Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0850

 

DATE :

4 juillet 2011

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Marcel Cabana

Membre

M. Pierre Décarie

Membre

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Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. GUILLAUME CHABOT (Certificat 106 407)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 1er mars 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Québec, entre les ou vers les mois d’octobre 2007 et octobre 2009, l’intimé a accordé à environ 39 preneurs des rabais totalisant environ  2 136 747 $ sur des primes totales d’environ 2 169 647 $ de contrats d’assurance vie souscrits auprès d’Axa, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. c. 9.2), 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., c. V-1.1) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. 9.2, r.3). »

[2]           Les deux (2) parties étaient alors absentes mais représentées par leurs procureurs : MJulie Piché agissait pour la plaignante et Me Sébastien Raiche pour l’intimé.

[3]           D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé indiqua qu’il avait reçu le mandat de son client de plaider coupable à l’unique chef d’accusation contenu à la plainte et déposa au dossier un plaidoyer écrit dûment signé par ce dernier.

[4]           Après le dépôt de son plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[5]           Alors que la plaignante déposa sous les cotes P-1 à P-15 une preuve documentaire composée principalement d’éléments recueillis lors de son enquête, elle ne fit entendre aucun témoin. L’intimé quant à lui déclara n’avoir aucune preuve à offrir.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations relativement aux sanctions à imposer à l’intimé.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           Après avoir exposé, notamment au moyen de la preuve documentaire qu’elle venait de produire, le contexte factuel rattaché à la plainte, la plaignante, tout en mentionnant qu’il s’agissait d’une « suggestion commune », recommanda au comité d’ordonner la radiation permanente de l’intimé, la publication de la décision et la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

[8]           À l’appui de sa suggestion, elle fit état de plusieurs facteurs aggravants mentionnant notamment :

a)        que dans l’industrie l’attribution de rabais de primes était une conduite clairement prohibée;

b)        que l’intimé avait utilisé un « stratagème » planifié, organisé, pensé et voulu pour filouter l’assureur concerné;

c)        que les infractions qui lui sont reprochées se sont échelonnées sur une période de deux (2) ans et qu’il a répété la même faute à trente-neuf (39) reprises;

d)        que les primes « illégitimes » qui lui ont été payées par l’assureur totalisent 2 931 570 $ et que des bonis substantiels lui ont été versés par l’agent général;

e)        que ses actes fautifs ont causé un préjudice sérieux à des gens de l’industrie, soit à l’assureur ainsi qu’à l’agent général en cause;

f)         qu’au moment des événements, l’intimé avait quatorze (14) ans de pratique et que ses fautes ne peuvent donc aucunement être attribuées à un manque d’expérience de sa part;

g)        que de plus l’intimé « récidivait » puisqu’il avait été reconnu coupable par le passé, en 1997 alors qu’il débutait dans la profession, de fautes déontologiques de même nature.

[9]           La plaignante ajouta ensuite qu’outre le fait que l’intimé avait collaboré avec l’assureur ainsi qu’avec la syndique et qu’il avait enregistré un plaidoyer de culpabilité, peu ou pas d’éléments atténuants ne pouvaient être invoqués en sa faveur.

[10]        Au soutien de sa recommandation, elle référa à trois (3) décisions antérieures du comité.

[11]        Elle cita d’abord la décision du comité dans l’affaire Roche[1] où le représentant qui avait enregistré un plaidoyer de culpabilité, notamment à un chef d’accusation lui reprochant d’avoir payé les primes des polices de quinze (15) de ses clients, a été radié de façon permanente.

[12]        Elle mentionna ensuite la décision du comité dans l’affaire Maguire[2]. En cette affaire, l’intimé reconnu coupable, après l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, sous quatre (4) chefs d’accusation lui reprochant d’avoir versé à ses clients des ristournes de primes ou de leur avoir accordé un rabais sur la prime payable, a vu son certificat révoqué en plus d’être condamné à payer 600 $ d’amende sur chacun des chefs concernés.

[13]        Elle termina ses représentations en évoquant la décision du comité dans l’affaire Giroux[3]. En cette affaire, l’intimé, déclaré coupable de plusieurs chefs lui reprochant d’avoir accordé des rabais de primes, a été radié de façon permanente en plus d’être condamné au paiement d’une amende de 600 $ sur chacun des chefs.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[14]        Le procureur de l’intimé quant à lui, indiqua au comité qu’il n’avait aucune représentation particulière à faire si ce n’était pour mentionner l’accord de son client à la sanction suggérée par la plaignante.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[15]        Selon la preuve présentée au comité, l’intimé aurait débuté dans la distribution de produits d’assurances et/ou de produits financiers le ou vers le 21 octobre 1993. Il ne détiendrait toutefois plus aucun permis ou certificat, et ce, depuis le 28 février 2010.

[16]        Outre le fait qu’il a collaboré avec l’assureur en cause ainsi qu’avec les autorités de la Chambre, et qu’il a enregistré un plaidoyer de culpabilité, aucun facteur atténuant n’a été présenté en sa faveur.

[17]        Alors qu’il avait quatorze (14) ans d’expérience et était donc un représentant expérimenté et chevronné, il a érigé un système par lequel il obtenait que des consommateurs souscrivent des polices d’assurance, notamment sans qu’ils établissent un quelconque besoin d’assurance, et ce, dans le simple but d’illégalement toucher de l’assureur des commissions et bonis substantiels.

[18]        L’intimé a ainsi procédé au cours d’une période de deux (2) ans à la souscription irrégulière de trente-neuf (39) polices d’assurance, ce qui lui a permis de soutirer à l’assureur en cause des bonis et commissions de l’ordre de 5 035 229,21 $. Pour parvenir à ses fins, il a effectué des remboursements de primes à ses clients de l’ordre de 2 136 747 $.

[19]        Ajoutons que ce dernier, alors qu’il était en début de carrière, avait utilisé le même subterfuge aux dépens des assureurs mais sur une moins grande échelle. Condamné par le comité de discipline[4], il avait alors remboursé l’assureur en cause et bénéficié de la clémence dudit comité.

[20]        L’intimé a trahi la confiance qui lui a alors été témoignée.

[21]        Il a agi avec préméditation. Ses fautes ont été commises de façon délibérée, volontaire et voulue. Elles ont causé un préjudice important tant à l’assureur qu’à l’agent général en cause. Il a, par la supercherie, soutiré à ces derniers des sommes très importantes.

[22]        Ses fautes qui touchent directement à l’exercice de la profession démontrent une absence évidente de respect pour les règles de la probité.

[23]        La gravité objective des infractions qu’il a commises ne fait aucun doute.

[24]        Aussi, souscrivant généralement aux arguments de la plaignante, le comité suivra la recommandation « commune » des parties et ordonnera la radiation permanente de l’intimé.

[25]        Le comité condamnera de plus ce dernier au paiement des déboursés et, si tant est qu’il soit nécessaire de le faire[5], ordonnera la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef d’accusation contenu à la plainte;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sur l’unique chef d’accusation contenu à la plainte :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé;

ET (si tant est qu’il soit nécessaire au comité de l’ordonner) :

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Marcel Cabana___________________

M. MARCEL CABANA

Membre du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie____________________

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Sébastien Raiche

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

1er mars 2011

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Me Micheline Rioux c. André Roche, CD00-0441, décision sur culpabilité en date du 12 août 2003.

[2]     Me Micheline Rioux c. Jean-François Maguire, CD00-0518, décision sur culpabilité et sanction en date du 19 décembre 2003.

[3]     Me Micheline Rioux c. Réjean Giroux, décision sur culpabilité et sanction en date du 23 mars 2007.

[4]     Comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec c. Guillaume Chabot, CD-0005, décision sur culpabilité et sanction en date du 14 mai 1997.

[5]     Voir le jugement rendu par la Cour supérieure dans l’affaire Gauthier c. Roberge, 2003 R.J.Q. p. 1793 et les conclusions que l’on y retrouve à l’égard de l’article 180 du Code des professions et de l’obligation pour le secrétaire du comité de voir à la publication de toute décision ordonnant la radiation permanente du professionnel.

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