Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0899

 

DATE :

9 mai 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

M. Louis Rouleau, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GEORGES EXILUS, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 111874)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]       Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni les 16, 17 et 18 avril 2012, aux locaux de la Commission des lésions professionnelles sis au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, à Montréal, pour entendre la plainte disciplinaire libellée comme suit :

À L’ÉGARD DE K.C.O.

1.    À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente K.C.O. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

2.    À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé n’a pas donné à sa cliente K.C.O. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et sur le prêt placement [...] de 50 000 $ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

3.    À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé a recommandé à sa cliente K.C.O. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

4.    À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente K.C.O. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Banque Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

5.    À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente K.C.O. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Banque Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

6.    À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à sa cliente K.C.O. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et sur le prêt placement [...] de 50 000 $ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

7.    À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente K.C.O. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

8.    À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente K.C.O. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE Y.D.             

9.    À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente Y.D. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

10.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à sa cliente Y.D. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et sur le prêt placement [...] de 50 000$ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

11.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente Y.D. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance au risque, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

12.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente Y.D. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

13.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à Investissements Manuvie sur la demande de souscription au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...], en indiquant que Y.D. était préposée aux bénéficiaires alors qu’elle n’avait pas travaillé d’environ 2004 à 2007 et qu’elle recevait des indemnités de la SAAQ, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

14.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à la Banque Manuvie sur la demande de prêt placement  [...] de 50 000$, en indiquant que Y.D. était préposée aux bénéficiaires alors qu’elle n’avait pas travaillé d’environ 2004 à 2007 et qu’elle recevait des indemnités de la SAAQ, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE J.H.D.                      

15.  Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente J.H.D. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

16.  Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à sa cliente J.H.D. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...]  et sur le prêt placement [...] de 50 000$ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

17.  Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente J.H.D. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

18.   Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente J.H.D. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

19.   Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à Investissement Manuvie sur la demande de souscription au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...], en indiquant que J.H.D.  était superviseure alors qu’elle était étudiante, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

20.   Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à la Banque Manuvie sur la demande de prêt placement [...] de 50 000 $, en indiquant que J.H.D. était superviseure alors qu’elle était étudiante, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE A.J.

21.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de son client A.J. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] de 15 000 $ et le prêt placement [...] de 15 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

22.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à son client A.J. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et sur le prêt placement [...] de 15 000$ souscrits auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière      (c. D-9.2, r.3);

23.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé a recommandé à son client A.J. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 15 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

24.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de son client A.J. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 15 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

À L’ÉGARD DE P.D.L.J.       

25.  À Montréal, le ou vers le 31 mai 2008, l’intimé n’a pas donné à son client P.D.L.J. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct [...] de 20 000$ et sur le prêt placement [...] de 20 000 $ souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3).

[2]       La partie plaignante était représentée par Me Claudine Lagacé et l’intimé se représentait seul.

[3]       La plaignante a fait entendre Monsieur Donald Poulin, enquêteur de la Chambre de la sécurité financière, Monsieur Denis Preston, expert, Mesdames Y.D. et J.H.D. et Messieurs A.J. et P.D.L.J.

[4]       K.C.O., n’a pas été entendue mais une preuve documentaire a été produite.

[5]       Y.D. J.H.D., A.J. P.D.L.J et K.C.O. sont les clients visés par la plainte (ci-après appelés les « clients visés »).

LA PREUVE

[6]       L’intimé détient un certificat en assurances de personnes portant le numéro 111874 depuis 1991.

[7]       Durant l’année 2005, l’intimé s’est lancé dans la vente d’un produit de placement de fonds distinct émis par la Manufacturers Life Insurance « Manuvie » à des personnes recrutées notamment dans sa communauté. L’intimé n’avait alors aucune expérience dans la vente de ce genre de produit.

[8]       L’intimé leur représentait qu’il s’agissait d’un nouveau produit qui était offert par Manuvie qui avait un surplus de liquidités dont elle désirait faire bénéficier ses clients. L’intimé leur représentait également qu’il fallait agir rapidement pour en bénéficier. Enfin, l’intimé leur représentait que le produit générait des profits dès les premiers mois, qu’il n’y avait pas de risque et qu’il pouvait en sortir quand ils voulaient[1].

[9]       Les clients devaient signer une demande de souscription à un portefeuille de placements de la Maritime, un document d’emprunt auprès de la Banque Manuvie et une garantie hypothécaire mobilière. Chaque client devait consentir une hypothèque mobilière sur la valeur des placements détenus.

[10]    Auprès des clients, l’intimé n’utilisait jamais le mot prêt, il parlait toujours d’un produit d’investissement. C’est ainsi que les clients visés se sont retrouvés engagés dans des prêts leviers garantis par hypothèque pour les montants suivants :

         dans le cas de Y.D et de J.H.D. pour un montant de 50 000 $ chacune;

         dans le cas de K.C.O. pour deux montants successifs de 50 000 $;

         dans le cas d’A.J. pour un montant de 15 000 $;

         dans le cas de P.D.L.J. pour un montant de 20 000 $.

[11]    Ces montants étaient intégralement investis avec Investissements Manuvie.

[12]    Tous les clients visés ne disposaient que de revenus modestes et n’avaient que peu ou pas de connaissance en placements.

[13]    Au moment des événements énoncés à la plainte, seuls deux clients visés avaient des emplois à temps plein soit P.D.L.J. et A.J.

[14]    Seul P.D.L.J. avait un revenu régulier, A.J. était journalier, Y.D. et K.C.O. étaient des prestataires de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et J.H.D. était pigiste.

[15]    Même si P.D.L.J. avait un revenu régulier, son salaire annuel était de 42 000 $ avec trois enfants à charge et une épouse qui n’avait qu’un emploi à temps partiel.

[16]     A.J., journalier, ne détenait qu’un diplôme de secondaire V. Pour l’année 2005, son revenu annuel était de 19 173 $ et pour l’année 2006 de 24 535 $. Il était séparé et devait payer une pension alimentaire.

[17]    Y.D. était accidentée de la route, mère de 4 enfants dont deux vivaient encore avec elle. Pour l’année 2006, son revenu annuel était de 15 837 $ (P-12). Ses revenus des années antérieures étaient comparables.

[18]    Pour l’année 2005, J.H.D. (la fille de Y.D.) avait un revenu de 10 189 $ et 8 553 $ pour l’année 2006.

[19]    K.C.O. gagnait un revenu de 15 077,23 $ en 2006. Elle était prestataire de la SAAQ depuis le 9 juillet 2005 (P-26).

[20]    En plus d’avoir des revenus modestes, les clients visés avaient tous des connaissances en placements inexistantes ou très limitées.

[21]    Seul P.D.L.J. avait un peu de connaissance, celle-ci se limitait à l’acquisition de placements RÉER chaque année auprès de sa banque.

[22]    Aucun des clients visés n’a compris qu’il empruntait. Le prêt se faisait sans vérification de solvabilité. D’ailleurs, le prêt était qualifié de prêt éclair.

[23]    Un congé d’intérêt de trois mois était donné aux clients qui souscrivaient au prêt éclair entre le 1er janvier et le 31 mars 2006 (P-14).

[24]    Le placement était fait dans un fonds distinct à échéance dans 15 ans.

[25]    Le capital investi était garanti à 75 % à l’échéance.

[26]    Aucun frais d’entrée n’était perçu, malgré que l’intimé disait aux clients que l’investissement ne serait que de courte durée soit de 3 à 6 mois et qu’il pouvait faire un gain rapide d’environ 5 000 $.

[27]    Le produit était qualifié de rente, car acheté auprès d’une compagnie d’assurance qui en garantissait la valeur à échéance.

[28]    Dans tous les cas, les placements se sont avérés être de mauvais placements. Ils ont tous été liquidés avec pertes dont les clients ont été tenus responsables. Il y a bien eu un gain pour K.C.O. sur le premier investissement, mais il a été modeste compte tenu du risque encouru.

[29]    Le seul grand bénéficiaire a été l’intimé qui a touché une commission de 4 % sur chaque placement effectué.

[30]    L’intimé n’a complété aucun profil d’investisseur, sauf dans le cas de P.D.L.J. lors de la signature de sa demande de souscription (P-4), mais il s’agit d’une demande signée en mai 2008, soit deux ans après la première souscription visée dans le présent dossier.

[31]    L’intimé n’a complété aucune analyse des besoins financiers des clients visés.

[32]    De plus, les documents signés par les clients visés sont remplis d’erreurs ou de faussetés. À titre d’exemples : le taux d’intérêt préférentiel initial, la date d’exigibilité des versements sur l’emprunt et le coût annuel de l’emprunt sont manquants sur les demandes de prêt. Dans un cas seulement, celui de A.J., le coût annuel d’emprunt est indiqué, mais le calcul est erroné (P-41). Dans les demandes de souscription (P-13 et P-31), Y.D. et K.C.O. sont décrites comme étant des préposées aux bénéficiaires ce qui est faux, car elles étaient prestataires d’indemnités de la SAAQ. J.H.D. est décrite comme étant superviseure, ce qui est également faux, car elle était pigiste.

[33]    Monsieur Denis Preston a été déclaré expert en placements et en assurances individuelles et collectives de personnes par le comité.

[34]    Il a expliqué au comité que le représentant devait s’assurer de bien connaître son client avant de l’engager dans une stratégie de prêt levier et qu’il devait bien lui exposer les risques associés à une telle stratégie. Ce qui n’a pas été fait avec aucun des clients visés.

[35]    Il a insisté que la stratégie de prêt levier ne convenait qu’aux investisseurs sophistiqués et qu’aucun des clients visés n’avaient ce profil.

[36]    Il a établi l’aberration d’une telle stratégie pour Y.D. et J.H.D. La charge de la dette créée par l’emprunt pour investissement de Y.D. représentait 23 % de son revenu annuel et dans le cas de J.H.D., 39 %. Pour les autres clients visés, il a démontré que cette stratégie ne leur convenait tout simplement pas, puisqu’entres autres, certains n’avaient pas droit à la déductibilité d’intérêts en raison de revenus trop faibles.

[37]    En résumé, selon lui, le produit vendu n’était pas du tout adapté aux clients visés.

[38]    L’intimé n’a présenté comme seule défense qu’il était de bonne foi et qu’il voulait aider ses clients et qu’il n’a fait que suivre ce que les formateurs lui avaient dit de faire.

ANALYSE

[39]        Avant que ne commence l’argumentation de la procureure de la Syndique, le comité a voulu vérifier avec elle si toutes les articles énoncés aux chefs de plainte s’appliquaient aux faits du présent dossier.

[40]        Après vérification, la procureure de la Syndique a demandé le retrait des articles 11 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière énoncés aux chefs 4, 8, 12, 18 et 24 de la plainte. Les conclusions de la présente décision le prendront en considération.

[41]        Selon le comité, la preuve établit clairement que l’intimé n’a pas donné les explications et renseignements nécessaires à la compréhension du produit qu’il vendait à ses clients et des risques associés à ce produit.

[42]        Le produit vendu ne convenait à aucun des clients visés par la plainte. Aucun de ceux-ci n’était dans une situation financière lui permettant de contracter un prêt levier.

[43]        Il a abusé de la naïveté de ceux-ci et de leur ignorance.

[44]        Il a privilégié son intérêt personnel plutôt que celui de ses clients. Il n’a été guidé que par l’appât du gain.

[45]        Également, la preuve établit clairement qu’il a fait défaut de faire les analyses des besoins financiers de ses clients et de préparer des profils d’investisseurs. Le seul profil d’investisseur complété est celui de P.D.L.J. et il ne correspond pas à la réalité de ce client.

[46]        Sa conduite relève de l’incompétence et de la négligence grossière et n’est pas digne d’un professionnel membre de la Chambre de la sécurité financière.

[47]        Le comité en vient donc à la conclusion que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve en ce qui concerne tous les chefs de plainte.

[48]    L’intimé sera donc déclaré coupable de tous et chacun des chefs d’infraction à l’exception des articles 11 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière énoncés aux chefs 4, 8, 12, 18 et 24 de la plainte.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

AUTORISE le retrait des articles 11 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière énoncés aux chefs 4, 8, 12, 18 et 24 de la plainte disciplinaire;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1 à 25 inclusivement de la plainte disciplinaire;

CONVOQUE les parties, avec l’aide de la secrétaire du comité de discipline, à une l’audition sur sanction.

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Stéphane Côté

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Louis Rouleau

M. Louis Rouleau, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Claudine Lagacé

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

M. Georges Exilus

Se représente lui-même.

 

Dates d’audience :

16, 17 et 18 avril 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0899

 

DATE :

3 janvier 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

M. Louis Rouleau, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GEORGES EXILUS, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 111874)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]  Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni le 26 juin 2012 à la Commission des lésions professionnelles, située au 500 boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, Montréal, pour entendre la preuve et les représentations des parties sur sanction à la suite de décision rendue le 9 mai 2012 déclarant l’intimé coupable de la plainte disciplinaire amendée suivante :

À L’ÉGARD DE K.C.O.

26.  À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente K.C.O. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

27.  À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé n’a pas donné à sa cliente K.C.O. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et sur le prêt placement [...] de 50 000 $ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

28.  À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé a recommandé à sa cliente K.C.O. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

29.  À Montréal, le ou vers le 6 septembre 2005, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente K.C.O. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Banque Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), (…), 18, (…) et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

30.  À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente K.C.O. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Banque Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

31.  À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à sa cliente K.C.O. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et sur le prêt placement [...] de 50 000 $ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

32.  À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente K.C.O. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

33.  À Montréal, le ou vers le 25 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente K.C.O. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Renaissance Manuvie [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), (…), 18, (…) et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE Y.D.             

34.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente Y.D. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

35.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à sa cliente Y.D. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et sur le prêt placement [...] de 50 000$ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

36.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente Y.D. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance au risque, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

37.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente Y.D. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), (…), 18, (…) et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

38.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à Investissements Manuvie sur la demande de souscription au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...], en indiquant que Y.D. était préposée aux bénéficiaires alors qu’elle n’avait pas travaillé d’environ 2004 à 2007 et qu’elle recevait des indemnités de la SAAQ, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

39.  À Laval, le ou vers le 8 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à la Banque Manuvie sur la demande de prêt placement  [...] de 50 000$, en indiquant que Y.D. était préposée aux bénéficiaires alors qu’elle n’avait pas travaillé d’environ 2004 à 2007 et qu’elle recevait des indemnités de la SAAQ, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE J.H.D.                      

40.  Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente J.H.D. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000 $ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

41.  Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à sa cliente J.H.D. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...]  et sur le prêt placement [...] de 50 000$ auxquels elle a souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

42.  Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente J.H.D. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

43.   Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente J.H.D. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 50 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), (…), 18, (…) et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

44.   Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à Investissement Manuvie sur la demande de souscription au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...], en indiquant que J.H.D.  était superviseure alors qu’elle était étudiante, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

45.   Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 mars 2006, l’intimé a fourni de faux renseignements à la Banque Manuvie sur la demande de prêt placement [...] de 50 000 $, en indiquant que J.H.D. était superviseure alors qu’elle était étudiante, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE A.J.

46.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de son client A.J. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] de 15 000 $ et le prêt placement [...] de 15 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

47.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé n’a pas donné à son client A.J. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et sur le prêt placement [...] de 15 000$ souscrits auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D‑9.2, r.3);

48.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé a recommandé à son client A.J. de souscrire au contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et au prêt placement [...] de 15 000$ auprès de Manuvie, alors que ces produits ne correspondaient pas à sa situation financière, à ses objectifs de placement et à sa tolérance aux risques, contrevenant ainsi aux articles 16 de la  Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et  35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

49.  À Montréal, le ou vers le 16 mars 2006, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de son client A.J. en lui faisant souscrire le contrat de fonds distinct à revenu élevé Millénium Talvest La Maritime [...] et le prêt placement [...] de 15 000$ auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

À L’ÉGARD DE P.D.L.J.       

50.  À Montréal, le ou vers le 31 mai 2008, l’intimé n’a pas donné à son client P.D.L.J. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct [...] de 20 000$ et sur le prêt placement [...] de 20 000 $ souscrit auprès de Manuvie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3).

[2]           La partie plaignante était représentée par Me Claudine Lagacé et l’intimé se représentait seul. Aucune preuve n’a été déposée sur sanction.

[3]           La plaignante a demandé au comité qu’il impose à l’intimé les sanctions suivantes :

a)    Concernant les chefs 1, 5, 9, 15 et 21 (défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement) : une amende de 5 000 $ par chef;

b)    Concernant les chefs 2, 6, 10, 16, 22 et 25 (défaut de fournir les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets) : une amende de 4 000 $ par chef;

c)    Concernant les chefs 13, 14, 19 et 20 (fournir de faux renseignements à l’assureur) : une radiation de 2 mois sous chacun des chefs à être purgée de façon concurrente;

d)    Concernant les chefs 3, 7, 11, 17 et 23 (recommandation de produits qui ne correspondaient pas à la situation financière, aux objectifs de placement et à la tolérance au risque) : une radiation de 3 mois sous chacun des chefs à être purgée de façon concurrente;

e)    Concernant les chefs 4, 8, 12, 18 et 24 : (défaut de subordonner son intérêt personnel) : une radiation de 2 ans sous chacun des chefs à être purgée de façon concurrente.

[4]           À l’appui de sa demande, la plaignante a fourni plusieurs décisions ci-après citées que le comité a consultées.

[5]           Ensuite, elle a principalement plaidé que l’intimé avait fait preuve d’incompétence et de négligence grossière envers des clients manifestement vulnérables, le seul point militant en faveur de l’intimé étant sa collaboration avec l’enquêteur.

[6]      À l’encontre de ces accusations et des demandes de la plaignante sur les sanctions, l’intimé s’est contenté de plaider sa bonne foi.

ANALYSE

[7]           L’intimé a été reconnu coupable d’avoir engagé plusieurs de ses clients dans un placement qui ne leur convenait pas et de les avoir ainsi exposés à des pertes dont ils ont été fort heureusement épargnés grâce à leur ténacité.

[8]           Le seul grand bénéficiaire de cette affaire a été l’intimé qui a touché une commission de 4 % sur chaque placement effectué.

[9]           Dans l’affaire Pigeon[2], la Cour d’appel a établi les paramètres qui doivent guider le comité dans l’établissement de la sanction :

« [37] La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier. Chaque cas est un cas d'espèce.

 

« [38] La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants: au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), [1998] D.D.O.P. 311; Dr J. C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al, [1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656).

« [39] Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif,… Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire. »

[10]        Me Patrick de Niverville, dans son étude parue dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2000) énonce que même si les sanctions imposées sur chaque chef peuvent paraître justes, appropriées et proportionnées, la sanction globale envisagée ne doit pas être accablante[3].

[11]        Comme l’a exprimé le comité de discipline de la Chambre dans une affaire très récente[4], une sanction prise individuellement peut paraître juste, appropriée et proportionnée, mais il faut en tenir compte dans sa globalité.

[12]        Le comité est d’avis qu’imposer à l’intimé des amendes totalisant la somme de 49 000 $ serait accablant.

[13]        Le comité croit qu’il serait raisonnable dans les circonstances de la présente affaire d’imposer les sanctions pécuniaires suivantes :

a)   Pour les chefs 1, 5, 9, 15 et 21 (défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement) : une amende de 5 000 $ sous le chef 1[5] et une réprimande sous les chefs 5, 9, 15 et 21.

b)    Pour les chefs 2, 6, 10, 16, 22 et 25 (défaut de fournir les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets) une amende de 4 000 $ sous le chef 2[6] et une réprimande sous les chefs 6, 10, 16, 22 et 25.

Pour un total de 9 000 $ qui correspond grosso modo au gain réalisé par l’intimé sur les placements qu’il a fait faire aux clients mentionnés à la plainte.

[14]        En ce qui concerne les sanctions de radiation, le comité croit raisonnable d’imposer les radiations suivantes considérant l’antécédent disciplinaire de l’intimé[7] et les précédents dans les affaires Biduk[8] et L’Italien[9].

a)    Pour les chefs 3, 7, 11, 17 et 23 (recommandation de produits qui ne correspondaient pas à la situation financière, aux objectifs de placement et à la tolérance au risque) : une radiation de 6 mois sous chacun des chefs à être purgée de façon concurrente;

b)    Pour les chefs 13, 14, 19 et 20 (fournir de faux renseignements à l’assureur) : une radiation de 1 an sous chacun des chefs à être purgée de façon concurrente;

c)    Pour les chefs 4, 8, 12, 18 et 24 (défaut de subordonner son intérêt personnel) : une radiation de 2 ans sous chacun des chefs à être purgée de façon concurrente.

 

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 5 000 $ sous le chef 1;

IMPOSE une réprimande à l’intimé sous chacun des chefs 5, 9, 15 et 21;

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 4 000 $ sous le chef 2;

IMPOSE une réprimande à l’intimé sous chacun des chefs 6, 10, 16, 22 et 25;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 6 mois à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs 3, 7, 11, 17 et 23;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 1 an à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs 13, 14, 19 et 20;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 2 ans à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs 4, 8, 12, 18 et 24;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Stéphane Côté

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Louis Rouleau

M. Louis Rouleau, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

Me Claudine Lagacé

Bélanger Longtin Avocats s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même

                                                            

Date d’audience :

26 juin 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Dans le cas de Y.D. et J.H.D., elles ont plutôt compris que si elles donnaient le nom d’autres clients à l’intimé, elles recevraient un montant de 5 000 $ après trois mois.

[2] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[3] Patrick, DE NIVERVILLE, «La sentence en matière disciplinaire (une revue approfondie de la jurisprudence)» dans Développement récent en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2000), Cowansville, Éditions Yvon Blais, pp. 174 ss.

[4] Champagne c. Simard, CD00-0807 et CD00-0835, décision sur sanction du 26 novembre 2012, portée en appel.

[5] Champagne c. Bégin, CD00-0827, décision sur culpabilité et sanction du 31 mars 2011; Thibault c. Borgia, décision sur sanction du 28 juillet 2011; Champagne c. Le Corvec, CD00-0776, décision sur sanction du 31 mai 2011; Lelièvre c. Watier, CD00-0854, décision sur culpabilité et sanction du 13 octobre 2011.

[6] Thibault c. Shaw, CD00-0670, décision sur sanction du 11 mai 2010.

[7] Rioux c. Exilus, CD00-0373, décision sur culpabilité et sanction du 10 janvier 2002.

[8] Rioux c. Biduk, CD00-0565, décision sur sanction du 27 février 2007.

[9] Thibault c. L’Italien, CD00-0679, décision sur culpabilité et sanction du 10 octobre 2007.

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