Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0704

 

DATE :

 26 août 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

M. Albert Audet

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. GILLES DESMARAIS, conseiller en sécurité financière et représentant en prêts garantis par hypothèque immobilière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 22 juillet 2008, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« YVES PAULIN WANDJI MBANGUE

1.    À Longueuil, le ou vers le 3 septembre 2004, l’intimé Gilles Desmarais, alors qu’il faisait souscrire son client M. Yves Paulin Wandji Mbangue à une proposition pour l’émission d’une rente à provision cumulative auprès de la compagnie Clarica, a fait défaut d’agir avec intégrité envers cette dernière en ne lui révélant pas, notamment, que son client mettrait fin au contrat dans les jours suivants l’émission de ladite rente, contrevenant ainsi aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01;

2.    Longueuil, le ou vers le 3 septembre 2004, l’intimé Gilles Desmarais, alors qu’il faisait souscrire son client M. Yves Paulin Wandji Mbangue à une proposition pour l’émission d’une rente à provision cumulative auprès de la compagnie Clarica, a faussement ou erronément indiqué dans ladite proposition qu’aucun tiers n’était intéressé au contrat, contrevenant ainsi à l’article 23 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, et aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01;

 

NADYA JOSEPH

 

3.    À Montréal, le ou vers le 19 août 2004, l’intimé Gilles Desmarais, alors qu’il faisait souscrire sa cliente Mme Nadya Joseph à une proposition pour l’émission d’une rente à provision cumulative auprès de la compagnie Clarica, a fait défaut d’agir avec intégrité envers cette dernière en ne lui révélant pas, notamment, que sa cliente mettrait fin au contrat dans les jours suivants l’émission de ladite rente, contrevenant ainsi aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01;

4.   À Montréal, le ou vers le 19 août 2004, l’intimé Gilles Desmarais, alors qu’il faisait souscrire sa cliente Mme Nadya Joseph à une proposition pour l’émission d’une rente à provision cumulative auprès de la compagnie Clarica, a faussement ou erronément indiqué dans ladite proposition qu’aucun tiers n’était intéressé au contrat, contrevenant ainsi à l’article 23 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, et aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01; »

[2]           Alors que la plaignante fit entendre M. Pierre Boivin, enquêteur au bureau du syndic, ainsi que Mme Kelly Wood (Marchand) et produisit une preuve documentaire cotée P-1 à P-15 inclusivement, l'intimé choisit de ne présenter aucune preuve.

LES FAITS

[3]           La preuve présentée au comité a révélé que l'intimé a d'abord été approché par M. Jean-Bernard Massé, un courtier ou agent d'immeuble membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ).

[4]           M. Massé devait diriger vers l'intimé certains clients nouvellement arrivés au pays et cherchant à procéder à l'achat d'une propriété immobilière.

[5]           Lesdits clients devaient emprunter pour obtenir de M. Massé la somme nécessaire à démontrer au créancier hypothécaire éventuel qu'ils disposaient de certains fonds.

[6]           L'intimé devait rencontrer les clients et les fonds obtenus de M. Massé devaient alors être affectés à l'achat d'une rente à provision cumulative (RPC). L'intimé pouvait aussi combler les besoins d'assurance-vie liés à leur emprunt hypothécaire.

[7]           Dans ce contexte, l'intimé a rencontré les clients en cause, M. Yves Paulin Wandji Mbangue (M. Mbangue) et Mme Nadya Joseph (Mme Joseph) et a procédé à l'ouverture d'un compte de rente à provision cumulative (RPC) à intérêt garanti à leur nom.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[8]           Aux chefs 1 et 3 de la plainte, il est reproché à l'intimé, alors qu'il faisait souscrire aux clients y mentionnés une proposition pour l'émission d'une rente à provision cumulative auprès de l'assureur Clarica (Clarica), d'avoir fait défaut d'agir avec intégrité envers ladite compagnie en ne lui révélant pas notamment que le client allait mettre fin au contrat dans les jours suivant l'émission de ladite rente.

[9]           Aux chefs 2 et 4, il est reproché à l'intimé, alors qu'il faisait souscrire à ses clients une proposition pour l'émission d'une rente à provision cumulative auprès de la compagnie Clarica, d'avoir faussement ou erronément indiqué dans ladite proposition qu'aucun tiers n'était intéressé au contrat.

[10]        Dans le cas des deux (2) clients, M. Mbangue et Mme Joseph, la preuve a révélé qu'ils avaient été référés à l'intimé par M. Massé. Dans les deux (2) cas, l'intimé leur a fait souscrire une rente à provision cumulative (RPC) à intérêt quotidien auprès de l'assureur Clarica.

[11]        Par la suite, une fois le contrat de rente émis, l'intimé a expédié à M. Massé une copie de la revue de portefeuille du client, généralement disponible pour impression dans le gestionnaire de clients chez Clarica. (Celui-ci était, selon la déclaration de l'intimé à l’enquêteur, M. Boivin (pièce P-13), généralement disponible quarante-huit (48) heures après le dépôt dans le compte chez Clarica. L'intimé a également mentionné avoir obtenu l'autorisation des clients en cause pour transmettre les renseignements directement à M. Massé.)

[12]        Les revues de portefeuille ont ensuite été fournies à la Banque TD, le créancier hypothécaire en cause pour chacun des deux (2) clients, dans le but de prouver ou d'établir que ces derniers possédaient un placement.

[13]        Par la suite, les sommes versées au RPC furent retirées. Des chèques furent émis par l'assureur à l'ordre des clients, puis endossés par ces derniers. Ils furent remis à M. Massé qui les endossa à son tour et en disposa.

[14]        Selon la déclaration de l'intimé au syndic ou à son représentant, la pratique qui avait été établie était qu'une fois que le prêt hypothécaire avait été accordé aux clients ceux-ci annulaient la rente (RPC) et demandaient à ce qu'un remboursement sous forme de chèque soit émis à leur nom.

 

[15]        En l'espèce, dix-huit (18) jours après la souscription de la rente (RPC) dans le cas de M. Mbangue, un chèque fut émis par la Sun Life Assurance Company of Canada (autrefois Clarica) en remboursement total du capital de ladite rente alors que dans le cas de Mme Joseph, cinq (5) jours après, un chèque de la même façon fut émis à son nom par ledit assureur. Lesdits chèques furent ensuite endossés par les clients et également par M. Jean-Bernard Massé.

[16]        Tous les acteurs, sauf le créancier hypothécaire, trouvaient leur intérêt dans le « stratagème » : Le prêt ou l’avance de M. Massé au bénéfice des clients permettait à ceux-ci de représenter au prêteur hypothécaire en l'occurrence la Banque TD qu'ils disposaient de certains fonds.  M. Massé, à titre de courtier ou d'agent immobilier, y trouvait son compte si une transaction immobilière se concrétisait.  Quant à l'intimé, il vendait aux clients un contrat de rente (RPC), établissait un lien avec ces derniers et pouvait être appelé à vendre à ces personnes des contrats d'assurance-vie pour couvrir leur emprunt hypothécaire.

[17]        Par ailleurs, dans les faits, le contrat de rente (RPC) ne devait servir qu'à établir que les clients disposaient de certains fonds.

[18]        Enfin, si les sommes en cause étaient déposées dans un contrat de rente (RPC) plutôt que directement auprès d'une institution financière, c'était parce que cette façon de procéder accordait à M. Massé une protection additionnelle à l'égard des fonds qu'il avançait aux clients. Elle rendait en effet plus difficile l'accès par ces derniers auxdites sommes et pouvait fournir à M. Massé le temps nécessaire pour intervenir dans le cas où ceux-ci auraient soudainement voulu s'en emparer.

[19]        Les clients n'avaient en réalité aucune volonté d'acquérir une rente. Leur seul besoin était de déposer l'argent auprès d'une institution financière reconnue pour établir temporairement qu'ils disposaient de certains fonds.

[20]        L'intimé qui savait ou devait savoir que quelques jours plus tard les rentes  (RPC) allaient être annulées, a fait défaut de dévoiler cette situation à l'assureur. Il a fermé les yeux sur les intentions ainsi que sur les véritables objectifs et desseins de ses clients.

[21]        Alors qu’il était tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui étaient de nature à influencer de façon importante l’assureur ou alors qu’à tout le moins il avait le devoir d’agir de bonne foi à son endroit, il a manqué à ses obligations.[1]

[22]        Par ailleurs, si l’intimé utilisait le véhicule de la rente (RPC) c'était strictement dans l'intérêt de M. Massé qui cherchait ainsi à se protéger des clients.

[23]        Puisque la « manœuvre » ne visait pas à sauvegarder les intérêts des clients mais plutôt ceux de M. Massé c'est qu'en réalité, les fonds n’appartenaient pas aux clients mais bien à M. Massé.  D'ailleurs, les sommes étaient rapidement retournées à M. Massé après l'émission de la rente. Toute la « manœuvre » de l'utilisation d'une rente était au profit de M. Massé et dans l'intérêt de ce dernier.

[24]         Dans cette optique, il faut conclure que l'intimé plaçait alors dans la rente au nom des clients  intéressé au contrat.

[25]        L'intimé sera déclaré coupable des quatre (4) infractions reprochées.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable des chefs d'accusation 1, 2, 3 et 4 contenus à la plainte portée contre lui;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de convoquer les parties pour l'audition de leur preuve et de leurs représentations sur sanction.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Albert Audet_____________________

M. ALBERT AUDET

Membre du comité de discipline

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Nick Bouzouita

DOYON IZZI NIVOIX

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

22 juillet 2008

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0704

 

DATE :

30 avril 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

M. Albert Audet

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. GILLES DESMARAIS, conseiller en sécurité financière et représentant en prêts garantis par hypothèque immobilière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 16 février 2009, au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, et a procédé à l'audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

[2]        Alors que la plaignante déclara n'avoir aucune preuve à offrir, l'intimé choisit d'être entendu et témoigna brièvement.

[3]        Les parties soumirent ensuite au comité des recommandations « communes » quant aux sanctions à être imposées.

[4]        Ainsi elles recommandèrent sur chacun des chefs 1 et 3 l'imposition d'une amende de 2 000 $ et sur chacun des chefs 2 et 4 l'imposition d'une amende de 1 000 $. Elles proposèrent d'accorder à l'intimé un délai d'une année pour en effectuer le paiement.

[5]        Enfin, elles suggérèrent la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[6]        Au moment des événements reprochés, l'intimé exerçait sa profession depuis environ dix (10) ans et était rattaché à l'assureur Clarica.

[7]        Il n'a aucun antécédent disciplinaire et a entièrement collaboré à l'enquête du syndic.

[8]        Au plan financier, il a tiré très peu d'avantages de ses fautes.

[9]        En décembre 2005, son employeur a mis fin à son contrat. Par la suite, il est demeuré sans emploi durant environ une année.

[10]      Comme conséquence de la perte de son emploi, il a perdu le bénéfice d'un bloc d'affaires important acquis au fil des années (depuis 1999).

[11]      Il est séparé de son épouse et a deux (2) enfants à charge âgés de 15 et 17 ans, qui sont aux études et dont il est le soutien matériel. Sa situation financière est difficile.

[12]      D'autre part, bien qu'elles aient causé préjudice à l'assureur, les fautes pour lesquelles il a été reconnu coupable n'ont eu aucune conséquence économique pour les clients.

[13]      Même si quatre (4) chefs d'accusation ont été portés contre lui, en réalité deux (2) transactions et deux (2) clients sont en cause.

[14]      Par ailleurs, les sanctions recommandées conjointement par les parties rejoignent dans leur globalité les décisions antérieures du comité dans des cas de semblable nature.

[15]      Celui-ci ne voit aucune raison valable qui lui permettrait de se dissocier de leurs suggestions. Il retiendra donc les sanctions proposées conjointement par celles-ci. Elles lui paraissent dans les circonstances propres à ce dossier justes et appropriées.

[16]      Enfin le comité, tel que lui ont proposé les parties, accordera à l'intimé un délai d'un an pour le paiement des amendes (à condition que celui-ci soit effectué au moyen de douze (12) versements égaux et consécutifs débutant le 30e jour de la présente décision) et condamnera ce dernier au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur chacun des chefs d'accusation 1 et 3 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 2 000 $; (4 000 $ au total)

Sur chacun des chefs d'accusation 2 et 4 :

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 1 000 $; (2 000 $ au total)

ACCORDE à l'intimé un délai d'une année pour le paiement des amendes à la condition, sous peine de perdre le bénéfice du terme accordé, qu'il effectue celui-ci au moyen de douze (12) versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le 30e jour des présentes.

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions, L.R.Q., chap. C-26.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Albert Audet_____________________

M. ALBERT AUDET

Membre du comité de discipline

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Mathieu Gagnon

LAROCHE ROULEAU

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

16 février 2009

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Lorsque les contrats de rente sont pratiqués par les assureurs, le législateur les assimile à l’assurance sur la vie (art. 2393 al. 2 du C.c.q.).  Cette assimilation des rentes quand elles sont pratiquées par les assureurs, à l’assurance-vie, détermine la nature du contrat et le définit comme un contrat « of utmost good faith » selon la terminologie consacrée issue du droit anglais.

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