Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0781

 

DATE :

            Le 8 décembre 2009

 

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

           Présidente

M. Jacques Denis, A.V.A., Pl. Fin.

           Membre

M. Antonio Tiberio, Pl. Fin.

           Membre

______________________________________________________________________

 

Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. IMRAN SHAHID, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

______________________________________________________________________

 

[1]           Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière («CSF») s’est réuni les 13, 15 et 16 octobre 2009 à la Commission des lésions professionnelles, sise au 500, boul. René-Lévesque Ouest, 18e étage à Montréal, pour procéder à l'audition d’une requête demandant l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire. 

[2]           À la fin de ces trois jours, les parties ont suggéré au comité de soumettre leurs arguments par écrit, ce qui fut fait entre les 6 et 27 novembre 2009. 

[3]           La requête en radiation provisoire est libellée comme suit :

REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(Articles 130 et 133 du Code des professions)

AU SOUTIEN DE SA REQUÊTE, LA PLAIGNANTE, CAROLINE CHAMPAGNE EXPOSE RESPECTUEUSEMENT CE QUI SUIT :

1.             Caroline Champagne, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière, a déposé une plainte disciplinaire à l’encontre de l’intimé, IMRAN SHAHID, laquelle plainte comporte trois (3) accusations, copie de cette plainte étant produite au soutien de la présente requête sous la cote R-1;

2.             Tel qu’il appert de cette plainte, pièce R-1, les gestes reprochés à l’intimé, IMRAN SHAHID, sont de nature grave, sérieuse et répétitive et mettent de façon très importante la protection du public en danger s’il continue à exercer sa profession;

3.             Les faits reprochés à l’intimé, IMRAN SHAHID, se sont déroulés essentiellement entre les mois de mai et octobre 2008, tel qu’il appert de la plainte R-1;

4.             Le ou vers le 14 juillet 2009, la syndique de la Chambre de la sécurité financière, a été saisie d’une demande d’enquête concernant l’intimé IMRAN SHAHID;

5.             L’enquêteuse du bureau du syndique de la Chambre de la sécurité financière chargé d’enquêter dans ce dossier est Me Brigitte Poirier;

6.             Les informations recueillies lors de l’enquête démontrent que l’intimé, IMRAN SHAHID, s’est approprié des sommes en argent comptant de ses clients Tehmina et Karman Choudhry après leur avoir présenté des documents falsifiés pour laisser croire qu’il allait investir l’argent confié tel que convenu, comme il appert des documents intitulés « Application for Guaranteed Interest/Marketwatch/Freedom Fund », « Plan Detail » et « Direction to apply additional premium », produits sous les cotes respectives R-2, R-3 et R-4 ;

7.             Les documents R-2 et R-3 portent le numéro de police d’un autre client de l’intimé, IMRAN SHAHID, tel qu’il appert de divers documents produits en liasse sous la cote R-5 constituant le dossier dudit client, Ashraf Yusuf, auprès de London Life;

8.             London Life et Quadrus Investment Services Ltd. ont suspendu l’intimé, IMRAN SHAHID, à la suite d’une enquête interne sur ses agissements à l’égard de ses clients Tehmina et Karman Choudhry, tel qu’il appert d’une lettre produite sous la cote R-6;

9.             London Life a également remboursé à Tehmina et Karman Choudhry les sommes d’argent que l’intimé, IMRAN SHAHID, s’est appropriées, tel qu’il appert d’une lettre produite sous la cote R-7;

10.          L’intimé, IMRAN SHAHID, a admis avoir pris l’argent de ses clients Tehmina et Karman Choudhry lors d’une rencontre avec Kamran Choudhry et son cousin, Asif Ali, ayant eu lieu le 19 juin 2009, tel qu’il appert d’une déclaration écrite de Asif Ali prise le 23 juin 2009 par Bob Legge, enquêteur de London Life, produite au soutien des présentes sous la cote R-8;

11.          Malgré cela, l’intimé, IMRAN SHAHID, nie avoir reçu quelque somme d’argent comptant de ses clients Tehmina et Karman Choudhry sans néanmoins offrir quelque motif crédible qui expliquerait pourquoi les pièces R-2, R-3 et R-4 ont été remises à ceux-ci;

12.          Il existe une preuve prima facie que l’intimé, IMRAN SHAHID, a commis les gestes reprochés;

13.          La syndique a agi avec diligence afin de présenter la présente requête le plus rapidement possible;

14.          Compte tenu de la gravité des infractions reprochées, il est d’intérêt d’ordonner la radiation provisoire immédiate de l’intimé, IMRAN SHAHID;

15.          La présente requête est bien fondée en faits et en droit.

 

PAR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente requête;

PRONONCER la radiation provisoire immédiate de l’intimé IMRAN SHAHID et ce, jusqu’à ce que jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire, pièce R-1;

LE TOUT avec dépens.

[4]           Quant à la plainte disciplinaire (R-1) jointe à ladite requête, elle comporte trois chefs d’accusation reprochant à l’intimé de s’être approprié une somme totale de 17 000 $ et se lit comme suit :

LA PLAINTE

Je soussignée, Caroline Champagne, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière, affirme solennellement et déclare que j’ai des motifs raisonnables de croire que l’intimé IMRAN SHAHID, alors qu’il était certifié par l’Autorité des marchés financiers en assurance de personnes et en courtage en épargne collective, et de ce fait, encadré par la Chambre de la sécurité financière, a commis les infractions suivantes :

1.             À Montréal, le ou vers le 3 mai 2008, l’intimé IMRAN SHAHID s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 8 000 $ que lui avaient confiée ses clients Tehmina et Kamran Choudhry pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q,.c. D-9.2, r. 1.01) et 6 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

2.             À Montréal, le ou vers le 17 octobre 2008, l’intimé IMRAN SHAHID s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 3 000 $ que lui avaient confiée ses clients Tehmina et Kamran Choudhry pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q,.c. D-9.2, r. 1.01) et 6 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

3.             À Montréal, le ou vers le 18 octobre 2008, l’intimé IMRAN SHAHID s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 6 000 $ que lui avaient confiée ses clients Tehmina et Kamran Choudhry pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q,.c. D-9.2, r. 1.01) et 6 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

LES FAITS

[5]           En plus de la preuve documentaire produite respectivement par les parties, le comité entendit pour la plaignante, l’enquêteuse Me Brigitte Poirier, M. Kamran Choudhry, Mme Tehmina Choudhry ainsi que M. Asif Ali Choudhry, beau-frère de M. Choudhry. 

[6]           L’intimé, en plus de témoigner lui-même, fit entendre M. Sheraz Khan, M. Safir Khan et M. Sheraz Saada, des amis de longue date ainsi que M. Mohamed Zamir, éditeur du journal Weekly Umeed.

[7]           Les parties présentèrent une preuve exhaustive.  Par conséquent, le comité ne résumera ci-après que les faits essentiels à la requête pour radiation provisoire.

Version des consommateurs

[8]           M. et Mme Choudhry dirent avoir confié à l’intimé, par trois fois, des sommes d’argent en espèces pour fins d’investissement.  Les trois rencontres ont eu lieu au restaurant de M. Choudhry, le 3 mai 2008 ainsi que les 17 et 18 octobre 2008.  L’intimé leur a dit que l’argent investi, à la condition d’être versé comptant, rapporterait des intérêts de 8 % qui ne feraient pas l’objet d’un relevé T-5 aux fins de revenus de placements imposables. 

[9]           Au cours de la première rencontre du 3 mai 2008, ils disent avoir remis 8 000 $ en espèces à l’intimé qui a rempli un formulaire d’ouverture d’un compte non enregistré intitulé «Application for Guaranteed Interest/Marketwatch/Freedom Fund» et portant le numéro P1870729-9 (R-2).  L’intimé leur laissa une copie carbone du formulaire[1].  Celui-ci porte la signature de Mme Choudhry à titre de propriétaire et celle de l’intimé comme représentant («Financial Security Advisor») et indique un investissement de 8 000 $. 

[10]        La deuxième rencontre du 17 octobre 2008 s’est déroulée quelques jours après que les Choudhry eurent informé l’intimé qu’ils avaient 3 000 $ supplémentaires à investir.  Cette fois, l’intimé leur a remis un état de compte, préparé à l’avance et intitulé «Plan Details-Freedom Fund», portant le logo de couleur bleue de Liberté 55 (R-3).  Il leur expliqua que le montant de 11 000 $ y apparaissant représentait la somme du dépôt initial (8 000 $) et du nouveau dépôt (3 000 $).  Quant aux 336,63 $ y figurant, il leur dit qu’il s’agissait des intérêts accumulés depuis le 3 mai 2008 sur le premier dépôt de 8 000 $.  À cette même occasion, le couple Choudhry a fait part à l’intimé qu’ils voulaient investir une somme supplémentaire de 6 000 $ qui provenait du produit d’assurance perçu suite à un accident d’automobile, d’où la rencontre fixée au lendemain, le 18 octobre 2008. 

[11]        Ce 18 octobre 2008, les Choudhry ont remis 6 000 $ comptant à l’intimé qui a rempli un formulaire pour ce dépôt intitulé «Direction to apply additional premium» daté du 18 octobre 2008 (R-4).  Ce formulaire est aussi signé par Mme Choudhry et l’intimé.  Comme ce dernier n’avait pas de copie pour eux, Mme Choudhry insista pour en faire une copie à même leur télécopieur[2]

[12]        Enfin l’intimé, suite à une plainte déposée par les clients auprès de la London Life concernant ces placements, les invita à participer à une rencontre le 19 juin 2009 chez un ami à Brossard où son oncle, considéré comme «elder» dans la communauté, était présent afin de régler leur différend à l’amiable.  Il aurait, au cours de cette rencontre de juin 2009, reconnu avoir commis les infractions reprochées et offert de les rembourser au complet moyennant une lettre adressée à London Life par les clients expliquant qu’il s’agissait d’un malentendu. 

Version de l’intimé

[13]        Pour sa part, l’intimé nia avoir reçu en espèces ou autrement du couple Choudhry quelque montant d’argent que ce soit.  Aussi, il admit à l’audience, alors qu’il avait nié au cours de son entrevue avec l’enquêteuse[3], avoir inscrit le montant de 8 000 $, avoir rempli le formulaire d’ouverture de compte, le 3 mai 2008, et indiqué un dépôt de 8 000 $ (R-2).  Il confirma également avoir rempli, le 18 octobre 2008, le formulaire intitulé «Direction to apply additional premium» pour un dépôt supplémentaire de 6 000 $ (R-4).

[14]        Par ailleurs, il a admis la tenue des deux rencontres, du 3 mai et du 18 octobre 2008, mais il nia de façon catégorique celle du 17 octobre 2008.  De même, il nia avoir préparé et remis l’état de compte portant le logo de Liberté 55 («Freedom 55») apparaissant en couleur bleue produite (R-3). 

[15]        Questionné au sujet de cet état de compte, daté du 17 octobre 2008, l’intimé avança que n’importe qui pouvait, en consultant le site Internet de la London Life, avoir accès à ce logo corporatif et ainsi s’en servir pour fabriquer un faux document.  Il suggéra l’existence d’un complot à son endroit pour expliquer la confection et la provenance de ce document.

[16]        L’intimé confirma avoir, les 3 mai 2008 et 18 octobre 2008, rempli et laissé à ses clients les documents signés (R-2, R-4) malgré qu’ils n’aient pas en leur possession le chèque nécessaire pour compléter la transaction.  Par la suite, il les appelait pour passer prendre lesdits chèques mais ceux-ci lui disaient avoir changé d’idée.  L’intimé affirma avoir informé les clients que les intérêts à percevoir sur ces investissements feraient l’objet d’un relevé T-5 puisqu’il s’agissait de revenus de placements imposables.

[17]        Quant au formulaire «Direction to apply additional premium» indiquant un dépôt de 6 000 $ (R-4), l’intimé admit l’erreur commise en inscrivant le numéro P1158643-4 correspondant à celui d’un contrat détenu par un autre de ses clients M. Ashraf Yusuf,  laquelle s’était produite en consultant son portable pour remplir ce formulaire.  Il reconnut également à l’audience qu’il avait commis une autre erreur en utilisant le code «DL» pour décrire les fonds souscrits, lequel correspond à un portefeuille de fonds diversifié tel que celui de M. Yusuf, alors que les investissements choisis par le couple Choudhry étaient à 100% des fonds de dividendes.

ANALYSE ET DÉCISION

[18]        D’abord, soulignons que, pour cette requête en radiation provisoire, les parties ont présenté au comité une preuve pour le moins exhaustive.  Rappelons qu’à ce stade, le comité n’a pas à se prononcer sur le mérite des chefs d’accusation ni sur la crédibilité des parties ou de leurs témoins[4].  Il doit se limiter à vérifier si, à première vue, l’intimé paraît avoir commis les infractions reprochées. 

[19]        De son côté, ce que l’intimé doit établir n’est pas une défense contre les infractions reprochées[5] mais plutôt qu’à première vue, la protection du public ne risque pas d’être compromise s’il continue à exercer sa profession[6]

[20]        Comme rapporté par la plaignante[7]:

«Il suffit que le Comité constate qu’il existe une cause de reproche contre le professionnel de nature telle que la protection du public risque d’être compromise»[8].

[21]        Ainsi, bien qu’il y ait pu y avoir des contradictions dans les témoignages recueillis et que l’intimé ait nié avoir reçu en espèces quelque somme que ce soit, il ressort de la preuve non contredite qu’il y a eu rencontre entre le couple Choudhry et l’intimé le 3 mai 2008 (R-2) et le 18 octobre 2008 (R-4). 

[22]        Il est aussi non contredit que l’intimé a rempli le 3 mai 2008 un formulaire d’ouverture de compte non enregistré portant le numéro P1870729-9 pour un dépôt initial de 8 000 $ qui fut signé par Mme Choudhry à titre de propriétaire dudit contrat et par lui-même comme «Financial Security Advisor».

[23]        Il en est de même de la rencontre du 18 octobre 2008 lors de laquelle l’intimé remplit le formulaire «Direction to apply additional premium» (R-4) pour un dépôt de 6 000 $ mais inscrivit, prétendument par erreur, le numéro du contrat détenu par un autre de ses clients, M. Yusuf, plutôt que le numéro P1870729-9 qui était celui du contrat.

[24]        Or, selon les dires mêmes de l’intimé, aucun compte ne fut ouvert par la compagnie London Life pour les Choudhry puisqu’il n’a jamais remis à cette dernière le formulaire d’ouverture de compte numéro P1870729-9 daté du 3 mai 2008 (R-2).  Alors, comment expliquer qu’il remplisse le 18 octobre 2008 le formulaire «Direction to apply additional premium» (R-4) prévu pour un dépôt supplémentaire si le dépôt de 6 000 $ constituait, suivant la version des faits de l’intimé, un dépôt initial et non pas supplémentaire puisque les clients n’avaient pas donné suite au premier dépôt de 8 000 $ ?

[25]        Ce geste de l’intimé rend d’autant plus plausible la version des consommateurs quant à l’existence d’un premier dépôt de 8 000 $ en argent comptant.  En effet, comment justifier autrement l’utilisation par l’intimé, le 18 octobre 2008, du formulaire pertinent à un dépôt supplémentaire «Direction to apply additional premium» (R-4) si tel n’était pas le cas.

[26]        En outre, quant au formulaire «Direction to apply additional premium», l’intimé a reconnu avoir commis une erreur en inscrivant un numéro de contrat différent soit P1158643-4 détenu par un autre de ses clients, M. Ashraf Yusuf, au lieu d’indiquer le numéro P1870729-9 correspondant à celui de la police de Mme Choudhry. 

[27]        Ainsi, le numéro P1158643-4, qui est le numéro de contrat détenu par M. Yusuf, cet autre client de l’intimé, coïncide avec le numéro de contrat apparaissant sur l’état de compte affichant le logo en couleur de «Freedom 55 Financial» (R-3) nié par l’intimé.  Parmi ses explications, l’intimé avança que ce logo corporatif était facilement accessible et aurait pu être utilisé ainsi pour fournir aux clients une confirmation de leur investissement.  Or, même si l’intimé a nié avoir préparé ce dernier document et nié avoir rencontré les clients à cette occasion, ses explications de complot paraissent peu plausibles. 

[28]        Ces éléments tendent davantage à supporter la version des consommateurs tant de la tenue d’une rencontre avec l’intimé la veille, le 17 octobre 2008, que de la remise par l’intimé dudit état de compte et des explications fournies relativement à ce relevé. 

[29]        Aussi, il y a lieu de s’interroger quant à la preuve offerte par les amis de l’intimé fournissant un alibi en sa faveur pour démontrer qu’il ne pouvait avoir participé, entre autres, à une rencontre avec le couple Choudhry le 17 octobre 2008 ni avoir participé à la rencontre du 19 juin 2009 avec son oncle.  Pourquoi l’intimé n’a pas choisi, à tout le moins pour la rencontre du 19 juin 2009, de faire plutôt entendre cet oncle et l’ami qui y étaient prétendument présents.

[30]        Quant à l’absence de preuve documentaire quant à la provenance des argents investis par les Choudhry, le comité n’y voit pas là un élément déterminant.  Possédant un restaurant, il est permis de croire que les consommateurs ont facilement accès à de l’argent en espèces, en plus des autres sources dont ils ont fait mention.

[31]        Les appropriations de fonds reprochées à l’intimé sont parmi les infractions les plus graves qui puissent être reprochées à un représentant.  D’ailleurs, le législateur l’a reconnu en donnant ouverture à la radiation provisoire, entre autres, dans un tel cas[9].  L’intimé a démontré qu’il était grandement apprécié par sa communauté.  Le comité estime que cet élément ne peut que renforcer la confiance de ces clients envers leur représentant et faciliter d’autant les appropriations de fonds.

[32]        Aussi, malgré sa suspension, depuis le 26 juin 2009, par London Life et le cabinet d’investissement Quadrus comme représentant (R-6), l’intimé s’affichait toujours, pour la semaine du 17 septembre au 23 septembre 2009, comme un représentant pour la Financière liberté 55 ainsi que pour les Services d’investissements Quadrus Ltée dans une publicité parue dans un journal de quartier (R-14). 

[33]       Dès le 28 juillet 2009, l’intimé continuait à œuvrer en assurance de personnes pour son propre cabinet «IS Financial Services Inc., f/a IS Services financier inc.» (R-13) et faisait affaires avec les compagnies d’assurance Manuvie et l’Industrielle Alliance[10].

[34]       En conséquence, aux fins de la présente requête, le comité estime que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve.  Le comité est d’avis que la preuve «prima facie» a démontré que l’intimé paraît avoir commis les infractions reprochées d’où la nécessité d’une radiation provisoire puisque la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer la profession en attendant la décision sur culpabilité.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ :

ACCUEILLE la requête en radiation provisoire présentée par la plaignante;

ORDONNE la radiation provisoire de l’intimé Imran Shahid et ce jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur la plainte disciplinaire portée contre lui;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité à un appel conférence dans le but de déterminer la date d’audition de la plainte;

LE TOUT frais à suivre.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Jacques Denis

M. Jacques Denis, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Antonio Tiberio

M. Antonio Tiberio, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Mathieu Cardinal

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Roger Vokey

SHAFFER & ASSOCIÉS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience : 13, 15 et 16 octobre 2009

 

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] Mme Choudhry a soumis pour examen au comité la copie carbone qui lui a été remise par l’intimé et dont photocopie fut produite sous R-2.

[2] Mme Choudhry exhiba pour examen par le comité la copie du formulaire ainsi faite sur papier thermique avec le télécopieur.

[3] Lors de l’entrevue avec Me Poirier, enquêteuse, l’intimé l’avait nié et fourni une version différente (R-17, p. 85-87 et ss.).

[4] Avocats c. Landry, 2007 QCTP 14 (T.P.).

[5] Corriveau c. Avocats (Ordre professionnel des), [1998] D.D.O.P. 216 (T.P.).

[6] Avocats c. Landry, 2007 QCTP 14 (T.P.); Deschênes c. Provost, 2007 QCCS 1947 (C.S).

[7] Plaidoirie de la plaignante p. 4, IV. 20.

[8] Landry c. Québec (TP), EYB 2007-124683 (C.S.).

[9] Art. 130 (2) du Code des professions, L.R.Q., c. C-26.

[10] Décision du 22 septembre 2009 accordant la demande de remise de l’intimé.

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