Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0883

 

DATE :

9 mars 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Pierre Décarie

Membre

M. Louis L’Espérance, A.V.C.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

THÉOGÈNE FRANCOEUR (certificat 180 982)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

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[1]       Le 2 décembre 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à la Commission des lésions professionnelles, sise au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, Montréal, pour procéder à l’audition de la plainte suivante portée contre l’intimé :

LA PLAINTE

1.    Sur la Rive-Sud, le ou vers le 15 juillet 2009, l’intimé a conseillé à S.J. d’investir dans le Groupe GDM, alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 2, 13 et 16  de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2).

[2]           La partie plaignante fit entendre Alexandra Tonghioiu, enquêteuse pour le bureau de la syndique et S.J., le consommateur impliqué. Elle produisit également une preuve documentaire composée des pièces P-1 à P-15.

[3]           En défense, seul l’intimé se fit entendre.

LES FAITS

[4]           L’intimé fut admis à la profession le 8 janvier 2009. Il détenait au moment des gestes reprochés, un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes (P-1).  

[5]           Au moment des événements, S.J. et l’intimé étaient compagnons de travail dans la même usine depuis au moins 12 ans[1].

[6]           À l’automne 2007, alors qu’il suivait la formation de conseiller en sécurité financière auprès d’Industrielle Alliance, il a partagé avec S.J. ce qu’il venait d’apprendre au sujet des fonds distincts qui bénéficient d’une garantie du capital investi. Selon S.J., l’intimé lui aurait parlé des investissements dans GDM mais il n’était pas intéressé à ce moment-là. 

[7]           Au début de 2009, après avoir bénéficié d’un congé pendant lequel il a terminé sa formation et complété son stage, l’intimé a repris son travail à l’usine et distribua au cours des premiers mois sa carte professionnelle jusqu’à ce que son employeur le somme de cesser cette sollicitation.

[8]           Au cours de la deuxième semaine du mois de mai 2009, l’intimé revint au travail après avoir été mis en congé de maladie pour une courte période. Il était déterminé, dit-il, à développer sa carrière de représentant et à ne reprendre ce travail que pour un court laps de temps n’ayant pas l’intention de revenir après la fermeture de l’usine pour les vacances estivales de juillet. 

[9]           C’est alors qu’il approcha S.J. sur les lieux de travail et lui fit part notamment qu’il avait réussi à « contrebalancer » ses pertes pécuniaires subies au cours de l’année précédente (« crash » ou baisse boursière de l’automne 2008) par un investissement dans des activités commerciales qui lui rapportaient 40 % annuellement.

[10]        S.J. ayant également subi des pertes pécuniaires lors du « crash boursier », l’intimé lui aurait dit qu’il pourrait l’aider à « se refaire » et demanda qu’il lui confie ses affaires financières. Peu de temps après, S.J. lui demanda de lui fournir plus amples informations sur l’investissement mentionné. Ni le nom du Groupe GDM (GDM) ni celui du président n’auraient été dévoilés à ce moment-là. Ces échanges auraient duré environ une heure.

[11]        Deux semaines plus tard (fin mai ou début juin), l’intimé se rendait au domicile de S.J. pour prendre connaissance de ses polices d’assurance et autres documents pertinents ayant servi à l’analyse de sa situation financière datée du 15 juillet 2009 (P-10). Par la suite, il lui a présenté des soumissions de polices d’assurance datées du 6 juin 2009 (P-8 et P-9).

[12]        Lors d’une deuxième rencontre, l’intimé a indiqué que son profil d’investisseur était modéré et que les certificats de placement garanti (CPG) de la Capitale permettaient de choisir des fonds d’action qui répondaient à ce profil puisque le capital investi était garanti.

[13]        À cette même rencontre et à la demande de S.J., l’intimé avait apporté ses propres contrats avec le Groupe GDM qui démontraient les rendements obtenus.

[14]        L’intimé a continué de lui parler de GDM au travail et finalement S.J. lui a annoncé qu’il voulait investir et désirait une rencontre avec GDM. L’intimé donna au président, Pierre Veillet, les coordonnées de S.J. et organisa une rencontre en juillet 2009.

[15]        Alors que S.J. déclare que l’intimé et lui se sont rendus ensemble à cette rencontre où Pierre Veillet lui a présenté la structure de la compagnie, l’intimé affirme qu’il ne faisait que l’accompagner, car il avait lui-même affaire à M. Veillet. Par ailleurs, une fois sur place, seul Steve Goyette était présent et aurait fait une présentation à S.J.

[16]        Selon S.J., les ententes avec GDM qui prenaient effet le 15 juillet 2009 auraient été signées le 8 ou le 13 juillet (P-3 et P-4). Le 14 juillet 2009, il effectua en exécution du contrat d’association commerciale (P-3) un virement de 10 000 $ au numéro de folio bancaire que M. Veillet lui avait indiqué (P-5) et ce, même si l’intimé lui avait conseillé de ne pas investir plus de 5 000 $.

[17]        S.J. n’a jamais reçu les versements de 4 000 $ prévus au contrat de commission (P-4) et le capital investi ne lui a jamais été remboursé.

ANALYSE ET MOTIFS

[18]        Les faits mis en preuve démontrent qu’au moment des événements, l’intimé exerçait comme conseiller en sécurité financière depuis quelques mois bien qu’il occupait toujours son emploi de mécanicien dans la même usine que le consommateur S.J.

[19]        Il a d’ailleurs témoigné avoir sollicité ses collègues de travail pour les produits offerts par La Capitale. Il a également admis avoir parlé de GDM à S.J. et du rendement de 40 % obtenu.

[20]        Il avait su que S.J. avait hérité, ce qui faisait de lui le genre de client qu’il désirait pour « lancer sa carrière ». Il a obtenu de ce dernier qu’il lui confie son portefeuille (REER).

[21]        Le moment exact du début de la relation d’affaire avec S.J. est imprécis mais se situe entre la fin mai et le début juin 2009.

[22]        Bien que les versions diffèrent quant à savoir si l’intimé était présent ou non lors du prêt de 10 000 $ par S.J. à GDM, la preuve non contestée révèle que c’est l’intimé qui a parlé à S.J. de ce produit, qui lui a dit y avoir lui-même investi et tiré des rendements de 40 % annuellement. C’est également lui qui a organisé à la demande de S.J. la rencontre avec Pierre Veillet.

[23]        L’intimé argumente que ces échanges à propos de GDM étaient faits à titre d’ami ajoutant même que lorsqu’il en a parlé au cours de la deuxième rencontre ce n’est qu’après avoir précisé qu’il enlevait « son manteau » de représentant ou de conseiller.

[24]        Or, il ne suffit pas pour le représentant de dire qu’il n’agit pas à ce titre pour se disculper de contrevenir à ses obligations déontologiques. Le représentant ne peut choisir le « chapeau » qui lui convient de porter en fonction des actes posés. Le fait de détenir un certificat et de pratiquer dans ce domaine sécurise et met en confiance les clients.

[25]        Le représentant doit agir en toutes circonstances à l’égard de son client ou client éventuel avec compétence et suivant sa certification.

[26]        L’intimé savait pertinemment qu’il n’avait pas le droit de conseiller ce produit non couvert par sa certification.  GDM lui a servi d’appât pour obtenir la clientèle de S.J., faisant ainsi miroiter les rendements que lui-même retirait de ces investissements. Il l’avait même avisé de n’en parler à personne, car cela pourrait lui causer des ennuis avec l’Autorité des marchés financiers (AMF).

[27]        L’intimé plaide qu’il n’a pas conseillé ce placement. Le comité ne peut souscrire à ce point de vue. L’intimé est le seul qui ait parlé de GDM à S.J. Il lui a même fourni plus amples informations lui exhibant ses propres ententes avec GDM et les rendements obtenus. Après avoir suscité ainsi l’intérêt de S.J, il a organisé la rencontre avec le président de GDM. 

[28]        L’absence de rémunération ne constitue pas un facteur déterminant, l’intimé n’avait pas le droit de conseiller ce produit avec ou sans rémunération.

[29]        Le comité considère que l’intimé y a joué un rôle actif et que c’est sur la base de sa recommandation que S.J. a investi 10 000 $ dans GDM bien que l’intimé lui avait conseillé de ne pas investir plus de 5 000 $.

[30]        Le comité estime que la preuve a démontré de façon non équivoque que l’intimé a manqué à ses devoirs et obligations envers son client, n’a pas agi de façon professionnelle et compétente sachant d’autant plus que le produit n’était pas couvert par son certificat. Il a ainsi contrevenu aux articles 2, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable du chef 1 porté contre lui;

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Décarie

M. Pierre Décarie

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Louis L’Espérance

M. Louis L’Espérance, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

Me Marc-André Côté

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Alexandre Morin

ALEXANDRE MORIN, AVOCAT

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

2 décembre 2011

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0883

 

DATE :

15 juin 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Pierre Décarie

Membre

M. Louis L’Espérance, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

THÉOGÈNE FRANCOEUR (certificat 180 982)

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 7 juin 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, pour procéder à l’audition de la preuve et représentation sur sanction à la suite de sa décision sur culpabilité.

[2]           D’entrée de jeu, les procureurs informèrent le comité qu’ils n’avaient pas de preuve supplémentaire à offrir sauf une attestation de pratique à jour, en date du 8 mai 2012 (SP-1) laquelle confirme que l’intimé n’avait pas renouvelé son certificat depuis le 9 mars 2011.

[3]           Les procureurs ont indiqué s’être entendus sur les recommandations communes suivantes : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, la publication de la décision sur sanction et la condamnation de l’intimé aux déboursés.

[4]           L’intimé fut admis à la profession le 8 janvier 2009. Il détenait au moment des gestes reprochés, un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes (P-1).

[5]           Les procureurs ont rappelé que l’intimé avait collaboré à l’enquête, qu’il s’agissait d’un événement isolé impliquant un seul consommateur et que l’intimé, bien sûr, n’avait pas d’antécédent disciplinaire.

[6]           Toutefois, la gravité objective de l’infraction ne fait aucun doute. Même si l’intimé ne détenait que quelques mois d’expérience, il savait qu’il conseillait un produit non couvert par sa certification. Il a de plus profité de son emploi comme mécanicien pour solliciter ses compagnons de travail dont faisait partie le consommateur visé par la plainte. L’intimé savait que ce dernier avait reçu un héritage et il lui a notamment vendu un produit d’assurance.

[7]           La sanction proposée respecte les principes de détermination de la sanction disciplinaire et devrait assurer adéquatement la protection du public. La jurisprudence en semblable matière soumise par les parties[2] confirme que cette suggestion commune des parties est raisonnable, adéquate, non contraire à l’intérêt public et ne déconsidère pas le système de justice.

[8]           Le comité retiendra en conséquence les recommandations des parties.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE, la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière et ce, pour une période de six mois à l’égard du seul chef de la plainte portée contre lui;

ORDONNE que dans l’éventualité où le certificat de l’intimé ne serait pas en vigueur à l’expiration des délais d’appel, l’exécution de la radiation temporaire soit suspendue jusqu’à la date de la demande de remise en vigueur du certificat présentée par celui-ci;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. c. C-26);

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Décarie

M. Pierre Décarie

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Louis L’Espérance

M. Louis L’Espérance, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

Me Marc-André Côté

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Alexandre Morin

ALEXANDRE MORIN, AVOCAT

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

7 juin 2012

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Selon S.J., ils se connaissent depuis plus de 20 ans alors que l’intimé indique plutôt 12 ou 15 ans.

[2]     Champagne c. Ledoux, 2012 QCCA 325, jugement de la Cour d’appel du 16 février 2012 ; Ledoux c. Chambre de la sécurité financière, 2011 QCCQ 15733, jugement de la Cour du Québec du 1er décembre 2011 ; Champagne c. Ledoux, CD00-0779, décision sur culpabilité et sanction du 1er octobre 2010 ; Thibault c. Tardif, CD00-0734, décision sur culpabilité et sanction du 8 mars 2010 ; Thibault c. Kalipolidis, CD00-0708, décision sur culpabilité du 5 janvier 2009 ; Thibault c. Côté, CD00-0703, décision sur culpabilité du 25 novembre 2008.

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