Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0891

 

DATE :

3 décembre 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jean-Michel Bergot

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RÉJEAN LESSARD (certificat numéro 121 504)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 20 mars 2012, aux locaux de la Commission municipale du Québec située au 10, rue Pierre-Olivier Chauveau, Québec, le 10 mai 2012, à la salle James McGill A de l’Hôtel Hilton Garden Inn situé au 380, rue Sherbrooke Ouest, Montréal, et le 9 août 2012, au siège social de la Chambre de la sécurité financière située au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, le comité de discipline s’est réuni et a procédé à l'audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À l’égard de C.B.

1.             À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 25 septembre 2006, l’intimé a fait souscrire à C.B.  un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 76 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

2.             À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 12 juin 2007, l’intimé a fait souscrire à C.B. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 116 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard de M.A.G.

 

3.             À Kingsbury, le ou vers le 30 septembre 2006, l’intimé a fait souscrire à M.A.G. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 10 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

4.             À Kingsbury, le ou vers le 28 février 2008, l’intimé a fait souscrire à M.A.G. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 5 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

5.             À Kingsbury, le ou vers le 28 février 2008, l’intimé a fait souscrire à M.A.G. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 15 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2),12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard de R.G.

 

6.             À Beauport, le ou vers le 26 février 2007, l’intimé a fait souscrire à R.G. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 50 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

7.             À Beauport, le ou vers le 12 janvier 2009, l’intimé a fait souscrire à R.G. un contrat de prêt à terme avec Gestion Financière Appalaches Inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard de M.P.

 

8.             À Granby, le ou vers le 31 mars 2007, l’intimé a fait souscrire à M.P. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 10 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2),12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

9.             À Granby, le ou vers le 1er octobre 2007, l’intimé a fait souscrire à M.P. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 8 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard d’Y.G.

 

10.          À Québec, le ou vers le 10 avril 2007, l’intimé a fait souscrire à Y.G. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

11.          À Québec, le ou vers le 8 août 2007, l’intimé a fait souscrire à Y.G. un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC Inc. pour un montant d’environ 20 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

12.          À Québec, le ou vers le 10 février 2009, l’intimé a fait souscrire à Y.G. un placement auprès de Gestion Read pour un montant d’environ 3 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard de J.B.

 

13.          À St-Joseph-de-Beauce, le ou vers le 1er juin 2008, l’intimé a fait souscrire à J.B. un placement auprès de Gestion Read Inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

14.          À St-Joseph-de-Beauce, le ou vers le 8 septembre 2008, l’intimé a fait souscrire à J.B. un placement auprès de Gestion Read pour un montant d’environ 30 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard de Y.T.

 

15.          À Saint-Georges, le ou vers le 16 juin 2008, l’intimé a fait souscrire à Y.T. un placement auprès de Gestion Read pour un montant d’environ 15 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

 

À l’égard de R.B.

 

16.          À Gatineau, le ou vers le 25 juin 2008, l’intimé a fait souscrire à R.B. un placement auprès de Gestion Read pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1). »

LA PREUVE

[2]           Au soutien de la plainte, la plaignante fit entendre M. Y.T., M. J.B., Mme Y.G., Mme M.P., M. C.B., Mme M.A.G. et la directrice des enquêtes à son bureau. De plus, elle versa au dossier une imposante preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P‑84.

[3]           Quant à l’intimé, il ne déposa aucun document mais choisit de témoigner.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[4]           Chacun des seize (16) chefs d’accusation portés contre l’intimé lui reproche, au cours de la période s’échelonnant du 25 septembre 2006 au 10 février 2009, d’avoir fait souscrire aux clients y mentionnés des contrats de prêt à terme auprès de Groupe Financier CTIC inc. (chefs 1 à 6 et 8 à 11), un contrat de prêt à terme auprès de Gestion Financière Appalaches inc. (chef 7) ainsi que des placements auprès de Gestion Read (chefs 12 à 16) sans être autorisé par sa certification.

[5]           Or, de la preuve qui a été présentée au comité, il ressort manifestement qu’aux dates apparaissant à la plainte, ce dernier aurait de fait conseillé et fait souscrire aux clients y mentionnés les produits de placement ou valeurs mobilières précédemment identifiés.

[6]           L’ensemble de celle-ci n’a en effet généralement pas été contesté par l’intimé.

[7]           De plus, ce dernier n’a pas réellement disputé les affirmations de la plaignante à l’effet qu’aux dates mentionnées à la plainte, la certification dont il disposait ne l’autorisait pas à vendre ou distribuer les produits financiers en cause.

[8]           Or en l’espèce, l’intimé savait ou aurait dû savoir que la certification dont il disposait ne l’autorisait pas à distribuer les produits financiers en cause.

[9]           Ainsi l’intimé, qui détenait une certification dans les disciplines de l’assurance de personnes, de la planification financière, ainsi qu’à titre de courtier en épargne collective mais qui n’était pas inscrit à titre de courtier en valeurs mobilières, a conseillé et fait souscrire à ses clients des produits qui n’étaient pas couverts par la certification qu’il détenait.

[10]        Tel que l’indiquait notre comité dans l’affaire Réjean Poulin[1] : « Le représentant qui pose de tels gestes n’agit pas avec compétence et professionnalisme car il renseigne un client et lui formule une recommandation au sujet d’un produit financier à l’égard de laquelle il n’a pas de droit d’exercice. »

[11]        À ladite décision, le comité ajoutait : « La pratique illégale d’une discipline en vertu de la LDPSF par un représentant qui agit dans une discipline pour lequel il n’a pas le certificat ou toute violation de la Loi sur les valeurs mobilières, que ce soit à titre d’auteur principal ou de complice, sont des fautes déontologiques sérieuses qui peuvent faire l’objet d’une plainte spécifique en vertu de l’article 9 du Code de déontologie de la CSF ou des articles 12, 13 ou 16 de la LDPSF »[2].

[12]        Afin de se défendre des infractions qui lui sont reprochées, l’intimé a invoqué qu’il n’était pas animé d’une intention malveillante ou malhonnête.

[13]        Or si ce moyen pourra être invoqué lors d’une éventuelle audition sur sanction, il ne lui est d’aucun secours lorsqu’il s’agit de décider de sa culpabilité.

[14]        De l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée, le comité doit conclure qu’aux dates et pour les montants indiqués à la plainte, l’intimé a conseillé puis fait souscrire à ses clients les produits financiers qui y sont indiqués, et ce, alors qu’il n’était nullement autorisé à offrir de tels placements à ces derniers.

[15]        L’intimé sera déclaré coupable de tous et chacun des seize (16) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[16]        Par ailleurs, le troisième membre de la formation, M. Benoît Jolicoeur, ayant au cours du délibéré changé d’emploi et perdu la compétence d’agir ou se retrouvant dans l’impossibilité d’agir, son inscription en tant que représentant ayant été suspendue en vertu de l’article 6.1 du Règlement 31-103[3], la présente décision sera rendue et signée par le président et le seul membre subsistant.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’aide de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Jean-Michel Bergot

M. JEAN-MICHEL BERGOT

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même

 

Dates d’audience :

20 mars, 10 mai et 9 août 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0891

 

DATE :

28 juin 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jean-Michel Bergot

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RÉJEAN LESSARD (certificat 121504)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 26 mars 2013 au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l’audition sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[2]           Alors que la plaignante versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée SP-1 et SP-2 mais ne fit entendre aucun témoin, l’intimé ne déposa aucun document mais choisit de témoigner.

[3]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en indiquant au comité qu’elle lui suggérait d’imposer à l’intimé, sous tous et chacun des seize (16) chefs d’accusation pour lesquels il a été reconnu coupable, une radiation temporaire de deux (2) ans à être purgée de façon concurrente.

[5]           Elle réclama de plus la publication de la décision et la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

[6]           Au soutien de ses suggestions, elle invoqua que les infractions reprochées à l’intimé allaient au cœur de l’exercice de la profession et qu’il s’agissait d’infractions multiples et répétées dont la gravité objective ne faisait aucun doute.

[7]           Elle mentionna qu’au total près de 300 000 $ avaient été investis par les clients de l’intimé dans trois (3) produits différents pour lesquels il ne détenait aucune certification.

[8]           Elle affirma que ce dernier avait suffisamment d’expérience pour savoir où s’arrêtait son droit de pratique et qu’il ne pouvait donc ignorer que sa façon d’agir était clairement prohibée.

[9]           Elle souligna enfin que dans le cas des chefs d’accusation 12, 13, 14, 15 et 16, l’intimé avait offert à ses clients des placements auprès de « Gestion Read », une compagnie dont il était actionnaire et administrateur.

[10]        Au plan des facteurs atténuants elle mentionna l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé, l’absence d’intention frauduleuse et, malgré qu’une enquête et audition sur culpabilité ait dû être tenue, l’absence de volonté de sa part de nier ou de contester les faits.

[11]        Elle termina en déposant, à l’appui de ses recommandations, un cahier d’autorités contenant quatre (4) décisions antérieures du comité, commentant chacune d’elles, et comparant les faits y rapportés à ceux de la présente affaire.

[12]        Ainsi, elle signala que :

a)        dans le dossier Simard[4], le comité de discipline a condamné le représentant qui a fait souscrire à ses clients des placements qu’il n’était pas autorisé à distribuer en vertu de sa certification (chefs 1 et 3 de la plainte CD00-0807) et (chef 2 de la plainte CD00-0835) d’une part à une radiation temporaire d’un an et, d’autre part, à une radiation temporaire de trois (3) ans à être purgée concurremment;

b)        dans le dossier Tessier[5], le comité de discipline confronté à une infraction de même nature a ordonné la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) ans;

c)        dans le dossier Rifai[6], le comité de discipline a condamné la représentante, reconnue coupable sous deux (2) chefs d’accusation lui reprochant d’avoir fait souscrire ses clients à des investissements qu’elle n’était pas autorisée à offrir en vertu de sa certification, à une radiation temporaire de deux (2) ans;

d)        dans le dossier D’Amore[7], le représentant, reconnu coupable de quatre (4) chefs d’accusation lui reprochant d’avoir fait souscrire à ses clients des produits financiers qu’il n’était pas autorisé à offrir en vertu de sa certification, a été condamné par le comité de discipline à une radiation temporaire de trois (3) ans.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[13]        L’intimé débuta ses représentations en réclamant du comité qu’il se dispense d’ordonner la publication de la décision. Invoquant ce qu’il a qualifié du « calvaire qu’il a dû subir depuis plus de trois (3) ans », tant au plan financier, familial que de l’estime de soi, il indiqua que la publication d’un avis de la décision dans un journal local ne viendrait qu’aggraver inutilement une situation déjà particulièrement difficile à vivre pour lui.

[14]        Il insista ensuite sur ce qu’il qualifia de « son absence d’intention malveillante », ajoutant avoir été entraîné aux gestes fautifs qu’il a posés par des gens et des professionnels auxquels il s’était fié. Il rappela de plus que certaines des infractions qui lui étaient reprochées étaient rattachées à des opérations dont le but n’était que de transférer les actifs des clients d’une compagnie à une autre et qu’il avait agi de la sorte parce qu’on lui avait laissé entendre que c’était la façon de faire pour « satisfaire les demandes de l’Autorité des marchés financiers » (AMF).

[15]        Il affirma enfin que pour les mêmes fautes que celles qui lui sont reprochées à la plainte il avait été confronté à des constats d’infraction émanant de l’AMF, qu’un jugement avait été rendu dans le dossier 200-61-146057-105, et qu’il avait été condamné au paiement d’amendes totalisant plus de 67 000 $.

[16]        Il confirma ensuite son absence d’antécédents disciplinaires, signala sa collaboration avec le bureau de la syndique et évoqua les regrets sincères qu’il éprouvait à l’égard des fautes qu’il a commises.

[17]        II mentionna que la sanction devait revêtir un caractère raisonnable et que celui-ci pouvait s’apprécier à la lumière des décisions rendues antérieurement par le comité dans des cas semblables. Aussi, à son tour, il fit état de certains éléments de jurisprudence.

[18]        Il mentionna d’abord le jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Ledoux[8] soulignant que bien que certains éléments à son avis « plus aggravants » s’y retrouvaient, notamment un nombre plus élevé de chefs d’accusation et de consommateurs en cause, sans parler de pertes plus importantes subies par ces derniers, le tribunal avait infirmé la décision du comité qui avait imposé au représentant fautif une radiation temporaire de dix-huit (18) mois pour lui substituer une radiation temporaire de six (6) mois.

[19]        Il évoqua l’affaire Deschênes[9] soulignant que le comité y avait condamné le représentant fautif à une sanction de radiation moindre (6 mois) que celle réclamée (9 mois) par la plaignante tandis que ce dernier, comme en l’espèce, avait été associé à la faillite et aux pratiques du Groupe CTIC.

[20]        Il cita de plus notamment les décisions du comité dans l’affaire Joubert[10] et dans l’affaire Déry[11].

[21]        Il termina en demandant au comité de « tenir compte de ce qu’il avait dû subir depuis trois (3) ans », indiquant que « la leçon avait été durement apprise », qu’il « adorait la distribution de produits financiers », et en réclamant de ce dernier une certaine indulgence afin qu’il puisse lui être permis de revenir un jour à l’exercice de la profession.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[22]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

[23]        Il a collaboré à l’enquête de la syndique et bien qu’il n’ait pas enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs d’accusation portés contre lui, il n’a pas contesté les faits soutenant la plainte.

[24]        Depuis le dépôt de celle-ci, il a certes vécu des moments difficiles, et ce, tant au plan financier, familial, et, tel qu’il l’a lui-même déclaré, au plan de l’estime de soi. Il a qualifié cette période de véritable « calvaire ».

[25]        Néanmoins la gravité objective des infractions qu’il a commises est incontestable.

[26]        Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à discréditer celle-ci aux yeux du public.

[27]        L’intimé a proposé à ses clients des placements qu’il n’était pas autorisé à leur offrir en vertu de ses certifications et il le savait ou aurait dû le savoir.

[28]        Il leur a causé des pertes importantes alors que ces derniers avaient peu ou pas de moyens de se protéger contre ses agissements.

[29]        En agissant en dehors du cadre de ses certifications, l’intimé les a privés de la possibilité, pour récupérer leurs pertes, de bénéficier des avantages du Fonds d’indemnisation des services financiers.

[30]        Bien que la preuve ne révèle pas qu’il aurait été motivé par une intention malhonnête, la souscription par ses clients des produits en cause n’était pas sans intérêt pour lui. Elle lui permettait de toucher des bonis, commissions ou émoluments non sans importance.

[31]        À cet égard, son cas se démarque clairement de l’affaire Ledoux[12] où la Cour du Québec, pour des infractions de même nature, a imposé au représentant une radiation temporaire de six (6) mois. En effet, contrairement au cas qui nous occupe, dans l’affaire Ledoux le représentant n’avait retiré aucun avantage pécuniaire de ses fautes.

[32]        De plus, en l’espèce, à la suite des transactions que leur a recommandées ou conseillées l’intimé, pour bon nombre des clients concernés, des personnes vulnérables qui lui faisaient totalement confiance, les conséquences ont été importantes et particulièrement éprouvantes. En plus de vivre une situation où ils ont subi des pertes financières appréciables, ils se retrouvent maintenant privés d’une grande part des épargnes et/ou des ressources dont ils disposaient pour leur retraite ou à titre de sécurité.

[33]        Ainsi, dans le cas de Y.G., la cliente mentionnée aux chefs 10, 11 et 12, la somme de 45 000 $ qu’elle a investie provenait de la vente de sa maison[13]. Les placements en cause lui avaient été représentés comme ne comportant aucun problème au plan du risque impliqué[14]. Avant de rencontrer l’intimé, elle faisait affaire pour ses placements avec une institution financière reconnue et, selon ce qu’elle a déclaré, elle n’avait pas subi une quelconque perte d’argent. En suivant les conseils de l’intimé, elle a perdu la presque totalité des sommes qu’elle a investies.

[34]        Dans le cas de M.P., la consommatrice mentionnée aux chefs 8 et 9, elle était retraitée, avait peu de connaissances dans le domaine du placement et faisait entièrement confiance à l’intimé. Elle et son mari, dans la cinquantaine, venaient de perdre leur emploi et disposaient de peu de ressources pour leur retraite[15]. Le placement lui a été présenté comme comportant peu de risques. S’il lui a d’abord été conseillé de faire un placement minimum de 25 000 $, l’on a finalement accepté qu’elle place 10 000 $ puis par la suite une somme additionnelle de 8 000 $. Lesdites sommes provenaient du peu d’épargnes dont elle disposait et elles ont été perdues. Cette perte de « coussin de sécurité » lui a causé un stress tel qu’encore aujourd’hui elle prend des anxiolytiques. Enfin lorsqu’elle a voulu porter plainte contre l’intimé, ce dernier a tenté de l’en dissuader.

[35]        Dans le cas de C.B., la consommatrice mentionnée aux chefs 1 et 2, à l’instigation de l’intimé elle a investi 116 000 $ dans des produits que l’intimé n’était pas autorisé à distribuer. Le syndic à la faillite lui a retourné 10 000 $ environ si bien qu’elle a perdu plus de 100 000 $.

[36]        Voici son témoignage sur les conséquences de cette situation pour elle :

« Q. Pouvez-vous indiquer au comité de discipline quelles ont été et quelles sont les conséquences pour vous d’avoir perdu cet argent-là?

R. Bien, écoutez, moi je vais avoir soixante-trois (63) ans cet été, mes projets de retraite étaient bien avant maintenant. Quand on approche de la soixantaine, on n’a pas les mêmes possibilités de se refaire financièrement que quand on a quarante (40) ans ou trente-cinq (35) ans. Alors, pour moi et bien c’est un fiasco là. Je continue de travailler largement à cause de toutes ces pertes-là, celle-là, celle de Park Lane, et c’est, et c’est non seulement ça, mais comme je disais ce n’est pas juste la perte financière, c’est toutes les tracasseries, les inquiétudes, les démarches, le recours à d’autres spécialistes, des fiscalistes, j’ai consulté un avocat, j’ai amené quelqu’un à Québec pour une présentation, on a épluché les documents qui nous étaient remis. Tu sais, c’est… c’est…, ça a été interminable, ça a été, et puis ça continue aujourd’hui. Je ne sais pas si vous vous imaginez ce que ça me fait quand on a tellement travaillé pour tourner la page là-dessus, de revoir ces documents-là, regardez, ce n’est pas une bouffée de fraîcheur là pour moi aujourd’hui. C’est de la merde tout ça, c’est… vraiment là, je suis… il n’y a rien d’autre à faire qu’à passer à autre chose, puis on veut garder notre santé là-dedans. Moi, je crois beaucoup que notre santé est liée à ce qu’on vit et puis, enfin… »[16]

[37]        Dans de cas de M.A.G., elle a investi 30 000 $ et a reçu du syndic à la faillite environ 1 350 $.

[38]        Voici son témoignage :

« Q. Maintenant, je vais vous demander d’indiquer au comité de discipline les conséquences que cette perte-là a eues sur vous?

R. Hum, hum. Bien, comme j’ai dit plus, précédemment, je suis travailleur autonome, ce qui veut dire c’est que mon fonds de pension, il faut que je le crée, et ça, ça fait partie de mon fonds de pension, comme bien d’autres, hein, X et Y, entre autres là, comme bien d’autres. »[17]

[39]        Il est vrai que dans l’affaire Deschênes[18] le représentant, qui avait distribué sensiblement les mêmes produits que l’intimé, a été condamné à une radiation temporaire de six (6) mois alors que dans l’affaire Mercier[19] le représentant, qui lui aussi a distribué des produits de Groupe Financier CTIC, a été condamné à une radiation temporaire d’une année, mais le comité croit qu’il lui faut distinguer ces deux (2) cas de celui de l’intimé.

[40]        Ainsi le comité croit devoir notamment d’abord souligner qu’en l’espèce cinq (5) des chefs d’accusation reprochent à l’intimé d’avoir fait souscrire à ses clients un placement auprès de « Gestion Read ». Or, la preuve a révélé que l’intimé était actionnaire et administrateur de ladite compagnie. Ayant conseillé à ses clients un placement dans une compagnie dont il était l’actionnaire et administrateur, les actes de l’intimé, tel que l’a mentionné le procureur de la plaignante, « se rapprochent de l’appropriation ».

[41]        Au surplus, en l’espèce, tels que précédemment signalés, les préjudices subis par les consommateurs touchés par les actes fautifs de l’intimé sont importants. Et en suggérant à ceux-ci d’investir une bonne part de leurs actifs dans les produits en cause, l’intimé a fait peu de souci de les protéger.

[42]        Il s’agissait de gens vulnérables qui ont, compte tenu de leurs moyens, beaucoup perdu. Considérant leur situation, l’intimé leur a recommandé puis fait souscrire des investissements ni convenables ni raisonnables. Vraisemblablement motivé par son intérêt personnel, il a abusé de leur confiance.

[43]        Enfin et en conclusion, il mérite d’être mentionné, tel que le comité l’a déjà déclaré antérieurement, que dans le domaine des valeurs mobilières, malgré de nombreuses décisions du comité condamnant un tel comportement, les manquements disciplinaires parmi les plus fréquents en nombre d’infractions sont ou apparaissent reliés à la vente de produits ou de services financiers que le représentant n’est pas autorisé à conseiller et à vendre en vertu de sa certification; et que dans un tel cas le consommateur n’est aucunement protégé contre l’incompétence du représentant et les pertes financières qui peuvent en résulter.

[44]        Aussi, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à cette affaire et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs qui lui ont été présentés, le comité est d’avis de donner suite aux recommandations de la plaignante et d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) ans sous tous et chacun des seize (16) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[45]        Une telle sanction lui apparaît juste, raisonnable, adaptée aux infractions ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[46]        Enfin, relativement à la publication de la décision, le comité est d’avis d’ordonner celle-ci. Le comité n’est pas confronté à des circonstances exceptionnelles[20] qui le justifieraient de se dispenser de l’ordonner.

[47]        Pour ce qui est des déboursés, en l’absence de motifs l’incitant à s’écarter de la règle habituelle voulant que la partie qui succombe assume généralement ceux-ci, le comité condamnera l’intimé à en défrayer le coût.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous tous et chacun des chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) ans à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Jean-Michel Bergot

M. JEAN-MICHEL BERGOT

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Dates d’audience :

26 mars 2013

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]     Me Micheline Rioux c. Réjean Poulin, CD00-0600, décision en date du 11 avril 2007, par. 125.

[2]     Ibid., par. 127.

[3] Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (c. V-1.1, r.10).

[4]     Caroline Champagne c. François Simard, CD00-0807 et CD00-0835, décision sur sanction en date du 26 novembre 2012.

[5]     Léna Thibault c. Luc Tessier, CD00-0762, décision sur sanction en date du 24 août 2010.

[6]     Léna Thibault c. Fayza Rifai, CD00-0717, décision sur sanction en date du 6 novembre 2009.

[7]     Léna Thibault c. Piero D’Amore, CD00-0739, décision sur sanction en date du 3 mars 2011.

[8]     Champagne c. Ledoux, 2012 QCCA 325.

[9]     Nathalie Lelièvre c. Réjean Deschênes, CD00-0890, décision sur culpabilité et sanction en date du 30 octobre 2012.

[10]     Léna Thibault c. René Joubert, CD00-0743, décision sur sanction rectifiée en date du 29 mars 2011.

[11]     Caroline Champagne c. Christian Déry, CD00-0843, décision sur culpabilité et sanction en date du 11 août 2011.

[12]     François Ledoux c. Me Caroline Champagne et le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, 2011 QCCQ 15733.

[13]    Voir notes sténographiques de l’audition du 20 mars 2012, p. 86.

[14]    Voir notes sténographiques de l’audition du 20 mars 2012, p. 79.

[15]    Voir notes sténographiques de l’audition du 10 mai 2012, p. 16.

[16]    Notes sténographiques de l’audition du 10 mai 2012, p. 67 et 68.

[17]    Notes sténographiques de l’audition du 10 mai 2012, p. 87.

[18]    Nathalie Lelièvre c. Réjean Deschênes, CD00-0890, décision sur culpabilité et sanction en date du 30 octobre 2012.

[19]    Nathalie Lelièvre c. Benoit Mercier, CD00-0861, décision sur culpabilité et sanction en date du 25 octobre 2012.

[20]    Voir Rousseau c. Ingénieurs, 2005 QCTP 41 (TP), Wells c. Notaires, 1993 DCCP 240 TP.

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