Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0701

 

DATE :

23 octobre 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Michèle Barbier, A.V.A.

Membre

M. Michel Cotroni, A.V.A.

Membre

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Me VENISE LÉVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. TSHIBIDI LEMBE, représentant en plans de bourses d'études

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 26 août 2008, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      « À Montréal, entre le ou vers le 25 mai 2004 et le ou vers le 9 juin 2005, se servant de pages de signature du formulaire «Propositions électroniques d’assurance – Déclaration et autorisation» signées par ses clients au soutien de propositions d’assurance antérieures, l’intimé, TSHIBIDI LEMBE, n’a pas exercé ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en modifiant ou induisant une tierce personne à modifier les dates et le numéro apparaissant à la section «Contrat ou proposition no » puis en transmettant par télécopieur ces pages de signatures ainsi modifiées au soutien de nouvelles propositions d’assurance transmises électroniquement à la compagnie d’assurance Clarica, notamment :

 

a)    le ou vers le 25 mai 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C499,059-2 au nom de Albert Lofema Dumbu ;

 

b)    le ou vers le 31 janvier 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C698,830-5 au nom de Albert Lofema Dumbu  et Kadisha Rebecca Mushiya ;

 

c)    le ou vers le 25 mai 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C753,452-9 au nom de Yves Daga ;

 

d)    le ou vers le 24 mai 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C753,451-1 au nom de Mulumba Odon Tchiteya ;

 

e)    le ou vers le 18 juin 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C524,325-5 au nom de Cindy Gauthier-Levesque ;

 

f)     le ou vers le 27 septembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C584,885-7 au nom de Josephine Tshiela ;

 

g)    le ou vers le 28 juin 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C524,326-3 au nom de Gode Kabeya ;

 

h)    le ou vers le 24 mai 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C753,450-3 au nom de Kanyinda Dikebele ;

 

i)       le ou vers le 29 décembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C661,599-0 au nom de Karl Mbuy ;

 

j)      le ou vers le 3 septembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C584,878-2 au nom de Safi Mumba ;

 

k)    le ou vers le 17 novembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C618,848-4 au nom de Mansoni Ngambany ;

 

l)      le ou vers le 25 février 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C698,836-3 au nom de Marc Kgaka ;

 

m)  le ou vers le 9 juin 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C499,063-3 au nom de Eric Ngwasi Ndombi ;

 

n)    le ou vers le 23 novembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C661,593-2 au nom de Pascal Epondo ;

 

o)    le ou vers le 27 septembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C584,884-9 au nom de Sytha Nkumbu ;

 

p)    le ou vers le 22 septembre 2004, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C584,880-7 au nom de Washena Walo M’pania ;

 

q)    le ou vers le 3 juin 2005, la proposition d’assurance portant le nouveau numéro C823,419-4 au nom de Yolande Matombi ;

 

contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ; »

[2]           D'entrée de jeu, l'intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité sur le chef d'accusation porté contre lui.

[3]           Les parties entreprirent ensuite de présenter au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

LA PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante produisit un cahier de pièces cotées P-1 à P-75 ainsi qu'un résumé des événements (P-76), elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           L'intimé quant à lui choisit de témoigner.

[6]           Il indiqua que les fautes qu'il avait commises provenaient d'une forme d'ignorance de sa part et non d'une intention malveillante.

[7]           Il signala son manque d'expérience dans l'exercice de la profession au moment de la commission de celles-ci.

[8]           Il insista sur le fait que la formation qu'il avait obtenue avant ses débuts dans la profession avait consisté plutôt en une formation « sur le terrain » et qu'elle avait peu porté sur la nature des documents qu'il devait expédier à l'assureur.

[9]           Il mentionna ne pas avoir été avisé ou ne pas avoir compris la nécessité d'utiliser des formulaires de renouvellement dans des situations telles que celles en cause. Il admit s'être servi alors des pages de signature de propositions antérieures qu'il a modifiées puis transmises à l'assureur par télécopieur au soutien de nouvelles propositions d'assurance (au lieu et place de formulaires de renouvellement).

[10]        Il déclara regretter ses gestes fautifs puis termina en mentionnant qu'il n'avait pas agi de mauvaise foi ou avec une intention malhonnête. Il assura le comité qu'il ne re-commettrait plus jamais les mêmes fautes.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[11]        La plaignante présenta d'abord un bref exposé des circonstances rattachées aux fautes reprochées à l'intimé.

[12]        Elle mentionna ensuite que selon son maître de stage, M. Frédéric Rychewaert, l'intimé avait été formé sur le processus documentaire de remise en vigueur des contrats.

[13]        Elle insista sur le fait que dix-sept (17) consommateurs étaient impliqués et que sur l'ensemble des polices d'assurance en cause trois (3) seulement étaient demeurées en vigueur, les autres étant toutes tombées en déchéance pour différents motifs.

[14]        Elle mentionna que lors d'une entrevue, notamment avec la représentante de l'assureur Clarica, Mme Kelly Wood, l'intimé avait admis ses gestes et avait tenté d'expliquer ceux-ci par le fait qu'il n'avait pas de formulaires de renouvellement en sa possession.

[15]        Elle expliqua ensuite que lors de son entrevue avec l'enquêteur du bureau du syndic la version de l'intimé avait été quelque peu différente et qu'il y avait eu alors une certaine variante dans la façon dont il avait expliqué les événements et « excusé » ses fautes.

[16]        Au plan de la gravité objective de celles-ci, l'intimé ayant modifié des documents témoignant de la souscription d'une police d'assurance, elle souligna qu'il s'agissait de fautes fort sérieuses. Elle ajouta que le document de souscription était l'élément charnière de la pratique du représentant.

[17]        Elle indiqua que ce qui était essentiellement reproché à l'intimé était la fabrication de faux documents. Elle souligna l'élément de redite en cause, l'intimé ayant commis la même faute dix-sept (17) fois et insista sur le fait que ce dernier ne pouvait ignorer l'importance de la signature des clients pour la validité des contrats.

[18]        Elle admit qu'il n'y avait pas eu en l'espèce de préjudice pour ces derniers mais souligna que ceux-ci s'étaient retrouvés dans une situation de préjudice potentiel. Elle posa la question suivante : dans l'hypothèse d'une réclamation, est-ce que l'assureur, s'étant rendu compte que la proposition n'avait jamais été signée par le client, aurait donné suite à celle-ci?

[19]        Elle mentionna que suite aux événements et à sa rencontre avec la représentante de l'assureur Mme Kelly Wood, l'intimé avait été congédié.

[20]        Elle termina en indiquant que puisqu'il s'agissait en l'instance de la confection de faux documents liés au contrat d'assurance, il était important que la sanction comporte un volet d'exemplarité.

[21]        Elle référa ensuite à un cahier d'autorités qu'elle produisit et suggéra à titre de sanction la radiation temporaire de l'intimé pour une période de deux (2) mois.

[22]        Elle réclama également la publication de la décision ainsi que la condamnation de l'intimé au paiement des déboursés.

REPRÉSENTATIONS DE L'INTIMÉ

[23]        Reprenant les propos tenus lors de son témoignage, celui-ci débuta en soumettant qu'il regrettait les gestes qu'il avait posés et qu'il ne les répéterait plus.

[24]        Il mentionna à nouveau que ses fautes étaient liées à un manque d'expérience de sa part à la suite de ce qu'il a qualifié de formation insuffisante.

[25]        Il souligna qu'une sanction de radiation allait le priver temporairement de son gagne-pain alors qu'il était père de famille et avait deux (2) enfants à charge.

[26]        Il soumit que sa conjointe était employée comme pigiste par une agence à titre d'aide-comptable mais que  le couple ne pouvait pas compter sur des revenus réguliers de sa part pour subvenir aux besoins de la famille.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[27]        L'intimé n'a aucun antécédent disciplinaire. Lors des infractions reprochées, il débutait dans l'exercice de la profession.

[28]        Selon ce qui a été révélé au comité, il a collaboré convenablement à l'enquête du syndic et a alors reconnu les éléments matériels de la plainte.

[29]        Il a plaidé coupable au chef d'accusation porté contre lui et a ainsi évité aux témoins une expérience éprouvante et à la plaignante le fardeau d'une audition onéreuse.

[30]        Il semble animé de regrets sincères et avoir compris ses fautes.

[31]        Selon le résumé des faits qui a été produit de consentement, alors que les polices d'assurances de ses clients avaient été résiliées pour défaut de transmission d'informations ou de paiement en temps utile, l'intimé, dans le but de renouveler ou de faire revivre celles-ci, utilisait la signature sur une proposition d'assurance antérieure qu'il modifiait (date, numéro de contrat… etc.) à l'aide de liquide correcteur puis présentait celle-ci à l'assureur au soutien d'une nouvelle proposition d'assurance transmise électroniquement au nom de ces mêmes clients.

[32]        L'intimé a agi de cette façon à dix-sept (17) reprises.

[33]        Ses fautes, si l'on se fie à son témoignage, seraient imputables à un manque d'expérience ou de connaissance de sa part. Il n'aurait pas été animé d'une intention malhonnête.

[34]        Il n'en demeure pas moins que l'intimé a falsifié des documents importants devant comporter la signature des clients et qu'il a ensuite transmis ceux-ci à l'assureur pour tenir lieu de la documentation exigée pour l'émission de contrats d'assurance. De telles fautes vont au cœur même de l'exercice de la profession.

[35]        Même si en l'espèce les clients n'ont pas subi de véritable préjudice, l'intimé a mis en péril la possibilité pour ces derniers, le cas échéant, de présenter à l'assureur une demande d'indemnisation.

[36]        Dans l'affaire de Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec numéro 500-22-107059-050, la Cour du Québec confrontée au cas d'un représentant reconnu coupable d'avoir contrefait ou d'avoir induit une tierce personne à contrefaire la signature d'un consommateur lors de la modification d'une police d'assurance-vie écrivait : « Le fait d'imiter les signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non. »

[37]        Par ailleurs, la situation présentée au comité de discipline en l'espèce est quelque peu semblable à celles qui lui ont été présentées dans l'affaire de Me Françoise Bureau c. Marc Dacosta, plainte numéro CD00-0332 et dans l'affaire de Venise Lévesque c. Maude Boucher, CD00-0700 dont les décisions sont reproduites au cahier d'autorités déposé par la plaignante. Dans les deux (2) cas invoqués, les représentants avaient été condamnés à une radiation de deux (2) mois pour leurs fautes.

[38]        Toutefois, dans le cas de Maude Boucher précité, il avait été pris en compte à l'occasion de l'imposition de la sanction que l'intimée avait contracté un engagement volontaire auprès du bureau du syndic quelque temps avant la commission des infractions reprochées. Par ailleurs, dans le cas de Marc Dacosta l'intimé n'invoquait pas et ne pouvait invoquer comme l'a fait l'intimé en l'espèce un défaut de connaissance de sa part.

[39]        Compte tenu de cette situation et après analyse des éléments propres au dossier ainsi que des facteurs tant objectifs que subjectifs présentés au comité, celui-ci est d'avis que la condamnation de l'intimé à une radiation temporaire d'un mois sur ce chef serait une sanction juste et appropriée, proportionnée à la faute qui lui est reprochée et à sa responsabilité.

[40]        Si tant est que cela doive être mentionné, le comité précise que l'ordonnance de radiation (comme chacune des ordonnances de radiation prononcée contre un membre par le comité) s'appliquera à toute activité professionnelle rattachée à la Chambre de la sécurité financière.

[41]        Par ailleurs, au plan du paiement des déboursés, le comité ne voit aucune raison de s'écarter du principe voulant que la partie qui succombe les assume.

[42]        Enfin, au plan de la publication de la décision, le comité suivra la règle habituelle et ordonnera que celle-ci soit publiée.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sur le chef d’accusation porté contre lui;

DÉCLARE l'intimé coupable dudit chef d'accusation;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l'intimé à une radiation temporaire pour une période d'un mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimé, dans un journal circulant dans la localité où celui-ci a son domicile professionnel, l'avis de la radiation ordonné en vertu des présentes;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions.

 

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Michèle Barbier

Mme MICHÈLE BARBIER, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Michel Cotroni

M. MICHEL COTRONI, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Johanne Pinsonnault

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

26 août 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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