Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0826

 

DATE :

17 janvier 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Michel Gendron

Membre

M. Pierre Perreault, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me CAROLINE CHAMPAGNE, es qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Mme GIOVANNA DI FABIO, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 21 octobre 2010, le comité de discipline s’est réuni au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l’audition d'une plainte amendée portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE AMENDÉE

« C.C.

 

1.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 14 février 2005, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de C.C. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

M.P.

 

2.      Dans la région de Montréal, le ou vers le  6 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de M.P. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

3.      Dans la région de Montréal, le ou vers le  6 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de M.P. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

4.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 19 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de M.P. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

5.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 19 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de M.P. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

6.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 28 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de M.P. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

7.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 28 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de M.P. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

J.J.

 

8.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 6 avril 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de J.J. sur un formulaire de «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

9.      Dans la région de Montréal, le ou vers le 15 décembre 2006, l’intimée a contrefait ou permis à un tiers à contrefaire la signature de J.J. sur un formulaire «Mutual fund trade ticket» de MRS pour le compte numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ DE L’INTIMÉE

[2]           D’entrée de jeu, l’intimée, qui avait préalablement déposé au secrétariat du comité de discipline un plaidoyer de culpabilité écrit, confirma sa volonté de plaider coupable à tous et chacun des neuf (9) chefs d’accusation contenus à la plainte amendée.

[3]           Après l’enregistrement de son plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante déposa sous les cotes P-1 à P-5 un cahier de pièces composé essentiellement d’éléments documentaires recueillis lors de son enquête, l’intimée quant à elle ne fit aucune preuve.

[5]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]           La plaignante débuta ses représentations en avisant le comité que les procureurs des parties avaient convenu de lui présenter, eu égard aux sanctions, des « suggestions communes ».

[7]           Elle indiqua que ces derniers s’étaient entendus pour suggérer au comité d’imposer à l’intimée, sur chacun des chefs d’accusation 1 à 9 inclusivement, une radiation temporaire de six (6) mois, à être purgée de façon concurrente.

[8]           Elle ajouta que les procureurs avaient aussi convenu de recommander au comité de condamner l’intimée au paiement des déboursés et d’ordonner la publication de la décision.

[9]           À l’appui desdites suggestions, elle mentionna la gravité objective des infractions commises par l’intimée et, après en avoir indiqué le contexte factuel, rappela que chacun des neuf (9) chefs d’accusation référait à une contrefaçon de signature.

[10]        Elle fit ensuite état de certains éléments atténuants au dossier signalant d’abord l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimée.

[11]        Elle mentionna aussi que cette dernière avait en tout temps admis ses fautes et avait pleinement collaboré à l’enquête de la syndique.

[12]        Elle ajouta de plus qu’elle n’avait tiré aucun avantage pécuniaire de celles-ci et que les consommateurs en cause n’en avaient subi aucun préjudice financier.

[13]        Elle indiqua enfin que selon l’intimée, si elle avait contrefait la signature des clients sur les documents en cause c’était simplement pour éviter de les « déranger » et alors qu’elle croyait, bien à tort, qu’un document d’« autorisation restreinte » signé par ces derniers lui permettait d’agir comme elle l’a fait.

[14]        Au titre des facteurs aggravants, la plaignante souligna que l’intimée ayant, à neuf (9) reprises au cours de la période allant de février 2005 à décembre 2006, contrefait la signature de trois (3) clients différents, cela lui laissait à penser qu’il s’agissait d’une pratique assez généralisée chez cette dernière.

[15]        Elle ajouta que l’intimée ayant au moment des événements reprochés entre douze (12) et treize (13) ans d’expérience dans l’exercice de la profession, ses fautes ne pouvaient aucunement être mises sur le compte de l’inexpérience.

[16]        À l’appui de ses recommandations, elle référa à quelques décisions antérieures du comité.

[17]        Elle mentionna d’abord la décision rendue par le comité dans Me Micheline Rioux c. Denis Jean[1] où le représentant, reconnu coupable de contrefaçon sur un document intitulé « Modification à la proposition d’assurance », a été condamné à une radiation temporaire d’une (1) année.

[18]        Elle souligna ensuite la décision du comité dans Mme Léna Thibault c. Steven Tedeschi[2] où l’intimé, déclaré coupable d’avoir forgé ou d’avoir incité une tierce partie à forger la signature d’un consommateur sur une autorisation de transfert d’un compte, a été condamné à une radiation temporaire de trois (3) mois ainsi qu’au paiement d’une amende de 4 200 $.

[19]        Elle termina en citant la décision du comité dans Me Caroline Champagne c. Nathalie Robin[3] où l’intimée, reconnue coupable d’avoir en trois (3) occasions contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de ses clientes, a été condamnée à une radiation temporaire d’une (1) année.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[20]        L’intimée, par l’entremise de son procureur, confirma d’abord les représentations soumises par la plaignante.

[21]        Elle assura ensuite le comité que les sanctions recommandées par cette dernière constituaient bien une « suggestion commune » des parties.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9

[22]        Selon la preuve présentée au comité, l’intimée agit à titre de représentante dans la distribution de produits d’assurance de personnes ou de produits financiers depuis 1994.

[23]        Elle n’a antérieurement fait l’objet d’aucune plainte disciplinaire.

[24]        Elle a dès le départ collaboré à l’enquête de la syndique et avoué les infractions qui lui étaient reprochées.

[25]        De plus, elle a enregistré, dès la première occasion, un plaidoyer de culpabilité sur tous et chacun des chefs d’accusation portés contre elle.

[26]        Enfin, outre de s’éviter les inconvénients liés à de simples démarches auprès de ses clients, elle n’aurait retiré aucun bénéfice de ses fautes et celles-ci n’auraient eu aucune conséquence dommageable pour les clients.

[27]        Ses agissements n’auraient comporté aucune intention frauduleuse ou malhonnête.

[28]        Néanmoins, la gravité objective des infractions qu’elle a commises ne fait aucun doute.

[29]        L’acte de contrefaire la signature d’un client et de l’utiliser par la suite est dans tous les cas une faute importante.

[30]        Les infractions pour lesquelles l’intimée s’est avouée coupable touchent directement à l’exercice de la profession et portent atteinte à son image.

[31]        Elles ont de plus été perpétrées à plusieurs reprises à l’endroit de trois (3) consommateurs différents.

[32]        Le principe qui doit guider le comité dans l’imposition de la sanction appropriée a été émis par la Cour du Québec dans Maurice Brazeau c. Me Micheline Rioux[4].

[33]        La Cour y a indiqué : « Le fait d’imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois, selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non. »

[34]        En l’espèce, les parties ont conjointement suggéré d’imposer à l’intimée, à titre de sanction, une radiation temporaire de six (6) mois sur chacun des chefs d’accusation, à être purgée de façon concurrente, et le comité doit faire preuve de beaucoup de prudence avant de se dissocier de leurs suggestions conjointes.

[35]        La Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Douglas[5], a en effet clairement indiqué que lorsque les parties représentées par procureurs, après de sérieuses négociations, en sont arrivées à s’entendre pour présenter de façon conjointe des recommandations, celles-ci ne doivent être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[6].

[36]        Compte tenu des éléments qui lui ont été exposés, le comité ne croit pas qu’il serait justifié de refuser de souscrire aux recommandations conjointes des parties.

[37]        Ainsi, se conformant aux suggestions des parties, le comité ordonnera la radiation temporaire de l’intimée pour une période de six (6) mois à être purgée de façon concurrente sur chacun des chefs 1 à 9 inclusivement, condamnera l’intimée au paiement des déboursés et ordonnera la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

À l’égard de chacun des chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité déposé par l’intimée;

DÉCLARE l’intimée coupable;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de six (6) mois à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

 

(s) Michel Gendron___________________

M. MICHEL GENDRON

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Perreault __________________

M. PIERRE PERREAULT, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Kurt Johnson

IRVING MITCHELL KALICHMAN

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

21 octobre 2010

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Me Micheline Rioux c. Denis Jean, dossier CD00-0602 (décision en date du 21 juillet 2006).

[2]     Mme Léna Thibault c. Steven Tedeschi, dossier CD00-0707 (décision sur culpabilité en date du 13 mai 2009 et sur sanction en date du 6 octobre 2009).

[3]     Me Caroline Champagne c. Nathalie Robin, dossier CD00-0782 (décision en date du 1er mars 2010).

[4]     Maurice Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 Can LII 11715.

[5]     R. c. Douglas, [2002], 1962 C.c.c. 3rd, p. 37.

[6]     Voir également les décisions du Tribunal des professions dans les affaires Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision du 7 mars 2002 et Roy c. Médecins, [1998] QCTP 1735.

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