Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0727

 

DATE :

30 avril 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre

M. Nicol Lapointe

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. HENRI-PAUL GRENIER, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 7 et 8 janvier 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au palais de justice de Québec, aux locaux de la Cour fédérale du Canada et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE YVAN GILBERT

1           À St-Georges, le ou vers le 13 août 2002, l’intimé HENRI-PAUL GRENIER, alors qu’il faisait souscrire à son client, Yvan Gilbert, une proposition d’assurance (#681505) auprès de Axa Assurances inc., ayant donné lieu à l’émission de la police d’assurance vie universelle portant le numéro V06,156,364, en remplacement de la police d’assurance vie entière numéro «Horizon 65» portant le numéro 006,062,885 émise antérieurement par Axa Assurances inc., a fait défaut de favoriser le maintien en vigueur de la police numéro 006,062,885, alors que son remplacement n’était pas justifié dans l’intérêt du preneur et de l’assuré et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.1.3) adopté en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.RQ. c. D-9.2);

2           À St-Georges, le ou vers le 13 août 2002, l’intimé HENRI-PAUL GRENIER, alors qu’il faisait souscrire à son client, Yvan Gilbert, une proposition d’assurance (#681505) auprès de Axa Assurances inc., ayant donné lieu à l’émission de la police d’assurance vie universelle portant le numéro V06,156,364, en remplacement de la police d’assurance vie entière «Horizon 65» portant le numéro 006,062,885 émise antérieurement par Axa Assurances inc., a fait défaut de procéder à l’analyse de besoins financiers de l’assuré et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.1.3) adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2);

3           À St-Georges, le ou vers le 13 août 2002, l’intimé HENRI-PAUL GRENIER, alors qu’il faisait souscrire à son client, Yvan Gilbert, une proposition d’assurance (#681505) auprès de Axa Assurances inc., ayant donné lieu à l’émission de la police d’assurance vie portant le numéro V06,156,364, en remplacement de la police d’assurance vie entière «Horizon 65» portant le numéro 006,062,885 émise antérieurement par Axa Assurances inc., lui a fait des représentations fausses, trompeuses, incomplètes ou susceptible d’induire en erreur, en vue de lui faire souscrire cette police d’assurance vie portant le numéro V06,156,364, notamment en lui représentant :

a)   que les primes de la police numéro 006,062,885 augmentaient annuellement de 2.5% alors que les primes de la protection de base étaient nivelées jusqu’à 65 ans;

b)   qu’il n’aurait à payer les primes de la nouvelle police numéro V06,156,364, au montant de 787.50$, que pendant 6 ou 7 ans;

c)   en produisant un tableau de comparaison erroné et/ou trompeur de ces deux polices, notamment quant aux primes payables et quant à la valeur du fonds;

et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 12, 13, 14, 16 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière adopté en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2); »

LES FAITS

[2]           Le contexte factuel rattaché aux différents chefs d'accusation peut se résumer comme suit.

[3]           À l'été 2002 l'intimé, M. Henri-Paul Grenier (M. Grenier), communique avec son client M. Yvan Gilbert (M. Gilbert) et lui explique qu'il veut le rencontrer pour lui « parler » d'assurance.

[4]           Il rencontre M. Gilbert une première fois puis par la suite, le ou vers le 13 août 2002, lui fait souscrire auprès de AXA Assurances inc. (AXA) une police d'assurance-vie universelle. Celle-ci doit se substituer à une police que détient ce dernier auprès du même assureur.

[5]           M. Gilbert détient en effet auprès d'AXA une police d'assurance-vie entière, permanente, dont le capital assuré est de 100 000 $, qui sera entièrement payée et comportera une valeur de rachat garantie et croissante à compter de l'âge de 65 ans.

[6]           Ladite police prévoit le paiement d'une indemnité additionnelle de 50 000 $ se terminant à 65 ans en cas de décès ou de mutilation accidentelle ainsi qu'une garantie d'exonération des primes jusqu'à l'âge de 60 ans advenant invalidité.

[7]           La prime pour la protection de base, nivelée à l'émission pour les cinq (5) premières années, peut être appelée à augmenter jusqu'à concurrence de 2.5 % par année.

[8]           Quant à la police d'assurance-vie universelle nouvellement souscrite, il s'agit d'une police comportant des coûts d'assurance « temporaires renouvelables annuellement » (TRA) qui ne peuvent être modifiés en coûts d'assurance uniforme. Elle comporte le même capital assuré de base de 100 000 $ ainsi que la même indemnité additionnelle de 50 000 $ en cas de décès ou de mutilation accidentelle que la police vie entière (à laquelle elle doit être substituée).

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef numéro 1

[9]           À ce chef il est reproché à l'intimé, le ou vers le 13 août 2002, alors qu'il faisait souscrire à son client, M. Gilbert, la proposition d'assurance auprès de AXA ayant donné lieu à l'émission de la police d'assurance-vie universelle en remplacement de la police vie entière qu'il possédait auprès du même assureur d'avoir fait défaut de favoriser le maintien en vigueur de cette dernière police (la police d'assurance-vie entière) alors que son remplacement n'était pas justifié dans l'intérêt du client, le tout en contravention de l'article 20 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants.

[10]        L'article en cause du règlement précité stipule ce qui suit :

« 20. Le représentant doit favoriser le maintien en vigueur de tout contrat d’assurance à moins que son remplacement ne soit justifié dans l’intérêt du preneur ou de l’assuré, justification dont la preuve incombe au représentant en assurance de personnes qui procède au remplacement. »

[11]        Or en l'espèce, l'intimé a fait défaut d'établir l'intérêt de son client dans le remplacement qu'il lui a proposé. Le comité est d'avis que la substitution n'était ni justifiée ni dans l'intérêt de ce dernier.

[12]        D'une part, la preuve a démontré que si les deux (2) polices comportaient la même protection de base et la même protection additionnelle en cas de décès ou de mutilation accidentelle, la police d'assurance-vie entière comportait en surplus une valeur de rachat garantie et croissante à compter de l'âge de 65 ans. Également, il y était prévu qu'à cet âge elle serait entièrement « libérée ». De plus, elle comprenait un bénéfice d'exonération des primes jusqu'à l'âge de 60 ans en cas d'invalidité.

[13]        Par ailleurs, elle garantissait à M. Gilbert, tant et aussi longtemps qu'il effectuait le paiement des primes, lesquelles ne pouvaient augmenter que d'un maximum de 2.5 % par année, des protections, bénéfices et avantages sûrs, certains, garantis par l'assureur.

[14]        À cette police fut substitué un produit d'assurance-vie tout à fait différent, soit une police d'assurance-vie universelle.

[15]        Contrairement aux produits « classiques » d'assurance-vie, celle-ci comporte, joint au volet « assurance », un volet « placement », sujet aux fluctuations du marché, avec lequel l'assuré doit composer notamment pour le maintien de sa protection.

[16]        Aussi, comme l'a écrit l'expert M. Alain Latulippe (M. Latulippe) dans son rapport : « La résultante est que le représentant a remplacé une protection viagère à paiements limités garantis par une police temporaire renouvelable annuellement à une illustration au taux de 10 % favorisant son argumentation alors que cette police pourrait tomber en déchéance (…) la 21e année. »

[17]        La « stratégie » à la base du changement de contrat suggéré par l'intimé reposait en effet sur des hypothèses de rendement net annuel de 10 % (nécessitant environ 12.75 % de rendement brut avant les frais) sur les sommes investies par l'assuré au contrat de vie universelle. Pour que la « stratégie » fonctionne et que les objectifs proposés par l'intimé se concrétisent, il fallait que les projections très optimistes de rendement de ce dernier se réalisent.

[18]        Les bénéfices de la police d'assurance-vie universelle proposée étant dépendants de la fluctuation des marchés, le comité partage l'avis de M. Latulippe à l'effet que le risque associé à l'accumulation des réserves ou des moyens nécessaires pour le paiement des bénéfices du capital assuré et des autres conditions de la police était beaucoup plus lourd à assumer pour l'assuré que le risque d'une augmentation de primes limitée à 2.5 % par année à laquelle était sujette la police vie entière.

[19]        Également, alors que la prime d'assurance était entièrement garantie dans le cas de la police vie entière (sous réserve d'une augmentation maximale de 2.5 % par année), la police d'assurance-vie universelle avait été souscrite en prévoyant des primes « temporaires renouvelables annuellement » (TRA).

[20]        Enfin, si lors de l'opération le client a pu conserver ses droits acquis relativement à la clause de suicide se retrouvant aux dispositions générales de son contrat antérieur, il était privé de ses droits acquis relativement aux clauses d'incontestabilité de la police.

[21]        D'autre part, il ressort de la preuve que si l'assuré a « consenti » à la proposition de l'intimé, c'est qu'il a mal été informé. Il était en effet satisfait de sa police vie entière, celle-ci couvrait entièrement ses besoins. S'il a d'abord exprimé des réticences à suivre les conseils de l'intimé, il a fini par lui faire confiance non sans toutefois avoir préalablement insisté plusieurs fois pour obtenir la confirmation qu'il ne « changeait pas » de police.

[22]        Or en l'espèce, bien que l'intimé ait laissé entendre à son client qu'il allait simplement « améliorer » sa police, il n'a pas que procédé à de simples modifications à une police existante. Il a substitué à une police d'assurance-vie entière une police d'assurance-vie universelle. Il a procédé à un changement et il devait s'assurer qu'il était de l'intérêt de son client d'agir de la sorte.

[23]        Le comité souscrit généralement pour les motifs exprimés par l’expert de la plaignante aux conclusions de ce dernier que le remplacement de la police vie entière par une police vie universelle n'était pas indiqué dans le cas de M. Gilbert.

[24]        Même si M. Latulippe a admis à l'audition qu'il avait fait erreur en indiquant dans son rapport que les primes de la police vie entière n'allaient pas augmenter, le comité est d'avis que cela ne devrait pas affecter l'ensemble de son témoignage. Bien qu'il se soit mépris sur cet aspect des choses puisqu'elles pouvaient être appelées à augmenter de 2.5 % par année, il a agi de bonne foi et nullement dans le but d'induire le comité en erreur.

[25]        En terminant, il nous faut mentionner que l'intimé a évoqué, pour tenter de justifier sa décision d'offrir à son client la souscription d'une police d'assurance-vie universelle, la possibilité pour ce dernier de procéder par la suite à des contributions financières au contrat.

[26]        Or, lors de l'émission de la police en cause (sur la proposition à la page 122) l'intimé a choisi pour son client l'option « capital décès nivelé » ce qui d'une certaine façon désavoue sa prétention.

[27]        En effet, si ce dernier prévoyait déposer au contrat dans l'avenir des sommes le moindrement d'importance, il aurait été approprié que la police soit émise sous l'option « capital décès croissant » puisqu'alors au décès le bénéficiaire aurait été en droit de toucher non seulement le capital assuré mais en surplus les dépôts de capital effectués et accumulés dans le fonds de croissance de la police. L'option « capital décès nivelé » n'offrait pas ce bénéfice. Elle ne prévoyait à l'échéance du contrat que le versement du capital assuré.

[28]        Ce chef d'accusation sera maintenu.

Chef numéro 2

[29]        À ce chef d'accusation, il est reproché à l'intimé, alors qu'il faisait souscrire à son client la proposition ayant donné lieu à l'émission de la police d'assurance-vie universelle précédemment mentionnée, son défaut de procéder alors à une analyse des besoins financiers de son client.

[30]        Ledit chef prend assise sur l'article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants, lequel stipule ce qui suit :

« 6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d'assurance, analyser avec le preneur ou l'assuré ses besoins d'assurance, les polices ou contrats qu'il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements. »

[31]        La disposition édictée par le législateur pour la protection du client et dans l'intérêt de ce dernier est exprimée en termes impératifs.

[32]        Elle vise à assurer qu'avant de vendre un produit, le représentant connaisse bien la situation de son client et puisse ainsi le diriger selon ses besoins.

[33]        Tel que le comité l'a déjà écrit : « L'analyse des besoins d'assurance et financiers du client est un exercice préalable essentiel à l'émission de tout contrat d'assurance de personnes. » « Elle permet au représentant de bien connaître les besoins de ce dernier et de le conseiller adéquatement. »[1]

[34]        Or l'intimé a admis qu'il n'avait pas, au moment de la souscription de la police d'assurance-vie universelle en cause, effectué une analyse des besoins de son client.

[35]        Dans le but de justifier son défaut d'y procéder, il invoque deux (2) arguments.

[36]        D'une part, il indique qu'ayant offert à son client de procéder à une telle analyse, celui-ci aurait refusé.

[37]        D'autre part, il soutient, et son argument pourrait aussi valoir à l'égard du premier chef, qu'il n'a pas procédé à un « remplacement » de police mais qu'il a plutôt procédé à une « transformation » de la police vie entière (en une police vie universelle) et que dans de telles circonstances il n'avait pas l'obligation de procéder à une analyse des besoins financiers de son client.

[38]        Or disposons d'abord du premier moyen en indiquant que même si le client refuse de se prêter à l'exercice imposé au représentant, cela ne peut d'aucune façon le libérer de son obligation réglementaire. Ce n'est pas au client à dicter ou prescrire au représentant sa ligne de conduite.

[39]        Quant au second moyen voulant qu'en l'espèce il ne se soit pas agi d'un « remplacement » de police mais simplement d'une « transformation », il ne peut être retenu.

[40]        En l'espèce, en effet le contrat existant a été abandonné en faveur de l'émission d'une nouvelle police de nature différente. Tous les témoins du domaine de l'assurance qui ont été entendus ont été unanimes à dire qu'il s'agissait d'un « remplacement » de police et non d'une « transformation ». Ils ont tous contredit l'intimé.

[41]        De plus, lorsqu'un contrat d'assurance de personnes est sujet à un droit de transformation, la possibilité pour l'assuré d'y procéder et les conditions d'exercice de celui-ci sont habituellement spécifiquement mentionnées dans la police « transformable ». En l'espèce, rien de tel n'existait dans la police vie entière détenue originalement par M. Gilbert.

[42]        Également, s'il s'était simplement agi d'une transformation de police, l'assureur en cause, AXA, n'aurait pas exigé, tel que la preuve l'a démontré, une preuve d'assurabilité de la part de l'assuré avant d'émettre le contrat.

[43]        Enfin, en soutenant qu'il s'agit non pas d'un remplacement mais d'une transformation d'un contrat existant, l'intimé contredit son propre écrit.

[44]        En effet, alors qu'il a complété la proposition d'assurance-vie universelle avec son client, il a coché qu'il s'agissait d'une annulation et d'un remplacement, tel qu'il appert de la pièce P-3 (p. 121).

[45]        Il est également en contradiction avec ses comportements puisque, lors de la signature de ladite proposition d'assurance-vie universelle, il a préparé et fait signer à son client un préavis de remplacement.

[46]        Or un préavis de remplacement, le nom le dit, doit être rempli et signé non pas lors de la transformation d'un contrat existant mais lorsqu'un assuré a l'intention de remplacer une police d'assurance-vie qu'il détient. Il avise alors notamment l'assureur qui a émis ladite police d'une possible annulation de celle-ci.

[47]        En terminant, le comité doit mentionner que l'intimé invoque, au soutien de son point de vue, une correspondance datée du 22 mars 2007 signée par M. Philippe Sergerie (M. Sergerie) de chez AXA en réponse aux questions que lui avait acheminées M. Denis Cyr, enquêteur au bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière.

[48]        Or soulignons que s'il est vrai qu'au paragraphe 5 de sa lettre il y mentionne qu': « il ne s'agit pas d'un rachat de police mais plutôt d'une transformation », celui-ci contredit alors son paragraphe précédent (paragraphe 4) où il indique « que la police vie entière numéro 006062885 a été remplacée par la police (vie universelle) V0156324 ».

[49]        Compte tenu de cette contradiction et puisque M. Sergerie n'a pas témoigné, le comité n'est pas en mesure de tirer une conclusion ayant quelque force probante de cet élément de preuve. Il croit néanmoins que ce dernier a simplement dû commettre un impair au paragraphe 5 de sa lettre.

[50]        Compte tenu de ce qui précède, ce chef d'accusation sera maintenu.

Chef numéro 3

[51]        À ce chef, il est reproché à l'intimé, alors qu'il faisait souscrire à son client la proposition d'assurance ayant donné lieu à l'émission de la police d'assurance-vie universelle précédemment mentionnée, de lui avoir fait des représentations fausses, trompeuses, incomplètes ou susceptibles de l'induire en erreur, notamment en lui représentant : a) que les primes de la police vie entière augmentaient annuellement de 2.5 % alors que les primes de la protection de base étaient nivelées jusqu'à 65 ans; b) qu'il n'aurait à payer les primes de la police d'assurance-vie universelle au montant de 787,50 $ que pendant six (6) ou sept (7) ans; c) en produisant un tableau de comparaison erroné et/ou trompeur de ces deux (2) polices notamment quant aux primes payables et quant à la valeur du fonds.

[52]        Or, d'une part si les primes de la police vie entière étaient susceptibles d'augmenter annuellement de 2.5 %, cela n'était pas parfaitement assuré. L'augmentation maximale de 2.5 % par année allait se concrétiser seulement si certains facteurs variables tels que le taux de mortalité et les intérêts sur les placements s'avéraient défavorables à l'assureur.

[53]        À cet égard, le comité souscrit entièrement aux observations de M. Denis Belliard (M. Belliard) directeur du développement des produits chez l'assureur AXA qui, après examen, a déclaré que l'augmentation annuelle de 2.5 % de la prime n'était, en vertu des dispositions du contrat, qu'une possibilité et non une certitude, contrairement à ce qui pourrait être conclu des représentations de l'intimé.

[54]        D'autre part, le client a clairement témoigné à l'effet qu'il avait compris, des affirmations et des propos de l'intimé, qu'il lui était proposé une police d'assurance-vie « améliorée » qu'il allait payer plus rapidement, de telle sorte qu'après six (6) ans il serait exempté de tout paiement de prime jusqu'à l'âge de 100 ans.

[55]        Or, tel que l'a aussi mentionné M. Belliard, l'assuré devait réaliser un rendement de 12.75 % ou plus à chaque année à l'intérieur du portefeuille de placement de sa police d'assurance-vie universelle pour que le scénario proposé par l'intimé se réalise. Il n'y avait donc aucune garantie que celui-ci allait payer des primes simplement pendant six (6) ou sept (7) ans. Selon les explications de M. Belliard, il ne pouvait même pas être exclu que la police puisse tomber en déchéance si les rendements n'étaient pas au rendez-vous et que le client faisait défaut de procéder à des versements additionnels de capital au contrat.

[56]        Soulignons qu'il est de plus difficile de comprendre que l'intimé ait pu utiliser, à l'égard du portefeuille de placement de la police vie universelle une projection de rendement de 12.75 % annuellement alors que le fonds dans lequel il recommandait à son client de faire des placements avait eu des rendements négatifs de l'ordre de moins 10.66 % lors des trois (3) années antérieures et un rendement de seulement 1.12 % lors des cinq (5) dernières années. (Voir pièce I-4)

[57]        Enfin, les représentations au tableau (P-5, p. 46) préparé par l'intimé pour son client étaient quelque peu erronées ou trompeuses. Selon M. Belliard, au document intitulé « Comparaison Horizon 65 versus Vie universelle » (P-4, p. 45) l'intimé comparait les éléments les plus défavorables de l'ancien contrat avec les éléments les plus favorables du nouveau contrat. Le comité souscrit entièrement à ces remarques.

[58]        En résumé, la documentation remise au client par l'intimé ne présentait que l'hypothèse la plus optimiste en regard de la nouvelle police d'assurance-vie universelle, elle était inadéquate et manquait d'objectivité.

[59]        Aussi, sur ce chef, le comité en arrive à la conclusion que l'intimé, selon la prépondérance de la preuve, a prodigué à son client non pas de fausses représentations mais des représentations incomplètes et/ou susceptibles d'induire ce dernier en erreur.

[60]        En témoigne bien d'ailleurs le fait que celui-ci n'a pas réellement compris ce à quoi il souscrivait non plus que ce à quoi il renonçait. Il a accepté la proposition de l'intimé parce qu'il était convaincu qu'il allait bénéficier d'une économie de prime. Il n'a pas saisi les complexités de la police d'assurance-vie universelle à laquelle il souscrivait. Il n'a pas discerné que le scénario exposé par l'intimé était un scénario risqué lié à des placements volatils.

[61]        L'intimé sera déclaré coupable sur ce chef.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable sur chacun des chefs 1, 2 et 3;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité à une audition sur sanction.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Claude Trudel

M. CLAUDE TRUDEL, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Nicol Lapointe

M. NICOL LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

 

Me Johanne Pinsonnault

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

 7 et 8 janvier 2009

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0727

 

DATE :

14 décembre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre

M. Nicol Lapointe

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. HENRI-PAUL GRENIER, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni, le 25 septembre 2009, au palais de justice de Québec, aux locaux de la Cour fédérale du Canada, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]        Les parties ayant au départ déclaré n'avoir aucune preuve à offrir, ils procédèrent immédiatement à présenter au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[3]        La plaignante débuta en révisant avec le comité la décision sur culpabilité.

[4]        À titre de facteurs aggravants, elle évoqua les bénéfices perdus par le consommateur suite à la suggestion de l'intimé de remplacer sa police d'assurance-vie entière par une police d'assurance-vie universelle.

[5]        Elle rappela ensuite que l'analyse des besoins financiers du client, tel que le comité l'avait reconnu à plusieurs reprises, était « le travail de base » du représentant.

[6]        Elle résuma le dossier en soulignant que l'intimé avait dans l'ensemble priorisé ses intérêts à ceux de ses clients.

[7]        Au plan des éléments atténuants, elle concéda que malgré le remplacement de sa police d'assurance-vie entière, le client avait pu conserver certains des droits rattachés à celle-ci, notamment les droits acquis liés à la clause de « suicide ».

[8]        Elle mentionna aussi l'absence d'antécédents disciplinaires de l'intimé et le fait qu'une seule transaction et un seul consommateur n'étaient en cause.

[9]        Elle souligna néanmoins que l'intimé ayant été admis à la profession en 1989, l'on ne pouvait « parler » dans son cas de fautes dues à l'inexpérience.

[10]      Puis, relativement au premier chef d'accusation, elle suggéra au comité l'imposition d'une amende de 4 200 $.

[11]      Elle référa aux décisions du comité dans les affaires de Me Micheline Rioux c. M. Alain Côté[2] et de Mme Léna Thibault c. M. Pascal Baril[3] où, pour le même type d'infraction que celle commise par l'intimé, le comité a condamné le représentant à une amende de 2 000 $.

[12]      Elle suggéra, le législateur ayant haussé, avant le dépôt de la plainte, les amendes minimale et maximale prévues au Code des professions[4], que si l'on utilisait une simple règle de trois, une amende de 2 000 $ imposée antérieurement devait maintenant se traduire par l'imposition d'une amende de 4 200 $.

[13]      Relativement au chef d'accusation numéro 2, invoquant l'application de la même règle de trois que précédemment, elle réclama l'imposition d'une amende de 5 200 $, les décisions antérieures du comité ayant à quelques reprises condamné le représentant coupable d'une faute comparable à une amende de 2 500 $. À cet égard, elle cita les affaires de Me Micheline Rioux c. Noureddine Haddaoui[5] et de Me Micheline Rioux c. Benoît Amar[6].

[14]      Relativement au chef d’accusation numéro 3, invoquant à nouveau l'application d'une règle de trois aux décisions antérieures du comité, la plaignante réclama l'imposition d'une amende de 4 200 $.

[15]      À l'appui de sa suggestion, elle référa aux décisions du comité dans les affaires de Me Micheline Rioux c. Richard Beauchemin[7], de Me Venise Lévesque c. Robert Ferland[8] ainsi que de Me Micheline Rioux c. Alain Côté[9]. Dans tous ces cas, les représentants fautifs ont été condamnés à des amendes de 2 000 $ pour le même type d'infraction que celle reprochée à l'intimé sur ce chef.

[16]      En terminant, la plaignante suggéra la condamnation de l'intimé au paiement des déboursés.

REPRÉSENTATIONS DE L'INTIMÉ

[17]      Celui-ci débuta ses représentations en invoquant qu'il avait sincèrement cru ne pas avoir commis de faute.

[18]      Il invoqua que l'assureur en cause lui avait fourni un « listing » et lui avait indiqué un groupe de clients pouvant être avantagés par le changement, la substitution ou le remplacement de leur police d'assurance-vie. C'est ce qui l'aurait incité à agir comme il l'a fait à l'endroit de son client. Aussi aurait-il réclamé de l'assureur en cause qu'il l'appuie dans sa défense mais sans succès.

[19]      Relativement au second chef, il invoqua que le comité ne pouvait le reconnaître coupable sur ce chef sans d'abord le reconnaître coupable de la faute mentionnée au premier chef. Il indiqua que si le comité avait accepté sa proposition à l'effet qu'il n'avait procédé qu'à une transformation de police (plutôt qu'à un remplacement), il lui aurait fallu convenir de son absence d'obligation de procéder à une analyse des besoins.

[20]      Relativement au troisième chef, il rappela que dans sa décision sur culpabilité le comité avait reconnu son absence de fausses représentations à l'endroit du client, concluant plutôt qu'il avait simplement transmis à ce dernier des informations incomplètes.

[21]      Il invoqua ensuite que le dépôt de la plainte portée contre lui l'avait beaucoup « dérangé » tant au plan professionnel que personnel; il indiqua qu'il n'avait tiré aucun « profit » de son cabinet depuis deux (2) ans, celle-ci l'ayant à ce point bouleversé.

[22]      Il indiqua qu'il avait tiré une leçon des événements et qu'il allait à l'avenir être beaucoup plus attentif et prudent dans l'exercice de sa profession.

[23]      Il mentionna qu'il s'était inscrit à des cours de formation afin de mieux comprendre « ce qui lui était arrivé ».

[24]      Il termina en soulignant son absence de mauvaise foi et en indiquant qu'il n'avait pas voulu nuire au client, ayant cru plutôt agir à l'avantage de celui-ci.

[25]      Il invoqua enfin s'être toujours efforcé par le passé de respecter les procédures et les règles de conduite imposées par son ordre professionnel et demanda au comité d'être clément à son endroit.

[26]      En terminant, il suggéra au comité l'imposition d'une réprimande sur chacun des trois (3) chefs d'accusation.

[27]      À l'appui de sa recommandation, il cita les affaires de MMicheline Rioux c. Marc Blais[10], de Me Micheline Rioux c. Marco Thériault[11] et de Me Micheline Rioux c. Carlo Perno[12].

MOTIFS ET DISPOSITIF

[28]      L'intimé n'a aucun antécédent disciplinaire.

[29]      Ses débuts dans l'exercice de la profession à titre de courtier en assurance de personnes remontent à 1989.

[30]      Il a mentionné qu'il jouissait d'une bonne réputation dans son milieu. Son affirmation n'a pas été contestée.

[31]      Si l'on se fie à ses représentations, la plainte portée contre lui l'a profondément perturbé, au point que lors des deux (2) dernières années ses revenus professionnels auraient considérablement diminué.

[32]      Il semble avoir pris les mesures nécessaires pour mieux comprendre ce qui est attendu de lui en tant que représentant et pour éviter de commettre à nouveau la même faute. Il a soutenu qu'il était maintenant plus attentif et prudent dans l'exercice de sa profession.

[33]      Au moment des événements reprochés, il ne semble pas qu'il ait été animé d'une intention malveillante.

[34]      Ses fautes se rattachent davantage à une mauvaise compréhension de la situation de son client et à un manque de connaissances à l'égard des produits en cause qu'à une quelconque forme de malhonnêteté ou de mauvaise foi.

[35]      Il faut mentionner de plus que le remplacement de la police d’assurance-vie entière par une police d’assurance-vie universelle ne constituait pas une transaction qui soit en tout point préjudiciable au client.

[36]      Enfin signalons en dernier lieu que le comité est confronté à une transaction fautive isolée commise à l'endroit d'un seul client.

[37]      Dans les circonstances et compte tenu de ce qui précède, le comité est d'avis que l'imposition d'une amende de 2 000 $ sur le premier chef, l'imposition d'une réprimande sur le second chef (notamment parce que la faute y reprochée est intimement liée à la faute sur le premier chef) et l'imposition d'une amende de 2 500 $ sur le troisième chef seraient des sanctions justes et appropriées qui tiendraient compte tant des éléments objectifs et subjectifs du dossier que du principe de la globalité des sanctions.

[38]      Par ailleurs, en l'absence d'éléments particuliers qui le justifieraient d'agir autrement, le comité est d'avis de condamner l'intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur le chef d'accusation numéro 1 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 2 000 $;

Sur le chef d'accusation numéro 2 :

IMPOSE à l'intimé une réprimande;

Sur le chef d'accusation numéro 3 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 2 500 $;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot __________________________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Claude Trudel __________________________________

M. CLAUDE TRUDEL, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Nicol Lapointe __________________________________

M. NICOL LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

 25 septembre 2009

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     CD00-0571, décision du 20 mars 2006, Me Micheline Rioux c. Yves Blanchet.

[2]     Me Micheline Rioux c. M. Alain Côté, CD00-0633, décision du 17 janvier 2008.

[3]     Mme Léna Thibault c. M. Pascal Baril, CD00-0681, décision du 23 juin 2009.

[4]     Le législateur y a haussé en décembre 2007 l'amende minimale de 600 $ à 1 000 $ et l'amende maximale de 6 000 $ à 12 500 $.

[5]     Me Micheline Rioux c. Noureddine Haddaoui, CD00-0622, décision du 25 juin 2008.

[6]     Me Micheline Rioux c. Benoît Amar, CD00-0653, décision du 22 mai 2009.

[7]     Me Micheline Rioux c. Richard Beauchemin, CD00-0596, décision du 13 décembre 2007.

[8]     Me Venise Lévesque c. Robert Ferland, CD00-0729, décision du 27 août 2009.

[9]     Me Micheline Rioux c. Alain Côté, préc., note 1.

[10]     MMicheline Rioux c. Marc Blais, CD00-0421, décision du 24 juillet 2003.

[11]    Me Micheline Rioux c. Marco Thériault, CD00-0583, décision du 14 février 2006.

[12]    Me Micheline Rioux c. Carlo Perno, CD00-0494, décision du 16 janvier 2004.

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