Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0662

 

DATE :

5 août 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Felice Torre, A.V.A.

Membre

M. Pierre Larose, A.V.A.

Membre

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Me MICHELINE RIOUX, ès qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MONSIEUR GUY D’ARCY, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collective et représentant en épargne collective

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

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[1]           Le 28 avril 2008, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire laquelle contenait dix-huit (18) chefs d’accusation.

[2]           Le 6 mai 2008, face à la demande d’ordonnance de non publication de la décision à rendre présentée par l’intimé lors de la preuve et représentations sur la plainte, le comité requerra, au cours d’un appel conférence avec les procureurs des parties, leurs prétentions sur l’existence de compétence du comité de discipline d’ordonner la non publication de la décision dans le cas d’une sanction ordonnant une radiation permanente.  Dans les circonstances, il a été convenu que le délibéré ne débuterait qu’une fois leurs arguments respectifs reçus par le comité, l’intimé devant agir en premier lieu. 

[3]           Ainsi, le délibéré commença le 18 juin 2008, date de réception par le comité des arguments du procureur de la plaignante.  En même temps était joint le curriculum vitae de M. Alain C. Roy (P-52) dont le rapport avait été produit lors de l’audition du 28 avril 2008 et dont la plaignante réclamait les frais.  Il est à noter que cette réclamation fut contestée par l’intimé. 

[4]           Ceci étant dit, il ressort du dossier que tous les gestes reprochés à l’intimé concernent une seule cliente et se sont déroulés du mois de décembre 1997 au mois de mai 2000.

[5]           Aussi, il y a lieu de préciser que les accusations ont trait au défaut d’explications quant aux risques inhérents à un prêt levier, à l’absence de profil d’investisseur et d’analyse de besoins financiers, au défaut de respecter les besoins de la cliente et de prioriser ses intérêts, à des appropriations de fonds, à des informations trompeuses et mensongères fournies à la cliente, au défaut par l’intimé de subordonner son intérêt personnel à celui de sa cliente ainsi qu’à la fabrication de faux pour laisser croire à l’existence de placements garantis et enfin, à la souscription d’une police d’assurance-vie universelle qui ne répondait pas aux besoins de la cliente et de fausses représentations quant au rendement du placement découlant de cette police d’assurance-vie universelle. 

[6]           L’intimé s’est finalement approprié la somme d’environ 13 000 $ pour ses fins personnelles, somme qu’il a toutefois complètement remboursée à la cliente.

[7]           D’entrée de jeu, par l’entremise de son procureur, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité.

[8]           Par la suite, les parties informèrent le comité qu’elles avaient des recommandations communes à lui soumettre.

[9]           Puis, la plaignante fit état des principaux faits entourant les infractions et, notant les documents les plus pertinents, produisit les cahiers de pièces regroupant les pièces P-A-1 à P-49, lesquels il compléta en produisant les pièces P-50 et P-51.

LES REPRÉSENTATIONS COMMUNES SUR SANCTION

[10]        Quant aux sanctions à être imposées, les parties déclarèrent avoir convenu  d’amendes pour les chefs 1, 2 et 16 totalisant la somme de 7 000 $, des radiations temporaires à être purgées concurremment et ayant une durée de six (6) mois à cinq (5) ans selon les chefs ainsi que trois (3) chefs pour lesquels une radiation permanente était retenue.  À cette fin, les procureurs produisirent un document résumant les recommandations conjointes (S-1) signé par les procureurs des parties et l’intimé lui-même. 

[11]        À l’appui de ces recommandations, le procureur de la plaignante fit une revue succincte des décisions rendues sur des infractions semblables par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière. 

[12]        Puis, l’intimé a témoigné devant le comité, demandant de lui octroyer un délai pour acquitter lesdites amendes et suggérant un versement mensuel de 150 $ dollars et ce, à partir du 31e jour de la décision à être rendue.

[13]        Ses revenus, pour l’année 2007 ont été d’environ 13 500 $ et il a produit, à l’appui, un avis de cotisation pour l’année 2007 (I-5).

[14]        L’intimé a relaté les difficultés financières rencontrées au cours des dernières années. Malgré de nombreuses tentatives (I-1 à I-5), il n’a pu obtenir quelque assurance-responsabilité que ce soit, en conséquence de la plainte disciplinaire portée contre lui. Ainsi, il aurait cessé, dès le mois de juillet 2007, d’exercer activement sa profession bien qu’il détient toujours ses permis auprès de la Commission des services financiers de l’Ontario et de l’Autorité des marchés financiers, au Québec.  L’intimé a précisé qu’il a épuisé ses économies et que c’est le revenu de travail de son épouse qui comble les autres besoins de la famille.

[15]        L’intimé a indiqué avoir aussi dû faire appel à la famille pour le paiement de l’hypothèque du mois de janvier 2008 au montant de 1 329 $ qui était en souffrance, tel qu’attesté par l’avis de non-paiement de la Banque Laurentienne produit (I-6).

[16]        Ce serait grâce à un emprunt contracté par son épouse qu’il a pu rembourser totalement sa cliente à la fin de l’année 2006.

[17]        L’intimé a aussi prié le comité de donner suite à la demande de non publication de la décision, présentée par son procureur.  Étant très impliqué dans sa communauté, il craint que la publication de la décision, dans un journal local l’identifiant, puisse nuire à la santé de sa fille âgée de 16 ans qui commence à peine à récupérer après avoir vécu de sérieuses difficultés d’adaptation et d’intégration dans son milieu scolaire et social depuis leur arrivée à Embrun en 1993. 

[18]        La ville d’Embrun est située à quarante (40) kilomètres d’Ottawa et selon l’intimé, a une population d’environ cinq mille (5 000) habitants.  Selon l’intimé, la publication de la décision dans un journal de cette localité risquerait d’alimenter négativement les compagnons de classe et amis de sa fille.  L’intimé confia être particulièrement préoccupé par cette conséquence, sa fille pouvant être exposée, dans ces circonstances, à revivre une aggravation de ses problèmes.

[19]        À l’audience, cette demande de non publication de la décision fut contestée par le procureur de la plaignante qui soumit deux (2) décisions rendues sur des demandes semblables mais à l’égard de radiation temporaire par les comités de discipline de l’Ordre professionnel des pharmaciens du Québec[1] et de la Chambre de la sécurité financière[2].  Aucune de ces deux décisions ne comportait d’ordonnance de radiation permanente et par conséquent aucun des comités n’a eu à se prononcer sur la compétence du comité d’accorder une dispense de publication d’avis de radiation permanente. 

MOTIFS ET DÉCISION

[20]        Le comité est satisfait de la preuve offerte et, vu le plaidoyer de culpabilité, déclare l’intimé coupable des dix-huit (18) chefs d’accusation portés contre lui. 

[21]        Les gestes reprochés se sont échelonnés entre 1997 et 2000 alors qu’il exerce sa profession depuis 1991. Les infractions pour lesquelles l’intimé a été déclaré coupable sont par ailleurs d’une gravité objective importante compromettant la confiance que doivent avoir les clients à l’égard des conseils et services du professionnel.

[22]        Ces gestes dénotent un comportement contraire aux règles de probité et de transparence, l’intimé ayant même eu recours à la falsification de documents pour couvrir ses gestes.

[23]        Toutefois, l’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.  Le comité croit que les sanctions proposées sont justes et raisonnables et qu’il n’y a pas de raison de s’en dissocier compte tenu, entre autres, de la connexité de certains chefs, du fait qu’une seule cliente est impliquée et de la période relativement courte pendant laquelle les infractions ont été commises, sans oublier le récit fourni par l’intimé sur les besoins particuliers qu’exigeait la situation familiale en matière de santé durant la période concernée. 

[24]        De plus, face à la situation financière décrite par l’intimé, il apparaît raisonnable au comité d’acquiescer à sa demande d’acquitter les amendes à raison d’un versement mensuel de 150 $ par mois mais sous peine de déchéance du terme advenant le non-paiement d’une mensualité.

[25]        Aussi, le comité ne donnera pas suite, pour les raisons mentionnées ci-après, à la condamnation réclamée par la plaignante concernant les frais du rapport préparé par M. Alain C. Roy, qualifié d’expert par la plaignante. 

[26]        Le comité n’a pas eu l’opportunité de vérifier la qualification d’expert de l’auteur de ce rapport n’ayant reçu que subséquemment son curriculum vitae ou la description de ses qualifications.  De même, vu que l’intimé a reconnu ses fautes, le comité n’a pas eu à apprécier la force probante du témoignage de M. Roy ou de son rapport pour les fins de la preuve des infractions.  En outre, le comité tient compte que les coûts reliés à l’enquête devant le comité ont été réduits au minimum du fait par l’intimé de convenir de recommandations communes sur sanction.

[27]        L’intimé sera donc condamné au paiement des déboursés y compris les frais d’enregistrement conformément à l’article 151 du Code des professions, à l’exception des frais d’expertise.

[28]        Quant à la demande d’une ordonnance de non publication d’un avis de radiation permanente, le procureur de l’intimé, bien que soumettant que l’article 180 (2) du Code des Professions n’est pas impératif, ne soumit aucune doctrine ou décisions appuyant ses prétentions.

[29]        Le comité retiendra les arguments du procureur de la plaignante qui soutint que, le comité n’avait aucune compétence pour dispenser le secrétaire du comité de discipline de publier un avis de la radiation permanente vu qu’il s’agit d’une obligation créée à cet égard par le législateur au secrétaire du comité de discipline.

[30]        Citons un extrait de doctrine de Sylvie Poirier[3], qu’il rapporta et où elle écrit :

«Lorsqu’un professionnel fait l’objet d’une radiation permanente, d’une limitation  ou suspension permanente de son droit d’exercice ou d’une révocation de son permis […].

Dans ces cas, la publication d’un avis de la décision est obligatoire. »

(Nos soulignés)

[31]        De plus, parmi les décisions[4] qu’il a soumises, nous retiendrons, pour les fins de la présente décision, un extrait de celle rendue dans Thibault [5] :

« [32] La publicité des décisions rendues par le Comité de discipline est obligatoire lorsqu’il s’agit d’une radiation permanente, tel qu’établi par le dernier alinéa de l’article 180 du Code des professions.»

ainsi que de celle où la Cour d’appel[6] déclarait au sujet du caractère impératif de l’article 180 (2) :

 « […] le législateur n’a pas cru nécessaire d’apporter des réserves au caractère impératif des obligations de la secrétaire du Comité prévues à l’article 180; […]»

[32]        Encore plus récemment, dans Gauthier c. Roberge[7], la Cour supérieure confirmait que l’article 180 du Code des professions n’octroie aucune compétence au comité de discipline pour dispenser le secrétaire du comité de publier un avis de radiation permanente dans un journal local. Seul le secrétaire du comité a l'obligation de faire publier un avis de radiation définitive dans un journal distribué dans le lieu où le professionnel avait un domicile professionnel, et ce, dans un but de protection du public; le comité de discipline n'a plus aucune discrétion pour intervenir dans l'exécution de ce devoir du secrétaire du comité.

[33]        De plus, tel qu’énoncé par le Tribunal des professions dans Forté c. Notaires[8], le comité n’a pas compétence pour condamner l’intimé aux frais de publication de l’avis de la décision imposant la radiation permanente, le législateur n’ayant rien précisé en ce sens. 

[34]        En ce qui concerne la demande de dispense à l’égard des radiations temporaires,  le comité est d’avis qu’en l’espèce, bien que le législateur ne prévoie pas d’exception pour les professionnels exerçant en région, il s’agit de circonstances exceptionnelles puisque ce n’est pas tant sa réputation que l’intimé demande de préserver par cette dispense mais bien la santé de sa fille de 16 ans. 

[35]        Le comité a été en mesure de constater la sincérité de l’intimé au cours de son témoignage relatant les difficultés vécues par sa fille depuis leur arrivée à Embrun et les nombreuses démarches qui ont dû être entreprises afin de l’accompagner à travers cela. Le comité n’a pas de raison de douter de l’honnêteté de l’intimé en rapport avec cette demande de dispense.

[36]        En conséquence, le comité donne suite à la demande de dispense de publication d’avis de radiation temporaires.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des dix-huit (18) chefs d’accusation portés contre lui;

CONDAMNE l’intimé à une amende de 2 000 $ sur le chef 1 et à une amende de 2 500 $ sur chacun des chefs 2 et 16, le tout totalisant une somme de 7 000 $;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière sur le chef 3, pour une période de six (6) mois;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière sur chacun des chefs 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 13 et 14 pour une période de cinq (5) ans, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière sur chacun des chefs 7, 11 et 15;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière sur chacun des chefs 17 et 18 pour une période d’un (1) an, à être purgée de façon concurrente;

ACCORDE à l’intimé d’acquitter les amendes par versements mensuels de 150 $, devant débuter le 31e jour suivant la présente décision, sous peine de déchéance du terme;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément à l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26), à l’exception des frais d’expertise.

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Felice Torre

M. Felice Torre, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Larose

M. Pierre Larose, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureur de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

LAROCHE ROULEAU

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

28 avril 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Ordre professionnel des pharmaciens du Québec c. Louise Langis, numéro 30-02-01459, 8 avril 2003.

[2] Chambre de la sécurité financière c. Claude Cournoyer, CD00-0578, 30 août 2006.

 

[3] Sylvie Poirier, «La discipline professionnelle au Québec», Les Éditions Yvon Blais Inc., Cowansville, 1998, p. 179.

[4] Brunet c. Notaires [2002] QCTP 115A; Thibault c. Thomas, Comité de discipline du Barreau du Québec, 3 octobre 2005.

[5] Supra, note 4.

[6] Docteur A.A. c. Médecins, 1996 CanLll 6584 (QC C.A.), pp. 3 et 4.

[7] [2003] R.J.Q. 1793.

[8] [1999] D.D.O.P. 338 (T.P.).

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