Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0888

 

DATE :

10 juillet 2012

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Patrick Haussmann, A.V.C.

Membre

M. Éric Bolduc

Membre

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Mme CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. YANNICK LESSARD (Certificat numéro 146 375)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 29 février 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Dollard-des-Ormeaux, le ou vers le 4 juin 2008, l’intimé a fait investir M.F. un montant de 40 000 $ dans des actions de compagnies minières par l’entremise de Raynault Consulting inc., alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 12 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r.7.1);

2.          Dans la région de Montréal, en 2008, l’intimé s’est placé en situation de conflits d’intérêts en garantissant personnellement à M.F. le remboursement de son investissement de 40 000 $ effectué vers le 4 juin 2008 dans des compagnies minières par l’entremise de Raynault Consulting inc., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r.3), 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1) »

[2]           D’entrée de jeu l’intimé absent mais représenté par son avocate, Me Mélanie Zawahiri, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Un document écrit attestant dudit plaidoyer, signé par ce dernier ainsi que par son procureur, fut alors déposé au dossier.

[4]           Par la suite, les parties soumirent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES SUR SANCTION

[5]           Alors que la plaignante versa au dossier sous les cotes SP-1 à SP-28 une preuve documentaire en lien avec les infractions reprochées à l’intimé, elle ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Quant à ce dernier, il ne présenta aucune preuve.

[7]           Les parties offrirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           Selon les représentations de la plaignante, le ou vers le 4 juin 2008, l’intimé aurait incité sa cliente et obtenu d’elle qu’elle investisse une somme de 40 000 $ dans des actions de compagnies minières par l’entremise de Raynault Consulting inc. en lui laissant entendre que la valeur de son placement serait de l’ordre de 60 000 $ au bout de deux (2) ou trois (3) mois. En deux mots, afin de la convaincre d’investir, l’intimé lui aurait alors fait miroiter l’obtention de profits considérables et rapides.

[9]           La cliente en cause aurait par la suite reçu un billet promisoire, (pièce SP-15) où pour valeurs reçues Raynault Consulting inc. s’engageait à lui verser une somme de 60 000 $ au plus tard dans les soixante-cinq (65) jours. Ledit billet, daté du 4 juin 2008, comportait une indication à l’effet qu’il était personnellement cautionné par l’intimé.

[10]        À la fin de l’été ou à l’automne de la même année, le montant de 60 000 $ convenu ne lui ayant pas été versé, la cliente aurait commencé à s’inquiéter et aurait communiqué avec l’intimé.

[11]        Ce dernier lui aurait alors fait part qu’elle n’avait pas à se tracasser mais lui aurait indiqué qu’il y aurait des délais et aurait utilisé différentes excuses ou prétextes pour justifier la situation.

[12]        Malgré les affirmations de l’intimé, la cliente ne serait toutefois jamais parvenue à récupérer le montant qu’elle avait investi et aurait ainsi perdu la somme de 40 000 $ qu’elle avait placée par l’entremise de ce dernier.

[13]        Après avoir ainsi succinctement résumé les faits, la plaignante souleva les facteurs aggravants suivants :

1) l’intimé a posé des gestes clairement prohibés;

2) l’expérience antérieure de ce dernier à titre de courtier de plein exercice aurait dû lui dicter de ne pas agir de la sorte;

3) l’intimé aurait fait confiance et/ou fait affaire avec des personnes au caractère douteux;

4) la cliente ne peut espérer être indemnisée par le Fonds d’indemnisation des Services Financiers,  l’intimé ayant agi en dehors du cadre de ses certifications.

[14]        Puis, après avoir souligné que la transaction en cause aurait rapporté à l’intimé une « commission » de l’ordre de 5 000 $, la plaignante déclara que les fautes commises par l’intimé étaient de nature à porter atteinte à l’image de la profession.

[15]        Elle signala que les risques de récidive à son avis n’étaient pas négligeables puisque bien que se sachant sous enquête, l’intimé avait néanmoins poursuivi ses activités reprochables. De plus, souligna-t-elle, avant l’enregistrement de son plaidoyer de culpabilité en aucun moment n’avait-il reconnu ses fautes.

[16]        Comme seuls facteurs atténuants pouvant être évoqués en sa faveur, elle identifia le plaidoyer de culpabilité enregistré par ce dernier et son absence de dossier disciplinaire antérieur.

[17]        Au plan des sanctions à être imposées, la plaignante déclara ensuite que les parties s’étaient entendues pour soumettre au comité des « recommandations communes ».

[18]        Ainsi, relativement au chef numéro 1, elle indiqua que les parties avaient convenu de proposer au comité de condamner l’intimé à une radiation temporaire de trois (3) ans. Relativement au chef numéro 2, elle indiqua qu’elles avaient convenu de recommander au comité d’imposer à l’intimé une radiation temporaire de cinq (5) ans, l’ensemble des sanctions de radiation devant être purgées de façon concurrente.

[19]        Elle mentionna enfin que les parties s’étaient accordées pour recommander au comité de condamner l’intimé au paiement des déboursés et d’ordonner la publication de la décision.

[20]        Elle termina en produisant au soutien de ses suggestions, un cahier d’autorités démontrant à son avis, que les « recommandations communes » des parties se situaient dans le cadre des paramètres jurisprudentiels applicables.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[21]        Invité à soumettre au comité ses représentations, la procureure de l’intimé se contenta d’indiquer qu’elle-même et son client souscrivaient entièrement aux recommandations de la plaignante.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[22]        Selon les représentations soumises au comité, l’intimé aurait entretenu des liens de proximité avec les auteurs en toute vraisemblance d’une escroquerie.

[23]        Par ailleurs, afin qu’elle puisse procéder au placement qu’il lui « conseillait », l’intimé a incité sa cliente à réclamer un emprunt hypothécaire.

[24]        Au moment de la transaction, il ne lui a fourni aucune documentation, aucun prospectus tout en la pressant de s’exécuter en lui laissant entendre « qu’il fallait procéder rapidement ».

[25]        Au plan des sanctions devant lui être imposées, les parties ont soumis au comité des suggestions conjointes.

[26]        Dans l’arrêt Douglas[1], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué que même si le tribunal n’est pas lié par celles-ci, lorsque des parties représentées par procureurs, à la suite de pourparlers sérieux, en sont arrivées à s’entendre pour lui présenter des recommandations conjointes, celui-ci ne devrait les écarter que s’il les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.[2]

[27]        En l’espèce les sanctions suggérées par les parties, compte tenu des circonstances propres à cette affaire, ne méritent pas d’être écartées. Elles respectent les paramètres jurisprudentiels applicables et apparaissent appropriées.

[28]        Aussi, en l’absence d’une situation qui le justifierait de s’écarter des recommandations conjointes des parties, le comité donnera suite à celle-ci.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l'intimé coupable de chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) ans;

Sous le chef d’accusation numéro 2 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) ans;

ORDONNE que les sanctions de radiation soient purgées de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a ou avait son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Patrick Haussmann________________

M. PATRICK HAUSSMANN, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Eric Bolduc_______________________

M. ÉRIC BOLDUC

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Mélanie Zawahiri

BCF s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

29 février 2012

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     R.c. Douglas, 2002, 162 C.C.C. (3rd, 37).

[2]     Ce principe a été retenu en droit disciplinaire. Voir à cet effet Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002; Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027.

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