Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0749

 

DATE :

14 décembre 2009

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Simon Roy

Membre

M. Mario Brassard

Membre

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Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Mme RÉJEANNE PELLETIER

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 23 septembre 2009, à la salle 5.02B de la Cour fédérale du Canada, au palais de justice de Québec situé au 300, boulevard Jean-Lesage, Québec, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE SA CLIENTE ÉTIENNETTE OUELLET

1.             À Cap-Rouge, l’intimée RÉJEANNE PELLETIER s’est placée en situation de conflit d’intérêt et n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente, madame Étiennette Ouellet, en lui conseillant et en lui faisant souscrire des actions de la compagnie Gestion Lactée Inc.:

a)        Le ou vers le 27 novembre 2004, 40 000 actions pour un montant de 40 000 $;

b)        Le ou vers le 25 janvier 2005, 1 000 actions pour un montant de 1 000 $;

c)        Le ou vers le 26 juillet 2005, 4 000 actions pour un montant de 4 000 $;

d)        Le ou vers le 11 août 2005, 40 000 actions pour un montant de 40 000 $;

e)        Le ou vers le 27 janvier 2006, 14 900 actions pour un montant de 14 900 $;

société dans laquelle l’intimée occupait les postes de présidente et d’administrateur et dont elle était l’actionnaire majoritaire, contrevenant ainsi aux articles 18 et 19 (1) du Code de déontologie de la Chambre de la Sécurité Financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE CÉCILE P. THÉRRIAULT

2.          À Ste-Foy, le ou vers le 24 mars 2003, l’intimée RÉJEANNE PELLETIER a fait souscrire à sa cliente, Cécile P. Thérriault, un placement auprès de la compagnie Gestion Nali Inc., pour un montant de 110 539 $, alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. c. D‑9.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D‑9.2, r. 1.1.01); »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D'entrée de jeu, l'intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité sur chacun des deux (2) chefs d'accusation contenus à la plainte.

[3]           Les parties entreprirent ensuite de soumettre au comité leurs preuve et recommandations sur sanction.

PREUVE ET REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[4]           Alors que la plaignante produisit (sous les cotes P-1 à P-22) une importante preuve documentaire mais ne fit entendre aucun témoin, l'intimée, en plus de déposer une preuve documentaire sous les cotes I-1 à I-4, choisit de témoigner.

[5]           Les parties proposèrent ensuite au comité des « suggestions communes » sur sanction.

[6]           Ainsi, après avoir sommairement exposé les événements entourant la commission de chacune des deux (2) infractions par l'intimée, le procureur de la plaignante proposa, d'un commun accord avec le procureur de l’intimée, l'imposition des sanctions suivantes : a) sur le chef d'accusation numéro 1 : la radiation permanente de l'intimée et sa condamnation au paiement d'une amende de 5 000 $; b) sur le chef d'accusation numéro 2 : la radiation permanente de l'intimée.

[7]           Il conclut en suggérant de plus la condamnation de l'intimée au paiement des déboursés.

[8]           Il indiqua ensuite au comité que si les parties s'étaient entendues pour recommander que soit accordé à l'intimée un délai pour le paiement de l’amende, elles n'avaient pu convenir de la durée de celui-ci.

[9]           Il souligna que sa cliente était plutôt « réticente » à l'idée d'accorder à l'intimée un délai de plus de six (6) mois et qu'à tout événement elle était d'avis que celui-ci ne devrait pas dépasser une période d'une année.

[10]        Il termina en produisant, à l'appui des sanctions suggérées, un cahier d'autorités.

[11]        Par la suite, le procureur de l'intimée confirma son accord et celui de sa cliente aux « suggestions communes » présentées au comité. Puis, invoquant la situation financière précaire de cette dernière, il réclama en son nom un délai de vingt-quatre (24) mois, tant pour l'acquittement des déboursés que pour le paiement des amendes, ajoutant par ailleurs qu'il n'avait aucune objection à ce que le comité ordonne que le paiement de l'amende et des frais soit effectué au moyen de versements mensuels égaux et consécutifs.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[12]        Les parties n'ont fait état d'aucun antécédent disciplinaire de l'intimée.

[13]        Elle a été admise à la profession comme stagiaire en 1996.

[14]        Elle aurait cessé d'exercer celle-ci en septembre 2006 ne détenant plus depuis lors aucun certificat.

[15]        Elle a plaidé coupable à chacun des deux (2) chefs d'accusation mentionnés à la plainte.

[16]        Si l'on se fie aux copies des déclarations fiscales qu'elle a produites au dossier, elle n'a touché en 2006, 2007 et 2008 que de faibles revenus.

[17]        Depuis 2007, elle est à l'emploi, à temps partiel, d'un supermarché à titre d'agente de dégustation, ce qui lui rapporterait environ 200 $ par semaine. Il s'agirait de sa seule véritable source de revenus d'emploi.

[18]        En décembre de la même année, elle a été victime d'un accident de voiture qui l'a fortement ébranlée et dont elle porte encore aujourd'hui les séquelles, tant sur le plan physique que psychologique. Si l'on se fie à son témoignage, il lui serait impossible de reprendre un emploi à temps plein.

[19]        Outre ce qui précède, peu de facteurs atténuants ont été invoqués en sa faveur.

Chef numéro 1

[20]        En enregistrant un plaidoyer de culpabilité sur ce chef, l'intimée a avoué s'être placée en situation de conflit d'intérêts. Elle a également admis son défaut de subordonner son intérêt personnel à celui de sa cliente, Mme Étiennette Ouellet (Mme Ouellet), en conseillant à cette dernière et en lui faisant souscrire à cinq (5) reprises des actions de la compagnie Gestion Lactée Inc., société dont elle était l'administratrice, la présidente et l'actionnaire majoritaire.

[21]        En sollicitant et en obtenant de sa cliente qu'elle investisse dans sa compagnie, l'intimée a contrevenu à une règle déontologique claire.

[22]        L'article 19, paragraphe 1 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière stipule en effet ce qui suit :

« 19. Le représentant doit subordonner son intérêt personnel à celui de son client et de tout client éventuel. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant :

1o ne peut conseiller à un client de faire des placements dans une personne morale, une société ou des biens dans lesquels il a, directement ou indirectement, un intérêt significatif. »

[23]        Par ailleurs, les fautes de l'intimée se sont échelonnées sur une période d'environ quatorze (14) mois. La consommatrice Mme Ouellet a retiré au total de la Caisse populaire où elle avait effectué des placements, une somme d'environ 100 000 $, dont une partie était l'héritage de ses parents, pour la remettre à l'intimée.

[24]        Si l'on se fie à l'affidavit de cette dernière, l'intimée lui aurait affirmé que le placement qu'elle lui suggérait (dans la société Gestion Lactée Inc.) était un placement garanti tant au plan du capital qu'au plan des intérêts. Elle lui aurait de plus fait miroiter des rendements de l'ordre de 10 %.

[25]        Or, au moment de l'audition, Mme Ouellet n'était toujours pas parvenue à  obtenir un remboursement des sommes investies dans la compagnie de l'intimée et il semblait y avoir peu d'espoir qu'elle ne soit un jour remboursée des montants versés.

Chef numéro 2

[26]        En enregistrant un plaidoyer de culpabilité sur ce chef, l'intimée a admis avoir fait souscrire à sa cliente, Mme Cécile P. Thérriault (Mme Thérriault), un placement pour un montant de 110 539 $ auprès de la compagnie Gestion Nali Inc. alors qu'elle n'était pas autorisée à lui offrir un tel placement en vertu de sa certification.

[27]        Tandis que Mme Thérriault venait, en raison de son âge avancé, de vendre sa maison et disposait d'une somme de plus de 110 000 $, l'intimée lui a conseillé l'investissement précité en lui représentant que celui-ci allait lui rapporter des dividendes de 1 100 $ par mois pour une durée de cinq (5) ans. Elle lui aurait de plus représenté que les fonds placés étaient garantis.

[28]        Or, bien que Mme Thérriault ait touché un certain nombre de versements de « dividendes » ou « d'intérêts », il lui a été impossible à ce jour de récupérer son capital.

[29]        Par ailleurs, l'intimée lui ayant fait souscrire un produit financier qu'elle n'était pas, en vertu de ses certifications, autorisée à distribuer, cette dernière sera vraisemblablement privée d'un recours au Fonds d'indemnisation des services financiers.

[30]        La conclusion qui s'impose de l'ensemble du dossier c'est que l'intimée a profité du lien de confiance qu'elle avait établi avec ses clientes, Mme Ouellet et Mme Thérriault, pour, dans le premier cas, induire celle-ci à souscrire des actions de la compagnie Gestion Lactée Inc. dont elle était la présidente et l'actionnaire majoritaire et, dans le deuxième cas, pour l'induire à souscrire à un placement qu'elle n'était pas autorisée à lui offrir en vertu de ses certifications. En agissant de la sorte, elle a privilégié son intérêt personnel au détriment de celui de ses clientes. Ces dernières en ont souffert un préjudice fort important.

[31]        Une telle façon d'agir est éminemment reprochable de la part d'un conseiller en sécurité financière « dont le mandat, lorsqu'il s'agit de leurs placements, est d'aviser et de guider ses clients dans leur meilleur intérêt ».

[32]        Les fautes commises par l'intimée vont au cœur de la profession. Elles témoignent d'une absence de loyauté à l'égard de ses clients ainsi que d'une pratique professionnelle déficiente et dangereuse.

[33]        Aussi, la recommandation des parties qui est d'imposer à l'intimée une radiation permanente ainsi que de condamner cette dernière au paiement d'une amende de 5 000 $ sur le premier chef et de lui imposer une radiation permanente sur le second chef apparaît répondre à l'objectif premier que doit rechercher le comité qui est la protection du public.

[34]        Les sanctions suggérées par les parties comportent de plus un volet dissuasif à l'égard de représentants qui pourraient être tentés d'imiter la conduite de l'intimée.

[35]        Le comité donnera donc suite aux recommandations conjointes des parties et ordonnera sur le premier chef la radiation permanente de l'intimée et condamnera cette dernière au paiement d'une amende de 5 000 $. Relativement au deuxième chef, le comité ordonnera la radiation permanente de l'intimée.

[36]        Pour ce qui est de l'acquittement des déboursés, le comité est d'avis qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de déroger au principe général voulant que la partie qui succombe en assume le paiement. De plus, le comité est d'avis, notamment parce qu'il s'agit de frais qui ont déjà été supportés et encourus (par la Chambre de la sécurité financière) pour mener à terme le dossier, qu'il n'y a pas lieu d'accorder à l'intimée un délai pour l'acquittement de ceux-ci.

[37]        Relativement au paiement de l'amende de 5 000 $, compte tenu du montant significatif de celle-ci, de la condition personnelle de l'intimée, de ses faibles moyens financiers ainsi que de la décision du comité d'ordonner l'acquittement immédiat des déboursés, le comité accordera à cette dernière, exceptionnellement, un délai de dix-huit (18) mois pour effectuer celui-ci, à la condition qu'il le soit au moyen de dix-huit (18) versements mensuels égaux et consécutifs débutant le 30e jour de la signification de la présente décision sous peine de déchéance du terme accordé.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimée sur chacun des chefs d'accusation 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l'intimé coupable desdits chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

ET, STATUANT SUR LA SANCTION :

À l'égard du chef d'accusation numéro 1 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimée;

Et

CONDAMNE cette dernière au paiement d'une amende de 5 000 $;

ACCORDE à l'intimée un délai de dix-huit (18) mois pour le paiement de l'amende de 5 000 $ à la condition que celui-ci soit effectué au moyen de dix-huit (18) versements mensuels égaux et consécutifs débutant le 30e jour de la signification de la présente décision sous peine de déchéance du terme accordé;

À l'égard du chef d'accusation numéro 2 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimée;

CONDAMNE l'intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) François Folot  __________________________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Simon Roy __________________________________

M. SIMON ROY

Membre du comité de discipline

 

(s) Mario Brassard __________________________________

M. MARIO BRASSARD

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Donald Béchard

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean Petit

JEAN PETIT & ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

23 septembre 2009

 

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