Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0663

 

DATE :

24 mai 2008

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jacques Denis, A.V.A.

Membre

M. Gilles C. Gagné, A.V.C.

Membre

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Me MICHELINE RIOUX, ès qualités de syndic

Partie plaignante

c.

M. RICHARD SIROIS

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 4 décembre 2007, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux de la Cour fédérale du Canada, au palais de justice de Québec, 300, boul. Jean-Lesage, 5e étage, Québec, et a procédé à l’audition d'une plainte portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE GEORGES-HENRI DIONNE ET RITA LÉVESQUE DIONNE

1.          À l’Isle Verte, le ou vers le 27 janvier 2006, l’intimé, RICHARD SIROIS, après avoir reçu un chèque de 2 208 $ fait à son nom de ses clients Georges-Henri Dionne et Rita Lévesque-Dionne pour fins de paiement de la prime de renouvellement des polices Manuvie portant les numéros #138274 et #138272, a fait défaut de ce faire et s’est plutôt approprié ladite somme pour ses fins personnelles et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, de même qu’aux articles 11, 17, 18, 33 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

À L’ÉGARD D’ANTOINE BEAULIEU

2.          À Trois-Pistoles, le ou vers le 20 octobre 2004, l’intimé, RICHARD SIROIS, après avoir reçu de son client, Antoine Beaulieu, par virement inter-caisse dans son compte personnel portant le numéro 414007, la somme de 3 000$ pour fins de placement, a fait défaut de ce faire et, en refusant ou négligeant de lui rembourser cette somme, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté et intégrité, s’est placé dans une situation de conflit d’intérêt et s’est approprié ladite somme à des fins personnelles, et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers de même qu’aux articles 11, 17, 18 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

À L’ÉGARD DE LAURÉAT NADEAU

3.          À Rivière-du-Loup, en avril 2004, l’intimé, RICHARD SIROIS, après avoir reçu 5 000 $ en argent de son client Lauréat Nadeau pour fins de placement, a fait défaut de ce faire et, en refusant ou négligeant de lui rembourser cette somme, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté et intégrité, s’est placé dans une situation de conflit d’intérêt et s’est approprié ladite somme à des fins personnelles et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers de même qu’aux articles 11, 17, 18 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

4.          À Rivière-du-Loup, en avril 2005, l’intimé, RICHARD SIROIS, après avoir reçu 5 000 $ en argent de son client Lauréat Nadeau pour fins de placement, a fait défaut de ce faire et, en refusant ou négligeant de lui rembourser cette somme, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté et intégrité, s’est placé dans une situation de conflit d’intérêt et s’est approprié ladite somme à des fins personnelles et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers de même qu’aux articles 11, 17, 18 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

À L’ÉGARD DE BENOÎT BÉLANGER

5.          À Trois-Pistoles, le ou vers le 23 septembre 2005, l’intimé, RICHARD SIROIS, après avoir reçu de son client, Benoît Bélanger, par virement inter-caisse dans son compte personnel la somme de 10 000$ pour fins de placement, a fait défaut de ce faire et, en refusant ou négligeant de lui rembourser cette somme, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté et intégrité, s’est placé dans une situation de conflit d’intérêt et s’est approprié ladite somme à des fins personnelles et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers de même qu’aux articles 11, 17, 18 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; »

[2]           D'entrée de jeu, la plaignante fut autorisée à amender tous et chacun des chefs d'accusation de façon à y retirer la référence à l'article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[3]           Le procureur de l'intimé affirma ensuite la volonté de son client d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l'égard de chacun desdits chefs amendés. Il déposa au dossier un plaidoyer de culpabilité écrit signé par ce dernier. Il assura alors le comité que son client comprenait bien qu'en plaidant coupable à chacun des chefs d'accusation il admettait les éléments essentiels des infractions qui lui étaient reprochées.

[4]           Il mentionna enfin que ce dernier, bien qu'absent parce que détenu à la prison commune, comprenait les conséquences de son plaidoyer, qu'il avait été avisé des « suggestions communes » qu'entendaient présenter les parties relativement aux sanctions qui allaient forcément devoir lui être imposées et qu'il avait clairement été averti que le comité n'était pas tenu de suivre celles-ci.

[5]           Dans ces circonstances, le comité accepta le plaidoyer de culpabilité de l'intimé et les parties procédèrent à soumettre leurs représentations « conjointes » sur sanction.

PREUVE ET REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[6]           Alors que la plaignante, par l'entremise de son procureur, déposa en preuve un cahier de pièces (contenant quatorze (14) documents), l'intimé choisit de ne présenter aucune preuve.

[7]           La plaignante entreprit ensuite ses représentations en produisant au dossier, avec le consentement du procureur de l'intimé, un résumé des événements entourant la commission des infractions.

[8]           Puis, en regard des sanctions, après avoir souligné la gravité objective des fautes commises par l'intimé, elle présenta au comité ce qu’elle qualifia de « recommandations communes » des parties.

[9]           Sur le premier chef d'accusation, elle recommanda la radiation permanente de l'intimé ainsi que l'imposition d'une amende de 2 000 $.

[10]        Sur chacun des chefs d'accusation 2 à 5 inclusivement, elle recommanda la radiation permanente de l'intimé ainsi que l'imposition d'une amende de 600 $.

[11]        Elle suggéra enfin la condamnation de l'intimé au paiement des déboursés et mentionna son accord avec une possible recommandation de la part du comité au Fonds d'indemnisation des services financiers.

[12]        Le procureur de l'intimé entreprit ensuite ses représentations en confirmant son accord et celui de son client aux « recommandations communes » exposées par le procureur de la plaignante.

[13]        Il affirma que les difficultés vécues par ce dernier étaient essentiellement liées à une consommation excessive de boissons alcooliques, à l'usage de stupéfiants et au jeu compulsif. Ces travers l'auraient conduit à un « déficit budgétaire financier » qui l'aurait incité à commettre les infractions pour lesquelles il a plaidé coupable.

[14]        Il mentionna enfin l'absence d'antécédents disciplinaires de son client qui aurait débuté dans la carrière en 1978 puis souligna le défaut de ce dernier de renouveler ses permis ou certificats en novembre 2005.

[15]        En terminant, il indiqua que ce dernier était au courant de ce qui l'attendait à la suite du dépôt de son plaidoyer de culpabilité et réitéra son accord aux « recommandations communes » des parties.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[16]        Les cinq (5) chefs d'accusation mentionnés à la plainte portés contre l'intimé font état d'infractions dont la gravité objective ne fait aucun doute.

[17]        L'intimé a commis une série de détournements à l'endroit de différents clients, et ce, sur une période de quelques années.

[18]        Les fautes commises attentent à la profession du conseiller en sécurité financière. Elles démontrent chez l'intimé un réel mépris pour les règles de la probité.

[19]        Si l'on exclut l'absence d'antécédents disciplinaires, l'enregistrement d'un plaidoyer de culpabilité et l'abandon de ses certificats, aucun véritable élément atténuant n'a été invoqué en faveur de l'intimé. Par ailleurs, celui-ci n'aurait remboursé aucune de ses « victimes ».

[20]        Dans de telles circonstances, les parties ont « conjointement » suggéré au comité d'imposer à l'intimé, en plus des sanctions de radiation permanente, le paiement d'amendes sur chacun des chefs.

[21]        Tel que le comité le mentionnait dans l'affaire de Mme Léna Thibault c. Denis Dionne (dossier CD00-0603, décision du 29 septembre 2006), le cadre législatif applicable ne s'oppose pas au cumul de sanctions de radiation et d'amendes. L'article 156 du Code des professions ne comporte en effet aucune restriction relativement à la juxtaposition de différentes sanctions.

[22]        Dans l'affaire de Jean Rousseau c. Jean-Pierre Raymond rendue le 10 juin 2005 (T.P. district de Bedford numéro 455-07-000011-040), le tribunal des professions exprimait l'opinion suivante : « Il peut exister des situations où le fait d'ajouter une amende à une radiation temporaire serait approprié à la lumière des circonstances de l'espèce. » Il ajoutait ensuite en reprenant les propos qu'il avait tenus antérieurement dans l'affaire de Simonne Mars c. Carole Aubry rendue le 11 mars 1998 (T.P. district de Montréal numéro 500-07-000141-972) : « On pourrait plus facilement justifier une sanction pécuniaire lorsque l'infraction comporte une connotation économique. On peut songer au vol ou au détournement de fonds effectué par un professionnel dans le cadre de ses fonctions. »

[23]        Le comité est confronté à une telle situation. L'intimé s'est en effet approprié à plus d'une reprise les fonds de ses clients.

[24]        Dans de telles circonstances, le comité est d’avis qu’il ne devrait pas pouvoir compter, maintenant que sa conduite fautive a été démasquée, qu'il sera simplement radié de sa profession sans autres conséquences financières. Ainsi il y a lieu de juxtaposer aux sanctions de radiation l’imposition d’amendes.

[25]        Par ailleurs, la Cour d'appel du Québec dans l'affaire R. c. Douglas (2002, 1962 C.C.C. 3e 3d, p. 37) a statué que, lorsque les parties sont représentées par procureurs et que ces dernier, après de sérieuses négociations, en sont arrivés à s'entendre pour présenter de façon conjointe des recommandations sur sentence, les tribunaux de première instance devraient généralement s'en tenir à celles-ci.

[26]        Compte tenu de ces principes, prenant en considération l'ensemble de la conduite de l'intimé, la gravité, la multiplicité et la répétition des infractions qu'il a commises, le comité est d'avis de donner suite aux « recommandations conjointes » des parties. Les sanctions suggérées lui apparaissent tant au cas par cas que dans leur globalité, justes, raisonnables et appropriées.

[27]        Considérant par ailleurs que l'intimé a fait défaut de rembourser les victimes de ses détournements, le comité recommandera que le Fonds d'indemnisation des services financiers analyse le dossier des clients dans le but de les indemniser, le cas échéant, conformément à la législation applicable.

[28]        Enfin, conformément à la règle habituelle, le comité rendra une ordonnance de publication de la décision et condamnera l'intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sur chacun des cinq (5) chefs d'accusation contenus à la plainte amendée;

DÉCLARE l'intimé coupable de chacun des cinq (5) chefs d'accusation contenus à la plainte amendée;

ET, STATUANT SUR LA SANCTION :

Sur le chef d'accusation numéro 1 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimé,

Et

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 2 000 $;

Sur le chef d'accusation numéro 2 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimé,

Et

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 600 $;

Sur le chef d'accusation numéro 3 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimé,

Et

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 600 $;

Sur le chef d'accusation numéro 4 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimé,

Et

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 600 $;

Sur le chef d'accusation numéro 5 :

ORDONNE la radiation permanente de l'intimé,

Et

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 600 $;

RECOMMANDE au Fonds d'indemnisation des services financiers d'analyser les dossiers des clients en cause et de les rembourser, le cas échéant, conformément à la législation applicable des sommes dont ils ont été dépossédés par l'intimé.

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l'intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l'intimé a ou avait son domicile professionnel;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions, (L.R.Q. c. C-26);

 

 

(s) François Folot_______________________ _

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

 

(s) Jacques Denis________________________

M. JACQUES DENIS, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Gilles C. Gagné_______________________

M. GILLES C. GAGNÉ, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Suzy Cloutier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Daniel LeBlond

GIROUX, LEBLOND, GAUDETTE

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

4 décembre 2007

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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