Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0868

 

DATE :

20 décembre 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin.

Membre

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. JACQUES BAKER (Certificat 101018)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 30 septembre 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni à la salle Héritage A de l’hôtel Four Points by Sheraton situé au 35, rue Laurier, Gatineau, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Ottawa, le ou vers le 5 juillet 2004, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant à son client A.M. une somme de 5 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

2.          À Ottawa, le ou vers le 21 janvier 2005, l’intimé s’est approprié la somme de 5 000 $ que lui avait prêtée son client A.M., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3), 2, 6, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

3.          À Gatineau, le ou vers le 10 août 2004, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en endossant un prêt de 20 000 $ octroyé à Construction Globetek inc. par son client A.M., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

4.          À Ottawa, le ou vers le 27 octobre 2004, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant à son client A.M. une somme de 1 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

5.          À Ottawa, le ou vers le 1er décembre 2004, l’intimé s’est approprié la somme de 1 000 $ que lui avait prêtée son client A.M., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.3),  2, 6, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé qui se représentait lui-même enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier sous les cotes P-1 à P-12 une preuve documentaire composée essentiellement d’éléments recueillis lors de son enquête, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il choisit de témoigner mais ne déposa aucun document.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en indiquant que sous chacun des chefs d’accusation 1 à 5 elle suggérait au comité d’imposer à l’intimé une radiation temporaire de cinq (5) ans à être purgée de façon concurrente. Elle déclara de plus réclamer la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[8]           Elle indiqua que la sanction suggérée avait été discutée, voire même convenue avec le procureur qui, jusqu’à la veille de l’audition, avait agi pour l’intimé.

[9]           Elle exposa ensuite, à l’aide des pièces qu’elle venait de produire, le contexte factuel lié aux infractions commises par l’intimé et soumit au comité un cahier d’autorités.

[10]        Analysant les chefs d’accusation 1, 3 et 4 reprochant à l’intimé de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, elle insista sur la gravité objective de telles infractions.

[11]        Elle évoqua ensuite, à titre de facteur aggravant, l’âge relativement avancé du consommateur en cause, soit A.M., âgé de 82 ans.

[12]        Elle ajouta que l’intimé, un représentant d’expérience, ne pouvait pas en l’espèce plaider une « erreur de jeunesse ».

[13]        Relativement au chef numéro 3, elle indiqua que la somme de 20 000 $ prêtée par A.M. sur les conseils de l’intimé à Construction Globetek inc. n’avait fait l’objet d’aucun remboursement.

[14]        Au plan des éléments atténuants, elle mentionna la longue carrière sans tache de l’intimé, sa collaboration à l’enquête de la syndique et l’enregistrement par ce dernier d’un plaidoyer de culpabilité à tous les chefs d’accusation portés contre lui, évitant ainsi à A.M. dont la santé n’était pas à son mieux, le fardeau considérable d’avoir à témoigner. Elle ajouta à l’égard des infractions d’appropriation de fonds décrites aux chefs d’accusation 2 et 5 le montant total relativement faible de celles-ci, soit 6 000 $, signalant qu’il y avait eu remboursement partiel des sommes appropriées. Elle rappela enfin qu’un seul client était en cause.

[15]        Au soutien de sa recommandation pour l’imposition d’une radiation temporaire de cinq (5) ans, elle évoqua la décision rendue par le comité dans l’affaire Thibault[1] où, comme en l’instance, il était reproché au représentant d’une part de s’être placé en situation de conflit d’intérêts et, d’autre part, de s’être approprié de sommes appartenant à son client.

[16]        Elle indiqua que le comité avait en cette affaire imposé au représentant une radiation temporaire de dix (10) ans sous les chefs d’appropriation de fonds et une radiation temporaire de cinq (5) ans sous les chefs lui reprochant de s’être placé en situation de conflit d’intérêts.

[17]        Elle cita ensuite l’affaire Bergeron[2] où le représentant, reconnu coupable de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, a été condamné à une radiation temporaire de cinq (5) ans ainsi que l’affaire Laliberté[3] où le représentant, reconnu coupable sous un chef de conflit d’intérêts et trois (3) chefs d’appropriation de fonds, a également été condamné à une radiation temporaire de cinq (5) ans.

[18]        Elle termina en évoquant la décision dans l’affaire Raymond[4] où l’intimée, reconnue coupable d’une appropriation de fonds de 1 300 $, a été condamnée à une radiation temporaire de dix (10) ans.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[19]        L’intimé débuta ses représentations en mentionnant que la radiation de cinq (5) ans proposée par la plaignante et à laquelle avait souscrit le procureur qui le représentait lui apparaissait une sanction sévère. Il indiqua que si le comité convenait de lui imposer une sanction moindre, « il l’apprécierait ».

[20]        Pour ce qui est de la publication de la décision, il indiqua qu’il préférerait que le comité s’abstienne d’ordonner celle-ci.

[21]        Relativement au paiement des déboursés, il indiqua qu’il avait déjà été appelé à défrayer des frais d’avocats importants en cette affaire et déclara qu’il espérait que le comité puisse les « réduire ».

[22]        Ceci dit, il admit néanmoins avoir commis « une grave erreur » et indiqua qu’il la regrettait sincèrement.

[23]        Il termina en rappelant au comité qu’avant les événements reprochés il avait eu une carrière de trente-trois (33) ans sans fautes.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[24]        Le comité a considéré les sanctions qui lui ont été proposées par la plaignante et auxquelles avait, semble-t-il, souscrit le procureur retenu jusqu’à la veille de l’audition par l’intimé. Il a aussi révisé attentivement les décisions antérieures qui lui ont été soumises et est d’avis qu’en l’instance il n’y a pas lieu pour lui de s’écarter des recommandations de cette dernière.

[25]        Les sanctions suggérées en l’espèce lui apparaissent en effet justes, raisonnables et appropriées.

[26]        Les chefs 2 et 5 font état d’appropriation de fonds appartenant à un client qui est l’une des infractions les plus sérieuses que puisse commettre un représentant. Quant aux chefs 1, 3 et 4, ceux-ci reprochent à l’intimé d’avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance et de s’être placé en situation de conflit d’intérêts d’une part en empruntant de son client et, d’autre part, en endossant le prêt qu’il lui a conseillé d’octroyer à Construction Globetek inc.

[27]        La gravité objective des infractions commises par l’intimé est indéniable. Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et portent directement atteinte à la réputation de celle-ci.

[28]        Le comité se conformera donc aux recommandations de la plaignante et condamnera l’intimé sous chacun des chefs d’accusation à une radiation temporaire de cinq (5) ans à être purgée de façon concurrente.

[29]        Par ailleurs, en l’absence de motifs suffisants qui le justifieraient de s’écarter des règles habituelles, le comité est aussi d’avis d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous chacun des chefs 1 à 5 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1 à 5 contenus à la plainte;

CONDAMNE l’intimé sous chacun desdits chefs 1 à 5 à une radiation temporaire de cinq (5) ans à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Louis Georges Boily________________

M. LOUIS GEORGES BOILY, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Armand Éthier____________________

M. ARMAND ÉTHIER, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Mathieu Cardinal

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

30 septembre 2011

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Micheline Rioux c. Robin Thibault, CD00-0564, 2006 Can LII 59838 (QC CDCSF).

[2]     Lena Thibault c. Marc Bergeron, CD00-0682, 2008 Can LII 10548 (QC CDCSF).

[3]     Caroline Champagne c. Michel Laliberté, CD00-0801, Soquij AZ-50723963.

[4]     Caroline Champagne c. Mélanie Raymond, CD00-0829, Soquij AZ-50762956.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.