Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0744

 

DATE :

29 juin 2009

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Michel Cotroni, A.V.A.

Membre

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A.

Membre

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Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Mme IRÈNE HORNEZ, conseillère en sécurité financière

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 31 mars 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE SON CLIENT CLAUDIAN VALLIÈRE

1.             À Brossard, le ou vers le 20 novembre 2007, l’intimée IRÈNE HORNEZ a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme envers son client, Claudian Vallière, et de s’assurer que le produit qu’elle lui faisait souscrire, soit un prêt levier de 500 000 $ qui devait être investi dans des fonds de IA Clarington, correspondait à sa situation financière, notamment :

         en apposant sa signature à titre de représentant sur des formulaires d’ouverture de compte et de demande de prêt investissement Investia, lesquels avaient été préalablement remplis par Guy Leblanc, un conseiller en sécurité financière, et ;

         sans avoir rencontré monsieur Vallière, et ;

         alors que les renseignements apparaissant sur ces documents n’avaient pas fait l’objet d’une vérification de sa part;

et ce faisant, l’intimée a contrevenu aux articles 16 et 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (c. D‑9.2) ainsi qu’aux articles 10, 12 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières; »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D'entrée de jeu, l'intimée qui se représentait elle-même enregistra un plaidoyer de culpabilité à l'unique chef d'accusation contenu à la plainte.

[3]           Les parties entreprirent ensuite la présentation de leurs preuve et représentations sur sanction.

[4]           La plaignante débuta en déposant par l'entremise de son procureur, un cahier de pièces cotées P-1 à P-3 ainsi qu'un résumé écrit des faits.

[5]           Selon le résumé déposé, le contexte factuel auquel se rattache le chef d'accusation porté contre l'intimée est le suivant :

LES FAITS

[6]           M. Claudian Vallière (M. Vallière), le consommateur en cause, était un client de M. Guy Leblanc (M. Leblanc), un conseiller en sécurité financière.

[7]           Ce dernier lui a recommandé de souscrire un prêt levier de 500 000 $ qui devait être investi dans des fonds de IA Clarington et ils ont rempli ensemble les documents nécessaires à la souscription.

[8]           Ne possédant toutefois aucune certification en courtage et épargne collective, M. Leblanc ne pouvait ni conseiller ni faire souscrire à son client le produit financier en cause.

[9]           Il s'est alors adressé à l'intimée qui détenait une certification en assurance de personnes, en courtage et en épargne collective, pour qu'elle accepte de signer les formulaires de souscription à titre de représentante, convenant avec cette dernière d'un partage de la commission relative à la transaction.

[10]        Les formulaires dûment signés et remplis par le client ont été remis à l'intimée et celle-ci y a apposé sa signature à titre de représentante.

[11]        L'intimée n'a ni rencontré M. Vallière ni vérifié ou validé avec lui les renseignements apparaissant sur les documents avant d'y apposer sa signature à titre de représentante en épargne collective.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[12]        Relativement à la sanction, la plaignante produisit un cahier d'autorités et, s'inspirant des décisions qui s'y trouvaient et qu'elle commenta, recommanda au comité d'imposer à l'intimée une radiation temporaire de un (1) mois et une amende de 2 000 $. Elle suggéra aussi de condamner cette dernière au paiement des déboursés.

[13]        Elle indiqua qu'au moment de l'infraction l'intimée détenait un certificat en assurance de personnes depuis vingt-cinq (25) ans ainsi que, depuis dix (10) ans, un certificat en épargne collective qu'elle avait cependant abandonné en 2007.

[14]        Elle signala la collaboration de cette dernière avec l'enquêteur au bureau du syndic et souligna son absence d'antécédents disciplinaires.

[15]        Elle mentionna qu'à la suite de sa faute l'intimée avait perdu son emploi. Elle indiqua que lorsque d'abord questionnée par son employeur sur les événements en cause, elle avait fait défaut de lui déclarer l'entière vérité.

[16]        Elle indiqua que bien que le client en cause n'avait pas subi de réel préjudice de la faute de l'intimée, la gravité objective de celle-ci ne faisait aucun doute puisqu'elle allait directement au cœur de l'exercice de la profession.

[17]        Elle termina en insistant sur l'absence de regrets ou de remords de l'intimée qui à son avis ne semblait pas réaliser l'importance de sa faute et comprendre pourquoi elle avait été citée en discipline.

[18]        Quant à l'intimée, elle débuta en mentionnant qu'elle ne comprenait pas pourquoi une plainte disciplinaire avait été portée contre elle et qu'elle se sentait « victime de la situation ».

[19]        Elle indiqua que selon ce qui avait été convenu avec M. Leblanc, ce dernier devait attendre qu'elle rencontre le client avant d'expédier les documents à l'institution financière en cause. Malheureusement, M. Leblanc avait contrevenu à l'entente et agi avec précipitation la privant de la possibilité de rencontrer le client.

[20]        Elle invoqua qu'elle avait déjà beaucoup souffert de la situation, qu'elle n'avait, selon ses termes, « rien fait » et qu'elle se sentait « traitée comme une criminelle ».

[21]        Elle mentionna que si son permis d'exercer lui était retiré elle serait privée de son gagne-pain alors qu'elle n'avait pas les moyens de se retrouver sans ressources financières.

[22]        Elle termina en indiquant qu'à son avis elle ne méritait pas la sanction proposée par la plaignante et en répétant qu'elle ne comprenait pas « pourquoi elle s'était retrouvée en discipline » pour un geste qu'elle considérait, « disons anodin » et qui n'avait causé aucun préjudice au client concerné.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[23]        Au moment des événements reprochés, l'intimée avait dix (10) ans d'expérience dans le domaine de l'épargne collective et vingt-cinq (25) ans d'expérience dans le domaine de l'assurance-vie. Elle a abandonné ses certifications en épargne collective en décembre 2007.

[24]        Elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l'égard de la plainte portée contre elle.

[25]        Elle est âgée de 56 ans et n'a aucun antécédent disciplinaire. Elle a collaboré à l'enquête du syndic. Auprès de son employeur, elle a toutefois nié sa faute.

[26]        Si l'on doit se fier à son témoignage, elle était convaincue de l'absence d'un quelconque préjudice pour le client. Elle avait, a-t-elle déclaré au comité, entièrement confiance en les connaissances de M. Leblanc malgré son absence de certification dans le domaine du courtage et de l'épargne collective.

[27]        Néanmoins, l'infraction qu'elle a commise va clairement à l'encontre des moyens mis en place par le législateur pour assurer la protection du public. L'intimée a fait défaut d'agir en professionnelle consciencieuse et honnête. Elle n'a jamais rencontré le client et n'a pu le conseiller. Elle n'a entrepris aucune vérification des faits mentionnés aux documents qu'elle a signés à titre de représentante autorisée.

[28]        En agissant de la sorte, l'intimée a cautionné les services rendus illégalement par une personne qui ne détenait pas les certifications nécessaires et dont les connaissances n'ont jamais fait l'objet d'un contrôle ou d'une vérification par l'autorité compétente. Elle a, de plus, convenu de partager avec ce dernier la commission relative à la transaction. La gravité objective de sa faute est indéniable. Celle-ci va au cœur de l'exercice de la profession et est de nature à déconsidérer celle-ci.

[29]        Par ailleurs elle parait démontrer peu de remords ou de regrets. Malgré qu'il s'agisse d'une faute isolée, elle donne l'impression d'avoir une certaine difficulté à comprendre les obligations légales et déontologiques liées à sa pratique professionnelle. Elle ne semble pas réaliser l'importance de la faute qu'elle a commise.

[30]        Elle excuse sa conduite en mentionnant qu'il s'agit d'une pratique qu'elle a rencontrée couramment dans le cours de l'exercice de la profession.

[31]        Elle ne semble pas bien saisir la nécessité d'agir en toute circonstance en professionnel consciencieux et diligent. Son attitude peut faire craindre chez elle un danger de récidive.

[32]        Dans l'affaire de Me Françoise Bureau c. Serge Côté[1] citée par la plaignante, le représentant condamné pour des infractions de même nature que celle reprochée à l'intimée s'est vu imposer une radiation consécutive de un (1) mois sur chacun des chefs, ce qui lui a valu au total une radiation temporaire de quatre (4) mois.

[33]        Dans l'affaire de Léna Thibault c. Pierre Duguay[2] également citée par la plaignante, le conseiller fautif condamné pour le même type d'infraction s'est vu imposer une radiation temporaire de un (1) mois sur chacun des chefs (à être purgée de façon consécutive) ainsi que le paiement d'une amende de 1 000 $ à l'égard de chacun desdits chefs.

[34]        En l'espèce, compte tenu des éléments tant objectifs que subjectifs du dossier, le comité est d'avis qu'en conformité avec les précédents en semblable matière cités par la plaignante, une sanction de radiation de un (1) mois serait une sanction juste et appropriée qui tiendrait compte de la faute de l'intimée et qui serait de nature à la convaincre de ne pas recommencer, tout en comportant un caractère dissuasif à l'endroit de représentants qui pourraient être tentés d'imiter sa conduite.

[35]        Enfin, en l'absence de facteurs qui auraient pu la convaincre d'agir autrement, l'intimée sera condamnée au paiement des déboursés et le comité ordonnera à ses frais la publication de la décision.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

            PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimée;

            DÉCLARE l'intimée coupable du chef d'accusation contenu à la plainte;

            ET, STATUANT SUR LA SANCTION :

            ORDONNE la radiation temporaire de l'intimée pour une période de un (1) mois;

CONDAMNE l'intimée au paiement des déboursés y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q. chap. C-26);

ORDONNE la publication aux frais de l'intimée de l'avis de radiation temporaire de un (1) mois conformément aux dispositions du Code des professions.

 

 

 

(s François Folot ____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Michel Cotroni____________________

M. MICHEL COTRONI, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Shirtaz Dhanji____________________

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Dagenais

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure de la partie plaignante

 

L'intimée se représente elle-même

 

Date d’audience :

31 mars 2009

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Me Françoise Bureau c. Serge Côté, CD00-0429.

[2]     Léna Thibault c. Pierre Duguay, CD00-0631.

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