Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0839

 

DATE :

6 juillet 2011

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LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Gaétan Magny

Membre

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JACQUES-ANDRÉ MARCOUX, conseiller en sécurité financière (certificat 135 233)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]            Le 12 avril 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s’est réuni à son siège social sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal dans le but de procéder à l’audition de la plainte portée contre l'intimé qui se lit comme suit :

LA PLAINTE

F.L.

1.   À Trois-Rivières, vers juillet 2008, l’intimé n’a pas expédié une copie du préavis de remplacement requis à l’assureur London Life, susceptible d’être remplacé, dans les cinq jours de la signature de la proposition d’assurance-vie no 100185031, souscrite auprès d’AIG, contrevenant ainsi à l’article 22 (4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

2.   À Trois-Rivières, vers juillet 2008, alors qu’il faisait souscrire à F.L. une proposition pour l’émission du contrat d’assurance no  100185031 auprès de AIG Vie du Canada, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement du contrat d’assurance no 09F274374G émis par London Life, l’intimé n’a pas rempli en même temps que la proposition d’assurance-vie le préavis de remplacement requis, contrevenant ainsi à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

3.   À Trois-Rivières, le ou vers le 18 juillet 2008, l’intimé a fait signer en blanc un préavis de remplacement à F.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, (L.R.Q. c. D‑9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D‑9.2,   r. 1.01);

4.   À Trois-Rivières, le ou vers le 18 juillet 2008, l’intimé n’a pas favorisé le maintien en vigueur du contrat d’assurance-vie no 09F274374G souscrit auprès de London Life, contrevenant ainsi à l’article 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

F.C.

5.   À Trois-Rivières, vers juillet 2008, l’intimé n’a pas expédié une copie du préavis de remplacement requis à l’assureur London Life, susceptible d’être remplacé, dans les cinq jours de la signature de la proposition d’assurance-vie no 100185031, souscrite auprès d’AIG, contrevenant ainsi à l’article 22 (4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

6.   À Trois-Rivières, vers juillet 2008, alors qu’il faisait souscrire à F.C une proposition pour l’émission du contrat d’assurance no  100185031 auprès de  AIG Vie du Canada, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement du contrat d’assurance no 09F274372G émis par London Life, l’intimé n’a pas rempli en même temps que la proposition d’assurance-vie le préavis de remplacement requis, contrevenant ainsi à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (L.R.Q.,. c. D-9.2, r.1.3);

7.   À Trois-Rivières, le ou vers le 18 juillet 2008, l’intimé a fait signer en blanc un préavis de remplacement à F. C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, (L.R.Q. c. D‑9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D‑9.2,   r. 1.01);

8.   À Trois-Rivières, le ou vers le 18 juillet 2008, l’intimé n’a pas favorisé le maintien en vigueur de la police d’assurance-vie no 09F274372G souscrit auprès de London Life, contrevenant ainsi à l’article 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.3).

[2]           Dès l’ouverture de la séance d’audition, les parties, par l’entremise de leurs procureurs respectifs, ont annoncé au comité qu’elles avaient des suggestions communes à formuler vu l’entente intervenue entre elles sur l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité sous les chefs d’infraction 1 à 4 et sur les sanctions à être suggérées.

[3]           L’intimé a donc enregistré un plaidoyer de culpabilité sous les chefs d’infraction 1 à 4 de la plainte disciplinaire.

[4]           Le procureur de la plaignante a alors avisé le comité que les chefs d’infraction 5 à 8 devaient être traités comme s’il y avait eu un arrêt des procédures puisque ces chefs sont le « miroir » des chefs 1 à 4 de sorte qu’une condamnation sur les chefs 5 à 8 irait à l’encontre de la règle interdisant les condamnations multiples établie par l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Kienapple[1].

[5]           Pour les sanctions, les procureurs des parties ont suggéré l’imposition d’une réprimande sur les chefs d’infraction 1 et 2, l’imposition d’une amende de 4 000 $ sur le chef d’infraction 3 et l’imposition d’une amende de 5 000 $ sur le chef d’infraction 4. Un délai de trois mois a été requis par l’intimé pour lui permettre de payer ces amendes.

[6]           Les procureurs des parties ont ensuite entrepris de soumettre au comité leurs preuves et représentations sur sanction.

[7]           Les pièces P-1 à P-7 ont été produites par le procureur de la plaignante avec le consentement du procureur de l’intimé.

[8]           Le procureur de la plaignante a procédé à exposer les facteurs atténuants et aggravants propres à cette affaire  que nous résumons comme suit :

  L’intimé n’a pas agi de mauvaise foi;

  L’intimé a collaboré à l’enquête de la syndique;

  En enregistrant un plaidoyer de culpabilité, l’intimé a fait épargner des frais et débours importants puisque l’audition de la plainte était prévue pour une durée de 3 jours;

  Les clients n’ont pas subi de perte financière car aucune police d’assurance n’a été annulée;

  L’intimé a par contre admis avoir enfreint des règles claires qu’il n’était pas sans connaître;

  L’intimé possède un antécédent disciplinaire (dossier CD00-0644) dont le comité a été invité à considérer.

[9]           Le procureur de la plaignante a soumis ensuite quelques décisions du comité de discipline de la CSF concernant des chefs d’infractions semblables au présent dossier prenant bien soin de souligner que depuis décembre 2009, les amendes doivent être d’un montant minimum de 2 000 $ tel que le prévoit dorénavant la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., chapitre D-9.2). Il a ajouté que ce minimum s’applique à toutes les infractions, même celles commises antérieurement à décembre 2009, comme il en a été décidé dans l’affaire Burns[2].

[10]        Ainsi, il a soumis :

         La décision dans l’affaire Noël[3] qui porte sur une sanction rendue dans un cas de défaut de remplir un « préavis de remplacement » de police et dans laquelle le comité a imposé une amende de 1 500 $.

         La décision dans l’affaire Lecours[4] qui porte également sur une sanction rendue dans un cas de défaut de remplir un préavis et dans laquelle le comité a imposé une amende de 1 000 $. L’intimée avait admis ses torts; les risques de récidives étaient faibles, l’intimée avait déjà été citée en discipline, les infractions reprochées avaient été commises avant les infractions que lui reprochait la plainte antérieure.

         La décision dans l’affaire Cusson[5] dans laquelle le comité de discipline a imposé une amende de 5 000 $ au représentant déclaré coupable d’avoir fait défaut de favoriser le maintien en vigueur un contrat d’assurance-vie. Il s’agissait toutefois d’une récidive car le représentant avait été condamné le 14 juillet 2003 pour une infraction identique[6].

MOTIFS ET DISPOSITIF

[11]        L’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants (L.R.Q. c. D-9.2) (le Règlement) impose au représentant de remplir, en même temps que la proposition d’assurance, le formulaire vendu par l’Autorité des marchés financiers lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner l’annulation d’un autre contrat d’assurance. Il doit de plus fournir les explications prévues, expédier le formulaire à l’assureur dont le contrat est susceptible d’être remplacé et à l’assureur à qui est soumise la proposition.

[12]        En plaidant coupable aux chefs d’infraction 1 à 4, l’intimé a admis les gestes qui lui sont reprochés.  

[13]        L’intimé a donc incontestablement contrevenu à l’article 22 du Règlement.

[14]        Les procureurs des parties suggèrent qu’une réprimande soit imposée à l’intimé concernant ces chefs d’infraction.

[15]        Dans Malouin c. Notaires[7], le Tribunal des professions a statué que pour s’écarter des suggestions communes, le comité doit estimer que celles-ci sont déraisonnables, portent atteinte à l’intérêt public ou risquent de jeter un discrédit sur l’administration de la justice.

[16]        Ordinairement, le défaut de compléter le préavis entraîne l’imposition d’une amende de 3 000 $ par infraction. C’est la sanction qui a été ordonnée dans deux affaires récentes : Côté[8] et Larochelle[9].

[17]        Ainsi le comité aurait été d’opinion que l’imposition d’une simple réprimande sur les deux premiers chefs d’infraction était une sanction insuffisante. Toutefois, la sanction qui est suggérée par les parties pour le chef d’infraction 3, reprochant à l’intimé d’avoir fait signer en blanc le préavis de remplacement, fait en sorte que pris dans leur globalité, les sanctions imposées à l’intimé entourant le préavis de remplacement de police n’apparaissent pas déraisonnables et ne portent pas atteinte à l’intérêt public.

[18]         Le comité est donc d’accord avec la suggestion des parties et imposera une réprimande sur chacun des chefs d’infraction 1 et 2 et condamnera l’intimé à payer une amende de 4 000 $ sur le chef d’infraction 3.

[19]        En ce qui concerne le chef d’infraction 4 (le maintien en vigueur du contrat d’assurance), les parties suggèrent l’imposition d’une amende de 5 000 $.

[20]        Le comité a généralement imposé des amendes d’un montant de 2 000 $ pour ce type d’infractions tel qu’il en a été décidé dans lesaffaires Grenier[10] et Duvivier[11]. Dans l’affaire Ferland[12]ce fut même 1 500 $.

[21]        Le comité considère qu’il ne s’agit pas d’un cas de répétition de la même infraction comme dans l’affaire Cusson[13] citée au soutien de cette suggestion.

[22]        Malgré cela, il faut prendre en considération que le 18 mars 2010, le comité de discipline de la CSF a condamné l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sur un chef d’infraction qui lui reprochait de ne pas avoir agi en conseiller consciencieux en n’expliquant pas de façon complète et objective, la nature, les avantages et les désavantages du produit qui était proposé à la cliente contrairement aux articles 12, 13, 14, 16 et 20 du Code de déontologie de la CSF (dossier CD00-0644). Cette décision a été confirmée en appel par l’honorable Pierre Labbé, J.C.Q., le 25 novembre 2010.

[23]        Ainsi bien que sévère, la suggestion commune des parties concernant le chef d’infraction 4 n’apparaît pas déraisonnable et ne porte pas atteinte à l’intérêt public

[24]        D’ailleurs, prises dans leur globalité, les suggestions communes soumises par les parties dans le présent dossier ne sont pas déraisonnables et ne portent pas atteinte à l’intérêt public.

[25]        Le comité imposera donc une amende de 5 000 $ sur le chef d’infraction 4.

CONDAMNATIONS MULTIPLES

[26]        Dans l’arrêt Kienapple[14], la Cour suprême du Canada a établi que « si un verdict de culpabilité est rendu sur un chef et que les mêmes éléments, ou fondamentalement les mêmes, constituent l’infraction du second chef, la situation invite l’application d’une règle s’opposant aux condamnations multiples ».

[27]        Les éléments constituant les chefs d’infraction 1 à 4 constituent également les chefs d’infraction 5 à 8. Ils pourraient tout autant entraîner des condamnations sur les chefs 1 à 4 que sur les chefs 5 à 8.

[28]        Comme il y aura condamnation dans le présent dossier sur les chefs d’infraction 1 à 4 et tant que cette condamnation subsistera, il y a lieu d’ordonner l’arrêt des procédures sur les chefs 5 à 8.

[29]        De plus, suivant la recommandation des parties, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

[30]        Le délai suggéré pour le paiement des amendes apparaît tout à fait raisonnable dans les circonstances et le comité accordera ce délai.

 

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous les chefs 1 à 4;

DÉCLARE l'intimé coupable sous les chefs 1 à 4;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures en ce qui concerne les chefs d’infraction 5 à 8 inclusivement tant que la condamnation sous les chefs 1 à 4 de la plainte disciplinaire subsistera;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des chefs 1 et 2;

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 4 000 $ sous le chef 3;

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 5 000 $ sous le chef 4;

ACCORDE à l’intimé un délai de trois (3) mois de la décision pour effectuer le paiement des amendes;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Gaétan Magny

M. Gaétan Magny

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Claude Trudel

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Soucy

LAMBERT THERRIEN, S.E.N.C.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

12 avril 2011

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729.

[2] Levesque c. Burns, CD00-0731, décision sur sanction rendue le 1er mars 2010.

[3] Rioux c. Noël, CD00-0266 décision sur sanction rendue le 4 septembre 2007.

[4] Rioux c. Lecours, CD00-0611, décision sur sanction rendue le 31 mars 2008.

[5] Levesque c. Cusson, CD00-0772, décision sur culpabilité et sanction rendue le 3 mai 2010.

[6] Rioux c. Cusson, CD00-0476, décision sur culpabilité et sanction rendue le 14 juillet 2003.

[7] Malouin c. Notaires, 2002 QCTP 15.

[8] Champagne c. Côté CD00-0837 décision sur culpabilité et sanction rendue le 5 avril 2011.

[9] Levesque c. Larochelle CD00-0728, décision sur sanction rendue le 30 novembre 2010 (en appel).

[10] Thibault c. Grenier, CD00-0727, décision sur sanction rendue le14 décembre 2009.

[11] Thibault c. Duvivier, CD00-0688, décision  corrigée sur culpabilité et sanction rendue le 26 août 2008.

[12] Lévesque c. Ferland, CD00-0729, décision sur culpabilité et sanction rendue le 27 août 2009.

[13] Précitée, note 6.

[14] Précitée, note 1, p. 751.

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