Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

CD00-0763

 

DATE :

22 décembre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GÉRARD RAYMOND, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]   Le 2 novembre 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal, pour procéder à l’audition d’une plainte portée contre l’intimé et libellée comme suit :

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE ANNE-MARIE MERCIER

1.     À Saint-Eustache, le ou vers le 3 octobre 2001, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à sa cliente, Anne-Marie Mercier, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de la compagnie 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, et/ou en faveur de Golden Tech Corporation, pour un montant de 11 018,98 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

2.     À Saint-Eustache, le ou vers le 28 octobre 2004, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à son client, Anne-Marie Mercier, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de la compagnie 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, pour un montant de 10 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

À L’ÉGARD DE SON CLIENT CAROL D’ASTOUS

3.     À La Plaine, le ou vers le 5 décembre 2003, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à son client, Carol D’Astous, des actions de Bio Vie Germination inc., pour un montant de 76 880 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

4.     À La Plaine, le ou vers le 12 décembre 2003, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à son client, Carol D’Astous, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de la compagnie 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, pour un montant de 37 280 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE MARIETTE ST-GELAIS

5.     À La Plaine, le ou vers le 18 août 2004, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à sa cliente, Mariette St-Gelais, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de la compagnie 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, pour un montant de 50 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT GHISLAIN LAVOIE

6.     À Saint-Eustache, le ou vers le 3 octobre 2001, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à son client, Ghislain Lavoie, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de la compagnie 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, et/ou en faveur de Golden Tech Corporation, pour un montant de 6 042,61 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

7.     À Saint-Eustache, le ou vers le 11 juillet 2005, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à son client, Ghislain Lavoie, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de Groupe Inter Continental S.A., pour un montant de 5 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

À L’ÉGARD DE SON CLIENT PASCAL LATRILLE

8.     À Saint-Eustache, le ou vers le 12 juillet 2005, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à son client, Pascal Latrille, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de Groupe Inter Continental S.A., pour un montant de 5 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE FRANCINE GARIÉPY

9.     À Laval, le ou vers le 21 juillet 2005, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à sa cliente, Francine Gariépy, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de Groupe Inter Continental S.A., pour un montant de 5 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

10.  À Laval, le ou vers le 18 août 2005, l’intimé GÉRARD RAYMOND a fait souscrire à sa cliente, Francine Gariépy, un placement sous forme de prêt d’argent en faveur de Groupe Inter Continental S.A., pour un montant de 50 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

À L’ÉGARD DE SA PROFESSION

11.  À Montréal, le ou vers le 16 août 2006, l’intimé GÉRARD RAYMOND a nui au travail du bureau du syndic lors de l’enquête 2006-0202, notamment en ayant menti au syndic, Léna Thibault et à l’enquêteur, Denis Cyr, lors d’une rencontre en affirmant qu’il n’avait proposé des placements offerts par 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, qu’à seulement trois (3) personnes, soit Francine Gariépy, sa mère Marianne Thibault et son ami Gabriel Barette contrevenant ainsi à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

12.  À Montréal, le ou vers le 8 juillet 2008, l’intimé GÉRARD RAYMOND a nui au travail du bureau du syndic lors de l’enquête 2008-0212, notamment en ayant menti à l’enquêteur, Brigitte Poirier, lors d’une rencontre en affirmant qu’il n’avait proposé des placements offerts par 9100-4598 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de Méga Prêt 2000, qu’à seulement quatre (4) personnes, soit les trois personnes identifiée précédemment et Mariette St-Gelais contrevenant ainsi à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

[2]   L’intimé, par l’entremise de son procureur, enregistra un plaidoyer de culpabilité sur chacun des douze chefs de la plainte.

[3]   La preuve documentaire de la plaignante (P-1 à P-27) fut produite de consentement.

[4]   Les dix premiers chefs de cette plainte, portée le 11 février 2009, visent six consommateurs et reprochent à l’intimé de leur avoir conseillé et fait souscrire des produits pour lesquels il n’était pas autorisé en vertu de sa certification.  Ces investissements s’élèvent à plus de deux cents cinquante milles dollars.  Ces infractions ont été commises sur une période de quatre ans, entre le 3 octobre 2001 et le 18 août 2005.

[5]   Les deux derniers chefs lui reprochent d’avoir nui au travail du bureau du syndic en mentant en cours d’enquête en 2006 et en 2008. 

[6]   L’intimé était, au moment des infractions, certifié en assurance de personnes et a été, pour certaines périodes, certifié également en assurance collective de personnes, en courtage en épargne collective et en assurance de dommages.  En 2002, il joignit le cabinet Méga liberté financière inc. en assurance de personnes.  Au moment de l’audition, l’intimé a déclaré travailler au sein du cabinet Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc. (P-1) et ce, depuis le mois de septembre 2006. 

PREUVE SUR SANCTION

[7]   La plaignante a déclaré ne pas avoir de preuve à offrir sur sanction.

[8]   Pour sa part, l’intimé témoigna et exprima son regret face aux pertes de ses clients ajoutant avoir été naïf et lui-même victime de gens peu scrupuleux. 

[9]   L’intimé remplissait la documentation, faisait signer les clients, collectait leur chèque et rapportait le tout au cabinet de Méga liberté financière inc.  Il percevait une commission de 5% du montant investi qui lui était versée en argent comptant.  De même, les intérêts perçus sur ces placements étaient versés à ses clients en argent comptant.  C’est l’intimé lui-même qui livrait les enveloppes scellées contenant cet argent à ses clients. 

[10]       Le procureur de l’intimé demanda au comité de donner à son client une deuxième chance expliquant qu’il était âgé de 59 ans, qu’il avait plus de 26 ans d’expérience, sans antécédent disciplinaire, qu’il vivait seul et ne pouvait compter sur personne pour subvenir à ses besoins, qu’il n’avait pour seul actif une maison dont les paiements hypothécaires mensuels étaient de 600 $ et une voiture achetée récemment dont les versements mensuels s’élevaient à près de 500 $ et ce, pour une période de cinq ans.

[11]       L’intimé fit valoir qu’une radiation temporaire de trois ans signifierait la fin de sa carrière alors qu’une radiation de six mois, même si elle lui causerait de graves difficultés, lui permettrait de se reprendre.

[12]       Bien que l’intimé ait déclaré regretter pour ses clients les gestes reprochés, il a insisté sur sa naïveté faisant plutôt porter la responsabilité sur ceux qui l’ont amené à acheter et vendre ces produits.

[13]       En ce qui concerne les deux chefs lui reprochant d’avoir menti au cours de l’enquête au syndic, l’intimé se justifia en disant qu’il était inquiet face aux sanctions disciplinaires à encourir, qu’il était pris de panique et craignait des représailles de la part de ceux qui l’ont incité à offrir ces produits.  Il insista pour dire qu’il avait collaboré par la suite en remettant au bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière des boîtes de documents contenant des informations précieuses pour leurs enquêtes.

REPRÉSENTATION SUR SANCTION

[14]       Le procureur de la plaignante recommanda une radiation temporaire de trois ans sur chacun des dix premiers chefs à être purgée de façon concurrente et une radiation temporaire de trois mois pour chacun des chefs 11 et 12 concernant l’entrave au travail du bureau du syndic.  Il demanda également la publication de la décision, l’imposition à l’intimé du paiement des frais de cette publication ainsi que des déboursés. 

[15]       II passa alors en revue les passages jugés pertinents des décisions rendues[1] par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière qui, à son avis, appuyaient ses recommandations et démontraient que la norme pour ces infractions, qui vont au cœur de la profession, était une radiation de trois ans.

[16]       Le procureur de l’’intimé, pour sa part, demanda la clémence du comité s’appuyant, entre autres sur les décisions rendues dans les affaires Thériault[2] et Côté[3] et recommanda une radiation temporaire de six mois sur chacun des dix premiers chefs et en quelque sorte une réprimande à titre de sanction pour les chefs 11 et 12 faisant valoir la collaboration de l’intimé par la suite avec le bureau du syndic.

[17]       Rappelant les principes établis en la matière par la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault[4], son procureur énuméra les facteurs subjectifs à considérer en l’espèce. Elle insista sur la quasi impossibilité pour son client, âgé de 59 ans, de se reprendre dans le cas où une radiation de trois ans était ordonnée.  En plus des regrets exprimés par son client, elle souligna le langage non verbal de son client durant son témoignage qui confirmait son regret sincère tout comme dans le cas de Mme Alexandra Côté[5].  Elle tira un parallèle entre la situation de son client et l’affaire Thériault où une radiation de six mois a été ordonnée. 

 

ANALYSE ET DÉCISION

[18]       Le comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclarera coupable sur chacun des douze chefs d’accusations de la plainte portée contre lui.

[19]       Quant aux sanctions, les infractions reprochées sont objectivement sérieuses et vont au cœur de la profession.  Comme avançait le comité de discipline de la CSF dans l’affaire Poulin[6] :

«La personne qui choisit de devenir représentant en vertu de la LDPSF accepte les conditions entourant l’encadrement de sa pratique professionnelle[7]. M. Poulin a donc «volontairement adhéré à une profession qui - comme corollaire des privilèges qu'elle accorde - demande le respect des obligations déontologiques auxquelles [il] s'est engagé[ ]»[8].  Le respect des limites de son ou ses certificats devrait normalement aller de soi.»

[20]       L’étude de la preuve documentaire fournie par la plaignante révèle que les infractions reprochées à l’intimé ont toutes été commises dans le cadre de ses activités de représentant en assurance.  Les consommateurs visés par la plainte étaient tous des clients de l’intimé.  En outre, l’intimé était président[9] du cabinet Méga liberté financière inc., cabinet au sein duquel il opérait en assurance de personnes et recevait un salaire hebdomadaire. 

[21]       En ce qui concerne le processus suivi, l’intimé leur proposait d’investir dans les compagnies en cause, leur faisant miroiter des rendements annuels de 30% (P-4, p. 22) et 33 % (P-6) dans le cas de Mega Prêt 2000 Inc., par exemple. 

[22]       C’est l’intimé qui a conseillé ces placements, a rempli la documentation, a fait signer les clients et leur a fait faire les chèques à l’ordre de Mega Prêt 2000 et autres.  C’est aussi lui qui remettait le tout aux dirigeants de ces compagnies.  Sur réception des investissements, il touchait une commission d’environ 5 % de la somme investie qui lui était payée en argent comptant. 

[23]       L’intimé, un représentant de plus de 15 ans d’expérience au moment des infractions, a voulu faire croire qu’il n’avait eu aucun soupçon concernant ces produits qui procuraient des rendements annuels de 30% et même davantage et dont la vente lui procurait une commission versée comptant, tout comme d’ailleurs les intérêts remis aux clients chaque mois dans des enveloppes scellées, par son entremise.  De surcroît, il se faisait complice des revenus ainsi cachés au fisc. L’intimé s’est dit victime de sa propre naïveté. 

[24]       Ces infractions ont été commises de façon répétée et continue sur près de quatre ans.  Le comité ne peut croire à une telle naïveté de la part d’un conseiller en sécurité financière ayant son expérience et estime qu’il a plutôt choisi d’ignorer volontairement de quel type de produit il s’agissait. 

[25]       Comme il agissait à l’extérieur des limites de son certificat, ses clients-victimes ne peuvent être indemnisés par le Fonds d’indemnisation des services financiers.  Leur préjudice, qui totalise 260 000 $, est important.  Les consommateurs étaient tous des clients de l’intimé qui ont certes succombé à l’appât du gain mais c’est l’intimé qui a abusé de leur confiance en leur proposant ces produits non couverts par son certificat.  

[26]       De la preuve soumise en l’instance, le comité retient, entre autres, que :

         L’intimé était un représentant de plus de 15 ans d’expérience et non pas un débutant;

         Il a recommandé les produits sans vérifier s’il avait le droit de recommander ces produits;

         Il n’a pas cherché à obtenir l’information sur la nature de ces placements;

         Il a reçu des commissions par paiement au comptant et livrait à ses clients le versement des intérêts en argent comptant dans des enveloppes scellées;

         Il ne s’agit pas d’un acte isolé et ces agissements se sont déroulés sur une période de 4 ans;

         Le montant des investissements est important;

         Il a volontairement menti aux enquêteurs du bureau du syndic.

[27]       D’autre part, les facteurs atténuants sont l’absence d’antécédent disciplinaire et le fait qu’il ait reconnu sa faute en enregistrant un plaidoyer de culpabilité sur tous les chefs de la plainte.

[28]       Comme le comité l’a déjà mentionné dans l’affaire Ruse[10] :

 «le comité est d’avis que l’ensemble des faits commandent une sanction de radiation pour atteindre l’effet dissuasif recherché et le fait que l’intimé avoue ne suffit pas pour l’en soustraire.  Ses clients avaient mis leur confiance en lui et les infractions commises vont au cœur de la profession.  Comme rapporté dans les décisions fournies par la plaignante et malheureusement constaté dans l’actualité, ces infractions sont devenues un fléau dans la profession et un message clair doit être fait aux représentants que ces infractions ne peuvent être tolérées.»

[29]       Les faits en l’espèce diffèrent largement de ceux de l’affaire Thériault citée par son procureur.  Dans cette dernière affaire, même si M. Thériault avait informé ses clients de l’existence de produits générant des rendements plus intéressants, là s’est limitée son implication réelle.  En effet, ses clients ont, par la suite, assisté à une soirée d’information sur ces produits et y ont souscrit non pas par l’entremise de M. Thériault mais par celle des représentants présents à cette soirée.  Aussi, il s’agissait d’investissements n’impliquant que trois clients et totalisant 57 000 $, montant beaucoup moindre que dans la présente affaire.

[30]       Concernant les chefs reprochant d’avoir menti les 16 août 2006 et 8 juillet 2008 aux enquêteurs du bureau du syndic, la remise par l’intimé, après coup, de boîtes de documents contenant des informations utiles à d’autres enquêtes ne saurait le disculper.  Même si le comité avait pu considérer ses craintes de représailles et sa panique pour expliquer son mensonge fait lors du premier interrogatoire tenu à l’été 2006, comment justifier avoir de nouveau menti deux ans plus tard à l’été 2008? 

[31]       L’intimé prétend ne pas avoir d’autres revenus.  Cependant, le comité a constaté à l’attestation de pratique (P-1) qu'il détenait, jusqu’en septembre 2009, une licence en assurance de dommages.  En l’absence de preuve contraire et sans en faire un motif de la présente décision, il est permis de croire qu’il a procédé au renouvellement de ce dernier certificat et qu’il continuera vraisemblablement à œuvrer dans ce domaine. L'intimé n’en a jamais parlé, il a choisi de se taire et de laisser croire qu’il n’avait aucune autre source de revenus que ceux provenant de l’assurance de personnes.

[32]       En conséquence, le comité donnera suite aux recommandations de la plaignante, estimant qu’une radiation temporaire de trois ans sur chacun des dix premiers chefs à être purgée de façon concurrente et une radiation temporaire de trois mois sur chacun des chefs 11 et 12 sont, en l’espèce, raisonnables, adéquates et non contraire à l’intérêt public.  Le comité ordonnera la publication de la décision et condamnera l’intimé aux frais de cette publication et aux déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des 12 chefs de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des 12 chefs de la plainte;

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière pour une durée de trois ans sur chacun des dix premiers chefs de la plainte, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière pour une durée de trois mois sur chacun des chefs 11 et 12 de la plainte, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la décision rendue, dans un journal circulant dans le lieu où l'intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

(S) Janine Kean

 

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) Felice Torre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Benoît Bergeron

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Mireille Vanasse

Procureure de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

2 novembre 2009

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Léna Thibault c. Nick Mylonakis, CD00-0718, rendue le 30 avril 2009; Léna Thibault c. Christophe Balayer, CD00-0674, rendue le 4 juin 2008; Léna Thibault c. Maryse Labarre, CD00-0691, rendues les 9 juillet 2008 et 5 janvier 2009; Léna Thibault c. Brian Ruse, CD00-0753, rendue le 2 septembre 2009 et pour les chefs d’entrave, Léna Thibault c. Diane Hentschel, CD00-0770, rendue le 22 octobre 2009.

[2] Léna Thibault c. Jean-Claude Thériault, CD00-0745, rendue le 10 juillet 2009.

[3] Léna Thibault c. Alexandra Côté, CD00-0703, rendue le 30 avril 2009.

[4] 2003 Can LII 32934 (QC C.A.).

[5] Voir note 3.

[6] Rioux c. Poulin, CD00-0600, rendue le 11 avril 2007.

[7] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 163; R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, 177-178.

[8] Infirmières et infirmiers c. Williams-Stevenson, 2002 QCTP 110, [2002] D.D.O.P. 265, par. 22; Médecins c. Perlmutter, [1997] D.T.P.Q. no 114.

[9] P-26, p.22, lignes 2-3.

[10] Léna Thibault c. Brian Ruse, CD00-0753, rendue le 2 septembre 2009.

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