Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0863

 

DATE :

16 décembre 2011

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Louis-Georges Boily, Pl. Fin.

Membre

M. Roger Dionne, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

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Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. SAMIR GOURA, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 155 094)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 13 octobre 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Saint-Eustache, le ou vers le 13 avril 2010, l’intimé ne s’est pas acquitté avec diligence du mandat confié par sa cliente C.L. en n’effectuant pas dans son compte REEE no 0881376946 le transfert des fonds demandé dans des placements moins risqués, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01.);

2.          À Saint-Eustache, le ou vers le 21 avril 2010, l’intimé a faussement indiqué à M.G. que le transfert de fonds demandé pour le contrat REEE no 0881376946 avait été effectué, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 12 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01.). »

[2]           D’entrée de jeu, la plaignante, représentée par sa procureure, demanda au comité l’autorisation de retirer le chef d’accusation numéro 2. Elle invoqua notamment, qu’à son avis, elle ne serait pas en mesure de rencontrer son fardeau de preuve sur ce chef.

[3]           Puis, après que le comité eut autorisé le retrait dudit chef, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité sous le chef d’accusation numéro 1.

[4]           Les parties présentèrent ensuite au comité leurs preuve et recommandations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[5]            Alors que la plaignante versa au dossier sous les cotes P-1 à P-7 une preuve documentaire composée essentiellement d’éléments recueillis lors de son enquête, elle ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Quant à l’intimé, il déposa une preuve documentaire cotée D‑1 à D-3 et ne fit entendre lui non plus aucun témoin.

[7]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           La plaignante, après avoir exposé, à l’aide de la preuve documentaire qu’elle venait de produire, les circonstances rattachées à l’infraction reprochée à l’intimé, avisa le comité que les parties s’étaient entendues pour présenter au comité des « recommandations communes » sur sanction.

[9]           Elle déclara alors que les parties avaient convenu de recommander au comité de condamner l’intimé sur le chef numéro 1 au paiement d’une amende de 4 000 $.

[10]        Quant à la décision relative au paiement des déboursés, elle indiqua qu’elle « laissait celle-ci à l’entière discrétion du comité » soulignant que sur cette question « elle n’avait pas de suggestions communes » à soumettre.

[11]        Invoquant ensuite les « éléments aggravants », elle souligna la gravité objective de la faute commise par l’intimé indiquant que celui-ci avait fait défaut de convenablement respecter les instructions « spécifiques » de sa cliente. Elle précisa que l’intimé avait manqué de diligence dans la transmission à l’assureur des documents nécessaires pour que soit donné suite à la volonté de cette dernière.

[12]        Elle indiqua qu’au moment de l’événement reproché l’intimé possédait sept (7) ans d’expérience en tant que représentant et que le comité n’était donc pas en présence d’une « erreur de jeunesse ». Elle invoqua que la faute commise par l’intimé était d’autant plus sérieuse que celui-ci occupait un poste de directeur des ventes depuis le 2 juin 2006.

[13]        Par ailleurs, au plan des éléments atténuants, elle mentionna l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé, l’absence de preuve d’une intention malicieuse, de mauvaise foi ou de malhonnêteté de sa part, l’absence de préjudice subi par le consommateur (l’assureur ayant convenu d’exécuter la transaction de façon rétroactive) et enfin l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité ainsi que la reconnaissance par ce dernier de sa faute.

[14]        À l’appui de la « suggestion commune » des parties, elle déposa un cahier d’autorités comprenant quatre (4) décisions antérieures du comité. Après avoir commenté chacune desdites décisions, elle résuma la situation en indiquant qu’elles démontraient que le comité avait, pour des infractions de même nature, généralement condamné les représentants fautifs au paiement d’amendes de l’ordre de 2 000 $ à 3 000 $. Elle souligna que puisqu’il s’agissait de décisions rendues avant les modifications apportées par le législateur aux fins de hausser les amendes minimales et maximales imposables, la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ lui apparaissait dans les circonstances raisonnable, juste et appropriée.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[15]        La procureure de l’intimé confirma d’abord que les parties s’étaient entendues pour recommander au comité d’imposer à l’intimé, à titre de sanction, le paiement d’une amende de 4 000 $. Elle indiqua que ce dernier reconnaissait avoir commis une faute et la regrettait sincèrement. Elle ajouta qu’il avait maintenant pris bonne note de s’assurer à l’avenir de suivre attentivement ses dossiers.

[16]        Elle rappela ensuite que l’intimé avait convenu de plaider coupable au chef d’accusation subsistant, qu’il avait accepté une « recommandation commune » qui était plus que l’amende minimale imposable et qu’il n’avait aucun antécédent disciplinaire.

[17]        Elle ajouta que puisqu’il avait compensé l’assureur, en bout de compte c’était son client qui avait absorbé la perte au montant de 456 $ subie à l’origine par les clients.

[18]        Elle résuma le comportement de ce dernier en indiquant qu’il s’était excusé de sa faute, qu’il s’était amendé très rapidement et qu’il avait remédié à celle-ci.

[19]        Elle termina en soulignant que dans chacune des décisions citées par la plaignante l’on retrouvait certains éléments aggravants absents dans le cas de son client.

[20]        Enfin, relativement au paiement des déboursés, elle suggéra au comité de s’abstenir de condamner l’intimé au paiement de ceux-ci ou à tout le moins de le condamner au paiement de seulement 50 % de ceux-ci compte tenu que la plaignante avait retiré un des deux (2) chefs d’accusation portés contre lui.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[21]        Le contexte factuel lié à l’infraction commise par l’intimé est le suivant.

[22]        En 2001, Mme C.L. souscrit à un régime d’épargne études pour sa fille (par l’entremise d’un représentant autre que l’intimé). Les sommes versées sont alors investies dans un fonds INA 711 Dividendes.

[23]        En 2010, alors qu’il ne reste plus que deux (2) années d’études universitaires à sa fille, C.L., constatant que le fonds en question perd de la valeur, désire transférer ses actifs dans un fonds où « le capital serait garanti ».

[24]        Elle contacte alors l’intimé agissant en remplacement de son représentant antérieur et le rencontre le 13 avril 2010.

[25]        Ce dernier refait le profil d’investisseur de C.L. et, comme cette dernière recherche « quelque chose de garanti » et qu’il ne lui est pas possible de lui offrir un tel placement, il lui suggère de placer ses avoirs dans le fonds « Focus Prudent » à risques minimes.

[26]        C.L. y consent et mentionnant à ce dernier qu’elle a constaté que depuis un certain temps le fonds dans lequel ses actifs sont investis diminue de valeur, elle demande alors à l’intimé de procéder aussi rapidement que possible.

[27]        Le lendemain de la rencontre, l’intimé transmet à l’assureur le formulaire de profil d’investisseur « Ecoflextra » dûment complété avec instructions de modifier la composition du fonds à compter du 14 avril 2010. Le 16 avril 2010, le document est reçu par le département concerné au siège social de l’assureur.

[28]        L’intimé croit alors que l’acheminement de ce seul document à l’assureur est suffisant pour permettre à ce dernier de procéder aux modifications requises au compte de sa cliente.

[29]        Toutefois, le 21 avril, n’ayant pas reçu confirmation de la transaction par l’assureur, le mari de C.L. contacte l’intimé.

[30]        Ce dernier fait faire les vérifications nécessaires auprès de l’assureur et est alors informé qu’ayant fait défaut de transmettre à celui-ci un formulaire de « Demande de rachat, transferts inter-fonds et versements périodiques », le transfert de fonds n’a pu être effectué.

[31]        Afin de donner suite aux instructions de l’assureur, le 27 avril 2010 ou le lendemain, l’intimé communique avec sa cliente pour lui indiquer qu’il doit lui transmettre par télécopieur un formulaire pour signature et la prie de lui faire connaître son numéro de télécopieur. Comme C.L. est alors absente, il lui laisse un message sur sa boîte vocale.

[32]        Deux jours plus tard, le 29 avril, C.L. communique avec l’intimé et l’informe qu’elle n’a pas de télécopieur et lui demande alors de lui transmettre le document par courrier.

[33]        L’intimé s’empresse de préparer l’envoi afin que sa cliente le reçoive le plus tôt possible.

[34]        Cette dernière reçoit le formulaire en question le 3 mai 2010, le signe et le retourne le même jour ou le lendemain. L’intimé reçoit le document dûment signé le 7 mai et le transmet immédiatement au département concerné au siège social de l’assureur en cause. Un transfert de fonds est effectué à cette date.

[35]        Le ou vers le 17 mai, l’intimé est convoqué au bureau de son directeur auprès de qui C.L. s’est plainte des délais à effectuer la transaction. Le lendemain, ce dernier demande au département concerné de l’assureur en cause d’effectuer la transaction rétroactivement au 14 avril 2010 afin de donner satisfaction à la cliente.

[36]        Le transfert de fonds d’abord effectué le 7 mai 2010 est alors modifié de façon rétroactive en date du 14 avril 2010 par l’assureur. Comme entre-temps le fonds de C.L. a subi une perte de 456 $, l’assureur est remboursé par l’intimé.

[37]        La conclusion qui s’impose de ce qui précède est que l’intimé a commis de bonne foi une erreur qu’il n’aurait pas dû commettre mais qu’il s’est empressé de rectifier une fois qu’il en a été informé et que la correction s’est faite à la satisfaction de la consommatrice.

[38]        Sa probité ou son honnêteté n’est aucunement en cause.

[39]        Au plan de la sanction qui doit lui être imposée, les parties ont présenté au comité des « suggestions communes ».

[40]        Or la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Douglas[1] a clairement indiqué la voie à suivre lorsque les parties représentées par procureurs après de sérieuses négociations en sont arrivées à s’entendre pour présenter au tribunal des recommandations conjointes.

[41]        La Cour y a déclaré que leurs suggestions ne devraient être écartées que si le tribunal les juges inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[2].

[42]        En l’espèce la sanction suggérée par les parties apparaît juste et appropriée. Le comité n’est pas en présence d’une situation qui le justifierait de s’écarter de la recommandation des parties. Le comité y donnera donc suite.

[43]        Par ailleurs, relativement au paiement des déboursés, l’intimé ayant pleinement collaboré avec les autorités et ne devant être reconnu coupable que sous l’un des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte, le comité est d’avis qu’il ne devrait être appelé à supporter que 50 % de ceux-ci et le condamnera à un tel paiement.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE de la demande de retrait par la plaignante du chef d’accusation numéro 2;

ACCORDE à la plaignante l’autorisation de procéder au retrait du chef d’accusation numéro 2;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous le chef d’accusation numéro 1;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef d’accusation numéro 1;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement de 50 % des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Louis-Geroges Boily

M. LOUIS-GEORGES BOILY, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Roger Dionne

M. ROGER DIONNE, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Julie Lebrun

CARTER GOURDEAU

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

 13 octobre 2011

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     R. c. Douglas, (2002) 162 CCC 3d 37.

[2]     Ce principe a été retenu en droit disciplinaire. Voir à cet effet Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002; Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027, Blais c. Rioux, J.E. 2004-1487 C.Q., REJB 204-6904; Charlebois c. Associations des intermédiaires, REJB 1999-16036, p. 5; Deschênes c. Optométristes, 2003 QCTP 097.

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