Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0730

 

DATE :

23 octobre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Antonio Tiberio, Pl. Fin.

Membre

M. Patrick Haussmann, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. WILLIAM MARSTON

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 21 juillet 2009, le comité de discipline Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE SON CLIENT ROBERT BLINN

 

1.             À Montréal, le ou vers le 10 janvier 2000, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à son client, Robert Blinn, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation,  pour un montant de 100 000$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

 

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE LUCILLE COUILLARD

2.             À Montréal, le ou vers le 9 novembre 1999, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Lucille Couillard, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation,  pour un montant de 25 323,97$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE TERESA ROSSINI

3.             À Montréal, le ou vers le 8 septembre 2000, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Teresa Rossini, un billet à ordre émis par Real Vest Investments Ltd,  pour un montant de 52 606,25$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE JOYCE DOCHERTY

 

4.             À Montréal, le ou vers le 1er juin 2001, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Joyce Docherty, un billet à ordre émis par Real Vest Investments Ltd,  pour un montant de 160 133,93$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT DONALD GILMORE

 

5.             À Montréal, le ou vers le 30 août 1999, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à son client, Donald Gilmore, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation,  pour un montant de 22 079,65$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi à l’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q. c. V-1.1), aux articles 192 et 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1), aux articles 3, 121, 130, 132 et 157 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (c. I-15.1, r.0.5);

6.             À Montréal, le ou vers le 22 juin 2001, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à son client, Donald Gilmore, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation,  pour un montant de 150 001,70$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE MINDY GUBEN

7.             À Montréal, le ou vers le 24 août 2000, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Mindy Guben, un billet à ordre émis par Real Vest Investments Ltd,  pour un montant de 259 530,07$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE MARGARET KANE

 

8.             À Montréal, le ou vers le 20 octobre 1999, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Margaret Kane, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation,  pour un montant de 45 927,20$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT DAVID SCHULZE

 

9.             À Montréal, le ou vers le 9 novembre 1999, l’intimé WILLIAM MARSTON a conseillé et fait souscrire à son client, David Schulze, un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation,  pour un montant de 135 126,12$ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01); »

MOTIFS ET DISPOSITIF

[2]           À chacun des neuf (9) chefs d'accusation contenus à la plainte, il est reproché à l'intimé, aux dates y mentionnées, d'avoir conseillé et fait souscrire à ses clients des billets à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation (Mount Real) et/ou Real Vest Investments Ltd. (Real Vest) alors qu’il n’était pas autorisé à offrir de tels placements en vertu de sa certification.

[3]           Or, si ce dernier n'a pas semblé contester qu'aux dates mentionnées à la plainte les certifications dont il disposait ne l'autorisaient pas à vendre les billets en cause, il a toutefois soutenu qu'il n'a pas fait souscrire à ses clients lesdits billets.

[4]           Selon ses prétentions, il aurait strictement agi comme « conduit » pour leur permettre de les obtenir.

[5]           L’intimé invoque de plus qu’en leur fournissant des renseignements sur les produits en cause et en les assistant dans l’ouverture de leur compte auprès des compagnies émettrices, il n’a fait qu’exercer ses activités de planificateur financier.

[6]           Il allègue qu’il incombait ensuite aux compagnies émettrices de vérifier si les produits pouvaient satisfaire les clients et si ceux-ci leur convenaient.

[7]           Or, la lettre qu’adressait l’intimé le 7 septembre 2007, à l'enquêteur du bureau du syndic, permet de circonscrire les différents rôles qu'a joués l’intimé auprès des consommateurs en cause.

[8]           Ce dernier y reconnaît avoir agi comme représentant (representative), comme planificateur financier (financial planner), avoir discuté avec les clients des produits (discuss the product), les avoir suggérés et recommandés (suggested and "the recommendation") et avoir assisté ces derniers (I assisted the individuals) dans l'ouverture de leurs comptes auprès de Real Vest et/ou de Mount Real :

Paragraphe 1 :

« I acted as a representative to these consumers during the period beginning January 1999 to August 2002 with the following clarification. I acted as financial planner as well as an insurance broker for the entire period. I also acted as a representative for mutual funds from January 1999 to September 2001 following which I acted as a Registered Representative.

            Paragraphe 3 :

« As part of my investment strategy of thinking of client first, in the part role of Financial Planner, I analysed the financial situation and income needs as described to me, and concluded that a medium risk fixed investment paying periodic payments would be appropriate. I accepted the information provided to me without audit from the client and transcribed such on the KYC. »

Paragraphe 5 :

« I would discuss Mount Real, the company, what it does, the financial statements, and specifically the diversity of income generation, assets and liabilities. I would show the client the annual reports, point out the long-term excellence, and the awards won. I would discuss the product offering itself showing the client the information available such as the offering memorandum. I would discuss the guarantee offered from Mount Real, and point this out on the financial statements. »

Paragraphe 3 :

« I suggested several income investment products, amongst others the Mount Real Group of products. The recommendation of Real Vest or Mount Real, as a medium risk investment met with the risk tolerance and objectives as stated by the client. »

Paragraphe 2 :

« For each of the following individuals, I have opened an "account opening form" with respect to the Financial Firm I was associated with at the time. I assisted the individuals in opening an "account opening form" with Real Vest and/or Mount Real. »

[9]           De plus, il y admet avoir étudié la situation de la corporation Mount Real avant d'en recommander l'achat à ses clients. À ce sujet il déclare dans sa lettre :

Paragraphe 4 :

« I followed this company and its activities for years before recommending their products to clients. »

[10]        Ainsi, de son propre aveu, l'intimé est celui qui a recommandé les produits aux clients. C’est lui qui leur a fourni les informations sur ceux-ci. Il leur a ouvert un compte auprès de l'institution avec laquelle il était associé puis les a « assistés » dans la préparation des documents nécessaires à leur souscription.

[11]        En réalité, c’est lui et lui seul qui les a conseillés.

[12]        La seule personne de qui les clients ou consommateurs ont bénéficié des recommandations et des avis ou qu’ils ont rencontrée relativement à la souscription des billets en cause est l’intimé.

[13]        Si l'on se fie à la déclaration de certains d’entre eux, ceux-ci recherchaient des placements conservateurs diversifiés. L'intimé leur aurait mentionné qu'il s'agissait de placements très sûrs sans aucun risque, 100 % garantis par l'assurance dépôt, plus sécuritaires que des obligations de toute sorte.

[14]        Ces derniers lui faisaient confiance. Certains n'avaient aucune réelle connaissance en matière de produits financiers et la preuve n'a aucunement révélé qu'ils aient été en contact avec un autre professionnel que l'intimé pour leur achat des billets à ordre de Real Vest ou de Mount Real.

[15]        C’est d'ailleurs à lui qu’ils se sont adressés, vers lui qu’ils se sont dirigés, lorsque le groupe Mount Real a cessé de respecter ses obligations et qu’ils ont voulu récupérer les sommes qu’ils avaient investies. Nul doute que dans leur esprit, à l'égard des produits en cause, il était leur représentant.

[16]        L’ensemble de la preuve présentée au comité mène donc indubitablement à la conclusion que lors de la souscription des billets à ordre par Mount Real ou Real Vest, l’intimé a agi à leur endroit comme leur conseiller et représentant.

[17]        Pour sa défense, l’intimé a suggéré qu’il n’avait alors qu’exercé les activités d’un planificateur financier.

[18]        Or, si la LDPSF[1], en ses articles 12 et 13, énonce clairement que nul ne peut agir comme planificateur financier à moins d'être titulaire d'un certificat décerné à cette fin par l'Autorité des marchés financiers, elle ne définit pas le champ de pratique du planificateur financier.

[19]        Cependant, puisque ladite loi vise à favoriser la protection du public, elle ne doit certes pas être interprétée comme autorisant le détenteur d'un certificat de planificateur financier à agir dans une ou des disciplines pour lesquelles il ne détient aucune certification ou autorisation (non plus qu’à distribuer des produits financiers irrégulièrement ou illégalement émis).

[20]        Dans la décision de Rioux c. Poulin[2], le comité, au paragraphe 229, a statué en ces termes sur l’impérieux devoir du représentant de respecter les limites de ses autorisations :

« La personne qui choisit de devenir représentant en vertu de la LDPSF accepte les conditions entourant l'encadrement de sa pratique professionnelle. M. Poulin a donc volontairement adhéré à une profession qui comme corollaire des privilèges qu'elle accorde demande le respect des obligations déontologiques auxquelles il s'est engagé. Le respect des limites de son ou ses certificats devrait normalement aller de soi. »

[21]        En terminant, mentionnons que l’intimé a évoqué, comme dernier moyen, qu’en 2002, la Chambre aurait entrepris une enquête à son sujet relativement à la vente des mêmes produits que ceux en cause, mais n’aurait alors pas porté plainte contre lui. Or, même si les prétentions de l’intimé étaient exactes, les circonstances entourant la décision du syndic de ne pas alors déposer de plainte n’ont pas été présentées au comité, tandis que plusieurs motifs ont pu justifier celle-ci. Dans une telle situation, ce moyen de défense ne peut être d’aucun secours à l’intimé.

[22]        En conséquence de ce qui précède, l'intimé sera déclaré coupable des infractions qui lui sont reprochées.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ACCUEILLE la présente plainte;

DÉCLARE l'intimé coupable de tous et chacun des neuf (9) chefs d'accusation contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité à une audition sur sanction.

 

 

(s) François Folot __________________________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Antonio Tiberio __________________________________

M. ANTONIO TIBERIO, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Patrick Haussmann __________________________________

M. PATRICK HAUSSMANN, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

21 juillet 2009

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0730

 

DATE :

31 mai 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Antonio Tiberio, Pl. Fin.

Membre

M. Patrick Haussmann, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. WILLIAM MARSTON

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 31 mars 2010, à la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]           Alors que la plaignante déclara n’avoir aucune preuve à offrir, l’intimé choisit de témoigner.

[3]           Les parties présentèrent ensuite au comité leurs recommandations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante débuta en invoquant et commentant la décision sur culpabilité signalant notamment les paragraphes 11, 12, 14, 15 et 16 de ladite décision.

[5]           Elle mentionna ensuite que les événements reprochés à l’intimé s’étaient déroulés sur une période de trois (3) ans, que huit (8) clients étaient visés par la plainte et que la valeur totale des investissements de ces derniers était de l’ordre de 1 000 000 $.

[6]           Elle indiqua ensuite que l’intimé avait fait l’objet d’une suspension de son inscription à titre de représentant en 1997 (décision no 1997-E-3838, Commission des valeurs mobilières du Québec), de son certificat de représentant en 2006 (décision no 2006-PDG-0025 de l’Autorité des marchés financiers (AMF) confirmée par la décision no 2006-PDG-0101), de son certificat en assurance de personnes ainsi que du refus de l’AMF de lui délivrer un certificat en épargne collective en 2008 (décision no 2008-PD15-0019).

[7]           Puis elle signala que lors de l’audition de la plainte au mérite l’intimé n’avait manifesté, à son avis, aucun véritable regret pour les fautes objectivement très graves qu’il avait commises.

[8]           Elle rappela qu’en conséquence des agissements de l’intimé, ses clients avaient subi des pertes fort substantielles qu’ils ne pourront malheureusement pas récupérer en faisant appel au Fonds d’indemnisation des services financiers, l’intimé ayant agi en dehors du cadre de ses certifications.

[9]           Elle souligna ensuite la relation de confiance que les clients entretenaient à l’endroit de l’intimé et leur vulnérabilité.

[10]        Elle suggéra qu’un message clair et sans équivoque devait être transmis aux membres de la profession à l’effet qu’il leur était interdit de distribuer des placements non autorisés par leur certificat, la protection du public en dépendant grandement.

[11]        À titre de sanction sur chacun des neuf (9) chefs d’accusation, la plaignante recommanda au comité d’imposer la radiation permanente de l’intimé.

[12]        Elle mentionna néanmoins que si le comité ne devait pas conclure que la radiation permanente de l’intimé s’imposait, à tout le moins lui faudrait-il ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période minimale de cinq (5) ans.

[13]        Au soutien de ses recommandations, elle soumit un cahier d’autorités contenant six (6) décisions antérieures du comité qu’elle prit soin de commenter.

[14]        Dans quatre (4) d’entre elles[3], les représentants reconnus coupables du même type d’infraction que l’intimé ont été condamnés à une radiation temporaire de cinq (5) ans. Dans les deux (2) autres[4], les représentants fautifs furent condamnés à des sanctions de radiation permanente.

[15]        Elle termina en réclamant la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés ainsi que la publication de la décision.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[16]        L’intimé débuta en avouant avoir recommandé les investissements du groupe Mount Real (Mount Real) à ses clients, leur avoir fourni les informations en regard desdits investissements et avoir rempli au moins partiellement avec eux les formules de souscription.

[17]        Il invoqua cependant que la direction de « Northshield Fund Management » et de « iForum Securities » avaient décrété au sein de leur entreprise une ligne de conduite conseillant ou exigeant que les représentants recommandent les produits en cause à leurs clients.

[18]        Il indiqua qu’il avait cru, bien à tort, que ses employeurs, en « favorisant » la distribution desdits produits par les représentants, agissaient en conformité avec la loi et les règlements.

[19]        Il signala de plus que le défaut par les autorités compétentes de sanctionner en 2001 dans l’affaire Birgit Hurlen le même type de comportement que celui qui est à la base de la présente plainte lui avait laissé croire que la politique de « Northshield Fund Management » et/ou « iForum Securities » encourageant la distribution par les représentants des produits en cause respectait la législation applicable.

[20]        Il déclara qu’il s’était toujours efforcé d’être aussi prudent que possible dans la sélection des investissements qu’il recommandait à ses clients. S’en étant remis aux états financiers produits par Mount Real et s’étant fié à la ponctualité des paiements effectués par le groupe à ses clients jusqu’en 2005, il indiqua avoir sincèrement cru au moment où il offrait les produits en cause à ses clients qu’il s’agissait de produits à tout le moins plus que convenables.

[21]        Il mentionna avoir agi sans intention frauduleuse ou malveillante indiquant que lui-même avait investi pour son propre compte dans « Real Vest » et avait dû absorber en conséquence une perte d’environ 500 000 $.

[22]        Il déclara que s’il avait su, qu’en procédant comme il le faisait, il contrevenait à la loi ou à la réglementation, il n’aurait pas agi de la sorte.

[23]        Il mentionna néanmoins accepter la responsabilité des actes qu’il a posés reconnaissant que l’ignorance ne peut être une excuse pour ses fautes.

[24]        Il contesta toutefois avoir déclaré à ses clients que les billets de Mount Real étaient à 100 % garantis par l’assurance dépôt. À cet égard, il suggéra au comité de se méfier des affidavits produits par les clients auprès du Fonds d’indemnisation des services financiers car ceux-ci étaient à son avis remplis de faussetés, lesdits clients cherchant d’abord et à tout prix à être indemnisés.

[25]        Il indiqua qu’à la suite des événements liés à « l’affaire Northshield » il avait perdu son emploi, sa réputation et tous ses actifs.

[26]        Il invoqua que son épouse avait elle aussi souffert desdits événements et que son fils, qui porte les mêmes nom et prénom que lui, n’arrivait pas à cause de cela à se trouver un emploi permanent.

[27]        Il mentionna enfin que certains liens avec des membres de sa famille ou avec des amis avaient été brisés.

[28]        Il déclara être maintenant employé comme camionneur et ne retirer que de maigres revenus.

[29]        Il indiqua n’entretenir aucun espoir de pouvoir un jour reprendre ses activités dans le domaine de la distribution des produits financiers, et ce, notamment à cause des nombreux articles de journaux qui ont été publiés sur « l’affaire Northshield » et qui ont terni, bien injustement à son avis, sa réputation.

[30]        En terminant, il déclara que par-dessus tout il se morfondait en songeant que ses actes avaient mené certains clients à se retrouver dans une situation financière difficile.

[31]        Il invoqua que s’il avait choisi la carrière de conseiller financier c’était pour aider ses clients, alors que dans le scénario de cauchemar qu’il avait vécu, quelques-uns d’entre eux avaient été considérablement préjudiciés par ses fautes.

[32]        Il souligna avoir coopéré entièrement à l’enquête de la syndique de la Chambre et conclut en suggérant qu’à son avis l’imposition d’une radiation temporaire pour une période de cinq (5) ans prenant effet de façon rétroactive au moment où il a cessé d’être membre de la Chambre de la sécurité financière serait une sanction appropriée.

[33]        Il suggéra par ailleurs au comité de s’abstenir de lui imposer le paiement d’une amende, et ce, en considération de sa situation financière précaire.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[34]        L’intimé est âgé de 63 ans.

[35]        Il n’exerce plus dans le domaine de la distribution des produits financiers ou d’assurance depuis 2008.

[36]        Il a collaboré à l’enquête de la syndique de la Chambre.

[37]        À la suite des événements reprochés, il a perdu son emploi ainsi que, comme il le déclare, sa réputation. Il ne dispose plus d’aucun véritable actif et gagne laborieusement sa vie comme camionneur.

[38]        S’il a souffert financièrement et matériellement, il a aussi considérablement souffert personnellement.

[39]        Il avait lui-même investi 500 000 $ dans les produits financiers qu’il a suggérés à ses clients et il est loisible de conclure qu’il avait confiance en ceux-ci. Le niveau de faute qui lui est assigné doit tenir compte de cet élément.

[40]        Néanmoins, les infractions qu’il a commises sont objectivement très sérieuses. Elles vont au cœur même de l’exercice de la profession et portent directement atteinte à l’image de celle-ci.

[41]        Elles se sont répétées pendant quelques années. Les sommes en cause sont substantielles.

[42]        Huit (8) clients différents sont visés par la plainte. Le total des montants investis par ces derniers, sur une période de trois (3) ans, serait de l’ordre de 1 000 000 $.

[43]        Les conséquences dommageables pour ces derniers ont été sinon dramatiques, à tout le moins fort importantes. Ils ne peuvent espérer aucune forme de réparation du Fonds d’indemnisation des services financiers puisque les produits en cause n’étaient pas des produits que l’intimé était autorisé à distribuer en vertu de ses certifications.

[44]        Par ailleurs, l’intimé a fait l’objet, antérieurement aux événements qui lui sont reprochés, soit en 1997, d’une suspension temporaire de son inscription par la Commission des valeurs mobilières du Québec pour des fautes ou des contraventions aux lois et aux règlements liés à l’exercice de sa profession.

[45]        Compte tenu de ce qui précède et de l’ensemble des circonstances propres à ce dossier, le comité est d’avis que l’imposition d’une radiation temporaire de six (6) ans sur chacun des chefs à être purgée de façon concurrente serait en l’espèce une sanction juste et appropriée qui tiendrait compte tant des éléments objectifs que subjectifs du dossier.

[46]        Par ailleurs, en l’absence de motifs qui lui permettraient d’agir autrement, le comité croit devoir suivre la recommandation de la plaignante relativement à la publication de la décision et au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur tous et chacun des neuf (9) chefs d’accusation contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) ans à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimé un avis de la présente décision dans un journal où ce dernier a son domicile professionnel ou en tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement en conformité avec les dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Antonio Tiberio____________________

M. ANTONIO TIBERIO, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Patrick Haussmann________________

M. PATRICK HAUSSMANN, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

31 mars 2010

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[2]     Micheline Rioux c. Réjean Poulin, CD00-0600, décision du 11 avril 2007.

[3]     Léna Thibault c. René Proteau, CD00-0738, 15 juin 2009.

      Léna Thibault c. Yves Tardif, CD00-0706, 15 février 2009.

      Léna Thibault c. Paul Messier, CD00-0673, 27 mars 2008.

      Léna Thibault c. Rock-Robert Bilodeau, CD00-0690, 21 juillet 2008.

[4]     Léna Thibault c. Rocco Di Stefano, CD00-0711, 23 juin 2009.

      Léna Thibault c. Francesco Iacono, CD00-0699, 9 octobre 2008.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.