Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0866

 

DATE :

12 juin 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Kaddis Sidaros, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière  

Partie plaignante

c.

PIERRE POTVIN, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (certificat #127 596)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]   Le 16 avril 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal pour procéder à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé se lisant comme suit :

LA PLAINTE 

M-A.L.

1. À Laval, le ou vers le 1er novembre 2005, l’intimé a fait souscrire son client M.A.L., pour la compagnie ABC Québec inc., à un placement dans Progressive Management Limited d’environ 30 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3) ;

C.L.

2. À Laval, le ou vers le 1er décembre 2005, l’intimé a fait souscrire son client C.L., pour la compagnie DEF inc., à un placement dans Progressive Management Limited d’environ 100 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3) ;

C.B.

3. À Laval, le ou vers le 1er décembre 2005, l’intimé a fait souscrire sa cliente C.B.,  à un placement dans Progressive Management Limited d’environ 50 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3) ;

F.M.

4. Sur la Rive-Nord de Montréal, le ou vers le 16 février 2006, l’intimé a fait souscrire son client F.M., à un placement dans Progressive Management Limited d’environ 5 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3). »

[2]   D’entrée de jeu, la procureure de la plaignante informa le comité que l’intimé et son procureur seraient absents, mais qu’ils l’autorisaient à procéder par défaut sur la culpabilité, tel qu’en fait foi le courriel reçu le matin même (P-9).

[3]   Le comité permit en conséquence à la plaignante de procéder en leur absence.  

[4]   La procureure de la plaignante signala que seule une preuve documentaire serait produite pour le chef 4. Un avis suivant l’article 294.1 du Code de procédure civile, auquel était jointe la déclaration du consommateur F.M. pour tenir lieu de son témoignage, fut signifié le 2 avril 2012 à la partie intimée qui ne l’a pas contesté (P-10). Le procureur de l’intimé a consenti à la production des documents cotés sous P-6 en liasse, comme le confirme la lettre datée du 12 avril 2012 (P-11).

[5]           Le procureur de l’intimé a aussi consenti à la production des documents cotés sous P-1, P-2, P-7 et P-9 lesquels valent pour tous les consommateurs[1].

LES FAITS 

[6]   Les quatre consommateurs impliqués ont tous souscrit à des placements dans Progressive Management Limited (PML) par l’entremise de l’intimé.

[7]   Ces placements ne sont pas des placements d’organisme collectif (P-2) et par conséquent non couverts par la certification de l’intimé.

[8]   L’intimé était inscrit depuis 1994 en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et en courtage en épargne collective depuis 1999. Il est inscrit à titre de représentant de courtier (en épargne collective) depuis le 8 avril 2010 pour le compte de Services d’investissement Quadrus ltée. 

[9]   Les témoignages de tous les consommateurs sont sensiblement au même effet. Ils avaient déjà une relation d’affaires avec l’intimé, avant les souscriptions en cause, pour des fonds communs ou de l’assurance. Une relation de confiance s’était établie avec lui.

[10]        Au cours des années 2003, 2004 et 2005, comme les taux du marché n’étaient pas très intéressants, les trois premiers consommateurs ont demandé à l’intimé s’il avait des placements offrant un meilleur rendement. F.M. pour sa part, lui avait demandé des placements à l’étranger.

[11]        L’intimé aurait alors offert d’investir dans PML. Il s’agissait de placements « offshore » offrant un rendement variant entre 10 % et 15 % suivant le montant investi. PML pouvait offrir ces rendements grâce à des frais d’exploitation moins élevés. L’intimé comparait ces placements à un dépôt à terme. Aucune brochure ou prospectus ne furent fourni.

[12]        Entre le 1er novembre 2005 et le 16 février 2006, suivant les conseils de l’intimé, ces consommateurs ont investi respectivement 30 000 $, 100 000 $, 50 000 $ et 5 000 $ dans PML.

[13]        M-A.L. a retiré les intérêts de la première année qui lui ont été versés en partie dans le compte de sa compagnie et le solde remis en argent comptant par l’intimé.

[14]        Il en fut de même pour C.L. qui reçut les intérêts de 15 000 $ pour la première année en deux versements. Les premiers 10 000 $ au comptant en coupures de 20 $ des mains de l’intimé et la balance par dépôt direct dans le compte de sa compagnie.  

[15]        Tous les consommateurs ont signé un formulaire de souscription (« Memorendum of agreement ») faisant état du capital investi et des frais. Ils procédaient par transfert bancaire ou « wire », à l’adresse indiquée par l’intimé et suivant ses instructions. 

[16]        Un certificat leur était ensuite acheminé par la poste. Toutefois, leur nom n’était pas inscrit audit certificat, seul un numéro apparaissait pour la description du propriétaire (P-3, P-4, P-5 et P-6).

[17]        C.L. est le seul consommateur qui a demandé de rencontrer les dirigeants de la compagnie PML. Ainsi, il a rencontré Anthony Riccio en compagnie de l’intimé.

[18]        En 2008 et de son propre chef, l’intimé a communiqué avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) au sujet de PML. Il a librement consenti à un interrogatoire qui fut dirigé par deux enquêteurs de l’organisme et enregistré le 25 février 2008 (P-7). Au cours de cet interrogatoire, l’intimé a notamment reconnu être celui qui avait fait souscrire dans PML les quatre consommateurs impliqués dans la présente plainte. 

[19]        Aucun des consommateurs n’a récupéré son capital ou les intérêts courus depuis le dernier encaissement ou même depuis la souscription, selon le cas.


ANALYSE ET MOTIFS 

[20]        Les quatre chefs reprochent à l’intimé d’avoir fait souscrire à ses clients aux dates indiquées, des placements auprès de PML, alors que sa certification ne l’autorisait pas à vendre ce produit.

[21]        L’intimé est celui qui a parlé aux consommateurs de ce placement dans PML, qui leur a conseillé, qui les a fait souscrire, qui a reçu le paiement et fait parvenir les documents à PML. C’est également l’intimé qui leur a remis, dans certains cas, les intérêts en argent comptant.

[22]        Bien que la preuve documentaire ne permette pas d’identifier l’intimé sur les souscriptions ni d’ailleurs sur aucun des documents liés à ces placements, tous les consommateurs sans exception ont fait affaire avec lui. L’intimé était leur seul représentant et il a lui-même reconnu y avoir procédé (P-7).

[23]        L’intimé est celui qui a fourni aux consommateurs les informations pertinentes sur ces placements, qui a rempli la documentation nécessaire à la souscription de ces produits, et les a fait signer.

[24]        L’intimé est le seul représentant avec qui les consommateurs ont été en contact.

[25]        Lorsque ces consommateurs ont voulu obtenir le paiement des intérêts ou du capital investi, c’est à l’intimé qu’ils se sont adressés.

[26]        L’intimé a reconnu avoir touché pour ses services des commissions qu’il évalue à 2 % des frais indiqués au formulaire de souscription.

[27]        La preuve a démontré de façon prépondérante que l’intimé est celui qui a fait souscrire ces placements aux consommateurs impliqués.

[28]        Comme mentionné à plusieurs reprises par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière[2], l’intimé se devait de référer ses clients à un représentant détenant les certifications nécessaires afin qu’ils puissent bénéficier des conseils d’une personne compétente au sujet de ces produits ou refuser de leur en procurer.

[29]        En conséquence, l’intimé sera déclaré coupable sous chacun des quatre chefs d’accusation portés contre lui.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des quatre chefs d’accusation décrits à la plainte portée contre lui;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité à une audition sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Yvon Fortin   _____________________

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. Fin.  

Membre du comité de discipline

 

(s) Kaddis Sidaros____________________

M. Kaddis Sidaros, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jocelyn Grenon

GLOBENSKY Avocats

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

16 avril 2012

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-0866

 

 

 

DATE :

30 novembre 2012

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Kaddis Sidaros, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière  

 

Partie plaignante

 

c.

 

 

PIERRE POTVIN, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 127 596)

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 19 octobre 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo‑Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction, à la suite de sa décision sur culpabilité, rendue le 12 juin 2012.

[2]          Après avoir produit une attestation du droit de pratique de l’intimé, en date du 18 octobre 2012 (SP-1), la procureure de la plaignante déclara ne pas avoir d’autre preuve à offrir sur sanction, mais seulement des représentations à présenter au comité.

[3]          Pour sa part, l’intimé témoigna, après quoi les parties firent valoir leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]          La procureure de la plaignante, après avoir signalé la gravité objective des infractions, recommanda au comité d’imposer à l’intimé une radiation temporaire de trois ans sous chacun des quatre chefs, à purger de façon concurrente.

[5]          Elle demanda également la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[6]          Elle rappela le témoignage de la syndique de l’époque, dans les dossiers Labarre et Balayer[3], voulant que ces infractions qui reprochent aux représentants de courtier en épargne collective d’avoir fait souscrire des produits non couverts par leur certification constituaient un véritable fléau. 

[7]          La procureure de la plaignante indiqua que le degré de culpabilité de l’intimé est d’autant plus important du fait qu’il savait[4], contrairement à ce qu’il a déclaré devant le comité, que son certificat ne l’autorisait pas à faire souscrire ce type de produit.

[8]          Elle rappela que l’intimé n’avait pas seulement agi comme « courroie de transmission » à l’instar d’autres représentants dont la culpabilité fut reconnue, mais son implication dans le processus de souscription avait été totale (décision sur culpabilité paragraphe 21).

[9]          Elle souligna que, suivant le témoignage des consommateurs lors de l’audition sur culpabilité, l’intimé leur avait remis une partie des intérêts en argent comptant. Bien que l’intimé l’ait nié au cours de son témoignage devant le comité, elle l’invita à retenir la version des consommateurs.

[10]       Elle ajouta que ces derniers avaient confiance en l’intimé, ce qui les rendait vulnérables, d’autant plus qu’il leur avait présenté le produit comme équivalant à un certificat de placement garanti. Aucun document ou prospectus ne leur avait alors été remis.

[11]       Elle mentionna les pertes pécuniaires d’environ 180 000 $ subies par les consommateurs, ces derniers ne pouvant être indemnisés par le Fonds d’indemnisation des services financiers puisque ce produit n’est pas couvert par la certification de l’intimé.

[12]       D’autre part, l’intimé a tiré profit de ces transactions, ayant touché des commissions atteignant près de 4 000 $[5] plutôt que 2 000 $ ou 3 000 $ comme il en a témoigné devant le comité.

[13]       L’intimé n’aurait subi aucune perte de clientèle ou rupture de contrat avec les différents cabinets.

[14]       L’intimé, ayant déjà acquis douze ans d’expérience au moment des événements reprochés, ne pouvait plaider l’erreur de débutant.

[15]       Malgré l’expression de regrets, l’intimé n’avait fait aucune démarche pour rembourser sa clientèle.

[16]        Par ailleurs, elle nota les trois facteurs atténuants suivants :

16.1.     L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire ou autre plainte portée contre lui depuis ces événements;

16.2.      Il a collaboré à l’enquête;

16.3.     Même s’il n’a pas enregistré un plaidoyer de culpabilité, il a laissé la plaignante procéder par défaut, évitant aux parties un débat long et coûteux devant le comité.

[17]       Au soutien de sa recommandation, la procureure de la plaignante a déposé un cahier d’autorités[6] qu’elle commenta.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[18]        Le procureur de l’intimé proposa d’imposer à l’intimé une période de radiation d’un à trois mois accompagnée, si le comité le jugeait à propos, d’une amende sous chacun des quatre chefs, celle-ci pouvant être adjugée dans le cas de crime économique.

[19]        Ensuite, il contesta la pertinence en l’espèce de la décision Lessard précitée. D’abord, le comité donnait suite, dans cette affaire, aux recommandations communes des parties en condamnant le représentant à une radiation de trois ans. De plus, le comportement des intimés ne pouvait se comparer. Il cita, à l’appui, les paragraphes 22 et 23 de cette décision où il est indiqué que l’intimé Lessard « aurait entretenu des liens de proximité avec les auteurs en toute vraisemblance d’une escroquerie » et que « par ailleurs, afin qu’elle puisse procéder au placement qu’il lui «conseillait», l’intimé a incité sa cliente à réclamer un emprunt hypothécaire ».

[20]        Il reconnut cependant la gravité objective de l’infraction ainsi que le fait qu’elle porte atteinte à l’image de la profession.

[21]        Il invita, toutefois, à ne pas ignorer que l’intimé s’était lui-même rendu à l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour se « confesser ».

[22]        Il s’est dit en désaccord avec la procureure de la plaignante qui qualifie de non exceptionnelle la collaboration de l’intimé à l’enquête, puisque sans ses démarches auprès de l’AMF pour révéler les placements auxquels ses clients avaient souscrit par son entremise, la syndique n’aurait pas été informée de ces faits et aucune plainte n’aurait été portée contre l’intimé, les clients n’ayant pas porté plainte.

[23]        Il souligna qu’une des erreurs de l’intimé fut d’avoir fait confiance à son collègue Jacques Caya qui a fait l’objet de décisions sur culpabilité et sur sanction rendues le 25 mai 2009 et le 3 février 2010 respectivement. Celui-ci fut condamné à une radiation temporaire d’une année accompagnée d’une amende de 2 000 $ sous chacun des chefs 1, 3, 5 et 7. 

[24]        Une autre erreur commise consiste à ne pas s’être interrogé sur les limites imposées par sa certification, se limitant à s’assurer de la légalité de ces placements.

[25]        Il insista sur le fait que les infractions commises par l’intimé ne revêtaient pas un caractère de lucre contrairement à certaines décisions déposées par la plaignante.

[26]        Quant à la preuve contradictoire au sujet d’intérêts payés comptant par l’intimé, il allégua que même si le comité préférait le témoignage des consommateurs sur cet élément, c’est l’ensemble du témoignage de l’intimé qui devait être évalué, lequel lui a paru honnête et sincère.

[27]        Même si l’intimé avait acquis plusieurs années d’expérience au moment des faits reprochés, il rappela que ce sont les clients qui avaient demandé des produits plus performants et précisément des produits « offshore ». 

[28]        Il souligna l’absence d’intention malhonnête ou de mauvaise foi et l’absence d’antécédent disciplinaire, notant qu’il s’agissait d’événements isolés sur un court laps de temps de trois mois (novembre 2005 à février 2006) et ce, malgré un volume important de dossiers.

[29]        En outre, les infractions remontent à six ou sept ans.

[30]        Le certificat de l’intimé est toujours resté en vigueur, l’AMF n’ayant pas jugé que sa probité ou son intégrité était en cause auxquels cas, il y a lieu de croire qu’elle serait intervenue.

[31]        L’intimé a témoigné du préjudice que cette plainte lui avait causé, déclarant vivre « l’enfer ». Sa réputation s’en trouve menacée chaque fois que quelqu’un effectue une recherche sur le Web à son sujet.  Cette recherche mène directement au présent litige avant même qu’il en soit statué ou l’intimé sanctionné.

[32]        Aussi, la présence à l’audience d’une représentante de la compagnie London Life avec laquelle l’intimé fait affaire, permet de supposer que des conséquences sérieuses en découleront, comme par exemple, le retrait de son contrat avec cette compagnie.

[33]        Une période de radiation de trois ans serait punitive dans les circonstances. Elle mettrait en péril le droit de l’intimé d’exercer sa profession. 

[34]        Il signala que la détermination de la sanction était un exercice de pondération qui n’avait rien de mathématique.

[35]        Il rappela que dans l’affaire Caya[7], quoiqu'il s’agissait de gestes répétés sur une période de neuf ans, impliquant 50 consommateurs et des investissements de l’ordre de 6,5 millions de dollars, M. Caya a été condamné à une radiation d’une année et non de trois ans.

[36]        Or, M. Caya distribuait même une carte professionnelle le décrivant « account representative » pour Progressive Management Limited (PML). Son implication a été totale tandis que celle de l’intimé aurait été celle d’un entremetteur.

[37]        L’intimé a fait souscrire ces produits non pas à tous ses clients, mais à quatre consommateurs dont trois de la même famille et au surplus, à la demande de ceux-ci.

[38]        Il indiqua que le principe de parité des sanctions exigeait de ne pas condamner l’intimé à une radiation de trois ans voire même d’un an. Les différences majeures soulevées entre les deux dossiers devaient jouer en faveur de l’intimé.

[39]        Il ajouta que même si l’amende pouvait revêtir un caractère punitif, la jurisprudence en droit disciplinaire indiquait que l’ajout d’une amende à une période de radiation pouvait être pertinent dans le cas d’infraction à caractère économique. 

ANALYSE ET MOTIFS

[40]        L’intimé a été déclaré coupable à l’égard de quatre chefs lui reprochant d’avoir vendu des produits non couverts par sa certification.

[41]        À l’instar du procureur de l’intimé, le comité considère que l’affaire Lessard ne peut en aucun cas se comparer à la présente affaire. M. Lessard a agi par escroquerie. Il a continué d’agir de la sorte, même une fois qu'il faisait l'objet d'une enquête, en plus des autres comportements répréhensibles rapportés.

[42]        Les autres décisions soumises par la plaignante imposant une radiation de trois ans ou même davantage l’ont été, pour la plupart, à la suite de recommandations communes et dans le cas de représentants qui avaient cessé toute activité professionnelle, n’ayant pas renouvelé leur certificat ou dont le certificat avait été suspendu par l’AMF.

[43]        Notons également que, dans ces décisions, le nombre de consommateurs impliqués et les pertes pécuniaires subies étaient, pour la plupart, beaucoup plus importants. Dans certains cas, il y avait aussi preuve de mensonges et autres comportements de cette nature de la part des représentants.

[44]        Les décisions Balayer et Labarre furent rendues en 2008 à la suite du témoignage de la syndique de l’époque, laquelle fit valoir que ces infractions constituaient un fléau dans la profession et qu’un message clair devait être envoyé aux représentants.  Dans l’affaire Caya, rendue le 3 février 2010, le comité a toutefois conclu à une radiation d’une année.

[45]        Bien que chaque cas soit un cas d’espèce, la décision Caya paraît un meilleur guide en ce qui concerne le présent dossier à l’égard de la durée de la radiation à imposer que les autres décisions soumises à cette fin par la plaignante. 

[46]        Cette dernière affaire comporte des éléments de similarité avec la présente (infraction similaire à l’égard du même produit, représentant qui exerce toujours la profession lors de l’audience sur sanction) tout en différant notamment quant au nombre de consommateurs impliqués (50 contre quatre en l’espèce), le montant des investissements (6,5 millions de dollars contre 180 000 $, en l’espèce) ainsi que la durée durant laquelle se sont échelonnées les infractions (neuf ans contre trois mois, en l’espèce).

[47]        Dans la présente affaire, ce sont les consommateurs qui ont eux-mêmes demandé à l’intimé un placement de ce type. Ceci ne peut disculper l’intimé, mais démontre le côté moins vulnérable de ces clients, des gens d’affaires qui ont, avant d’investir, demandé à rencontrer le propriétaire de l’entreprise, M. Riccio. Ce n’est qu’après cette rencontre, à laquelle était absent l’intimé, qu’ils ont souscrit à ce produit.

[48]        Il n’est pas sans importance de constater que celui qui a fait connaître le produit à l’intimé, est M. Caya. Non seulement ce dernier mentionnait connaître un des administrateurs de PML, mais distribuait également des cartes professionnelles le décrivant comme « account representative » pour cette compagnie, ce qui n’est pas le cas de l’intimé.

[49]        L’intimé exerce toujours ses activités comme représentant. Il a affirmé avoir toujours de l’intérêt pour la profession, intérêt qu’il nourrissait depuis ses études postsecondaires. Il souhaite demeurer actif et continuer à gagner sa vie dans ce domaine.

[50]        Le comité doit également tenir compte du droit de l’intimé d’exercer sa profession.  Une période de radiation de trois ans revêtirait, en l’espèce, un caractère punitif.

[51]        Sans disculper l’intimé, le fait que ce sont les consommateurs, trois personnes de la même famille (la première ayant entraîné les deux autres) ainsi qu’un autre client étranger à cette famille, qui ont demandé ce type de produit à l’intimé, constitue un fait non négligeable. D’autant plus que dans le dernier cas, l’intimé a limité l’investissement à 5 000 $.

[52]        Dans les cas de M.A.L. et C.L., non seulement ils ont pris l’initiative de demander ce type d’investissements, mais ils étaient des hommes d’affaires et chefs d’entreprises, par conséquent des consommateurs moins vulnérables que ceux décrits dans la majorité des décisions portant sur des infractions semblables. 

[53]        En l’espèce, les fautes se sont échelonnées sur une courte période de trois mois et ont été commises il y a six à sept ans. 

[54]        L’intimé a, de son propre chef, rencontré les enquêteurs de l’AMF leur révélant avoir vendu ces produits et leur dévoilant les noms de ses clients. Il a aussi collaboré à l’enquête du bureau de la syndique de la Chambre.

[55]        Les clients, n’ayant pas porté plainte ni poursuivi l’intimé devant les tribunaux de droit commun, sans les aveux de ce dernier, il y a lieu de croire qu’aucune plainte n’aurait été portée contre lui[8].

[56]        La malhonnêteté de l’intimé ne caractérise pas ses agissements. Son certificat n’a pas fait l’objet de suspension par l’AMF ce qui laisse supposer que sa probité et son intégrité n’ont pas été mises en doute.

[57]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire même s'il a maintenant dix-huit ans d’expérience dans la profession.

[58]        Ces événements lui ont fait vivre des moments difficiles tant personnellement que professionnellement. D’ailleurs, il fait toujours face à des poursuites pénales intentées par l’AMF qui, dans l’éventualité où sa culpabilité était retenue, l’exposeraient à des amendes substantielles.

[59]        Le comité estime que l’intimé a livré, dans son ensemble, un témoignage honnête même si comportant, à l’égard des commissions reçues, une contradiction avec celui fourni à l’AMF. Aussi l’expression de ses regrets parut sincère. 

[60]        Néanmoins, la gravité de ces fautes ne fait aucun doute et celles-ci portent atteinte à l’image de la profession.

[61]        Une ordonnance de radiation temporaire est inévitable. Pour la détermination de sa durée, après avoir considéré les faits propres à ce dossier, les facteurs objectifs et subjectifs tant aggravants qu’atténuants, le comité estime qu’une radiation temporaire de six mois tient compte des particularités de l’affaire, respecte les objectifs de la sanction disciplinaire et constitue une sanction juste et appropriée dans les circonstances.

[62]        Enfin, la publication de la décision sera ordonnée et l’intimé condamné au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente, sous chacun des chefs 1, 2, 3 et 4;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son lieu de domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. chap. C‑26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q. chap. C-26).

 

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Yvon Fortin_______________________

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Kaddis Sidaros_____________________

M. Kaddis Sidaros, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jocelyn Grenon

GLOBENSKY Avocats

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 19 octobre 2012

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Lettre P-12.

[2] Thibault c. Alexandra Côté, CD00-0703, décision sur culpabilité du 25 novembre 2008;Thibault c. Fayza Rifai, CD00-0717, décision sur culpabilité du 3 décembre 2008; Thibault c. Lazar Kalipolidis, CD00-0708, décision sur culpabilité du 5 janvier 2009; Thibault c. William Marston, CD00-0730, décision sur culpabilité du 23 octobre 2009.

[3] Thibault c. Maryse Labarre, CD00-0691, décision sur culpabilité du 9 juillet 2008 et décision sur sanction du 5 janvier 2009; Thibault c. Christophe Balayer, CD00-0674, décision sur culpabilité et sanction du 4 juin 2008.

[4] Notons que la lecture par le comité des passages du témoignage de l’intimé aux enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers (AMF), auxquels a référé la procureure de la plaignante à l’appui de cet argument, n’a pas permis de conclure comme la procureure l’avance (P-7, pp. 17 à 22 et p. 77).

[5] Témoignage de l’intimé aux enquêteurs de l’AMF (P-7, p. 77).

[6]    Thibault c. Luc Tessier, CD00-0762, décision sur culpabilité du 19 janvier 2010 et décision sur sanction du 24 août 2010; Thibault c. Marc-André Froment, CD00-0733, décision sur culpabilité du 13 avril 2010 et décision sur sanction du 21 septembre 2010; Thibault c. Piero D’Amore, CD00-0739, décision sur culpabilité du 9 juillet 2010 et décision sur sanction du 3 mars 2011; Champagne c. John Dracontaidis, CD00-0814, décision sur culpabilité et sanction corrigée du 29 avril 2011; Champagne c. Yannick Lessard, CD00-0888, décision sur culpabilité et sanction du 10 juillet 2012.

[7] Thibault c. Caya, CD00-0716, décision sur culpabilité du 25 mai 2009 et décision sur sanction du 3 février 2010.

[8] La nature des témoignages livrés par les consommateurs à l’audience sur culpabilité appuie également cette conclusion.  Ces derniers ont paru n’entretenir aucune animosité ou sentiments de cette nature à l’égard de l’intimé pour ces placements dans PML.

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