic et il sera en conséquence déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 3.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1 et 3 contenus à la plainte;

ORDONNE un arrêt conditionnel des procédures sur le chef d’accusation 2;

CONVOQUE les parties à une audition sur sanction, la date devant en être déterminée avec la secrétaire du comité de discipline.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

(s) Felice Torre

M. FELICE TORRE, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Paul Déry Goldberg

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

6 avril 2010

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0760

 

DATE :

24 novembre 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Pierre Décarie

Membre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me VENISE LEVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. PIERRE NADEAU, conseiller en sécurité financière (certificat 124 835)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 13 septembre 2010 au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, à Montréal, et à procédé à l’audition sur sanction.

[2]           D’entrée de jeu, la plaignante ainsi que l’intimé déclarèrent n’avoir aucune preuve additionnelle à offrir.

[3]           Les parties entreprirent donc de soumettre immédiatement au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           Le procureur de la plaignante se limita à déclarer que les événements liés à la présente plainte se rapprochaient de ceux évoqués par le comité dans l’affaire Me Caroline Champagne c. Mme Jane Butler (dossier CD00-0780, décision du 8 février 2010). Il souligna que, comme en l’instance, la représentante avait fait défaut de donner suite à la correspondance émanant du bureau du syndic. Invoquant ce précédent ainsi que les autorités contenues dans le cahier d’autorités qu’il déposa, il suggéra au comité d’imposer à l’intimé la sanction suivante :

a)            une ordonnance enjoignant l’intimé à répondre à la correspondance que lui adressait le bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière le 12 août 2008 et à fournir les documents à l’appui de ses réponses le cas échéant, ainsi que la suspension de son droit de pratique jusqu’à l’accomplissement de ladite ordonnance;

b)            la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) mois applicable au moment de sa réinscription à titre de membre de la Chambre de la sécurité financière, ce dernier ne détenant plus aucun certificat ou permis d’exercice depuis le 31 août 2009;

[5]           Enfin le procureur de la plaignante réclama la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[6]           Il souligna en terminant que sa proposition était une « suggestion commune » des parties.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[7]           À titre de représentations, l’intimé qui se représentait lui-même se contenta de déclarer qu’il était en accord avec la recommandation de la plaignante.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[8]           L’intimé a été reconnu coupable sur deux (2) chefs d’accusation. L’un lui reproche d’avoir fait défaut de répondre à la correspondance en date du 12 août 2008 émanant du bureau du syndic et l’autre d’avoir depuis, le ou vers le 12 août 2008, nui au travail du bureau du syndic notamment en faisant défaut de donner suite aux communications de l’enquêteur dudit bureau.

[9]           La gravité objective des infractions commises par l’intimé est indéniable. Un système professionnel qui assure la protection du public exige l’entière coopération et collaboration de ses membres avec le bureau du syndic. Dans l’affaire Pharmascience[2], la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que compte tenu de l’objectif lié à la mission du syndic d’enquêter sur la conduite des professionnels, il est essentiel pour ces derniers et même pour les tiers de collaborer à son enquête.

[10]        Au plan des sanctions, les parties ont présenté au comité des « recommandations communes ».

[11]        Tel que l’a rappelé le comité à plusieurs reprises antérieurement, dans l’arrêt R. c. Douglas, [2002] 162 C.c.c. (3rd 37), la Cour d’appel du Québec a statué sur l’attitude à adopter lorsque les parties, après de sérieuses négociations, en sont arrivées à s’entendre pour présenter de façon conjointe des recommandations sur sanction.

[12]        Elle y a indiqué qu’elles ne doivent être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[13]        En l’instance, après révision du dossier, le comité ne croit pas être en présence d’une situation qui le justifierait de s’éloigner des recommandations conjointes des parties.

[14]        Enfin, afin d’inciter l’intimé à collaborer et à répondre aux demandes qui lui ont été transmises, le comité est d’avis qu’en l’espèce les suggestions de la plaignante relatives à l’émission d’une ordonnance de répondre sont appropriées.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur le chef d’accusation 1 :

ORDONNE à l’intimé de donner suite à la correspondance que lui adressait le représentant du bureau du syndic le 12 août 2008 et de fournir les documents ou pièces justificatives requises, le cas échéant;

ORDONNE la suspension du droit de pratique de l’intimé jusqu’au moment où il aura donné suite à la correspondance précitée;

IMPOSE à l’intimé une radiation temporaire de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente, laquelle ne devra prendre effet qu’à compter de la remise en vigueur de son certificat ou de l’obtention d’un nouveau certificat;

Sur le chef d’accusation 3 :

IMPOSE  à l’intimé une radiation temporaire de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente, laquelle ne devra prendre effet qu’à compter de la remise en vigueur de son certificat ou de l’obtention d’un nouveau certificat;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où ce dernier a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

(s) Felice Torre

M. FELICE TORRE, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Paul Déry Goldberg

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

13 septembre 2010

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Voir aussi Tareb c. Avocats, 2009, QCTP 114.

[2]     Phamascience c. Binet, [2006], 2 R.S.C. 513.

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