Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0865

 

DATE :

14 février 2012

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

M. Louis L’Espérance, A.V.C.

Membre

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Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. SÉBASTIEN TREMBLAY, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 133 156)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 24 octobre 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Dunham, le ou vers le 30 septembre 2009, l’intimé n’a pas divulgué à l’assureur qu’il avait agi comme conseiller alors qu’il faisait souscrire à ABC Québec inc. la proposition d’assurance-vie no 032823 auprès de La Capitale, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3);

2.          À Victoriaville, le ou vers le 30 septembre 2009, l’intimé a fait signer à titre de «conseiller» le représentant Yvan Ardouin la proposition d’assurance-vie no 032823 soumise à La Capitale sans que ce dernier n’ait agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé, indiquant qu’un plaidoyer de culpabilité (écrit et daté du 30 mai 2011) avait été déposé au dossier, confirma la volonté de son client d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des deux (2) chefs d’accusation portés contre lui.

[3]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une preuve documentaire cotée P-1 à P-5, composée essentiellement d’éléments recueillis lors de son enquête, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il choisit de ne déposer aucune preuve.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante, par l’entremise de sa procureure, débuta ses représentations en avisant le comité que les parties avaient convenu de lui soumettre des « recommandations communes » sur sanction.

[8]           Elle exposa ensuite le contexte factuel rattaché aux infractions en cause.

[9]           Elle déclara que le client concerné avait convenu avec l’intimé de la souscription d’une police d’assurance-vie permanente où il serait l’assuré nommé et, la compagnie qu’il détenait, le preneur désigné.

[10]        Étant toutefois sans contrat avec l’assureur convenu pour la souscription de la police, l’intimé a alors demandé à M. Yvan Ardouin (M. Ardouin), un représentant détenant un tel contrat mais qui n’avait pas rencontré le client, de signer la proposition.

[11]        La police fut par la suite émise au nom de M. Ardouin comme courtier. Ce dernier rencontra en compagnie de l’intimé le consommateur lors de la livraison de la police.

[12]        Ayant ainsi résumé les faits, elle précisa que l’intimé avait depuis obtenu le 9 mars 2010 un contrat avec l’assureur en cause l’autorisant à distribuer les produits de ce dernier.

[13]        Elle poursuivit en déclarant que les parties s’étaient entendues pour suggérer au comité de condamner l’intimé, sous le chef numéro 1, au paiement d’une amende de 3 000 $ et sous le chef numéro 2 au paiement d’une amende de 5 000 $ ainsi que de lui accorder un délai de neuf (9) mois pour le paiement des amendes à la condition que celui-ci soit effectué au moyen de versements mensuels, égaux et consécutifs, débutant le trentième jour de la décision sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir.

[14]        Elle ajouta que les parties avaient aussi convenu de recommander au comité de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[15]        Au soutien de ses suggestions, elle invoqua d’abord la gravité objective des infractions puis exposa les facteurs tant atténuants qu’aggravants au dossier mentionnant notamment que :

Facteurs aggravants

a)        la conduite reprochée à l’intimé était clairement prohibée et l’intimé le savait ou ne pouvait pas l’ignorer;

b)        l’intimé a agi de façon préméditée sachant qu’il n’était pas sous contrat avec l’assureur et qu’il ne pouvait signer la proposition d’assurance de son client;

c)        l’intimé, au moment des événements reprochés, avait plus de dix-sept (17) ans d’expérience à titre de représentant.

Facteurs atténuants

a)      même si deux (2) infractions distinctes sont reprochées à l’intimé, celles-ci ne concernent qu’un seul et même événement, une seule et même transaction et un seul et même consommateur;

b)      le consommateur en cause n’a subi aucun préjudice;

c)      l’intimé a agi sans intention frauduleuse ou malveillante;

d)      l’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire;

e)      l’intimé a dès le début de l’enquête de la plaignante avoué sa faute;

f)       l’intimé a reconnu celle-ci et a plaidé coupable à chacun des chefs d’accusation portés contre lui;

h)     l’intimé a collaboré à l’enquête de la plaignante.

[16]        Elle termina en déposant au soutien de ses suggestions copie de deux (2) décisions du comité, soit la décision rendue dans l’affaire Réal Breton[1] et celle rendue dans l’affaire Pierre Duguay[2]. Elle invoqua également la décision rendue par le comité dans le dossier Michel Côté[3].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[17]        Le procureur de l’intimé, après avoir confirmé que les parties avaient convenu de soumettre au comité des « recommandations communes », insista à son tour sur certains des facteurs atténuants que venait de mentionner la plaignante soulignant notamment l’absence de préjudice subi par le consommateur.

[18]        Il reconnut ensuite la gravité objective des infractions reprochées à son client concédant que les fautes commises auraient pu en d’autres circonstances avoir des conséquences fâcheuses tant pour le consommateur que pour l’assureur en cause.

[19]        Il invoqua enfin les principes généralement applicables en matière de sanction disciplinaire soulignant qu’à son avis les sanctions suggérées étaient justes et appropriées tout en comportant un effet dissuasif à l’égard de représentants qui pourraient être tentés d’imiter son client.

[20]        Relativement au délai de neuf (9) mois suggéré pour le paiement des amendes, il évoqua que son client avait « acheté un bureau d’assurance », qu’il était donc plutôt « serré financièrement » et que c’était-là le principal motif de la demande.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[21]        En l’espèce les parties ont conjointement suggéré au comité d’imposer à l’intimé à titre de sanction le paiement d’une amende de 3 000 $ sous le chef numéro 1 et le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef numéro 2.

[22]        Or lorsque les parties s’entendent pour présenter au comité des recommandations communes, celui-ci doit faire preuve de beaucoup de prudence avant de se dissocier de leurs suggestions.

[23]        La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Douglas[4] a en effet clairement indiqué que lorsque les parties représentées par procureurs après de sérieuses négociations en sont arrivées à s’entendre pour présenter de façon conjointe des recommandations, celles-ci ne doivent être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[5].

[24]        Aussi, après révision du dossier et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs exposés par les parties, le comité ne croit pas qu’il serait justifié de refuser de souscrire à leurs recommandations conjointes.

[25]        Se conformant donc à leurs suggestions, le comité condamnera l’intimé sous le chef numéro 1 au paiement d’une amende de 3 000 $ et sous le chef numéro 2 au paiement d’une amende de 5 000 $. De plus, le comité accordera à l’intimé un délai de neuf (9) mois pour le paiement desdites amendes, lequel devra toutefois s’effectuer au moyen de versements mensuels, égaux et consécutifs, débutant le trentième jour de la présente décision sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat (émis par l’Autorité des marchés financiers) dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir.

[26]        Enfin, se conformant à la suggestion des parties ainsi qu’à la règle voulant que le représentant déclaré coupable des chefs d’accusation portés contre lui en assume généralement le coût, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $;

Sous le chef d’accusation numéro 2 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

ACCORDE à l’intimé un délai de neuf (9) mois pour le paiement des amendes, lequel devra toutefois s’effectuer au moyen de versements mensuels, égaux et consécutifs, débutant le trentième jour de la présente décision sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat (émis par l’Autorité des marchés financiers) dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

 

(s) Ginette Racine

Mme GINETTE RACINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Louis L’Espérance

M. LOUIS L’ESPÉRANCE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Marco Morin

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

24 octobre 2011

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Caroline Champagne c. Réal Breton, CD00-0808 (le 11 juillet 2011).

[2]     Léna Thibault c. Pierre Duguay, CD00-0631 (le 27 juin 2007).

[3]     Caroline Champagne c. Michel Côté, CD00-0837 (le 5 avril 2011).

[4]     R. c. Douglas (2002), 1962 CCC. 3rd, p. 37.

[5]     Voir également les décisions du Tribunal des professions dans les affaires Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision du 7 mars 2002 et Roy c. Médecins, 1998 QCTP 1735 où a été confirmée l’applicabilité de ce principe en matière disciplinaire.

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