Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0677

 

DATE :

9 septembre 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Albert Audet

Membre

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. RICHARD DUCHESNEAU, conseiller en sécurité financière certifié en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et en courtage en épargne collective

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]       Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal, les 24, 25 septembre 2007 ainsi que le 7 novembre 2007, afin de procéder à l’audition d’une plainte portée contre l’intimé. 

[2]       Les notes sténographiques qui avaient été demandées par le comité lui furent transmises le 28 novembre 2007, date à laquelle débuta le délibéré du comité.

[3]       La plaignante reproche plus particulièrement à l’intimé d’avoir commis trois (3) infractions relatives à un contrat d’achat-vente d’éléments d’actifs de ses clients avec Norbourg Groupe Financier Inc., les chefs d’accusation étant libellés comme suit :

  1. À Montréal, le ou vers le 28 mai 2003, alors qu’il signait un contrat d’achat-vente d’éléments d’actifs de ses clients avec Norbourg Groupe Financier Inc., l’Intimé Richard Duchesneau s’est placé en situation de conflit d’intérêts en acceptant de diriger les actifs sous gestion de ses clients dans des produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’Actifs Inc. ou une société liée, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2 ou aux articles 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans la discipline des valeurs mobilières, c. D-9.2, r. 1.1 2;
  2. Entre le 28 mai 2003 et le 25 août 2005, alors qu’il faisait transférer des actifs sous gestion de ses clients ou qu’il procédait à de nouvelles ventes de produits financiers en faveur de ceux gérés par Norbourg Gestion d’Actifs Inc. ou une société liée, l’Intimé Richard Duchesneau a omis ou négligé d’informer ses clients que, ce faisant, il touchait une rétribution supplémentaire pour ces transferts ou ventes et de divulguer son lien d’affaires avec Norbourg Gestion d’Actifs Inc., contrevenant ainsi aux articles 16 ou 53 alinéa 2 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, ou à l’article 7 du Règlement sur la déontologie dans la discipline des valeurs mobilières, c. D-9.2, r. 1.1. 2;
  3. Entre le 28 mai 2003 et le 25 août 2005, l’Intimé Richard Duchesneau a accepté le remboursement de 50% des frais de sortie occasionnés par le transfert des actifs sous gestion de ses clients dans des produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’Actifs Inc., contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, ou à la partie 2.2 du Règlement 81-105 sur les pratiques commerciales des organismes de placements collectifs.

[4]       L’intimé, par l’entremise de son procureur, enregistra un plaidoyer de non-culpabilité sur l’ensemble des chefs.

[5]       Puis, son procureur présenta une requête préliminaire visant à obtenir, d’une part, des précisions sur les chefs de la plainte et, d’autre part, le rejet du premier chef.

[6]       Il fut convenu avec les procureurs que le comité entendrait l’ensemble de leurs représentations sur les demandes préliminaires de l’intimé mais que seule une décision sur la demande de précisions serait rendue le même jour réservant sa décision sur la demande de rejet au moment de rendre celle sur la culpabilité.  Le comité, dans une décision motivée, rejeta la requête pour précisions de l’intimé. 

[7]       Avant de poursuivre sur le sort de la plainte, il y a lieu de traiter de la demande de rejet du chef 1 présentée par l’intimé.

I. LES REPRÉSENTATIONS SUR LA REQUÊTE POUR REJET DU CHEF 1

[8]       Bien que les arguments des procureurs fussent entremêlés quant aux deux (2) demandes préliminaires de l’intimé visant à obtenir des précisions et le rejet du chef 1, le comité résumera, ci-après, l’essentiel de la position de chacun sur cette dernière demande. 

A) L’intimé

[9]       L’intimé allégua essentiellement, qu’à sa face même, le libellé du chef numéro 1 ne contenait aucune infraction.  Il soumit que ni l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) ni ceux du Règlement sur la déontologie dans la discipline des valeurs mobilières (Règlement) énumérés à ce chef ne mentionnaient le « conflit d’intérêts » comme étant une infraction. 

[10]    Le texte de l’article 16 LDPSF et des articles 2, 10 et 14 du Règlement ne traitant que du devoir de loyauté, d’intégrité, d’honnêteté, de compétence ou encore de l’intérêt du client au moment de l'opération, ne permettrait pas d’y inclure le conflit d’intérêts. 

[11]    Selon son procureur, si le législateur avait souhaité inclure une infraction de conflit d’intérêts, il l’aurait incluse et nommée clairement dans les textes législatifs, comme il l’aurait apparemment prévu dans le Code de déontologie des avocats ou des médecins.

[12]    De l’avis de l’intimé, pouvoir constater l’infraction « à la face même » du chef, constituerait un premier critère devant guider le comité.  Il cita, dans ce sens, l’arrêt Scaff[1] où la Cour d’appel sous la plume du juge Kaufman s’exprimait comme suit :

« I see no reason why appellants should be obliged to defend themselves before the Committee on charges which, on their very face, do not disclose offenses. »

(Nos soulignés)

[13]    Citant plusieurs passages de décisions appliquant une interprétation littérale du texte législatif, il rapporta, entre autres, un extrait des propos de Me Pierre-André Côté, rappelés par le juge Pierre Bergeron dans l’affaire Bertrand [2] :

« L’approche littérale, on ne saurait trop y insister, est fondamentale dans l’interprétation de tout texte, y compris le texte légal.  Si le travail de l’interprète consiste, selon la doctrine officielle de l’interprétation, à découvrir la pensée du législateur, l’interprétation doit commencer par l’étude du texte que l’auteur a rédigé pour communiquer ses idées. »

[14]    Il argumenta avoir le droit de savoir ce qui lui est reproché et, à cette fin, cita un autre passage de l’affaire Bertrand[3] :

« […] On ne peut en cours de route modifier la situation des parties et la plainte portée devant le tribunal pour se donner compétence.  On ne peut davantage condamner quelqu’un sous prétexte que la preuve conduit à une telle conclusion, sans au préalable lui avoir permis de se défendre sur des accusations précises. »

[15]    Il fit valoir qu’une lecture littérale des dispositions législatives, invoquées pour le chef 1, ne permettait pas d’interpréter le texte de l’article 16 de la LDPSF et ceux des articles 2, 10 ou 14 du Règlement comme pouvant inclure le conflit d’intérêts. 

[16]    En résumé, le procureur de l’intimé soumit qu’en fonction de l’approche d’interprétation littérale le libellé du premier chef d’accusation, à sa face même, ne permettait pas de faire quelque lien que ce soit avec les articles de la Loi.  Il faudrait donc en conclure que l’infraction de « conflit d’intérêts » alléguée à ce chef, ne se retrouvant pas dans le texte de Loi, n’existait pas.  Ainsi, le comité n’aurait pas compétence pour entendre la plainte sur le chef 1 d’où sa demande de rejet.

 B) La plaignante

[17]    Selon la plaignante, la rédaction de la plainte respecterait les exigences de l’article 129 du Code des professions, indiquant sommairement la nature, le temps, le lieu et les circonstances de la contravention.

[18]    Son procureur soumit que l’article 16 LDPSF est un article général stipulant que le représentant doit agir avec honnêteté et loyauté, compétence et professionnalisme.  Les articles 2,10 et 14 du Règlement traitent aussi de ces mêmes devoirs bien que l’article 14 vise plus particulièrement le devoir du représentant de privilégier l’intérêt de son client au moment de l’opération financière.

[19]    Le procureur de la plaignante argumenta que dans le cas où un comité est d’opinion qu’aucune disposition précise de la loi ou de ses règlements ne prévoit spécifiquement le type d’infractions alléguées, il devra déterminer, conformément à l’arrêt Belleau[4], si l’intimé a commis ou non une infraction qui porte atteinte aux devoirs et obligations du représentant découlant de la loi et les règlements régissant sa profession ou discipline.

[20]    Il s’appuya sur l’application des principes émis dans l’arrêt Belleau[5] faite par le comité de discipline du Barreau du Québec, où l’infraction reprochée à l’intimé était d’avoir utilisé son compte en fidéicommis sans justification ou par complaisance. Le comité de discipline du Barreau, dans le cas des chefs 3, 4, 5 et 6 de la plainte référant aux articles 59.2 du Code des professions, 2.03 et 3.02.01 du Code de déontologie des avocats et au Règlement sur la comptabilité et les comptes en fidéicommis des avocats, s’exprima comme suit :

« Les articles 2.03 et 3.02.01 du Code de déontologie sont des articles généraux qui stipulent que l’avocat doit avoir une conduite empreinte d’objectivité, de modération et de dignité et qu’il doit s’acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité.  Le comité devra déterminer si les faits relatés dans ces chefs, s’ils sont prouvés, démontrent un manque d’objectivité ou de modération ou de dignité (article 2.03 C. de D.) ou d’intégrité (article 3.02.01 C. de D.) chez l’intimé ou portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession d’avocat (article 59.2 Code des professions). »

[21]    S’inspirant toujours de l’arrêt Belleau[6], il avança que c’est en replaçant le geste reproché dans le cadre global de la loi ou du Code des professions que le comité sera à même de constater ou de déterminer s’il est dérogatoire par exemple à l’honneur ou à la dignité de la profession.

[22]    En résumé, le procureur de l’intimé soumit que, dans la présente affaire, le comité devra pour le chef 1, s’il n’y a pas de règle ou norme objective précise dans la législation, se livrer au même exercice que ci-haut décrit.  Il pourra s’en tenir aux règles d’application générale, comme celles stipulées à l’article 16 LDPSF et décider si l’intimé a contrevenu à ces règles générales traitant du devoir du représentant d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients ou à quelque autre règles énoncées aux dispositions législatives énumérées à ce chef.

C) Analyse et décision sur la demande de rejet

[23]    Le comité estime que la rédaction de la plainte portée contre l’intimé est telle qu’elle a permis à l’intimé de connaître les faits reprochés de façon suffisamment précise pour lui permettre d’y répondre.

[24]    Tel qu’exprimé par le juge Gilson Lachance de la Cour du Québec et confirmé par la Cour d’appel dans Millette et al. c. Comité de surveillance de l’Association des courtiers d’assurances de la province de Québec[7] :

« [70] Or, le droit disciplinaire, fondé sur le respect des devoirs et obligations déontologiques spécifiques à une profession, n’exige pas qu’une norme précise interdise spécifiquement une conduite précise, comme c’est le cas en droit pénal. Au contraire, la conception de la faute déontologique réfère à des normes de conduites générales, souples et évolutives, pour faciliter leur application aux diverses situations susceptibles de requérir une intervention disciplinaire. Me Sylvie Poirier expose clairement ce principe :

[I]l est de l’essence même des règles déontologiques des professionnels d’être libellées en termes suffisamment généraux pour prévoir l’inclusion de toute situation qui constitue un manquement à l’éthique professionnelle. Ainsi, donc, contrairement au droit criminel où une personne ne peut être trouvée coupable que d’une infraction expressément définie, en droit disciplinaire, les obligations prévues aux codes de déontologie doivent être comprises dans leur esprit, non dans leur lettre afin d’assurer que les objectifs qu’ils poursuivent puissent être pleinement atteints.

« [71] Me Mario Goulet abonde également en ce sens :

La faute disciplinaire doit pouvoir s’appuyer sur un texte, bien que ce texte puisse être rédigé en termes généraux, voire en termes suffisamment généraux pour couvrir des situations non expressément définies et prohibées. [Références omises]

« [72] Me Goulet réfère également à une décision du Tribunal des professions :

En droit disciplinaire, la faute ne s’analyse pas en fonction d’un texte précis, mais en fonction de la violation de principes de moralité et d’éthique propres à un milieu et issus de l’usage et des traditions, codifiées dans des articles plus ou moins généraux. »

[25]    Enfin conformément aux balises émises dans l’arrêt Belleau déjà cité :

« Aucune disposition du Code, de la Loi sur le Barreau ou des règlements ne prévoyant spécifiquement le type d’infraction décrit au troisième chef de la plainte, il revient donc au Comité conformément à l’article 152, d’apprécier si le professionnel a commis ou non un tel acte.

[…]

C’est donc en replaçant le geste reproché dans le cadre global de la Loi sur le Barreau ou du Code des professions que l’on peut constater s’il est dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession. »

[26]    Le comité est d’avis, retenant les arguments du procureur de la plaignante, que si la preuve, en l’espèce, démontre les faits invoqués, le comité aura à déterminer si l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts et ce faisant s’il a contrevenu, en l’absence d’une règle précise, à des dispositions générales comme par exemple l’article 16 LDPSF édictant son devoir d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

[27]    Ainsi, comme énoncé dans les décisions rapportées, il peut en l’absence de règle précise déterminer en vertu des règles générales si l’intimé a commis un acte dérogatoire à la profession ou à l’une de ses disciplines.  En conséquence, le comité rejette la requête pour rejet du chef 1. 

II. LES FAITS

[28]    Le comité entendit, pour la plaignante, Me Isabelle Desmarais, enquêteur et l’intimé lui-même en défense.

[29]    Selon l’enquêteur, la CSF a donné suite à une demande de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et procédé à une enquête sur les faits reprochés à l’intimé.

[30]    Son enquête porta sur le contrat de vente d’actifs par l’intimé à Norbourg Capital (P-1).  Les «Attendus» 3 à 5 et les articles 3.1, 4.1, 6.1, 7.1 et 9.1 dudit contrat retenant de façon plus particulière son attention, elle adressa une lettre à l’intimé en date du 17 mars 2006 (P-2) lui demandant sa version des faits. 

[31]    Elle expliqua, qu’à la question posée à l’intimé, à savoir s’il avait divulgué son contrat à ses clients, celui-ci a admis ne pas l’avoir fait.  Il aurait reconnu, de plus, avoir transféré, durant les six (6) premiers mois suivant la signature dudit contrat, au moins vingt-deux pour cent (22 %) desdits actifs sous sa gestion dans des Fonds Norbourg.  Pour l’enquêteur, ces clauses dites incitatives font en sorte que l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts.

[32]    L’enquêteur reconnut toutefois ne pas avoir de preuve quant à la création d’un Fonds spécial devant servir au remboursement des frais de sorties occasionnés aux clients par les transferts dans les Fonds Norbourg.  Il en a été de même quant à la preuve de placement par l’intimé de cinquante pour cent (50 %) des nouvelles ventes dans les Fonds Norbourg (n.s. 24-09-07 page 104-112).

[33]    Toujours selon l’enquêteur, bien que des vérifications des dires de l’intimé quant à l’existence d’un autre contrat subséquent avec Norbourg Capital et celle de la création de Fonds spécial prévu à l’article 9.1 dudit P-1 auraient pu être faites auprès de l’AMF, il n’a pas été jugé utile de le faire, entre autres, devant l’existence de ce premier contrat.

[34]    L’intimé, pour sa part, avant même de témoigner en défense sur chacun des chefs d’infraction qui lui sont reprochés, a tenu à faire état de son parcours professionnel et de ses réalisations.

[35]    Ainsi, le comité apprit que l’intimé avait d’abord œuvré à Québec dans l’industrie du meuble chez Mobilier de bureau MBH, une firme de distribution en ameublement de bureau de moyen et haut de gamme, pendant environ huit (8) ans.  Il s’occupait « des cas majeurs, c’est-à-dire à peu près tout ce qui est institution financière, compagnie d’assurance » (n.s. 25-09-07 page 7).  Le propriétaire de l’entreprise ne voulant pas lui vendre des parts dans l’entreprise, malgré qu’il avait de « très très bons chiffres de vente» (n.s. 25-09-07 page 8), il décida de se réorienter et entreprit, de soir, des cours dans le domaine des assurances et courtage en épargne collective.  Il était inscrit à titre d’intermédiaire de marché en assurance de personnes à compter du 19 janvier 1997 et agirait comme représentant en courtage en épargne collective depuis 1999 (PA-1). 

[36]    Aussi, après avoir fait partie de différents cabinets dans la région de Québec, il a fondé son propre cabinet à Chicoutimi.  Aux dires de l’intimé, ayant la gestion de plus de dix millions de dollars (10 000 000 $) d’actifs, il était l’un des représentants les plus performants et faisait partie de l’élite des représentants en épargne collective au Québec.

[37]    L’intimé expliqua que, face à la baisse des marchés financiers dans les années  2000, 2001 et 2002, certains de ses clients recherchaient des produits financiers différents, c’est-à-dire des produits à l’abri des fluctuations mais avec un potentiel de croissance.  Il s’est donc mis à rechercher des fonds d’investissement répondant à cette demande.  Son but était d’avoir accès à des produits financiers, non pas pour faire plus de rendement, mais pour offrir une plus grande stabilité et une protection contre les baisses de capital.

[38]    L’intimé produisit la pièce D-1 qui selon lui, attesterait que Norbourg avait ce type de gestion.  Ce document de Morningstar fait état de quatre (4) fonds d’actions canadiennes disponibles sur le marché des fonds communs de placements pour l’année 2005.

[39]    Ce serait dans ce contexte que M. Éric Strell (M. Stell), démarcheur pour le compte du Groupe Norbourg, l’aurait approché pour lui proposer d’acheter ses actifs et que les négociations auraient été entreprises. 

[40]    M. Strell aurait expliqué à l’intimé, en discutant du type de gestion de Norbourg, que les fonds de cette entreprise pouvaient devenir en bonne partie liquides lorsque des signes économiques d’une correction se manifestaient.

[41]    Une rencontre aurait suivi à Sainte-Foy le 22 avril 2003 avec M. Vincent Lacroix (M. Lacroix).  L’objet de la rencontre était de mieux connaître le Groupe Norbourg et leur démarche.  L’intimé dira avoir été impressionné par la présentation professionnelle faite par M. Lacroix des sociétés dites « Norbourg ».

[42]    Le 30 avril 2003, une deuxième rencontre se serait tenue à Montréal aux bureaux de Norbourg où il rencontra M. Lacroix et M. Éric Asselin (M. Asselin), ancien inspecteur de la Commission des valeurs mobilières du Québec et responsable de la conformité chez Norbourg.  Il y fut question du désir de Norbourg de devenir propriétaire des actifs sous la gestion de l’intimé.

[43]    L’intimé aurait pris la décision de vendre après avoir consulté quelques clients qu’il a décrit comme «Mes plus gros, ceux qui ont une bonne tête» (n.s. 25-09-07 page 37).  Le 28 mai 2003, il se rendit de nouveau aux bureaux de Norbourg pour signer le contrat P-1.

[44]    L’intimé déclara qu’il n’a pas eu le loisir d’étudier ce contrat avant sa signature (n.s. 25-09-07 page 207) ni eu la chance de consulter un avocat.  Par la suite, il a transféré les actifs d’environ deux cent quatre-vingts (280) clients entre le mois de mai et décembre 2003.

[45]    Selon l’intimé, la famille des Fonds Norbourg était composée de Norbourg groupe financier Inc. (Holding) propriétaire des compagnies Norbourg gestion d’actifs (anciennement Norbourg Services financiers Inc.), Norbourg international et du cabinet de distribution Norbourg Capital auquel il s’est joint.  Norbourg gestion d’actifs Inc., organisme de placements collectif, était le gestionnaire de tous les fonds d’investissement dont, entre autres, les fonds Perfolio, Évolution et Norbourg (n.s 25-09-07 page 138)

[46]    Si on en croit l’intimé, les clauses dites «incitatives» ne faisaient pas partie des discussions préalables à la signature du contrat de vente le 28 mai 2003 (n.s. 25-09-07 page 41), malgré que les signatures et initiales des parties contractantes apparaissent sur toutes les pages. 

[47]    Ainsi, il n’aurait jamais été question de la clause de transfert d’un pourcentage de vingt-cinq pour cent (25 %) d’actifs dans les six (6) premiers mois dans les fonds Norbourg ou de cinquante pour cent (50 %) des nouvelles ventes.  Selon l’intimé, les termes du contrat discuté avant la signature étaient ceux du document qu’il a produit comme pièce D-2. 

[48]    L’intimé a expliqué que de nouvelles négociations étaient intervenues à partir du mois d’octobre 2003 lesquelles avaient donné lieu à une ébauche d’un deuxième contrat incluant des clauses relatives aux locaux de Chicoutimi et l’achalandage, mais sans reproduire les clauses dites incitatives du contrat allégué (P-1).

[49]     Le contrat du 28 mai 2003 aurait été annulé à l’automne de la même année lorsque M. Asselin a demandé, au mois de novembre 2003, de rapatrier tous les contrats parce que ceux-ci étaient non conformes, sans plus d’explications.  L’intimé n’aurait pas conservé de copie du contrat ainsi rapatrié (D-1) et n’aurait eu aucun écrit le confirmant.

[50]    L’intimé a rapporté les pourparlers intervenus avec les représentants de Norbourg au cours de l’automne 2003 et 2004, pour modifier le contrat initial.  À cette fin, il déposa trois (3) lettres en date des 31 octobre 2003, 2 décembre 2003 et du 13 janvier 2004 (D-3 à D-5) ayant pour entête Norbourg Capital Inc., signées par lui et adressées à M. Lacroix et M. Asselin respectivement.

[51]     À la première lettre, il est mentionné que l’esprit de ladite entente signée en mai 2003 doit demeurer entre les parties.  Les lettres font, entre autres, état d’un montant de cent dix milles dollars (110 000 $) reçu en 2003 pour l’achat de sa clientèle et de la balance à recevoir en 2004.  Il y est également traité des frais occasionnés par les locaux de Chicoutimi et de la part à être assumée par Norbourg.

[52]    Ce récit des faits contredisant en partie l’écrit P-1 et soumettant l’existence d’un autre contrat, fit l’objet d’une objection alléguant la règle qui interdit toute preuve tentant de contredire ou changer les termes d’un écrit valablement fait (article 2863 C.c.Q).  Cette objection fut prise sous réserves et il y a lieu maintenant d’en disposer.

III. OBJECTION (à la preuve contredisant un écrit valablement fait)

[53]    Par son témoignage, l’intimé a d’abord nié que les clauses dites incitatives faisaient partie du contrat allégué (P-1) au moment d’apposer sa signature, bien que reconnaissant ses initiales et celles de M. Lacroix au bas de chacune des pages. 

[54]    Aussi, il voulait se servir de la preuve testimoniale pour établir que ce contrat (P-1) avait été annulé et qu’une seconde convention avait modifié la première du 28 mai 2003 dans l’une ou plusieurs de ses stipulations essentielles.  À cette fin, il a déposé des correspondances adressées d’abord à M. Lacroix et ensuite à M. Asselin ainsi qu’une ébauche d’un autre contrat.

[55]    Les conditions requises pour l’application de la limitation à la preuve visée par l’article 2863 C.c.Q. sont au nombre de quatre (4) [8] :

         La preuve envisagée doit être testimoniale;

         Cette preuve est soumise par une partie à l’acte juridique;

         Cet acte doit être constaté par écrit;

         La preuve est présentée pour contredire ou changer les termes de cet écrit.

[56]    Ainsi, les parties liées par un contrat écrit ne peuvent se servir de la preuve testimoniale pour établir une seconde convention qui modifierait la première dans l’une de ses stipulations essentielles[9].  En niant l’existence des clauses dites incitatives, il ne fait aucun doute que l’intimé avait pour but de changer ou contredire les termes du contrat en litige signé le 28 mai 2003.

[57]    Quant à son témoignage sur l’existence d’un contrat postérieur, bien qu’une convention nouvelle et postérieure à une entente écrite puisse être établie oralement conformément aux règles générales d’admissibilité de la preuve testimoniale[10], la clause 14.3 du contrat intervenu le 28 mai 2003 fait échec à cette possibilité.  Cette clause, rapportée ci-après, prévoit expressément que tout changement ou modification à ce contrat ne pourra prendre effet que si constaté par un écrit dûment signé par toutes les parties, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

« 14.3    La présente convention peut être modifiée ou changée en tout ou en partie au gré des parties aux présentes, mais tout changement ou modification ne prend effet que lorsqu’il est constaté par écrit dûment signé par toutes les parties aux présentes. »

[58]    La preuve testimoniale de l’intimé avait pour but de contredire ou de changer les termes du contrat signé par les parties faisant l’objet de la plainte (P-1), ce qui est prohibé par l’article 2863 C.c.Q.  Cette preuve est non admissible.  Le comité accueillera donc l’objection de la plaignante, étant d’avis que les conditions d’application de l’article 2863 C.c.Q. sont remplies.

IV- ANALYSE ET DÉCISION

[59]    Pour les fins de l’analyse nous reproduisons ci-après les troisième, quatrième et cinquième «Attendus» ainsi que les principales clauses en litige du contrat P-1.

 


Chef numéro 1

[60]    L’intimé est accusé de « s'être placé dans une situation de conflit d'intérêts en acceptant de diriger les actifs sous gestion de ses clients dans des produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’Actifs Inc. ou une société liée.».  En d’autres mots, ce premier chef reproche la signature à une date donnée d’un contrat de vente d’actifs dont certaines clauses ont amené le représentant à se placer en situation de conflit d’intérêts s’exposant à faire passer ses propres intérêts avant ceux de ses clients.  Ce faisant, il aurait contrevenu, entre autres, à ses devoirs de loyauté, d’intégrité et d’honnêteté à l’égard de ses clients.

[61]    Dans un premier temps, ce que le comité aura à déterminer est si la preuve des faits allégués à ce chef démontre de façon prépondérante que l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts ou du moins en apparence de conflit d’intérêts.

[62]    Dans l’affirmative, le comité devra déterminer si le fait pour l’intimé de se placer en situation de conflit d’intérêts constitue, en l’absence de disposition précise, un acte dérogatoire en vertu des dispositions générales de la Loi ou des règlements.

[63]    L’interprétation littérale du texte de loi pour découvrir l’intention du législateur implique davantage que ce que le procureur de l’intimé[11] a laissé entendre.  À ce sujet, il est utile de rapporter la suite des propos du professeur Me Paul André Côté tirés du jugement rendu dans l’affaire Bertrand:[12]

L’interprète doit-il cependant s’arrêter là? Sur ce point, nous partageons l’avis de lord Denning :

Sans aucun doute, la tâche de l’avocat et du juge est de découvrir l’intention du législateur. Pour y parvenir, il faut, assurément, partir des termes de la loi, mais non s’en tenir là, comme d’aucuns semblent le penser.

On doit absolument dépasser le texte, pour deux raisons en particulier.  La première, c’est que, comme on l’a vu, l’objectif de l’interprétation ne consiste pas uniquement à découvrir la pensée historique de l’auteur du texte : l’interprétation poursuit d’autres objectifs et exige donc la prise en considération de facteurs, telles les conséquences de l’interprétation, qui n’ont rien à voir avec la formulation du texte.  Deuxièmement, même si l’on devait concevoir l’interprétation comme ayant pour seul objectif la découverte de la pensée du législateur, deux raisons principales justifieraient que l’on ne se limitât pas à la méthode littérale pour découvrir cette pensée.  D’abord, à cause de ce que l’on a appelé la « texture ouverte » du langage, la seule approche littérale souvent ne permet pas de dissiper les doutes que soulève l’application du texte.  Deuxièmement, l’approche littérale ne permet de tenir compte que de la partie expresse de la communication légale : la partie implicite, celle qui se dégage du contexte global de l’énonciation légale, doit également être prise en considération si l’on veut reconstituer la pensée du législateur. »

« Parmi les éléments qui constituent le contexte d’une disposition, l’un des plus importants est l’objectif de celle-ci.  Quand la gouvernante reçoit l’ordre d’enseigner un « jeu », la raison pour laquelle l’instruction lui a été donnée constitue l’un des éléments qui vont lui permettre, en faisant certaines suppositions, de préciser le sens du mot « jeu ».  On a coutume de dire que c’est du sens des mots que doit se dégager l’objet de la loi : il est non moins vrai, cependant, que c’est en partie par l’objet de la loi qu’on peut établir le sens de ses dispositions. »  (p. 264)

(Nos soulignements)

[64]    En l’occurrence, l’objectif de la LDPSF est la protection du public et ainsi l’interprétation de la disposition générale de l’article 16, doit permettre de le rencontrer. 

[65]    L’intimé dit avoir favorisé les produits financiers de la famille Norbourg parce que certains de ses clients lui demandaient des placements moins volatiles, offrant une protection de capital et ce, même si le rendement obtenu était moindre si cela permettait de maintenir plus de liquidités dans les fonds.  Il a appuyé ses dires relatifs à

la stabilité du capital des fonds Norbourg, en comparant les données fournies par Morningstar pour l’année 2005 sur différents fonds de placements.  Bien qu’il soit plausible que certains clients aient manifesté un tel désir à l’intimé, le comité ne peut raisonnablement conclure, sans autre preuve, que ce désir était celui de la majorité de ses 280 clients. 

[66]    Par la signature de ce contrat, l’intimé s’engageait à procéder aux transferts de la gestion de tous les actifs de ses clients contre un prix de vente sujet à certaines conditions plus amplement décrites à la clause 6 dudit contrat (P-1).

[67]    Ainsi, force est de constater que l’intimé bénéficierait des deuxième et troisième versements, établis pour chacun à quarante-trois mille quatre cents (43 400 $), en autant qu’il ait réalisé, pour le deuxième versement, le transfert d’au moins vingt-cinq pour cent (25 %) de l’ensemble des actifs sous sa gestion dans les produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’actifs Inc. ou une société liée dans les six premiers mois de la signature c'est-à-dire à la fin du mois d’octobre 2003.  Aussi, il ne toucherait le troisième versement qu’en autant qu’il ait réalisé, au douzième mois de la signature c'est-à-dire en mai 2004, le transfert d’au moins cinquante pour cent (50 %) de l’ensemble des actifs sous sa gestion dans les produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’actifs Inc. ou une société liée.

[68]    Advenant le cas où l’intimé ne respecterait pas ces objectifs, les versements seraient ajustés en conséquence selon l’équation convenue au contrat.  Ainsi, l’intimé avait tout intérêt à respecter les objectifs sans quoi, il y aurait diminution du produit de vente en fonction du pourcentage de transfert réalisé.  Le comité est d’avis que l’intimé, ce faisant, s'est placé dans une situation où les intérêts en présence étaient tels que son jugement ou sa loyauté pouvait être questionné (ou à tout le moins en apparence de conflit entre deux intérêts possiblement divergents).

[69]    Par cette signature, il s’est mis en situation de conflit d’intérêts ou susceptible de l'être en devant potentiellement choisir entre ses devoirs d’agir avec loyauté et intégrité envers ses clients et la réalisation de ses obligations (appelées clauses incitatives) découlant du contrat de vente intervenu avec Norbourg Groupe Financier Inc

[70]    Ces devoirs de loyauté et d’honnêteté envers ses clients risquaient d’être compromis au moment de conseiller et de faire des recommandations à ces derniers pour l’achat d’actions ou de fonds d’actions compte tenu du pourcentage qu’il s’engageait à transférer dans les fonds Norbourg en vertu du contrat.  Il en est de même quant à toutes nouvelles ventes d’actions compte tenu que cinquante pour cent (50 %) de celles-ci devaient être faites dans les fonds Norbourg

[71]    Comment l’intimé, qui agissait comme conseiller auprès de ses clients lors de ces transferts a-t-il, dans un tel contexte, assuré son indépendance?  L’intimé admet lui-même que le dix pour cent (10 %) de capital des fonds de ses clients qui était transférable sans frais d’un fonds à un autre ont été majoritairement opérés vers des fonds Norbourg (n.s. 25-09-07 page 135).  En l’absence de preuve démontrant que l’intimé s’est assuré, avant d’offrir ce produit, que ceux-ci correspondaient à la situation financière et aux objectifs de placement de cette majorité de clients, il est permis de douter que ces transferts répondaient à leur intérêt.  Ce fait tend plutôt à établir que la priorité de l’intimé était de remplir son obligation de transfert découlant du contrat et qu’il a manqué par ce fait à son devoir d’agir avec professionnalisme, compétence et loyauté auprès de ses clients.

[72]    L’intimé a lui-même reconnu avoir procédé, dans les six (6) premiers mois, au transfert d’au moins vingt-deux pour cent (22 %) des actifs dans les fonds Norbourg.  Le montant de cinquante cinq mille dollars (55 000 $) apparaissant à ses déclarations d’impôts pour l’année 2004 au titre de biens en immobilisations admissibles, confirme l’encaissement de la somme de cent dix mille dollars (110 000 $) provenant de la vente de la clientèle pour la première année du contrat, ce dernier montant étant aussi mentionné dans les lettres produites par l’intimé (D-3 à D-5).

[73]    Par surcroît, les placements occasionnés par ces transferts changeaient la forme de rémunération du représentant sur une base d’honoraires plutôt que de commissions.  Suivant la démonstration fournie par l’intimé (I-8) cette forme de rémunération avait pour effet d’augmenter les coûts assumés par les clients comparativement à ceux résultant de commissions.  Aussi, ce que l’intimé ne dit pas, c’est que la rémunération à honoraires fait en sorte que le montant investi est diminué d’autant et que le rendement est moindre puisque portant sur la différence. 

[74]    Le comité ne se prononce pas sur la possibilité pour un représentant de conclure une entente de transfert de gestion d’actifs mais sur la façon de procéder à l’opération en l’espèce.  Si l'intimé s'était contenté de transférer la gestion de ses actifs sans s’obliger à des transferts dans des fonds de l’acheteur, la conclusion aurait peut-être été différente quant à la question de s’être placée ou non dans une situation de conflit d’intérêts. 

[75]    Le comité est d’avis que dès le moment où l'intimé s’obligeait à transférer des actifs de ses clients dans les fonds Norbourg dans un délai et pourcentage fixé à l’avance, il se plaçait en situation de conflit d'intérêts ou à tout le moins en apparence de conflit d'intérêts, devant choisir entre l’intérêt du client et le sien découlant du contrat.  Il ne pouvait pas non plus assurer son indépendance du fait qu’il s’exposait de plus à des pénalités en cas de non exécution.

[76]    Tel qu’élaboré par le juge Gilson Lachance dans l’affaire[13] au paragraphe 73:

[73] En somme, le Comité a sanctionné la conduite des appelants en fonction essentiellement de leurs obligations de placer les intérêts des assurés et de tout client éventuel avant les leurs ou ceux de toute autre personne et d’agir envers eux en conseiller consciencieux et surtout indépendant, les éclairant sur leurs droits et obligations et leur donnant tout renseignement nécessaire et utile. Ni le Comité de surveillance, ni le Comité de discipline n’ont cru utile de référer au pouvoir résiduaire de qualification de la faute reconnu par le biais de l’article 152 du Code des professions. Il ne leur est donc pas apparu nécessaire de constituer une nouvelle norme déontologique, puisqu’ils ont jugé que les normes existantes suffisaient à régulariser ce genre de situation.

[77]    Aussi, même dans le cas où le comité aurait déclaré admissible le témoignage de l’intimé relatif à la dite annulation du contrat signé le 28 mai 2003, comme il s’agissait d’un contrat à exécution successive (trois (3) versements respectivement en mai, octobre 2003 et mai 2004), il fallut parler plutôt de résiliation.  Or, la résiliation n’a pas d’effet rétroactif.  Ainsi, comme l’a dit le juge Barbe dans Lagacé c. Excellence, Cie d’assurances[14] :

«Enfin, la résiliation est la résolution appliquée aux contrats d'exécution successive; elle ne produit pas d'effet rétroactif.  Ainsi, lorsque le contrat d'assurance est résilié, il met fin à l'engagement pour l'avenir seulement; les parties ne sont pas obligées de restituer les obligations déjà exécutées.» 

[78]    L'intimé sera donc déclaré coupable sur ce chef d'accusation ayant contrevenu aux dispositions générales édictées aux articles 16 LDPSF et 2 du Règlement sur la déontologie en valeurs mobilières.

Chef numéro 2

[79]    Par ce chef, il est reproché à l’intimé d’avoir manqué à son obligation déontologique de divulgation des liens d’affaires existant entre le cabinet auquel il se joignait et Norbourg gestion d’actifs Inc, organisme de placement collectif, ainsi que d’avoir passé sous silence les dispositions des ententes prises avec Norbourg Groupe Financier Inc. lui procurant une rétribution supplémentaire.

[80]    L’intimé a admis ne pas avoir divulgué à ses clients les ententes du contrat ni l’existence d’une rétribution supplémentaire en raison du transfert de leurs actifs dans les fonds gérés par Norbourg gestion d’actifs Inc. ou une société liée.  Il n’a pas offert de preuve quant au reproche de ne pas avoir divulgué à ses clients les liens d’affaires existant entre Norbourg Capital Inc et Norbourg gestion d’actifs Inc.  Il s’est limité à dire qu’il avait procédé à l’ouverture de compte pour chacun de ses clients et «je leur ai à

peu près tous expliqué que, s’ils voulaient avoir accès à ces produits-là, il fallait que je sois chez Norbourg Capital, parce qu’ils voulaient en faire un produit, un produit interne, un produit qui donnerait une plus-value» (n.s. 25-09-08 page 179).  De l’avis du comité, cette information était inadéquate car incomplète. 

[81]    À l’instar du procureur de la plaignante, le comité voit dans la décision de la Cour d’appel dans Millette[15] un parallèle avec le cas en l’espèce.  La Cour déclare au paragraphe 52 de la décision :

« [52] À la lumière de la preuve, il appert que les appelants n’ont pas informé adéquatement leurs clients du fait qu’ils n’agissaient plus à titre de courtiers. Ils ont laissé croire à ceux-ci que le renouvellement de leur police auprès de La Capitale avait fait l’objet d’une évaluation et d’un choix parmi les assureurs sur le marché, ce qui n’était manifestement pas le cas compte tenu de la nature des ententes conclues.  Cette ambiguïté était justement destinée à faciliter le transfert du plus grand nombre de polices d'assurance possible.  En ne dénonçant pas les ententes d'exclusivité ou quasi-exclusivité conclues avec La Capitale, les appelants plaçaient leurs propres intérêts avant ceux de leurs clients. »

[82]    Aussi, le juge Raoul Barbe dans la décision Lagacé c. Excellence, Cie d’assurances[16] énonçait quant à l’article 26 de la Loi sur les assurances qui est au même effet que l’article 53 LDPSF

« [234] «De plus, Beaulne et Rhéaume par son représentant Cerminaro, devait également divulguer au demandeur ses liens d'affaires avec L'Excellence.  L'article 26 de la Loi stipule.

Un représentant en assurance, qui place un risque auprès d'un assureur avec lequel il a des liens d'affaires, ou dont la société autonome ou le cabinet pour lequel il agit a de tels liens, doit les divulguer à la personne avec laquelle il transige.

Constituent des liens d'affaires, tout intérêt direct ou indirect qu'un assureur détient dans la propriété d'un cabinet ou, inversement, qu'un cabinet détient dans la propriété d'un assureur, ainsi que l'octroi par l'assureur de tout autre avantage ou de tout autre intérêt déterminé par règlement.

« [239] «Non seulement Cerminaro n'a pas divulgué au demandeur les liens d'affaires que Beaulne et Rhéaume pouvait avoir avec L'Excellence, contrairement à ce que prévoit l'article 26 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, mais il a tenté d'induire la Cour en erreur, et ce même avec la connivence de son avocat qui a confessé être le secrétaire de L'Excellence.  Cela apparaît au Cidreq (P‑48) puisque ce dernier n'a rien fait pour corriger le témoignage de son témoin. »

[83]    De la même façon que dans le cas ci-haut, l’intimé n’a pas adéquatement informé ses clients du fait que Norbourg Capital Inc., le cabinet de distribution pour lequel il agissait désormais, avait des liens d’affaires avec Norbourg gestion d’actifs Inc., organisme de placement collectif gérant, entre autres, les fonds Norbourg dont les fonds Évolution et Perfolio dans lesquels il s’engageait à transférer une partie de leurs actifs contrairement à ce que prévoit l’article 53 LDPSF.  Il en est de même pour la rétribution supplémentaire composée, entre autres, des honoraires perçus à l’occasion de ces transferts dans les fonds Norbourg.

[84]    Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef 2.

Chef numéro 3

[85]    Dans sa version des faits remise à l’enquêteur (P-3), l’intimé déclare «je payais les frais et Norbourg m’en remboursait 50 %».  Pour l’enquêteur, ceci constituait une admission de l’intimé qu’il recevait un remboursement de cinquante pour cent (50 %) des frais de sortie, le tout conformément à la clause 9.1 du contrat P-1 reproduite ci-après.

[86]    Le procureur de l’intimé a soutenu que cet aveu se rapportait aux frais du bureau de Chicoutimi.  La lecture de la lettre de l’enquêteur (P-2) et de la réponse de l’intimé peut supporter cette interprétation.  Toutefois, même si le comité retenait cette interprétation, la preuve prépondérante présentée sur ce chef milite en faveur de la plaignante.

[87]    Qu’il y ait eu création ou non d’un fonds spécial n’est pas déterminant pour se prononcer sur la culpabilité de l’intimé sur ce chef.  Le comité retient qu’il y a eu entente de partage ou de remboursement par le cabinet dans une proportion de cinquante pour cent (50 %) des frais de sortie qui pourraient être occasionnés en raison du transfert des actifs sous gestion dans des produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’actifs inc.  La preuve a démontré que de tels transferts ont eu lieu et qu’un certain nombre a occasionné des frais de sortie.  Aussi l’intimé, au cours de son témoignage à l’audition, a clairement reconnu avoir assumé entre six (6 000 $) et sept milles dollars (7 000 $) à ce titre.

[88]    Par ailleurs, ses explications sur la question du remboursement ou du partage desdits frais de sortie devinrent nébuleuses, contradictoires et appuyées d’aucune preuve documentaire.

[89]    Dans un premier temps, il déclara avoir assumé ces frais de sortie par le moyen «d’un chèque personnel investit (sic) par le «back office» de Norbourg Capital» dans le compte du client (n.s. 25-09-08 page 145).  Un peu plus loin, à la question du procureur de la plaignante à savoir qui avait payé les frais de sortie, il répondit: « c’est mon argent à moi, mais la transaction s’est faite dans, chez Norbourg Capital, comme remboursement de frais.  Mais je l’ai assumé seul. Au lieu de l’assumer au pourcentage entre moi et Norbourg Capital, vu que j’étais à quatre-vingts pour cent (80 %) de commission, (…) on me disait tu n’as pas de commission de vente, tu n’es qu’à honoraires, donc, si tu as des frais à payer, tu choisiras de payer les frais ».  Reconnaissant n’avoir aucun document pour appuyer ses dires (n.s. 25-09-07 pages 147, 209, 221 et 222), il répondit encore : «je ne peux pas vous dire, ça, je ne me souviens pas par exemple si ça a été pris sur ma paie ou si c’est moi qui ai fait un chèque à…, ça je ne m’en souviens pas».  Et l’intimé continua de tergiverser ainsi en disant tantôt avoir fait un chèque et tantôt ne pas en avoir fait (n.s. 25-09-07 pages 209 et 215) à l’égard du remboursement des frais de sortie évitant ainsi de répondre clairement.  Il ressort de la preuve offerte que Norbourg Capital assumait une partie des frais de sortie des clients le tout conformément à la clause du contrat à cet effet.

[90]    Le comité estime que l’intimé, en acceptant le remboursement d’une partie de ces frais, compromettait, tel qu’avancé par le procureur de la plaignante, ses obligations générales de loyauté et d’intégrité envers ses clients édictées à l’article 16 LDPSF et contrevenait à la partie 2.2 du Règlement 81-105 sur les pratiques commerciales des organismes de placements collectif.

[91]    Le comité déclare donc l’intimé coupable sur ce dernier chef.

 

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sur chacun des trois (3) chefs d’accusation mentionnés à la plainte.

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me JANINE KEAN

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Albert Audet

M. ALBERT AUDET

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Shirtaz Dhanji

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A., Pl. fin.

Membre du comité de discipline

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

LAROCHE ROULEAU et associés

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

24, 25 septembre et 7 novembre 2007

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0677

 

DATE :

1er décembre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Albert Audet

Membre

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl.Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. RICHARD DUCHESNEAU, conseiller en sécurité financière certifié en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et en courtage en épargne collective

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]     Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal, le 7 janvier 2009, afin de procéder à l’audition de la preuve et représentations sur sanction suite à sa décision rendue le 9 septembre 2008 déclarant coupable l’intimé des trois (3) chefs de la plainte portée contre lui.

[2]     Rappelons que les chefs 1 et 3 reprochaient respectivement à l’intimé de s’être placé en conflit d’intérêts en acceptant de diriger les actifs sous gestion de ses clients dans des produits financiers gérés par Norbourg Gestion d’Actifs Inc. ou une société liée («Norbourg») et d’avoir accepté le remboursement de frais de sortie occasionnés par ledit transfert.  Le chef 2 lui reprochait d’avoir omis ou négligé d’informer ses clients qu’il touchait une rétribution supplémentaire pour ces transferts ou ventes et de divulguer son lien d’affaires avec Norbourg.

[3]     Seul l’intimé choisit de se faire entendre et produisit quelques documents (DS-1 à DS-6). 

PREUVE SUR SANCTION

[4]     L’intimé déclara être sans occupation au moment de l’audition.  Disant avoir été «au mauvais endroit au mauvais moment», il expliqua devoir faire face, suite à l’éclatement en août 2005 du scandale Norbourg et à la fermeture du cabinet Gestion du Patrimoine Tandem Inc. («Tandem»), à deux recours entrepris contre les représentants de ce cabinet dont il faisait partie.  Le premier, intenté par l’Autorité des marchés financiers (AMF), lui réclame personnellement plus de 1 600 000 $ équivalent aux indemnités versées à ses clients par le Fonds d’indemnisation des services financiers.  Le deuxième, pour plus de 130 000 000 $, fut intenté par la compagnie Northern Trust, une des parties défenderesses du recours collectif intenté contre Norbourg et les représentants de Tandem par les consommateurs victimes.

[5]     Ainsi, suite à la parution de son nom dans les journaux et autres médias comme étant l’un des représentants visés dans cette affaire, il a subi l’opprobre de ses clients et de son entourage, ceux-ci l’associant à la fraude alléguée dans l’affaire Norbourg.

[6]     L’intimé relata que, le 17 septembre 2008, suite à la parution d’un article dans le journal de Québec exposant la décision rendue sur sa culpabilité par le comité de discipline de la CSF, il reçut des appels de clients l’accusant d’avoir volé leur argent et le traitant de tous les noms.  Se trouvant à Québec ce jour là, le directeur de Promutuel du Lac au Fjord à Hébertville, cabinet dont l’intimé faisait partie depuis la fermeture de Tandem, le convoqua à une rencontre lors de laquelle il le somma de quitter jugeant que sa présence affectait la réputation du cabinet.  D’ailleurs, en décembre 2008, l’intimé a transféré sa clientèle à un autre représentant et a obtenu une contrepartie de 16 000 $ pour son bloc d’affaires.

[7]     Bien que détenant toujours un permis en assurance de personnes expirant en mars 2009, l’intimé expliqua qu’il n’avait pas l’intention de le renouveler et qu’il en était de même pour son permis de courtage en épargne collective qui expirait en décembre 2008.  Désirant «tourner la page puis essayer de gagner sa vie autrement», l’intimé affirma ne pas avoir l’intention de continuer dans le domaine des finances. 

[8]     Le rapport d’impôt de l’intimé, pour l’année 2007, révèle des revenus annuels de près de 14 000 $ et, selon l’intimé, ses revenus pour 2008 seraient du même ordre.  Au début de 2008, l’intimé vendit à sa conjointe, qui possédait déjà la moitié de la propriété commune dont la valeur marchande s’élevait à environ 300 000 $, la moitié de sa part pour 75 000 $ ce qui lui permit notamment de liquider une bonne partie des dettes qu’il avait accumulées sur ses cartes de crédit.

[9]     Enfin, l’intimé déclara que s’il pouvait «reculer en arrière», il le ferait, réitérant ainsi ce qu’il avait déjà dit lors de l’audition sur culpabilité.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

[10]   Les recommandations de la plaignante sont les suivantes :

    Sur chacun des chefs 1 et 3 : une radiation temporaire de 3 mois à être purgée de façon concurrente et une amende de 4 000 $.

    Sur le chef 2 : une amende de 3 000 $;

    La publication de la décision et une condamnation aux déboursés.

[11]   Insistant sur le facteur du repentir qui, à son avis, était absent en l’espèce, le procureur de la plaignante soumit, au soutien de ses recommandations un cahier d’autorités.  Sur les chefs 1 et 3, les décisions rapportées font état d’infractions où les intimés fautifs s’étaient placés en situation de conflits d’intérêts et s’étaient vus imposer des radiations temporaires variant entre trois mois et un an.

[12]   Notons que la plaignante, après avoir appris que l’intimé avait cessé ses activités de représentant, qu’il avait l’intention de changer de domaine et qu’il avait reçu 16 000 $ de la vente de son bloc d’affaires, a révisé sa recommandation de radiation temporaire de trois mois pour ces deux chefs en ajoutant des amendes.  De l’avis de son procureur, la radiation temporaire seule perdait, dans les circonstances, l’effet dissuasif recherché. 

[13]   En ce qui concerne le deuxième chef reprochant à l’intimé son défaut de divulguer à ses clients ses liens d’affaires avec Norbourg, les décisions soumises par la plaignante concluent à des amendes variant entre 1 000 $ et 4 000 $.

[14]   Pour sa part, le procureur de l’intimé invita le comité à individualiser les sanctions à imposer à son client soumettant qu’il s’agissait d’un cas sans précédent devant le comité de discipline de la CSF car l’affaire Norbourg était, elle-même, unique.  Quant aux décisions citées par la plaignante, il indiqua essentiellement que le conflit d’intérêts qui y était soulevé relevait plus de l’appropriation de fonds puisque les intimés avaient fait investir leurs clients dans leur propre compagnie.

[15]   Quant au deuxième chef, il souligna que la décision sur culpabilité qualifia d’incomplète la divulgation faite par l’intimé, soumettant qu’il s’agissait d’un facteur atténuant.

[16]   Eu égard à l’absence de repentir de son client invoquée par le procureur de la plaignante, il signala des passages du témoignage de l’intimé qui, à son avis, supportaient l’interprétation contraire.

[17]   Enfin, il recommanda l’imposition d’une amende de 600 $ par chef en plus de demander d’effectuer le paiement de ces amendes et des déboursés sur une période de douze mois.

ANALYSE ET DÉCISION

Demande d’ordonnance de scellé pour la pièce DS-6 prise sous réserves

[18]   L’intimé a demandé une ordonnance de scellé pour la lettre qui lui a été adressée par Mme Johanne Blouin-Morency produite sous la cote DS-6.  Le comité estime que l’intimé n’a pas fait la preuve du contenu d’information confidentielle ni de l’existence d’un préjudice réel pour l’intimé.  Par conséquent, le comité rejette cette demande de scellé.


Quant aux sanctions

[19]   Le comité doit se demander si les sanctions proposées sont conformes aux principes de détermination de la sanction disciplinaire et de nature à assurer adéquatement la protection du public.

[20]     À cette fin, le comité rappellera les paramètres établis par la Cour d’appel dans l’affaire Pigeon[17]:

« [37] La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier.   Chaque cas est un cas d'espèce.

[38] La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants:  au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), [1998] D.D.O.P. 311; Dr J. C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al, [1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656).

[39] Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier.   Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, …   Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire.»

(Nos soulignés)

[21]     Le comité doit faire, conformément à ces principes établis par la Cour d’appel, les distinctions appropriées avec les causes citées par la plaignante et considère que les faits propres à celles-ci diffèrent du cas en l’espèce. 

[22]     Ces décisions du comité de discipline ont toutes été rendues en présence de plaidoyer de culpabilité et pour la plupart donnaient suite aux recommandations communes des parties.  Ceci rend difficile, entre autres, la comparaison avec le cas en l’espèce.

[23]     Comme mentionné par le procureur de l’intimé, il s’agirait de la première infraction de ce type précis à être soumise au jugement des pairs aux fins de la sanction. 

[24]     Aussi, le comité est d’avis qu’il doit s’écarter de la recommandation de la plaignante quant à l’ajout d’une amende de 4 000 $ pour chacun des chefs 1 et 3.  Aux dires du procureur de la plaignante, cet ajout permettrait de répondre davantage à l’objectif de dissuasion.  Le comité estime que cette demande revêtirait plutôt un caractère punitif dans les circonstances de la présente affaire.  Comme rapporté dans l’affaire Poulin, CD00-0600 :

[225] La fonction dissuasive d’une sanction disciplinaire a été examinée par le Tribunal des professions dans Ouellet c. Médecins, 2006 QCTP 74 :

 

Il est exact que la finalité du droit disciplinaire québécois n'est pas de punir le professionnel visé mais plutôt d'assurer la protection du public lorsque celle-ci peut être menacée, et cette finalité doit comporter un volet dissuasif auprès de l'ensemble des membres d'une profession[18].

 

[226] Le Tribunal cite ensuite la décision de la Cour suprême dans Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672 qui énonce l’effet des sanctions dissuasives :

 

Les peines dissuasives fonctionnent à deux niveaux. Elles peuvent cibler la société en général, y compris les contrevenants potentiels, dans le but d'illustrer les conséquences négatives d'un comportement fautif. Elles peuvent aussi cibler le contrevenant particulier afin de démontrer que la récidive ne profite pas. Il s'agit, dans le premier cas, de dissuasion générale et, dans le second, de dissuasion spécifique ou individuelle : voir C.C. Ruby, Sentencing (5e éd. 1999). Dans les deux cas, la dissuasion est prospective et vise à prévenir des comportements futurs.

 

[25]     Le comité est convaincu que le risque de récidive de la part de l’intimé est faible voire même inexistant surtout en fonction de sa décision de quitter l’industrie.  Il apparaît peu probable, avec cette expérience et la publicité l’entourant, qu’il puisse retrouver un emploi dans le milieu bancaire ou chez quelque autre firme de courtage.

[26]              Toutefois, eu égard à la gravité objective de l’infraction et pour atteindre l’objectif de dissuasion de l’ensemble des membres, l’ajout d’amendes pourrait être justifié dans une autre affaire où le comité de discipline de la CSF serait appelé à se prononcer. 

[27]              L’intimé avait fait investir certains de ses clients dans les fonds Évolution gérés par Norbourg avant de se joindre au cabinet de Norbourg.  Il a lui-même investi dans les produits Norbourg.  Il est permis de croire qu’il avait confiance dans les investissements qu’il a proposés.  L’intimé a fait preuve d’un manque de jugement face aux propositions de M. Vincent Lacroix.  La forte impression de ce dernier sur l’intimé était encore palpable lors de son témoignage au cours de l’audition sur culpabilité.

[28]     La malhonnêteté ne caractérise pas le comportement de M. Duchesneau mais il s’est placé dans une situation où les intérêts en présence permettaient de questionner sa loyauté ou son jugement.  Le comité doit en tenir compte comme d’ailleurs du fait que ses clients-victimes ont pu être indemnisés par le Fonds d’indemnisation des services financiers.

[29]     Aussi, le comité ne partage pas l’avis du procureur de la plaignante qui conclut à l’absence de repentir de l’intimé. Même si l’intimé n’a pas utilisé le vocabulaire habituel pour exprimer son repentir, il n’en a pas moins exprimé des regrets notamment quand il dit que « s’il pouvait retourner en arrière, il le ferait » et quand il écrit à ses clients, le 2 novembre 2005, qu’il est «sincèrement désolé d’être le représentant qui vous a vendu ces fonds et de vous faire vivre une épreuve aussi difficile»[19]

[30]     Il ne fait aucun doute dans l’esprit du comité que la réputation de l’intimé, dont le nom est associé à l’affaire Norbourg, hautement médiatisée, est gravement atteinte.  Cette affaire le suit depuis 2005 et le suivra encore.  D’ailleurs, pour ces mêmes raisons, il fut obligé de quitter, à l’automne 2008, le cabinet Promutuel auquel il était rattaché.  En outre, l’intimé ayant à faire face aux deux poursuites précédemment mentionnées, aux déboursés du présent litige et ayant à réorienter sa carrière, voit sa situation financière lourdement hypothéquée.

[31]     Ces faits constituent des conséquences particulières subies par l’intimé qui doivent être considérés pour déterminer la sanction. 

[32]     C’est pourquoi, le comité est d’avis qu’une radiation temporaire de trois mois pour les chefs 1 et 3 et une amende de 2 500 $ sur le chef 2 sont, dans les circonstances, une sanction juste et appropriée.

[33]   Le comité accordera à l’intimé un délai de douze mois pour le paiement de l’amende seulement.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière pour une durée de trois (3) mois à l’égard de chacun des chefs 1 et 3 de la plainte portée contre lui, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE que dans l’éventualité où le certificat de l’intimé ne serait pas en vigueur à l’expiration des délais d’appel, l’exécution de la radiation temporaire soit suspendue jusqu’à la date de la demande de remise en vigueur du certificat présentée par celui-ci;

ORDONNE le paiement d’une amende de 2 500 $ à l’égard du chef 2;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze mois pour le paiement de ladite amende;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la décision rendue, dans un journal circulant dans le lieu où l'intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

(s) Janine Kean

ME JANINE KEAN

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Albert Audet

M. ALBERT AUDET

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Shirtaz Dhanji

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

LAROCHE ROULEAU ET ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

7 janvier 2009

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Scaff et autre c. Comité de discipline de l’ordre des optométristes du Québec et autres, (1985) C.A. 615.

[2] Me Guy Bertrand c. Comité de discipline du Barreau du Québec, rendue le 21 mai 1993, 200-05-003760-928 Cour Supérieure.

[3] Cité note 2, pages 61 et 62.

[4] Belleau c. Bernard 1998, QCTP, page 1717.

[5] Barreau du Québec c. Me André J. Bélanger, AZ-01041047, page 5 alinéas 6, 8 et le dernier alinéa.

[6] Cité note 4.

[7] [2004] R.J.Q. 2825, paragraphes 70-72 et 2006 QCCA 711.

[8]«La preuve et tous ses secrets : soyez réellement maître de votre preuve», Cours d’automne 2007 par Me Monique Dupuis, Formation permanente du Barreau du Québec, p. 124.

[9]Cartier Parking Inc. c. Entreprises Petro-Canada Inc. (C.A., 1990-08-22), J.E. 90-1292.

[10] Thibault c. 110496 Canada Inc. (CQ 1994-08-23) REJB 1994-28641.

[11]Rapportés aux paragraphes 13 et 14 de la présente décision.

[12]Cité note 2.

[13] Cité note 7.

[14] 2004 CanLII 20616 (QC.C.Q.).

[15] Cité note 7.

[16] Cité note 14.

[17] Pigeon c. Daigneault, 500-09-012513-024, Cour d’appel, 15 avril 2003.

[18] 2006 QCTP 74, par. 61.

[19] D-8 Lettre du 2 novembre p. 2 4e paragraphe.

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