Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

:

CD00-0644 et CD00-0646

 

DATE :

13 juillet 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. fin.

Membre

M. Pierre Décarie

Membre

______________________________________________________________________

 

Me MICHELINE RIOUX, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JACQUES-ANDRÉ MARCOUX, conseiller en sécurité financière et représentant en plan de bourses d’études

et

ROBERT BOURDEAU, conseiller en sécurité financière

Parties intimées

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

[1]           Le comité s’est réuni les 18 et 19 octobre 2007, à l’hôtel Les suites de Laviolette, 7102, rue Notre-Dame ouest, à Trois-Rivières, ainsi que les 5 et 6 février 2008 à l’hôtel Delta, 1620 rue Notre-Dame Centre, à Trois-Rivières, pour procéder à l’audition des plaintes portées contre les intimés.

[2]           Les deux intimés, représentés par leurs avocats respectifs, ont enregistré des plaidoyers de non culpabilité à l’encontre de tous les chefs des plaintes portées contre eux.

[3]           Les différentes infractions reprochées impliquent une seule consommatrice Madame Francine Bourgault. 

[4]           Ces plaintes reprochent à M. Marcoux et à M. Bourdeau, alors qu’ils faisaient souscrire à Madame Bourgault la proposition d’assurance-vie Ulysse 2000, d’avoir fait défaut de lui expliquer, le 12 octobre 2000, de façon complète et objective, la nature, les avantages et désavantages de la police d’assurance-vie universelle Ulysse 2000 (chef 1).  De la même façon, il leur est reproché de ne pas avoir tenu compte des limites de leurs connaissances (chefs 2 et 4 respectivement).

[5]           Quant à M. Bourdeau, il lui est, en outre, reproché, le 12 octobre 2000, de ne pas avoir subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente (chef 2) et de ne pas s’être acquitté de son mandat avec diligence (chef 3).

[6]           Le comité entendit, pour la plaignante, la consommatrice Madame Francine Bourgault, Monsieur Pierre Boivin, enquêteur pour la syndique de la Chambre de la sécurité financière («CSF») et Madame Julie Michaud qui a offert pour la compagnie d’assurance Union-Vie la formation sur la police Ulysse 2000 en litige.  En défense témoignèrent, les deux intimés ainsi que Monsieur Gilles Lampron, responsable du bureau d’Assep de Trois-Rivières.

Les faits

[7]           Seuls sont rapportés ci-après les faits non contestés.

[8]           Au moment des gestes reprochés, Madame Bourgault était âgée de 49 ans et occupait un poste de technicienne en administration depuis 1979, pour le gouvernement du Québec.

[9]           Elle participait au régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) avec son employeur, possédait des REÉR auprès de plusieurs compagnies d’assurance dont la compagnie d’assurance Clarica en plus de détenir d’autres placements dans différentes institutions comme des banques et le Fonds de solidarité de la fédération des travailleurs du Québec («Fonds FTQ»).  Elle était propriétaire d’assurances-vie et ses placements étaient, selon elle-même, diversifiés.  Elle agissait aussi auprès de son employeur comme représentante pour le Fonds FTQ.  À même ses différents placements se trouvaient des fonds d’actions du même type et dans une proportion semblable à ceux choisis en l’espèce.

[10]        M. Bourdeau était son représentant en assurance depuis plus de vingt ans et avait l’habitude, à chaque année, de passer à son domicile pour faire l’étude de son dossier d’assurance.  Quant à M. Marcoux, elle l’a connu en 2000 alors qu’il accompagnait M. Bourdeau lors de la proposition de la police d’assurance-vie Ulysse 2000.

[11]        En 2000, Madame Bourgault était séparée de son mari et les enfants, devenus autonomes, avaient quitté la maison.  Elle vivait dorénavant à Princeville dans la maison appartenant à son nouveau conjoint.  Ayant fait un profit d’environ 70 000 $ lors de la vente de sa maison, Mme Bourgault, dont les REÉR étaient déjà maximisés, a demandé conseil à M. Bourdeau pour faire un placement aux fins de sa retraite.  Lors de leur première rencontre, celui-ci lui a recommandé de le placer dans une police d’assurance-vie universelle.  Pour ce faire, il lui fallait 100 000 $.  En conséquence, elle a liquidé différents placements pour combler la différence.  Il y aurait eu deux ou trois rencontres à cette fin où les intimés étaient présents.

[12]        La police Ulysse 2000 est la première police d’assurance-vie universelle qu’offrait la compagnie Union-Vie en 1999.  Trois versions de cette police se sont succédées.  La première en 1999, la deuxième en 2000 et une dernière version en 2002.  Celle souscrite par Madame Bourgault est la deuxième version.

[13]        Les intimés faisant partie du bureau d’Assep de Trois-Rivières, ont reçu, en mai 2000, la formation donnée par Madame Julie Michaud sur Ulysse 2000, ce nouveau produit offert par l’Union-Vie.  Lors de cette formation et afin de démontrer le côté compétitif de cette police eu égard à celles déjà offerts par d’autres compagnies d’assurance comme AIG et National-vie, Madame Michaud indiqua aux représentants sur le logiciel qui leur était fourni comment baisser manuellement après deux ans le volume d’assurance ou le capital assuré.  Cette façon de faire a permis de comparer les coûts d’assurance proposés par les différentes compagnies et démontrer que la compagnie Union-Vie offrait des coûts plus avantageux que les deux autres.

[14]        L’entrée des données faites par les représentants dans le logiciel était l’âge, le sexe, la qualité de fumeur ou de non fumeur, le montant du dépôt (100 000 $) ainsi que du capital assuré initial ou volume d’assurance (2 376 000 $), le taux d’imposition et le taux de rendement présumé sur le fonds accumulé à l’intérieur de la police.  Notons que les représentants devaient procéder «à tâtons»[1] à partir du montant de dépôt initial, en l’espèce, 100 000 $, pour trouver le capital assuré correspondant à un tel dépôt.  Par la suite, le logiciel déterminait le capital décès. 

[15]        Il s’est avéré que les pénalités que la compagnie Union-Vie imposait en cas de baisse de capital assuré avant la 6e année, étaient équivalentes aux frais de rachat stipulés à la police.  Ni Madame Michaud ni les intimés n’étaient au courant de l’existence de ces pénalités, la deuxième version en cause de la police Ulysse n’indiquant pas d’interdiction de diminuer le capital assuré avant la 6e année ni de pénalités le cas échéant.  Cette confusion entraîna des modifications à la police de sorte qu’une troisième version fut émise par Union-Vie.  Cette confusion et ses conséquences ont occasionné des pourparlers entre Union-Vie et Assep de Trois-Rivières pour combler autrement cette lacune et négocier un règlement pour les clients ainsi pénalisés.

[16]        Les représentants ont choisi pour Madame Bourgault un coût d’assurance temporaire renouvelable annuellement («TRA») avec l’option «capitaliseur»[2] opérant automatiquement à partir de la 6e année une baisse du capital assuré ou du volume d’assurance, le but étant de réduire au moins élevé possible le capital assuré tout en conservant le statut d’exonération de la police, sans toutefois descendre en deçà du capital plancher choisi par le client au moment de la proposition.  Ils ont aussi choisi un capital décès de type nivelé et un taux d’intérêt présumé de 8 %[3].  Aussi, selon  l’illustration fournie à la cliente, durant toute la durée du contrat le compte transitoire se maintenait à zéro dollar, évitant donc toute charge fiscale.  Selon la stratégie proposée, Madame Bourgault devait ainsi profiter d’une rente annuelle de 39 000 $ à l’âge de 65 ans sans investir d’autres argents dans la police. 

Analyse

[17]        Avant de passer à l’analyse de chacun des chefs, le comité croit utile, en l’espèce, de rappeler les grands principes concernant le fardeau de preuve en matière disciplinaire.  Ainsi, tel qu’énoncé par le Tribunal des professions dans l’affaire Osman[4]:

«la prépondérance de preuve n’est pas une sinécure pour les comités, elle n’est pas affaire de préférence émotive, comme je vous le soulignais plus tôt, mais bien d’une analyse rigoureuse de la preuve.  Elle impose au Syndic un fardeau exigeant et une preuve de qualité, faute de quoi, il se verra débouté purement et simplement. Si le Comité ne sait qui croire, il doit rejeter la plainte, le poursuivant n'ayant pas présenté une preuve plus persuasive que l'intimé.

Il ne suffit pas que le Comité préfère la théorie du plaignant par sympathie pour ses témoins ou par dégoût envers les gestes reprochés au professionnel. Il est essentiel que la preuve à charge comporte un degré de persuasion suffisant pour entraîner l'adhésion du décideur et le rejet de la théorie de l'intimé.»

[18]        Les chefs communs aux deux intimés seront traités ensemble puisque les conclusions s’appliquent aux deux représentants sans distinction, M. Marcoux s’étant déclaré d’accord avec toutes les inscriptions faites pour la plupart par M. Bourdeau dans la proposition d’assurance en litige ajoutant même que c’était le fruit d’un «travail commun»[5]

Chef 1

CD00-0644

1.             À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé JACQUES-ANDRÉ MARCOUX, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Robert Bourdeau, une proposition d’assurance auprès de la compagnie Union-Vie, pour l’émission d’une police d’assurance-vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a omis d’agir en conseiller consciencieux en n’expliquant pas de façon complète et objective, la nature, les avantages et les désavantages du produit qui était proposé à la cliente et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 12,13,14,16 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2);

CD00-0646

1.            À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé ROBERT BOURDEAU, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Jacques-André Marcoux, une proposition pour l’émission d’une police d’assurance vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA de la compagnie l’Union-Vie, pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a omis d’agir en conseiller consciencieux, de lui fournir les renseignements nécessaires, de lui expliquer de façon complète et objective, la nature, les avantages et les désavantages du produit qu’il lui proposait et a fait des déclarations qui étaient inexactes ou incomplètes, en :

a.     Affirmant à la cliente que le capital de 100 000 $ était garanti à 100 %;

b.    N’informant pas la cliente des risques du marché boursier ainsi que des frais et pénalités qui auraient entamé le capital;

c.     Indiquant à la cliente que la police d’assurance vie était avantageuse pour elle même si cette dernière désirait uniquement faire un placement sécuritaire;

d.    Affirmant que la cliente aurait droit à une rente de 39 000 $ à l’âge de 65 ans sans toutefois expliquer que cela devrait se faire par un emprunt bancaire sous forme de prêt collatéral et sans expliquer ce concept d’emprunt par collatéral;

e.     N’indiquant pas à la cliente qu’il y avait un coût annuel d’assurance de 4 847,04 $;

f.     N’expliquant pas à la cliente qu’il était impossible de baisser le capital assuré (capitaliseur) durant les cinq premières années sans frais ou pénalités importantes;

g.    N’indiquant pas à la cliente que sa demande de réduction du capital avait été annulée;

et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 12, 13, 14, 16 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q.,c.D-9.2);

[19]        Ce chef reproche aux deux intimés, M. Marcoux et M. Bourdeau, les mêmes infractions même si le libellé de celui de la plainte portée contre M. Bourdeau est plus détaillé.

[20]        Les versions des intimés et de la cliente diffèrent quant au nombre et surtout quant à la durée de leurs rencontres mais quant au déroulement, les versions se rapprochent.  Madame Bourgault dit non seulement avoir exprimé aux intimés qu’elle voulait que le montant de 100 000 $ investi soit garanti mais que ces derniers le lui auraient confirmé.  Il ressort de la preuve que c’est ce qu’elle a toujours compris[6]

[21]        Madame Bourgault savait qu’elle n’avait pas de besoin en assurance vie[7], ce produit visant avant tout un placement à l’abri de l’impôt[8] et ayant pour résultat qu’il n’y avait quasiment plus de bénéfice d’assurance vie à l’âge de la retraite mais plutôt une rente annuelle de 39 000 $.

[22]        Madame Bourgault déclara, au sujet des risques liés au marché boursier, que rien ne lui avait vraiment été dit mais qu’il avait plutôt été question du rendement possible de 8 %[9].  Elle se souvint qu’ils lui avaient présenté les illustrations jointes à la proposition[10].  Elle relata qu’un des avantages représentés était la rente annuelle de 39 000 $ et le fait que les rendements étaient à l’abri de l’impôt.  Quant au concept d’emprunt par collatéral[11] pour recevoir la rente de 39 000 $, ce concept ne lui disait rien[12].  Elle reconnut toutefois avoir reçu les informations et les explications sur le fonctionnement de la police mais déclara qu’elle n’avait «pas été attentive à tout ça» n’étant pas quelque chose qu’elle comprenait[13].  Plus tard, elle avoua ne pas avoir posé de questions ajoutant même ne pas avoir lu la police. 

[23]        Quant au coût annuel d’assurance, les intimés lui avait dit qu’il s’agissait d’un versement unique.  Quand elle reçut, en janvier 2002, le premier avis de prime échue[14] de 19 980 $, elle contacta M. Marcoux qui lui dit de ne pas la payer[15].  Par la suite, elle vit son investissement fondre sous le coup des primes prélevées sur la base du capital assuré initial de 2 376 000 $.  Après s’être plainte tant auprès de la compagnie Union-Vie que des représentants, Madame Bourgault a attendu en 2006 pour procéder au rachat total de sa police puisque la compagnie imposait des pénalités égales aux frais de rachat stipulés au contrat et applicables au cours des cinq premières années de la police.  Le 24 février 2006, Union-Vie lui acheminait en conséquence un chèque de 63 170,42 $, daté du 23 février 2006[16]

[24]        Pour leur part, les intimés ont fait valoir que le document intitulé «Planification de sécurité financière de Madame Bourgault»[17] avait été examiné avec la cliente qui y avait apposé des notes manuscrites.  Or, tant la copie de ce document de planification remise par les représentants à Madame Bourgault, décrite par cette dernière comme étant un cahier avec couverture verte, que la copie de la police, toutes deux produites par la plaignante comme étant celles conservées par la cliente, se sont révélées être plutôt des copies de ces documents transmis au cours de l’enquête par Madame Michaud d’Union-Vie ou par les intimés.  Ainsi, dans le cas de la police, les illustrations différaient de celles réellement jointes à la proposition et auxquelles manquaient des pages que les intimés ont fournies à l’audition[18].  Au surplus, bien qu’invitée à l’audition de fournir sa vraie copie à couverture verte de la «Planification de sécurité financière de Madame Bourgault» celle-ci a, par l’entremise de l’avocate de la plaignante, informé le comité qu’elle l’avait égaré et ne s’est pas représentée devant le comité.  Dans les circonstances, le comité retient la version des intimés à l’effet que Madame Bourgault avait annoté sa copie du document de planification au cours de la présentation de ladite planification.  Il s’en suit que la durée des rencontres ne pouvait avoir été aussi courte que le soutint la cliente.

[25]        Ceci dit, la «Planification de sécurité financière de Madame Bourgault» colligeait, entre autres, toutes les informations sur la situation financière de la cliente, la comparaison entre différents véhicules de placements accessibles et le produit proposé ainsi que les calculs de revenus aux fins de retraite de Madame Bourgault. 

[26]        Les intimés, quant à eux, estiment avoir fourni lors de la proposition toutes les explications nécessaires à la compréhension du produit, les risques du marché boursier, avantages et désavantages et autres particularités de la police.  Il s’agissait bien d’un dépôt ou prime unique ce qui est confirmé par le préavis de remplacement de la police[19].  Selon eux, dès la 3e année, le volume d’assurance ou capital assuré serait  baissé à 800 000 $ comme le supporte la note adressée au tarificateur accompagnant la proposition[20] ainsi que les différentes illustrations jointes à la proposition en octobre 2000.

[27]        Il ressort de façon prépondérante de la preuve que ce que la cliente croyait et avait compris était que le capital (dépôt initial ou prime unique) de 100 000 $ était garanti tel qu’indiqué au paragraphe a) du chef 1.  Le mot «capital», dans le jargon des assurances, peut désigner des notions différentes. À titre d’exemple, mentionnons le capital décès, le capital assuré qui fut appelé souvent, au cours de l’audience, volume d’assurance.  De plus, le mot capital est employé souvent seul imposant à l’interlocuteur la tâche de conclure à quelle notion il renvoie.  Par conséquent, un manque de rigueur dans l’utilisation de ce mot peut facilement confondre le consommateur. 

[28]        Quant au paragraphe b) du chef porté contre M. Bourdeau, l’expérience de Madame Bourgault dans des placements semblables à ceux proposés pour cette police fait en sorte que le comité ne croit pas que Madame Bourgault ne comprenait pas les risques inhérents au marché boursier.  Quant aux frais et pénalités en cas de baisse de capital, les représentants ne le sachant pas eux-mêmes (voir l’analyse sous les chefs 2 et 4) et le tout étant la cause des pourparlers à partir de 2002 avec Union-Vie, ils pouvaient difficilement l’en informer au moment de la proposition le 12 octobre 2000.

[29]        Aussi, concernant le reproche avancé au paragraphe c) eu égard au caractère avantageux de cette police pour Madame Bourgault, la preuve ne supporte pas que Madame Bourgault désirait «uniquement faire un placement sécuritaire».  La preuve a révélé plutôt que la priorité de Madame Bourgault était de placer cet argent à l’abri de l’impôt et d’en constituer un revenu lors de sa retraite d’où le côté avantageux de ce produit. 

[30]        Bien que Madame Bourgault ait pu expliquer le fonctionnement général de la police, la preuve est claire qu’elle n’a pas compris le concept d’emprunt par collatéral visé par le paragraphe d) du chef 1.  L’assurance-vie universelle est un produit fort complexe et exige une attention particulière lors des explications fournies aux clients et il revenait aux représentants de s’en assurer. 

[31]        Quant au paragraphe e) au sujet du coût ‘’annuel’’ d’assurance de 4 847,04 $, il convient d’abord de préciser qu’il s’agit du coût d’assurance de la première année.  Le coût des années suivantes était très clairement indiqué dans l’illustration (page supplémentaire Chiffrier) fournie lors de la présentation du cahier vert «Planification de sécurité financière» que les intimés ont examiné avec Madame Bourgault et dans lequel elle aurait inscrit plusieurs annotations.  Comme déjà indiqué, le comité a retenu que ces informations ont dûment été données à la cliente.

[32]        Les gestes reprochés aux paragraphes f) et g) ne peuvent tenir en fonction de la preuve offerte puisque le 12 octobre 2000, les représentants ne pouvait lui tenir de tels propos, ayant appris le tout qu’après coup en 2002 tel que rapporté sous les chefs 2 et 4.

[33]        Comme maintes fois énoncé par le comité de discipline, il incombe aux représentants non seulement de fournir les explications nécessaires à une bonne compréhension mais de s’assurer que le client a effectivement compris.  Ainsi compte tenu des gestes reprochés aux paragraphes a) d) du chef 1 de la plainte portée contre M. Bourdeau, le comité déclarera les intimés coupables du chef 1 de la plainte respectivement portée contre eux.

Chefs 2 et 4

CD00-0644

2.             À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé JACQUES-ANDRÉ MARCOUX, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Robert Bourdeau, une proposition pour l’émission d’une police d’assurance vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA de la compagnie l’Union-Vie, pour un capital de 2 376 000$ portant le numéro 357884, a fait défaut de tenir compte des limites de ses connaissances en faisant souscrire sa cliente à un produit qu’il méconnaissait et dont il ne pouvait transmettre des informations efficaces et pertinentes et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 9 et 10 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers ( L.R.Q., c.D-9.2);

CD00-0646

4.             À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé ROBERT BOURDEAU, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Jacques-André Marcoux, une proposition pour l’émission d’une police d’assurance vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA de la compagnie l’Union-Vie, pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a fait défaut de tenir compte des limites de ses connaissances en faisant souscrire sa cliente à un produit qu’il méconnaissait et dont il ne pouvait transmettre des informations pertinentes et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 9 et 10 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q.,c.D-9.2);

[34]        Une grande partie des audiences fut consacrée, plus particulièrement pour ces chefs, au déroulement et contenu de la formation donnée par Madame Michaud aux intimés ainsi qu’aux discussions intervenues entre les dirigeants de la compagnie Union-Vie et Assep de Trois-Rivières au sujet des polices Ulysse 2000 (2e version) vendues par ses représentants. 

[35]        Il ressort de la preuve que les représentants connaissaient le produit mais qu’ils ont été induit en erreur lors de la formation donnée aux représentants chez Assep de Trois-Rivières en leur montrant et leur laissant croire qu’ils pouvaient procéder à une baisse du volume d’assurance ou du capital assuré dès le début de la 3e année et ce, sans imposition de frais ou de pénalités tout comme dans les polices des compagnies AIG et National Vie comparées à cette occasion.  De plus, aucune clause de la police (P-3) ne laissait entrevoir l’imposition de pénalités en ce dernier cas.  Seule une clause mentionnant des frais en cas de rachat de la police avant la 6e année apparaissait au contrat.  D’ailleurs, c’est sur celle-ci que la compagnie semble s’être appuyée pour l’imposition de pénalités.  Enfin, le fait que la compagnie ait, par la suite, modifié le contrat, aux dires de Madame Michaud, pour éviter toute confusion à l’avenir, soutient cet état de fait.

[36]        Dans les circonstances, le comité est d’avis que les représentants ne pouvaient pas savoir ou prévoir qu’en réduisant le capital assuré après la deuxième année (tel que leur stratégie l’établissait depuis le début), le client serait confronté à des pénalités équivalentes aux frais applicables en cas de rachat avant la 6ième année du contrat.  Enfin, les discussions et correspondances entre Assep de Trois-Rivières et la compagnie Union-Vie corroborent cette théorie des intimés. 

[37]        Ainsi, le comité estime que les intimés Messieurs Marcoux et Bourdeau ne peuvent être déclarés coupable au point de vue déontologique sur ces chefs 2 et 4 respectivement et les acquittera.

Chefs 2 et 3 (M. Bourdeau)

2.     À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé ROBERT BOURDEAU, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Jacques-André Marcoux, une proposition pour l’émission d’une police d’assurance vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA de la compagnie l’Union-Vie, pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a fait défaut de subordonner son intérêt personnel à celui de sa cliente et de formuler des recommandations sans égard à son gain personnel alors que la cliente  désirait uniquement placer la somme de 100 000 $ dans un placement sécuritaire et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q.,c.D-9.2);

3.     À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé ROBERT BOURDEAU, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Jacques-André Marcoux, une proposition pour l’émission d’une police d’assurance vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA de la compagnie l’Union-Vie, pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a fait défaut de s’acquitter de son mandat avec diligence en faisant souscrire sa cliente à une police d’assurance vie dont le capital n’est pas garanti alors que cette dernière désirait placer une somme de 100 000 $ dans un placement sécuritaire et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q.,c.D-9.2);

[38]        Le comité renvoie pour ce chef 2 concernant M. Bourdeau à l’analyse faite sous le chef 1 et de façon plus particulière au paragraphe 29.  Ce chef est en conséquence rejeté, la prépondérance de preuve favorisant l’intimé.

[39]        Pour les mêmes raisons, le chef 3 est rejeté.  Aussi, dans son libellé, le chef confond le capital assuré avec le capital de 100 000 $ investi par la cliente qui constituait le dépôt unique en l’espèce et plus particulièrement en décrivant ainsi: «qu’il a fait souscrire à une police d’assurance vie dont le capital (lire capital assuré[21]) n’est pas garanti alors que la cliente désirait placer une somme de 100 000 $ dans un placement sécuritaire».  Le comité est d’avis que le produit offert par les représentants en l’espèce, tel que discuté sous les chefs 2 et 4, répondait au mandat confié par Madame Bourgault qui voulait faire un placement à l’abri de l’impôt aux fins de revenu à sa retraite. 

 

Par ces motifs, le comité de discipline

 

À l’égard de M. Marcoux

ACCUEILLE en partie la plainte;

DÉCLARE  l’intimé coupable sur le chef 1;

ACQUITTE l’intimé sur le chef 2;

À l’égard de M. Bourdeau

ACCUEILLE en partie la plainte;

DÉCLARE  l’intimé coupable sur le chef 1;

ACQUITTE l’intimé sur le chef 2, 3 et 4;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Yvon Fortin______________________

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie____________________

M. Pierre Décarie

Membre du comité de discipline

 

 

Me Nathalie Lavoie

GAGNÉ LETARTE

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Maurice Charbonneau

CHARBONNEAU, AVOCATS CONSEILS

Procureurs de la partie intimée Pierre Bourdeau

 

Me Pierre Soucy

LAMBERT THERRIEN BORDELEAU SOUCY

Procureurs de la partie intimée André Marcoux

 

Dates d’audience :

 

18 et 19 octobre 2007, 5 et 6 février 2008.

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

:

CD00-0644 et CD00-0646

 

DATE :

18 mars 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. fin.

Membre

M. Pierre Décarie

Membre

______________________________________________________________________

 

Me MICHELINE RIOUX, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JACQUES-ANDRÉ MARCOUX, conseiller en sécurité financière et représentant en plan de bourses d’études  (certificat numéro 135 233)

 

et

 

ROBERT BOURDEAU, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 104 693)

Parties intimées

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

[1]  Le comité s’est réuni le 12 novembre 2009, à l’hôtel Delta de Trois-Rivières, sis au 1620, rue Notre-Dame Centre, à Trois-Rivières, pour procéder à l’audition de la preuve et représentations sur sanction des parties en cause suite à la décision sur culpabilité rendue contre chacun d’eux le 13 juillet 2009.

[2]  Par cette décision sur culpabilité, un seul chef d’accusation fut retenu contre chacun des intimés qui étaient présents et représentés par procureurs.  Ces chefs étaient ainsi libellés :

Chef 1

CD00-0644

1.         À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé JACQUES-ANDRÉ MARCOUX, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Robert Bourdeau, une proposition d’assurance auprès de la compagnie Union-Vie, pour l’émission d’une police d’assurance-vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a omis d’agir en conseiller consciencieux en n’expliquant pas de façon complète et objective, la nature, les avantages et les désavantages du produit qui était proposé à la cliente et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 12,13,14,16 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2);

CD00-0646

1.         À Victoriaville, le ou vers le 12 octobre 2000, l’intimé ROBERT BOURDEAU, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Francine Bourgault, en collaboration avec un autre représentant soit Jacques-André Marcoux, une proposition pour l’émission d’une police d’assurance vie universelle Ulysse 2000 nivelée TRA de la compagnie l’Union-Vie, pour un capital de 2 376 000 $ portant le numéro 357884, a omis d’agir en conseiller consciencieux, de lui fournir les renseignements nécessaires, de lui expliquer de façon complète et objective, la nature, les avantages et les désavantages du produit qu’il lui proposait et a fait des déclarations qui étaient inexactes ou incomplètes, en :

a.   Affirmant à la cliente que le capital de 100 000 $ était garanti à 100 %;

b.  

c.  

d.   Affirmant que la cliente aurait droit à une rente de 39 000 $ à l’âge de 65 ans sans toutefois expliquer que cela devrait se faire par un emprunt bancaire sous forme de prêt collatéral et sans expliquer ce concept d’emprunt par collatéral;

et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 12, 13, 14, 16 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c.D-9.2, r.1.01) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q.,c.D-9.2);

 

[3]  À l’audition sur sanction, bien que représentés chacun par procureur, seul l’intimé Jacques-André Marcoux était présent et a offert un témoignage. 

[4]  Le procureur de la plaignante ainsi que celui de l’intimé Robert Bourdeau se sont limités à des représentations.

Témoignage de l’intimé Jacques-André Marcoux

[5]  M. Marcoux relata les effets négatifs que le processus disciplinaire avait eus notamment sur sa vie professionnelle et personnelle et ce, même avant que la décision sur culpabilité ne soit rendue. 

[6]  En octobre 2000, au moment où les infractions ont été commises, il n’avait pas beaucoup d’expérience n’exerçant que depuis janvier 1999 et il était de pratique courante d’être jumelé à un courtier d’expérience.  C’est dans ce contexte qu’il fit équipe avec M. Bourdeau.  Pour sa part, étant plus familier avec l’informatique, il suppléait sur ce point aux lacunes de M. Bourdeau et s’est impliqué surtout dans la préparation du dossier.  Comme M. Bourdeau connaissait la cliente depuis plus de vingt ans et qu’il détenait une très grande expérience dans la vente, c’est lui qui s’adressait davantage à la cliente concernant le produit, même s’il connaissait très bien lui-même les produits et leurs contenus.

[7]  M. Marcoux dit avoir décidé à partir de l’audition sur culpabilité, de ne plus travailler avec d’autres afin de mieux contrôler l’information fournie aux clients.  Aussi, il a mis en place certaines mesures notamment :

    Expliquer le produit à plus d’une reprise aux clients.

    En faire un résumé et faire ressortir, s’il s’agit d’une police d’assurance, ses caractéristiques.

    Demander aux clients de lui expliquer le produit ou contrat afin d’apprécier leur compréhension et rectifier au besoin les éléments incompris.

    Ajouter quatre documents au cahier de présentation de produit au client : un accusé de réception, une autorisation signée des clients pour conserver copies des documents dont il a pris connaissance, une reconnaissance par les clients des explications reçues et une autre attestant, s’il y a lieu, de leur refus de sa recommandation.

    Remettre aux clients une déclaration informant de son lien avec le groupe Cloutier mais sans être limité aux seuls produits des compagnies avec lesquelles le cabinet fait affaire.

[8]  L’intimé déclara ne plus vendre de produit visant les deux objectifs d’assurance et d’investissement, comme il était question avec la police d’assurance vie universelle, dans la présente affaire.

[9]  Il ajouta avoir créé une banque de données indiquant les noms et numéros de téléphone de ses clients, les dates de suivi et autres.

[10]      L’intimé dit suivre la formation continue exigée par les règlements et ne pas avoir d’antécédent disciplinaire.

[11]      Quant à ses regrets face aux infractions, il déclara que la perte subie par la cliente était malheureuse mais qu’elle était due principalement aux fausses représentations que le bureau de la Compagnie d’assurance Union-Vie leur avait faites du produit.  Il ajouta que si la cliente avait attendu pour retirer son investissement les dix ans prévus à la police, sa perte aurait été moindre.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

À l’égard de M. Jacques-André Marcoux

[12]      La plaignante, par l’entremise de son procureur, rappela que cette infraction était d’une gravité objective importante puisque la cliente n’avait pas de besoin en assurances et avait dû liquider d’autres placements afin d’obtenir 100 000 $ pour pouvoir souscrire à une assurance de plus de 2 300 000 $.  Elle insista également sur le fait que les commissions perçues furent très importantes et qu’il s’agissait d’un facteur à considérer.

[13]      La procureure de la plaignante, alléguant les modifications en décembre 2007 du montant minimum et maximum des amendes (1 000 $ et 12 500 $) dans le Code des professions, recommanda une amende de 4 200 $ pour M. Marcoux et une amende de 6 000 $ pour M. Bourdeau.  Elle a référé le comité à différentes décisions disciplinaires où des amendes d’environ 2 000 $ pour des chefs semblables étaient imposées, précisant toutefois que c’était suite à un plaidoyer de culpabilité. 

[14]      Pour sa part, le procureur de M. Marcoux avança qu’il fallait tenir compte que son client avait mis en place des mesures pour éviter que cette situation se répète, démontrant ainsi qu’il avait bien compris la leçon.  Il suggéra que son client avait exprimé son regret en se disant malheureux de la perte subie par la cliente.  Finalement, il fit valoir que la preuve et la décision sur culpabilité avaient démontré que le rôle de M. Marcoux était beaucoup moins important dans la commission de l’infraction que celui de M. Bourdeau dont c’était la cliente et qui était celui qui avait proposé le produit.

[15]      Bien qu’il ait cité deux décisions où les amendes étaient de l’ordre d’environ 1 000 $, il se référa davantage à l’affaire Lapointe c Rioux[22], et proposa de n’imposer, comme dans ce dernier cas, qu’une réprimande.  Il soumit qu’il n’y avait pas de risque de récidive et que les facteurs atténuants étaient similaires en ce que M. Marcoux avait été victime de son manque d’expérience dans la vente et avait compris qu’il devait s’assurer que le client comprenne avant de conclure une transaction.

À l’égard de M. Robert Bourdeau

[16]      La procureure de la plaignante souligna que l’absence de M. Bourdeau à l’audition sur sanction démontrait le peu de regret de celui-ci.  Elle insista sur le fait qu’il bénéficiait de la confiance de la cliente qui faisait affaires avec lui depuis plus de vingt ans et sa longue expérience dans le domaine.  Par conséquent, elle conclut qu’une amende de 6 000 $, dans les circonstances, n’était pas exagérée.

[17]      Pour sa part, le procureur de l’intimé M. Bourdeau soumit que l’absence de son client à l’audition ne pouvait être interprétée comme un manque de regret ou une absence de regret de sa part, celui-ci étant à l’extérieur du pays.  Il souligna que M. Bourdeau exerçait depuis plus de trente ans, avait toujours collaboré avec le syndic et n’avait pas d’antécédent disciplinaire.

[18]      Il signala qu’il s’agissait d’une seule transaction, d’une seule cliente alors que dans les décisions soumises par la plaignante il y avait plus d’un client. 

[19]      Il soutint qu’une amende de 6 000 $ serait nettement exagérée et punitive.  Il conclut également à l’imposition d’une réprimande pour M. Bourdeau. 

[20]      En réplique, la procureure de la plaignante indiqua que les amendes suggérées ne sont pas punitives mais répondent plutôt au critère d’exemplarité pour passer un message clair et cohérent aux représentants, que la compréhension par les clients des produits est à la base des services à rendre à ces derniers.


ANALYSE ET DÉCISION

[21]      Les infractions retenues contre les intimés impliquent une seule consommatrice Madame Francine Bourgault. 

[22]      Les faits atténuants à l’égard de M. Marcoux au niveau de la sanction à déterminer consistent :

    Il avait seulement un an d’expérience;

    Il assistait M. Bourdeau dans la vente de ce produit;

    La cliente était celle de M. Bourdeau et ce, depuis vingt ans;

    M. Bourdeau dirigeait le processus de la vente;

    M. Marcoux a décidé de faire cavalier seul et a mis des mesures en place pour améliorer sa pratique;

[23]      Toutefois, au chapitre du repentir, le comité estime que M. Marcoux s’est plutôt attardé sur les incidences du processus disciplinaire pour lui-même et sa famille.  Il n’a pas exprimé de regret à l’égard de la conduite qui lui était reprochée.  Aussi, le comité n’a pas été impressionné par l’expression par M. Marcoux, dans le cadre, rappelons-le, du contre-interrogatoire, d’un regret plutôt mitigé face à la situation vécue par la cliente et la perte subie.  Qui plus est, de son propre aveu, M. Bourdeau connaissait moins bien le produit que lui-même.  Par conséquent, en conseiller consciencieux, il aurait dû s’assurer que le produit était bien expliqué à la cliente, qu’elle le comprenait et intervenir à ce niveau.  Cependant, ayant entendu M. Bourdeau et constaté son comportement au cours des auditions sur la culpabilité, le comité est conscient que ce dernier agissait comme leader et qu’il ne devait pas être facile pour M. Marcoux de s’imposer. 

[24]      Le comité estime que l’obligation d’obtenir la compréhension du client est fondamentale pour le représentant et ne pas s’en assurer adéquatement est une faute dont la gravité objective est importante et retiendra la suggestion de la plaignante à l’imposition d’amendes pour chacun des intimés. 

[25]      Néanmoins, contrairement à ce qu’avança la procureure de la plaignante, le comité ne peut conclure de la décision Tesdeshi[23] que la règle de trois est celle à suivre pour la détermination des amendes suite aux amendements adoptés à ce titre en décembre 2007 dans le Code des professions.  Il retient plutôt qu’il s’agit dans chaque cas d’une appréciation qui doit être faite par le comité.  Quant aux décisions Côté[24] et Ferland[25], les infractions diffèrent, en partie, de celles dans la présente affaire, puisqu’elles font état de tromperie ou d’informations trompeuses.  C’est aussi le cas de l’affaire Beauchemin[26].

[26]      Considérant que c’est M. Bourdeau qui dirigeait le dossier et en était l’instigateur, il paraît justifié que l’amende à l’égard de M. Marcoux soit moindre que la sienne. 

[27]      Le comité tient compte de l’intention du législateur manifestée par les amendements de décembre 2007 que les amendes imposées soient plus lourdes. 

[28]      Par conséquent, une amende de 2 000 $ sera imposée à M. Marcoux.  Pour M. Bourdeau, comme il connaissait la cliente depuis plus de vingt ans, il était d’autant plus en mesure d’évaluer le degré de sa compréhension et de s’assurer qu’elle comprenait le produit.  Il devait aussi s’assurer de bien le comprendre lui-même aux fins de l’expliquer adéquatement.  Il n’a pas agi en conseiller consciencieux et la condamnation doit le refléter.  Le comité condamnera M. Bourdeau à une amende de 4 000 $.

[29]      Le comité estime également que M. Bourdeau doit assumer les déboursés dans une proportion plus importante.  Ainsi, ces déboursés seront partagés dans une proportion d’un tiers pour M. Marcoux et de deux tiers pour M. Bourdeau.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé Jacques-André Marcoux au paiement d’une amende de 2 000 $ sur le chef d’accusation numéro 1 de la plainte portée contre lui;

CONDAMNE l’intimé Robert Bourdeau au paiement d’une amende de 4 000 $ sur le chef d’accusation numéro 1 de la plainte portée contre lui;

CONDAMNE les intimés au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26) dans une proportion d’un tiers pour M. Marcoux et de deux tiers pour M. Bourdeau. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Yvon Fortin  _____________________

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie        ________________

M. Pierre Décarie

Membre du comité de discipline

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 

Me Nathalie Lavoie

GAGNÉ LETARTE

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Pierre Soucy et M. Francis Pilon, stagiaire

LAMBERT THERRIEN BORDELEAU SOUCY

Procureurs des parties intimées

 

Date d’audience :

 

12 novembre 2009

 



[1] Notes sténographiques («N.S.») du 19 octobre 2007 témoignage de Mme Michaud et du 6 février 2008, p. 180, ligne 4, témoignage de M. Marcoux.

[2] P-3, p. 28.7 de la divulgation.

[3] P-4, p. 38.15 et RB-3, p. 2 de 15.

[4] Osman c. Médecins (Corp. Professionnelle des) [1994], D.D.C.P. 257, paragraphes 37 et 38.

[5] N.S. du 6 février 2008, pp. 182-184.

[6] N.S. du 18 octobre 2007, p. 25, lignes 6-17, p. 28, lignes 25-29, p. 29, lignes 22-24, p. 82, lignes 1-10,

p. 83, lignes 9-11 et p. 85, lignes 4-5.

[7] N.S. du 18 octobre 2007, p. 29, lignes 15-25.

[8] P-7, p. 6.2, sections 5 et 6, signée par la cliente.

[9] N.S. du 18 octobre 2007, p. 82, lignes 11-23.

[10]Voir note 2.

[11] N.S. du 18 octobre 2007, pp. 84-85.

[12] N.S. du 18 octobre 2007, p. 85, lignes 6-10.

[13] N.S. du 18 octobre 2007, p. 84, lignes 11-25.

[14] P-37.

[15] N.S. du 18 octobre 2007, p. 85, lignes 11-23.

[16] P-28.

[17] P-4 en liasse, pp. 38 à 38.27.

[18] RB-1 à 3.

[19] P-7, p. 6.1.

[20] P-12.

[21] Notre ajout.

[22] Lapointe c. Rioux, 500-80-002619-048, rendue le 12 juillet 2005, Cour du Québec.

[23] CD00-0707, rendue le 6 octobre 2009.

[24] CD00-0633, rendue le 30 mai 2007.

[25] CD00-0729, rendue le 27 août 2009.

[26] CD00-0596, rendue le 13 avril 2007.

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