Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0818

 

DATE :

 21 mars 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

 

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

GENNARO NATALE, conseiller en sécurité financière, en assurance et rentes collectives et planificateur financier (numéro de certificat 124 905)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni à la Commission des lésions professionnelles, sise au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, Montréal, les 22, 23, 24 et 25 février 2011 pour procéder à l’audition de la plainte portée contre l’intimé.

[2]           Les notes sténographiques des audiences ont été reçues le 4 avril 2011, date à laquelle débuta le délibéré.

[3]           Le comité était initialement composé de trois membres. Après les audiences, un des membres n’a pas renouvelé ses certifications devenant ainsi inhabile à agir. En conséquence, la présente décision est rendue par les deux autres membres, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2).

LA PLAINTE

N. M.

 

1.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er janvier 1999, l’intimé a fait souscrire à sa cliente N. M. un placement dans PML de 5 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 148 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., c. V-1.1), 192 et 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (R.R.Q., c. V-1.1, r.1);

 

G. M. et E. M.

 

2.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er juillet 2001, l’intimé a fait souscrire à ses clients G. M. et E. M. un placement dans PML de 9 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et  9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

3.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1 août 2002, l’intimé a fait souscrire à ses clients G. M. et E. M. un placement dans PML de 100 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

4.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er octobre 2004, l’intimé a fait souscrire à ses clients G. M. et E. M. un placement dans PML de 50 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

C. M.

5.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er juillet 2001, l’intimé a fait souscrire à sa cliente C. M. un placement dans PML de 25 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

6.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er octobre 2004, l’intimé a fait souscrire à sa cliente C. M. un placement dans PML d’environ 25 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12,  16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

O. M.

 

7.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er juillet 2001, l’intimé a fait souscrire à sa cliente O. M. un placement dans PML de 25 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

8.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 1er octobre 2004, l’intimé a fait souscrire à sa cliente O. M. un placement dans PML de 30 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

S. I.

 

9.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 9 décembre 2003, l’intimé a fait souscrire à son client S. I. un placement dans PML de 10 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01).

 

 

 

[4]           D’entrée de jeu, les parties ont déposé une liste d’admissions qui sont reproduites en Annexe. 

[5]           Elles ont aussi admis que si Me Brigitte Poirier, enquêteuse au bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF), venait témoigner, elle dirait que Progressive Management Limited (PML) n’était pas une organisation de placements collectifs, n’a pas déposé de prospectus, bénéficié de visa de prospectus ou obtenu une dispense de dépôt de prospectus (P‑6).

[6]           Le comité entendit pour la plaignante les consommateurs impliqués, à l’exception d’E. M., époux de G. M.

[7]           En défense, seul l’intimé a été entendu.

LA PREUVE

[8]           L’intimé a débuté dans l’industrie en 1987 comme représentant de courtier en épargne collective et par la suite, en assurance de personnes et en rentes collectives. En 1989, il a suspendu sa pratique pour terminer son baccalauréat en finances à l’Université Concordia. En 1991, il a de nouveau exercé comme représentant. Il a toujours été travailleur autonome et a fondé son cabinet vers 1998. L’intimé était représentant pour le compte de Courtage F.M.D. inc. (F.M.D.) du 6 février 1995 au 30 juin 2000 (P-1).

[9]           Les infractions reprochées à l’intimé impliquent six consommateurs. Ceux-ci connaissaient tous Giuseppe Iaboni (Joe Iaboni) avant de connaître l’intimé, ayant d’abord été clients du premier jusqu’à son départ pour Toronto à l’automne 1998. Seul son oncle, S. I. (chef 9), n’a jamais été client de Joe Iaboni.

[10]        Les dossiers des consommateurs ont été transférés à l’intimé en matière de fonds communs[1].

[11]        Joe Iaboni était inscrit comme représentant de courtier en épargne collective également pour le compte de F.M.D. à partir du 21 août 1995 (I‑1). Il aurait cessé de pratiquer le ou vers le 22 septembre 1998 puisqu’il quittait le Québec pour aller vivre en Ontario (admission c). Bien qu’il indique à F.M.D., dans sa lettre du 22 septembre 1998 qu’il a vendu sa clientèle à l’intimé (I‑1, p. 3), l’acte de vente est daté du 9 octobre 1998 (P-2, p. 1).

[12]        L’intimé a connu Joe Iaboni vers 1992 alors qu’il avait pour clients le père, la mère, la sœur, le beau-frère, le grand-père et la grand-mère de ce dernier.

[13]        En 1995, Joe Iaboni ayant obtenu son certificat en épargne collective, l’intimé l’a présenté au cabinet M.F.D. auquel il était rattaché. L’intimé lui a aussi transféré sans frais les comptes de tous les membres de sa famille. Cette clientèle de la famille de Joe Iaboni est revenue à l’intimé quand il a acheté son bloc d’affaires en 1998. L’intimé compte toujours parmi ses clients la famille de celui-ci.

[14]        Comme Joe Iaboni travaillait dans le même quartier, l’intimé lui a permis d’utiliser de 1995 jusqu’à l’achat de sa clientèle en octobre 1998, la salle de conférence de son bureau situé dans un immeuble commercial, rue Fleury, à Montréal, propriété de ses parents. L’intimé a exercé rue Fleury à partir de 1992 jusqu’à ce qu’il déménage son bureau, en avril 2009, à sa résidence de Laval. 

[15]        Aux dires de certains consommateurs (chefs 2 à 8), Joe Iaboni se présentait comme stagiaire de l’intimé ce qu’il n’était pas selon ce dernier. Toutefois en 1995, pour une période d’environ 3 à 6 mois, l’intimé supervisait les analyses des besoins financiers des clients de Joe Iaboni ainsi que ses recommandations en assurance vie. Même s’ils étaient rattachés à la même firme de courtage, Joe Iaboni n’a jamais non plus travaillé pour l’intimé contrairement à ce que N. M. a prétendu. 

[16]        Après l’achat de la clientèle de M. Iaboni, l’épouse de l’intimé est devenue son adjointe jusqu’en 2009.

[17]        Selon l’intimé, Joe Iaboni a quitté le Québec vers la fin de 1998 ou au début de 1999. Il est déménagé à Toronto pour rejoindre sa fiancée et a continué à œuvrer dans le même domaine pour B.P.R. Mutual funds, au service à la clientèle.

[18]        Aux dires de l’intimé, Joe Iaboni communiquait avec lui à l’occasion au sujet des dossiers de ses parents. L’intimé n’a pas assisté au mariage de Joe Iaboni en 2000.  

[19]        L’intimé affirme que Joe Iaboni ne lui avait jamais parlé de PML.

[20]        L’intimé explique le témoignage des consommateurs qui l’ont désigné comme celui qui a procédé aux souscriptions en cause en disant que c’était probablement parce qu’il était leur représentant et que « le responsable » n’était pas inscrit comme représentant au Québec, rendant ainsi leur créance difficile à recouvrer.

[21]        L’intimé a reçu les constats d’infraction de l’AMF en décembre 2010 (I‑23)[2]

[22]        Joe Iaboni a remis à l’intimé tous les dossiers physiques des clients faisant l’objet du transfert de son bloc d’affaires en octobre 1998[3]. L’intimé n’a jamais vu de formulaires concernant PML. À la suite des poursuites civiles intentées contre lui par d'anciens clients de Joe Iaboni entre le 31 juillet 2009 et les audiences sur la présente plainte, l’intimé a trouvé dans leurs dossiers deux cartes professionnelles avec le logo de PML : une première au nom de Joe Iaboni sur laquelle est indiqué le titre « Account executive » comme on le retrouve sur les « Memorandum of agreement » et une deuxième au nom de Sheela Depersis portant le même titre (I‑24).

[23]        Questionné à savoir comment les dossiers transmis en 1998 pouvaient contenir des cartes de M. Iaboni avec des numéros de téléphone de la région de Toronto alors que celui-ci n’y était pas encore, l’intimé répondit ne pouvoir l’expliquer, mais après réflexion, il ajouta qu’il s’agissait peut-être de ceux de la fiancée de Joe Iaboni puisqu’il la fréquentait à Toronto déjà depuis quelques années.

[24]        Les dernières communications de l’intimé avec Joe Iaboni ont eu lieu en 2008 à propos des mises en demeure qu’il a reçues de deux clients de ce dernier que l’intimé ne connaissait pas. Les échanges à ce sujet ont été plus ou moins les suivants [4]:

Q. [654] C'est en personne, c'est quoi?

R. Non, par téléphone.

Q. [655] Par téléphone. Et, c'est à quel sujet?

R. C'est au sujet des mises en demeure que j'avais reçues à propos de deux (2) de ses clients que là, maintenant, je suis en litige civil avec. Il m'avait appelé pour me dire:  « Don't worry about it, don't worry about it, it's all on control, don't worry about it ». J'étais frustré quand j’ai reçu ces mises en demeure, parce que, de 1, je ne connaissais pas les deux (2) individus ou les plaignants. Je ne les avais jamais rencontrés de ma vie, et j'étais en choc à savoir pourquoi j'ai reçu ces mises en demeure. Et, par la suite, j'ai reçu un téléphone de sa part, me demandant : Est-ce que tu as reçu quelque chose? Évidemment, je lui ai dit : Qu’est-ce que tu penses que j'ai reçu?  Il dit : Tu as-tu reçu une lettre?  J'ai dit : Oui, j'ai reçu deux (2) lettres. Et, j'ai demandé : « What is going on? » « Qu'est-ce qui se passe? »  Et puis, c'est là qu'il m'a dit : « Don't worry about it, don't worry about it. »  Et moi, je lui ai dit : Joe, « what the heck did you do? »  « Qu'est-ce que tu as fait, et qu'est-ce que tu m'as imp..., dans quoi tu m'as impliqué? »  Et, par la suite, il voulait savoir c'était qui, mon avocat qui me représentait. J'ai dit : Pourquoi tu veux savoir le nom de mon avocat?  Parce que on doit collaborer ensemble.   J'ai dit : Collaborer pourquoi?  Je veux comprendre avant tout qu'est-ce qui se passe dans cette mise en demeure et après, on verra. Finalement, moi, j'ai répondu à la mise en demeure en disant que...

Q. [656] O.k. moi, je, la question se limitait à savoir votre contact...

 

Et un peu plus loin au cours de ce même témoignage :

 

Q. [741] Ou est-ce qu'il les avait faits?  Je ne le sais pas, moi, vous n'avez pas posé à monsieur, vous avez discuté des mises en demeure reçues de ces deux (2) clients-là.

 

R. Je lui ai posé la question, s'il avait développé ce genre de commerce. Je lui ai posé la question, et il m'avait dit oui. Je n'ai pas demandé spécifiquement à qui il avait vendu ces produits. Ce n'était pas mon intérêt à savoir à qui il les avait vendus plus spécifiquement. Mais, définitivement, j'avais posé, c'est là où je m'attends, j'ai dit : « What did you do?  What did you get (inaudible)? »  Je m'attendais à ça parce que c'était clair, sur la mise en demeure, à quoi il faisait référence. Et, définitivement, j'ai posé la question si il avait vendu des produits de ce type, et puis il s'est limité à sa conversation par téléphone. Il n'a pas élaboré sa conversation par téléphone. Il a été évasif, autrement dit. Il n'a pas fait une affirmation précise. Tout ce qu'il me disait, c'est que : « Gennaro, don't worry about it, don't worry about it, don't worry about it, I'll take care of it. What's the name of your lawyer? ». C'est quoi, le nom de ton avocat?  Ça, c'est juste avant que, après, que le « motion » a été déposé. Et, d'ailleurs, il a été aussi, lui, imposé les constats d'infraction aux quinze (15)...

 

 

 

[25]        Tous les consommateurs connaissaient Joe Iaboni avant de connaître l’intimé.

[26]        Mis à part quatre consommateurs qui sont de la même famille (chefs 2 à 8), ils ont tous témoigné qu’ils n’avaient aucun lien entre eux[5].

[27]        La preuve révèle ce qui suit :

a.    Joe Iaboni est le neveu de S. I.

b.    Joe Iaboni était, en 1995-1996, l’employeur de N. M. en tant que copropriétaire d’un Robin Donuts avec A. G., son ami d’enfance et époux de C. M., consommatrice impliquée aux chefs 5 et 6[6].

c.    En 1996, N. M. a présenté Joe Iaboni à ses parents qui ont fait affaire avec lui et investi dans PML, par son entremise. N. M. a aussi investi avec lui dans des fonds communs Trimark. Leur relation d’affaires se serait poursuivie jusqu’à son départ pour Toronto en 1998.

d.    En 1995-1996, A.G. a présenté Joe Iaboni à ses beaux-parents E. M. et G. M., à O. M. et son mari P. N.

e.    Joe Iaboni et A. G. ont assisté à leur mariage respectif à Toronto et à Montréal entre 1999 et 2000.

[28]        Joe Iaboni est devenu le représentant en épargne collective de tous les consommateurs, à l’exception de S. I. Toutefois, l’épouse de S. I. était la cliente de Joe Iaboni et S. I. a fait affaire avec ce dernier pour les REER de son épouse.

[29]        Les consommateurs ont tous entendu parler de PML directement par Joe Iaboni ou indirectement par des parents qui ont investi avec lui.

[30]        Trois des consommateurs ont eux-mêmes investi dans PML par l’entremise de Joe Iaboni entre 1997 et juillet 1998[7] :

a.    Après avoir investi pour eux-mêmes dans PML suivant les conseils et par l’entremise de Joe Iaboni, les parents de N. M. (chef 1) ont investi pour elle dans PML en octobre 1997.

b.    E. M. et G. M. (chefs 2, 3 et 4) ont investi, par l’entremise de Joe Iaboni, dans Vision Management (placements à Nassau, Bahamas) et par la suite dans PML (I-2 à I-5) en mars, avril et août 1997 et juillet 1998[8].

c.    O. M. (chefs 7 et 8) et son mari, P. N.[9] ont investi dans PML, par l’entremise de Joe Iaboni, en 1997[10].

d.    Dès 1996, S. I. (chef 9) a entendu parler de PML par ses frères et sa sœur qui y ont investi par l’entremise de son neveu Joe Iaboni.

[31]        Les ententes de continuités de services en faveur de l’intimé ont été remplies par Joe Iaboni et signées par chacun des consommateurs en août et septembre 1998.

[32]        Tous les formulaires de souscription portent la signature des consommateurs, mais aucun nom de représentant n’y apparaît.

[33]        Sur la plupart des formulaires est inscrit le numéro « 01 » servant à identifier le représentant (« Account Executive ») à la transaction. Ce même numéro « 01 » apparaît au formulaire de souscription d’un des placements faits dans PML par le couple E. M. et G. M. par l’entremise de Joe Iaboni (I-5). Il apparaît également à la demande de retrait de novembre 1999 faite par O. M. laquelle se lit : « In signing this document, Account Executive 01 acknowledges having received from the investor the instructions as stated above. »[11].

[34]        À l’exception de C. M. qui n’a produit de formulaire de souscription que pour un de ses deux investissements (chef 7), tous les consommateurs ont produit les formulaires attestant des investissements sur lesquels apparaît leur signature ainsi que les certificats correspondants.

 

[35]        La preuve de paiement à l’appui de ces souscriptions est :

  une copie recto d’un chèque de 100 000 $ daté du 5 juillet 2002 à l’ordre de Cadilly Consultants[12] (P-12) allégué au chef 3 et impliquant E. M. et G. M.;

  une copie d’un télévirement bancaire par telex (« wire transfer by swift or telex ») de 50 000 $ opéré le 9 septembre 2004 pour l’investissement allégué au chef 4 (P-13);

  la copie d’un télévirement de 10 000 $ fait le 12 janvier 2004 par S. I. en faveur de Cadilly Consultants pour remplacer le chèque fait préalablement pour l’investissement allégué au chef 9 (P-16)[13].

[36]        Tous les consommateurs ont affirmé que l’intimé était celui qui les avait fait souscrire aux placements allégués dans PML.

[37]        Les déclarations de G. M. et de O. M à l’AMF et l’affidavit d’O. M., produit dans le cadre de l’enquête de la CSF, ne font aucune mention qu’elles ont d’abord entendu parler de PML par Joe Iaboni ni investi par son entremise dans ce produit[14].

[38]        Tous les consommateurs ont indiqué qu’à moins de manifester 30 jours avant l’échéance leur volonté d’en retirer les intérêts, le renouvellement du placement en capital et les intérêts accumulés se faisait automatiquement.

[39]        À un moment ou à un autre, la plupart des consommateurs, désirant retirer leur placement ont communiqué avec l’intimé. Cependant, à partir de 2002, ce dernier répondait que ce n’était pas possible invoquant des problèmes causés par les attentats du 11 septembre 2001 à New-York.

[40]        Seule O. M. a fait un retrait par l’entremise de l’intimé en novembre 1999, mais l’intimé nie sa participation (P-4, P-4 A et I-22) [15].

[41]        La défense de l’intimé est constituée, en plus de son témoignage, de sa déclaration assermentée signée le 9 juillet 2009 attestant de la véracité des faits mentionnés dans la lettre de son procureur, datée du 30 juin 2009, qui indique qu’il n’a jamais fait souscrire les consommateurs à des placements dans PML et n’avoir jamais fait affaire avec cette société. L’intimé déclare avoir entendu parler de PML pour la première fois en juillet 2008 lorsque l’AMF, et par la suite la CSF, ont communiqué avec lui.

ANALYSE ET MOTIFS

CHEFS 1 à 9

[42]        À chacun des neuf chefs d’accusation, il est reproché à l’intimé, d’avoir fait souscrire à ses clients aux dates indiquées, des placements dans PML alors que ce produit n’était pas couvert par sa certification.

[43]        La preuve a démontré qu’il y a eu souscriptions des placements allégués et que l’intimé était le représentant des consommateurs à la même époque.

[44]        Il reste à déterminer si l’intimé est celui qui les a fait souscrire. 

[45]        Comme l’ont reconnu les procureurs lors de leurs plaidoiries, étant donné qu’à première vue la preuve documentaire ne permet pas de relier l’intimé aux souscriptions en cause et que la preuve testimoniale est contradictoire, le sort des chefs d’accusation dépend de la fiabilité des versions et de la crédibilité que le comité accorde aux consommateurs et à l’intimé.

[46]        La procureure de la plaignante soutient que plus de crédibilité devrait être accordée aux consommateurs, car ceux-ci n’auraient pas d’intérêt dans ce litige.

[47]        Le comité ne peut souscrire d’emblée à cet argument. Il est vrai qu’en l’espèce, même en présence d’une déclaration de culpabilité, les consommateurs ne peuvent espérer être indemnisés par le Fonds d’indemnisation des services financiers, le représentant ayant fait souscrire un produit non couvert par sa certification. Toutefois, le comité doute que tous le sachent ou le réalisent. G. M. a clairement indiqué dans sa plainte à l’AMF que son objectif était de récupérer son argent. Elle l’a réitéré avec force et émotions à la fin de son témoignage dont nous reproduisons l’extrait suivant :

« C'est la chose suivante. Où m'envoyer mon argent, où m'envoyer mon argent, quand moi à soixante-sept (67) ans, mettez-vous à ma place, j'ai des petits, je ne suis pas capable, je ne leur fais pas des cadeaux, rien. C'est dur à vivre comme ça là, à souffrir. C'est rien que ça que j'aimerais avoir, justice. Pas plus que ça, s'il vous plaît. » [16]

[48]        Avec égard pour le procureur de l’intimé, le comité ne peut retenir son argument voulant que l’intimé ne puisse avoir fait souscrire les consommateurs à PML puisque ce type de placement ne faisait pas partie de ceux que l’intimé avait l’habitude de conseiller. Les faits rapportés dans les décisions rendues par le comité sur des infractions de même nature démontrent bien que plusieurs représentants ont fait souscrire à des produits non couverts par leur certification tout en ignorant qu’il en était ainsi[17]. Toutefois, leur ignorance ne saurait les disculper.

[49]        Le fardeau de preuve qui incombe à la plaignante ne lui impose pas de convaincre hors de tout doute, mais que la prépondérance des probabilités joue en sa faveur.

[50]        En l’absence de preuve documentaire identifiant l’intimé comme étant celui ayant fait souscrire les investissements en cause et puisque les consommateurs ont tous personnellement ou un membre de leur famille d’abord investi dans PML par l’entremise de Joe Iaboni, une preuve portant sur l’écriture des formulaires d’investissements souscrits avant et postérieurement à la vente de son bloc d’affaires à l’intimé aurait pu apporter un éclairage supplémentaire au litige voire même significatif.

[51]        Au chapitre des témoignages, tous les consommateurs désignent l’intimé comme étant celui qui les a fait souscrire dans PML après que Joe Iaboni lui ait transféré son bloc d’affaires en septembre 1998 avant de quitter Montréal pour Toronto. Ils ont continué de faire affaire avec l’intimé qui était leur seul représentant à Montréal.[18]

[52]        Le témoignage de S. I. est particulièrement crédible et n’a souffert d’aucune contradiction. Il a rapporté les mêmes faits que les autres : l’intimé lui a fait souscrire et signé le « Memorandum of agreement » et comme pour G. M., l’intimé l’a accompagné à la banque pour remplacer, par un télévirement électronique, le chèque émis initialement.  

[53]        Pour sa part, l’intimé témoigna de façon plutôt laconique. Il n’a jamais nié explicitement et se limitait de façon générale à dire : « Aucun commentaire. Ça ne me dit rien »[19] lorsqu’interrogé par son procureur au sujet des formulaires de souscription ainsi que des virements électroniques. Il affirma seulement que ce n’était pas lui qui les avait remplis.  

[54]        L’intimé a continué d’acheminer à Joe Iaboni jusqu’en septembre 2000 par chèque les versements trimestriels pour l’achat de son bloc d’affaires (P-2).

[55]        L’intimé a toujours eu les coordonnées de Joe Iaboni à Toronto et continué d’avoir des contacts avec lui, à tout le moins jusqu'en 2008.

[56]        L’intimé comptait parmi ses clients la famille de Joe Iaboni qu’il tenait au courant des placements même une fois que celui-ci fut déménagé à Toronto. L’intimé était toujours leur représentant au moment des audiences.

[57]        Joe Iaboni s’est assuré en octobre 2001 de faire suivre à l’intimé par télécopieur ses nouvelles coordonnées[20]. L’intimé a d’ailleurs identifié sur I-22 le numéro de télécopieur commençant par 416 comme étant celui de Joe Iaboni à Toronto qu’il utilisait pour communiquer avec ce dernier au sujet du portefeuille de sa sœur ou de ses parents.

[58]        À ces faits s'ajoutent les échanges intervenus en 2008 entre Joe Iaboni et l’intimé au sujet des poursuites civiles intentées contre l’intimé qui illustrent une certaine complicité.

[59]        Malgré que certaines parties des témoignages des consommateurs puissent porter à caution          celui de G. M. trop souvent théâtral, le témoignage de N. M. très affirmatif quand il s’agit d’identifier l’intimé, mais beaucoup moins clair quant au mode de paiement et qui avait fait le chèque, les contradictions d’O. M. qui a occulté à plusieurs reprises (déclarations à l’AMF, affidavit à la CSF) que Joe Iaboni était celui qui lui a parlé la première fois de PML et le premier qui lui a fait souscrire dans PML en 1997          le comité ne croit pas que les consommateurs aient inventé que l’intimé était celui qui leur faisait signer les souscriptions et, pour certains, les ait accompagnés à l’institution bancaire pour remplacer par un transfert électronique les chèques refusés[21].

[60]        Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, au plan de la vraisemblance, le comité accorde peu de fiabilité au témoignage de l’intimé. 

[61]        La prépondérance de preuve démontre que l’intimé est celui qui a fait souscrire aux consommateurs dans PML même s’il a pu agir comme intermédiaire à Montréal pour Joe Iaboni.

[62]        En conséquence, l’intimé sera déclaré coupable sous chacun des chefs 1 à 9.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des neuf chefs de la plainte portée contre lui;

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean _____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Shirtaz Dhanji____________________

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE AVOCATS s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Maurice Charbonneau

CHARBONNEAU, AVOCATS CONSEILS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

22, 23, 24 et 25 février 2011

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

ANNEXE

 

ADMISSIONS DES PARTIES TELLES QUE MODIFIÉES EN COURS D’AUDITION

 

a)    Les attestations de pratique de la CSF et de l’AMF de l’intimé sont déposées de consentement, sous la pièce P-1;

b)    Sont également déposés de consentement, la décision 95-E-2988 de la Commission des valeurs mobilières du 21 août 1995 et la lettre de Courtage FMD du 24 août 1995 relatives à Giuseppe Iaboni, sous la pièce I-1;

c)    Giuseppe Iaboni a cessé de pratiquer le ou vers le 22 septembre 1998 puisque notamment il quittait le Québec pour aller vivre en Ontario;

d)    Le 9 octobre 1998, M. Natale s’est porté acquéreur du bloc d’affaires de Courtage FMD inc. de Joe Iaboni. À cet effet, les documents suivants sont déposés de consentement, sous la pièce P-2, en liasse :

o   Document intitulé « Bulk Sale of F.M.D. clientele 9344-6016 to 9344-6006 du 9 octobre 1998;

o   Deux pages faisant état des valeurs accumulées au 17 septembre 1998 et au 30 juin 1998 de M. Giuseppe Iaboni sous le code de courtier 6016;

o   Un document du 9 octobre 1998 quant à des directives de transfert;

N.  M.

 

e)    Elle était la cliente de Giuseppe Iaboni du 1er avril 1997 au 29 août 1998 pour des fonds communs;

f)     Le 29 août 1998, elle a signé une confirmation de continuité de service pour Gennaro Natale pour ses fonds mutuels, et ce, jusqu’en décembre 2006, pièce P-21;

 

S. I.

 

g)    Il est l’oncle de Joe Iaboni;

h)    Gennaro Natale est devenu le représentant de M. S. I. pour un REER conjoint, et ce, à compter du 29 août 1998 (substitué à Joe Iaboni);

 

C. M.

 

i)      Elle a été la cliente de Giuseppe Iaboni à partir d’environ le mois de septembre 1996, jusqu’au 28 août 1998 pour des fonds communs;

 

j)      Elle a signé des confirmations de continuité de services en faveur de Gennaro Natale le 28 août 1998, pièce P-17. Depuis le 28 août 1998, M. Natale est le représentant de C. M. pour ses fonds communs, et ce, jusqu’environ décembre 2008 ;

k)    M. Natale l’a représentée concernant les produits suivants :

 

REEE Fidelity #32480881 6 juillet 2005     T2033  11décembre 2007

 

REER Fidelity #30175574 7 juillet 2004     T2033  3 décembre 2007

 

REER AGF #40672373 26 février 1999   Transfert à Fidelity #30175574   7 juillet 2003

 

Épargne AIM #12926574   12 novembre 1999      Rachat      15 décembre 2008

 

Assurance Vie Entière 20 paiement avec Transamerica #080451144      6 juillet 2005

 

l)      M. Natale lui a vendu une assurance-vie ainsi qu’à son conjoint de 175 000 $ en mai 2000;

 

m)  M. Natale lui a aussi vendu une assurance-vie pour elle-même en juillet 2005 chez Transamerica;

 

O. M.

 

n)    Elle était la cliente de Joe Iaboni depuis environ mai 1997 jusqu’au 1er septembre 1998;

 

o)    Depuis le 1er septembre 1998, M. Natale est le représentant d’O. M. pour ses fonds communs, pièce P-5, et ce, jusqu’au 26 janvier 1999;

 

p)    M. Natale lui a vendu les assurances suivantes :

o   une assurance-vie pour elle-même en mars 1999 chez Westbury;

o   une assurance hypothécaire avec l’Industrielle-Alliance en mai 1999;

o   une assurance-vie pour son fils Gian-Paolo en août 2000 et une assurance-vie pour sa fille Claudia en avril 2003 auprès de l’Industrielle-Alliance;

 

G. et E. M.

 

q)    Ils étaient les clients de Joe Iaboni depuis environ mars 1997 jusqu’au 28 août 1998;

 

r)     Depuis le 28 août 1998, N. Natale est le représentant de G. et E. M. pour des fonds communs, pièce P-10. Depuis le 28 août 1998, M. Natale est son leur représentant pour des fonds communs, et ce, au moins jusqu’au 31 décembre 2007

 

s)    M. Natale a vendu des assurances vie pour les deux consommateurs auprès de RBC Assurance en 1999 et un avenant à ces polices a été effectué en septembre 2000;

 

t)     Les placements et assurances qui ont été souscrits par Mme G. et M. E. M. par l’intermédiaire de M. Gennaro Natale sont les suivants :

 

G. et E. M. :

 

REER au conjoint  Fidelity #29509718      25 mars 2004  T2033  30 mai 2007

REER                    Fidelity #29508959      24 mars 2004  T2033  23 avril 2007

 

E. M. :

 

REER        Fidelity #29493764      23 mars 2004  T2033  23 avril 2007

 

CPG          Banque Manuvie #2167365-2188670  14 septembre 2004      Rachat 16 mars 2006

 

CPG          Banque Manuvie #2167365-2154097  23 juillet 2002   Rachat 20 août 2004

 

CPG          Banque Manuvie #2167365-2126766  3 mars 2003 Transfert à Fidelity 23 mars 2004

 

G. et E. M.

 

Épargne au comptant        AGF #40619505          13 janvier 1999            Rachat 1 mai 2000

Épargne au comptant        CI #11783933  13 janvier 1999            Rachat 1 mai 2000

Épargne au comptant        Mackenzie #40973596            13 janvier 1999            Rachat 1 mai 2000


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0818

 

DATE :

 3 janvier 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Finn.

Membre

 

 

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GENNARO NATALE, conseiller en sécurité financière, en assurance et rentes collectives et planificateur financier (numéro de certificat 124 905)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni le 5 septembre 2012, à son siège social, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour entendre la preuve et les représentations sur sanction à la suite de sa décision sur culpabilité rendue le 21 mars 2012.

[2]           Ainsi, l’intimé fut déclaré coupable sous chacun des neuf chefs d’accusation lui reprochant d’avoir fait souscrire des produits pour lesquels il ne détenait pas de certification. Les infractions ainsi commises impliquaient six consommateurs.

LA PREUVE

Partie plaignante

[3]           Afin d’éviter aux consommateurs visés par les infractions de se déplacer de nouveau devant le comité, les parties ont fait l’admission suivante :

« Si les consommateurs visés par la plainte venaient témoigner, ils diraient qu’ils n’ont récupéré aucun montant en capital, ni en intérêts relativement à leur investissement respectif et décrit à la plainte disciplinaire du 17 juin 2010.» (SP-2)

[4]           Une attestation du droit de pratique de l’intimé, datée du 20 août 2012, a été produite comme preuve documentaire additionnelle sur sanction (SP-1). 

[5]           Cette attestation confirme que l’intimé détient toujours un certificat dans les disciplines d’assurance de personnes, d’assurance collective de personne et de planification financière. Toutefois, l’Autorité des marchés financiers (AMF), par décision rendue le 19 juillet 2011, imposait à l’égard de ces disciplines, la condition suivante:

« Le représentant doit, pour une période d’au moins deux ans, alors qu’il a un droit d’exercice valide, exercer ses activités à titre de représentant rattaché à un ou des cabinets dont il n’est pas dirigeant responsable ou administrateur. » (SI-9)

[6]          Quant à la discipline en courtage en épargne collective, l’intimé a agi principalement pour le compte d’Investia services financiers inc. f/a Investia Financial Services inc. (Investia) de l’an 2000 au 28 mars 2012, avec interruption du 27 septembre 2009 au 14 novembre 2011.


Partie intimée

[7]           L’épouse de l’intimé (P.P.), trois consommateurs non impliqués dans le litige (M.M., C.S., et G.L.), le chef de la conformité pour Investia (N.L.), un agent général en assurance collective (G.A.), le directeur du Centre financier de Laval (R.H.) ainsi que l’intimé lui-même témoignèrent devant le comité.

[8]           À ces témoignages, s’est ajoutée une preuve documentaire produite sous SI-1 à SI-10.

Témoignage de M.M.

[9]   M.M. a fait affaire avec l’intimé pendant plus de 20 ans pour les besoins en assurance collective de son entreprise en alimentation qu’il a vendue en 2008. Malgré qu’il ait été mis au courant par l’intimé de l’existence d’une plainte portée contre lui par la Chambre de sécurité financière (CSF), il a gardé confiance en l’intimé et a continué à lui référer des clients. 

[10]        Au mois de juin 2010, M.M., qui œuvre dorénavant dans le domaine immobilier, a souscrit avec l’intimé une assurance vie d’environ 25 millions de dollars au bénéfice de sa famille, à la suite de longues négociations avec divers concurrents, étant d’avis que l’intimé était celui qui lui avait présenté la meilleure offre.

[11]        L’intimé lui a expliqué que les infractions reprochées concernaient la vente de fonds communs par le représentant de qui il avait acheté la clientèle.

 

 

Témoignage de C.S.

[12]        C.S. est ingénieur et possède depuis 28 ans une entreprise en construction. Il a rencontré l’intimé, il y a sept ans, chez des amis. Vers 2008, n’étant plus satisfait de la firme avec laquelle il faisait affaire pour l’assurance collective de sa compagnie, il a confié le dossier à l’intimé. 

[13]        C.S. a retenu également les services de l’intimé pour procéder à sa planification successorale. Il a témoigné avoir confiance en l’intimé, dont il apprécie les réponses et le service en général. Il n’était pas au courant du litige qui l’opposait à la syndique de la CSF avant d’être convoqué une première fois comme témoin au printemps 2012. Cela n’a pas affecté sa confiance en l’intimé et il continue de le recommander à d’autres personnes.

[14]        Tout comme à M.M., l’intimé lui a expliqué que les infractions reprochées concernaient la vente de fonds communs par le représentant duquel il avait acheté la clientèle.

Témoignage de G.L.

[15]        G.L. est directeur général pour un groupe de propriétaires d’un prestigieux immeuble de condominiums à Montréal. Auparavant, il faisait affaires avec le père de l’intimé. Il a continué avec le fils pour des investissements vers 1986/1989. Il a également souscrit, par l’entremise de l’intimé, à de l’assurance collective pour les groupes dont il s’occupe ainsi qu’à de l’assurance individuelle. Tant son adjointe que son épouse, qui s’occupe de la comptabilité, sont très satisfaites des services de l’intimé. G.L. n’a aucune hésitation à le recommander. Il a été mis au courant du litige opposant l’intimé à la CSF il y a environ deux ans.

[16]        Comme aux deux autres consommateurs, l’intimé lui a expliqué que les infractions reprochées concernaient la vente de fonds communs par le représentant de qui il avait acheté la clientèle.

Témoignage de N.L.

[17]        N. L., chef de la conformité chez Investia, a indiqué que l’intimé a continué d’être rattaché aux firmes qui ont remplacé le cabinet Courtage FMD inc., notamment la Financière Partenaires Cartier, Gestionnaires du patrimoine Dundee et finalement, Investia services financiers (SI-1).

[18]        Le 30 septembre 2009, à la suite d’une demande d’information faite par la CSF dans le cadre de son enquête sur les infractions en cause, N.L. a fait parvenir à l’intimé une lettre mettant fin à son contrat de représentant à compter du 5 octobre 2009. Cette lettre l’enjoignait également de transférer sa clientèle à un autre cabinet et l’informait que, dans l’intervalle, ses clients seraient servis par R.H., dirigeant du Centre financier Laval.

[19]        N.L. a indiqué que l’intimé a toujours nié avoir vendu les placements reprochés, qu’il a toujours été transparent et a bien collaboré avec Investia, malgré la terminaison de son contrat en courtage en épargne collective avec eux.

[20]        Subséquemment, Investia a accepté de renouveler, à partir de novembre 2011, son contrat en épargne collective. Toutefois, Investia a de nouveau mis fin à son contrat le 28 mars 2012 (SI-3), à la suite de la décision rendue par le comité de discipline de la CSF le 21 mars 2012.

[21]        Par la suite, Investia a procédé à une inspection de la pratique de l’intimé. Des discussions s’en sont suivies afin de déterminer s’il y avait lieu de procéder à la terminaison de son contrat en assurance.

[22]        N.L. a témoigné ne pas douter de la probité de l’intimé. Il est un conseiller important et a un bon volume d’affaires.

[23]        Investia a l’habitude de procéder à la terminaison des contrats intervenus avec le représentant dans toutes les disciplines. Néanmoins, dans ce cas-ci, comme l’inspection n’a rien révélé de répréhensible, Investia a choisi de maintenir leur contrat en assurance avec l’intimé.

[24]        N.L. a évalué à environ 50 000 $ les pertes pécuniaires annuelles[22] que l’intimé a subies suite à la terminaison de ce contrat en épargne collective.

[25]        Dans l’éventualité où l’intimé ne ferait pas l’objet d’une radiation ou suspension et que les poursuites pénales intentées contre lui se réglaient, Investia remettrait en vigueur sans hésiter son entente avec l’intimé. Dans le cas contraire, aucun rattachement ne sera possible.

 


Témoignage de G.A.

[26]        G.A. est président du groupe Censeo (Censeo), un des plus importants agents généraux en assurance collective. Il connait l’intimé depuis environ quinze ans bien qu’il fasse affaire avec Censeo seulement depuis deux ou trois ans.

[27]        Censeo fournit aux représentants les services d’analyse du dossier client en assurance collective et procède à une recommandation. Toutefois, le produit est offert au client par le représentant, seul ou accompagné par quelqu’un de Censeo. Le dossier du client est complètement pris en charge par Censeo dont le service à la clientèle répond aux questions du client, s’il y a lieu. Cependant, ce sont les représentants qui assurent le suivi auprès de leurs clients.

[28]        Les primes générées par les dossiers de l’intimé varient entre 300 000 $ et 400 000 $ par année.

[29]        Selon G.A., l’intimé est celui qui se conforme le plus au formulaire préparé par Censeo, ses dossiers sont bien montés et bien documentés. Il fait entièrement confiance au travail de l’intimé.

[30]        Comme c’est le représentant qui assure le suivi auprès du client, il est important que l’intimé continue de servir ses clients.

[31]        En contre-interrogatoire, G.A. a toutefois reconnu que si l’intimé perdait son permis en assurance collective, Censeo continuerait de s’occuper des dossiers de ses clients. Dans un tel cas, les clients pourraient choisir un autre représentant et par conséquent faire affaire avec une autre compagnie ou groupe.

[32]        G.A. a appris l’existence du litige opposant l’intimé à l’AMF en raison d’un article paru dans un journal. Les dires de l’intimé eu égard aux infractions dont il a été trouvé coupable, sont identiques à ceux rapportés par les consommateurs précédents.

[33]        Néanmoins, ces infractions ne concernant pas l’assurance collective, Censeo n’y voit pas de problème.

[34]        Les commissions versées à l’intimé varient entre 6 % et 7 % des primes annuelles.

Témoignage de R.H.

[35]        R.H., directeur du centre financier Laval pour Investia, connait l’intimé depuis 2006. Son entreprise qui constitue, selon ses dires, «en quelque sorte une franchise d’Investia», offre de la formation et des services professionnels aux représentants.

[36]        R.H. a indiqué que l’intimé fournissait un travail d’excellente qualité. L’intimé assiste aux réunions et participe activement aux formations hebdomadaires offertes en fonds communs et en assurance. L’intimé remet les documents de façon assidue et répond à tous égards aux exigences de la conformité quant à la complétion des documents, des propositions et des ouvertures de comptes.

[37]        Entre 2006 et 2012, l’intimé a été l’un des meilleurs représentants. Il jouit d’une excellente clientèle et fait partie des meilleurs producteurs, particulièrement en assurance individuelle. En 2011, l’intimé s’est classé deuxième lors d’un concours mené à la grandeur du Québec sur le volume de vente pendant une période de quatre à cinq mois.

[38]        R.H. a entendu parler du présent litige autour de 2009 ou 2010. Ses relations d’affaires avec l’intimé n’en ont pas été affectées. Il savait qu’une inspection de conformité s’était tenue au bureau de l’intimé et qu’aucune faute n’avait été relevée.

[39]        Selon R.H., la radiation du permis en assurance de l’intimé aurait certes une incidence d’ordre pécuniaire sur le centre et sur sa réputation.

[40]        Au sujet de la lettre de référence du 14 septembre 2010, qu’il a préparée et signée en faveur de l’intimé, R.H. a indiqué qu’elle faisait suite à la plainte disciplinaire déposée par la syndique de la CSF.

Témoignage de P.P.

[41]        P.P. est l’épouse de l’intimé depuis 16 ans. Elle a travaillé comme son adjointe administrative de 1999 à 2009. Elle faisait le suivi auprès des clients et répondait aux appels en assurance collective.

[42]        Elle a cessé de travailler pour l’intimé en 2009 quand Investia a mis fin à l’entente en épargne collective conclue avec ce dernier.

[43]        Comme elle travaille maintenant au centre-ville et ne revient à la maison que vers 18 heures, ou même 19 heures, elle a dû réorganiser la vie familiale, car ses enfants, âgés maintenant de sept et dix ans, sont de retour de l’école tôt en après-midi.

[44]        Elle témoigna des difficultés vécues, tant sur le plan personnel que familial, depuis le début de ce litige.

 

Témoignage de l’intimé

[45]        L’intimé a expliqué son cheminement de carrière et a déposé son C.V. (SI-7). Il a relevé ses nombreuses implications dans la communauté. Il a indiqué dépasser les normes minimales exigées par la CSF en ce qui a trait aux formations requises (UFC), ce qui lui permet d’être un meilleur représentant (SI-8).

[46]        L’intimé a témoigné regretter les pertes pécuniaires qu’ont subies les consommateurs ajoutant que, toute sa vie, il a défendu la justice et que personne ne méritait ce qui leur est arrivé.

[47]        L’intimé a mentionné adorer son travail et aimer aider les autres. 

[48]        Il a acheté la clientèle de Joe Iaboni pour l’aider et c’est maintenant lui qui prend le blâme à sa place. Depuis, il a témoigné vivre «l’enfer». 

[49]        Il dit ne pas demander la pitié. Cependant, il a affirmé ne pas représenter un danger pour la protection du public puisque son premier but est l’intérêt de ses clients.

[50]        Il a rappelé que, malgré les procédures pendantes contre lui au pénal, le
11 novembre 2011, l’AMF avait quand même renouvelé son certificat de courtier en épargne collective (SI-10).

[51]        Il ajouta que même si seulement quarante unités de formation sont exigées pour le certificat dans les disciplines d’assurance de personnes, d’assurance collective et de rentes collectives et dix unités pour les fonds communs, il en a accumulé près du double (SI-8).

[52]        L’intimé a témoigné avoir beaucoup appris de ces formations et a fourni des exemples[23].

[53]        L’intimé a mentionné que la présence et le témoignage des consommateurs non impliqués dans la plainte, bien qu’ils soient des gens fort occupés, illustrent la confiance qu’ils lui portent toujours.

[54]        Il est le principal soutien de sa famille. Ses revenus ont baissé considérablement depuis les procédures intentées contre lui.  Celles-ci ont engendré beaucoup de stress à tous les membres de sa famille et mis en péril sa vie matrimoniale. 

[55]        Néanmoins, la réorganisation de la vie familiale lui a permis de se rapprocher de ses enfants, puisque dorénavant, il doit les accueillir après l’école et superviser leurs devoirs, en attendant le retour de leur mère qui travaille maintenant au centre-ville.

[56]        Malgré son certificat en épargne collective, renouvelé le 31 août 2012 et toujours en vigueur, il ne peut exercer dans ce domaine n’ayant pas de société le parrainant, condition essentielle à cette pratique.

[57]        La terminaison de son contrat en épargne collective avec Investia a provoqué la perte de sa clientèle acquise durant les 22 dernières années. Auparavant, ses revenus étaient d’environ 180 000 $ par année.

[58]        De plus, à cause des articles parus sur le web et dans le journal Investissements et Finances, il a également perdu deux clients en assurance collective, qui lui rapportaient environ 30 000 $ par année.

[59]        Ayant eu à défrayer des honoraires d’environ 50 000 $ pour sa défense aux poursuites intentées par la CSF et l’AMF, il a déjà fait appel à l’aide de sa famille. Même si ses revenus des années 2011 et 2012 n’ont pas été trop affectés, les années 2009 et 2010 ont été particulièrement difficiles financièrement.

[60]        L’intimé a expliqué qu’en conséquence de la décision sur culpabilité rendue en mars 2012, Investia a mis fin de nouveau à son parrainage dans la discipline de courtage en épargne collective. Assurances Empire a menacé de mettre fin à son contrat mais après discussions, il a réussi à le conserver.

[61]        Il a déjà perdu sa clientèle de fonds communs, et si une radiation était ordonnée, il perdrait également sa clientèle en assurance, car tous ses contrats seraient suspendus. Il ne pourrait ainsi survivre.

[62]        L’intimé a expliqué qu’une radiation aurait des effets dramatiques tant sur sa vie professionnelle que personnelle, et également sur ses clients en assurance.

Représentation des parties

la plaignante

[63]        La procureure de la plaignante a demandé d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois ans sous chacun des chefs à purger de façon concurrente ainsi que la publication de la décision et la condamnation de l’intimé aux déboursés.

[64]        Elle a appuyé cette recommandation sur quatre décisions rendues antérieurement au sujet d’infractions semblables[24].

[65]        Elle a soulevé les facteurs aggravants suivants :

a)     La gravité objective des infractions commises;

b)     Le fait que cette infraction est nettement prohibée et représente un fléau dans l’industrie;

c)      La durée d’environ cinq ans durant laquelle les infractions se sont échelonnées (de janvier 1999 à octobre 2004);

d)     La grande confiance qu’avaient les consommateurs envers l’intimé qui était, sauf pour S. I., leur représentant en assurance;

e)     Les représentations faites par l’intimé que ces placements étaient garantis et ne présentaient pas de risques;

f)       Le nombre de victimes (6);

g)     Le préjudice pécuniaire subi par les consommateurs s’élevant à environ  224 000 $, excluant la somme ayant fait l’objet d’un «roll over», d’autant plus qu’aucune compensation ne peut être espérée du Fonds d’indemnisation des services financiers, ces produits n’étant pas couverts par la certification de l’intimé;

h)     L’expérience de dix ans déjà acquise par l’intimé au moment des premières infractions;

i)       L’intimé savait ou aurait dû savoir qu’il ne pouvait servir d’intermédiaire (paragraphe 61 de la décision sur culpabilité);

j)       Même si l’intimé déclare être désolé des pertes subies par les consommateurs, il persiste à inculquer la faute à Joe Iaboni et se dire victime de ce dernier ce qui affecte la sincérité de ses remords.

 

[66]        Comme facteurs atténuants, la plaignante a identifié :

a)     L’absence d’antécédent disciplinaire;

b)     La collaboration de l’intimé à l’enquête de la CSF;

c)      Les témoignages voulant que ses dossiers en assurance répondent aux exigences de la conformité.

L’INTIMÉ

[67]        D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé a fait l’équation suivante : «pas de Joe Iaboni, pas de plainte contre l’intimé» en d’autres mots, si Joe Iaboni (Iaboni) n’avait pas existé, l’intimé n’en serait pas là aujourd’hui.

[68]        Il a rappelé les objectifs de la sanction et l’analyse que doit faire le comité dans l’exercice de sa discrétion à l’égard de la détermination de la sanction[25] :

«3.2 Objectifs de la sanction

L’objectif de la sanction est d’assurer la protection du public et de satisfaire aux critères d’exemplarité et de dissuasion, tout en considérant le droit du professionnel d’exercer sa profession.

Il est depuis longtemps acquis en jurisprudence disciplinaire que l’objectif de la sanction n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif. En droit disciplinaire, l’attention se porte sur l’individu en fonction du geste qu’il a posé et du type de personne qu’il représente. La nature, la gravité et les conséquences de l’infraction constituent des facteurs essentiels dans la détermination d’une sanction appropriée, tout comme le sont les éléments propres à la personnalité du professionnel. » (p. 244)

 

«3.4 Détermination de la sanction appropriée

(…).

Dans l’exercice de sa discrétion à l’égard de la détermination de la sanction, le comité de discipline doit analyser des facteurs objectifs et subjectifs ; en effet, une sanction doit non seulement être proportionnelle à la gravité du manquement reproché au professionnel, mais également être individualisée, c’est-à-dire correspondre aux circonstances particulières du cas d’espèce.» (p. 246)

[69]        Au sujet des regrets exprimés par l’intimé, il a contesté l’interprétation qu’en a faite la procureure de la plaignante soutenant que les regrets exprimés étaient sincères. 

[70]        Il a argumenté que les décisions soumises par la plaignante ayant conclu à une radiation de trois ans ne pouvaient trouver application en l’espèce eu égard aux principes et critères devant guider le comité lors de la détermination des sanctions[26].

[71]        Le comité ne devait pas imposer, de façon automatique, une période de radiation temporaire de trois ans à tout représentant reconnu coupable d’avoir conseillé et fait souscrire à ses clients des placements alors que sa certification ne lui permettait pas de le faire.

[72]        Le comité devait au contraire faire les distinctions qui s’imposent entre les éléments retenus dans les décisions citées par la partie plaignante et le présent dossier. 

[73]        Dans ces affaires, il s’agissait de recommandations communes des parties et de cas où les intimés ne pratiquaient pas ou ne désiraient plus exercer dans le domaine. De plus, ces intimés étaient les seuls représentants ayant présenté les produits en cause aux consommateurs impliqués. Ces éléments seraient absents de la présente affaire.

[74]        L’intimé jouissait d’une excellente réputation comme l’ont confirmé tant ses clients entendus sur sanction que le chef de la conformité chez Investia, le directeur du Centre de formation d’Investia et le propriétaire de Censeo. 

[75]        Les procédures ont déjà eu de graves conséquences sur la carrière de l’intimé, sa situation financière ainsi que sur sa famille et son mariage.

[76]        Il a conclu d’imposer une réprimande sous chacun des chefs de la plainte et a déposé au soutien cinq autorités[27] faisant valoir que les radiations dans ces cas variaient entre six mois et un an[28].

ANALYSE ET MOTIFS

[77]        Les infractions dont l’intimé a été déclaré coupable sont objectivement graves; elles touchent au cœur même de la profession.

[78]        L’intimé ayant agi à l’extérieur du cadre de sa certification, les consommateurs impliqués ont été privés du recours au Fonds d’indemnisation des services financiers. De plus, ils ont souscrit à ces produits financiers sans bénéficier des conseils d’un professionnel compétent.

[79]        Le comité a examiné le cas de l’intimé à la lumière des arguments présentés par les procureurs des parties, des décisions qu’ils ont soumises ainsi que des décisions postérieures rendues dans les affaires Potvin et Deschênes[29].

[80]        En ce qui concerne les décisions soumises par la plaignante, une radiation de trois ans a été imposée, pour la plupart, à la suite de recommandations communes ou dans le cas où les intimés n’ont fait aucune suggestion.  Malheureusement, elles ne peuvent guider le comité au même titre que celles rendues après une preuve détaillée ou un débat contradictoire. De plus, comme avancé par l’intimé, ces intimés n’exerçaient déjà plus ou ne détenaient pas de certificat en vigueur ou encore n’avait pas l’intention de pratiquer de nouveau.

[81]        En ce qui concerne les décisions soumises par l’intimé et les affaires Potvin et Deschênes[30], elles concluent à une radiation plus courte variant entre six mois et un an. Ces décisions ont été rendues à la suite d’un débat contradictoire sur sanction et permettent de mieux saisir les motifs de la période de radiation imposée. 

[82]        Comme rapporté par la Cour du Québec dans l’affaire Ledoux[31], dans les cas où il est apparu que le professionnel vivait de sa certification ou espérait reprendre ses activités, les périodes de radiation temporaires sont beaucoup plus courtes et varient entre un an et six mois.

[83]        Afin de déterminer les sanctions justes, opportunes et appropriées à la conduite de l’intimé, le comité a analysé les éléments révélés par ces décisions en regard des facteurs objectifs et subjectifs tant aggravants qu’atténuants propres au dossier.

[84]        Bien que chaque cas soit un cas d’espèce, les décisions imposant une radiation de six mois considérant notamment le droit de l’intimé d’exercer sa profession paraît, eu égard à la durée de la radiation à imposer, un meilleur guide pour le présent dossier. 

[85]        En l’espèce, les infractions se sont échelonnées sur une période de cinq ans. Elles remontent toutefois aux années 1999 à 2004.

[86]        Après la vente de sa clientèle à l’intimé à l’automne 2009, Iaboni est déménagé en Ontario et la preuve a révélé que sa carte professionnelle le décrivait comme « account representative » pour PML.

[87]        Les consommateurs impliqués en l’espèce avaient tous déjà entendu parler des placements de PML par un membre de sa famille ou par Joe Iaboni lui-même et même déjà souscrits à ceux-ci par l’entremise de ce dernier avant de faire affaire avec l’intimé.

[88]        Néanmoins, l’intimé, une fois devenu leur représentant, a poursuivi dans la voie empruntée par Iaboni en renouvelant les placements existants (roll-over) des clients ou les faisant souscrire de nouveau dans PML.  Ce faisant, il a fait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard de ces placements dans PML au lieu d’informer les clients des limites de sa certification et les référer à un représentant habilité.

[89]        Par ailleurs, les témoins sur sanction ont attesté, sans exception, de l’excellence de son travail ainsi que de la confiance qu’ils maintiennent en lui, même après avoir été informés des litiges relatifs à la discipline en courtage en épargne collective l’opposant à l’AMF et à la CSF. 

[90]        Il paraît aussi pertinent de prendre en compte qu’en 2009, l’AMF a estimé suffisant d’imposer une condition au certificat de l’intimé et qu’en 2011, malgré les procédures pénales intentées par elle contre lui et toujours pendantes, a renouvelé son certificat dans toutes les disciplines soit en courtage en épargne collective, en assurance de personnes, en assurance collective et en planification financière.

[91]       Le comité considère également le fait que l’intimé a déjà subi, depuis le début des procédures disciplinaires, une perte substantielle de ses revenus en épargne collective, à la suite de la condition imposée par l’AMF et de l’interruption, en conséquence, de son contrat avec Investia entre le 27 septembre 2009 et le 14 novembre 2011, date à laquelle Investia l’a renouvelé pour l’interrompre de nouveau, le 28 mars 2012, à la suite de la décision sur culpabilité rendue par le comité. 

[92]       Depuis, faute de société le parrainant, l’intimé n’a pu exercer dans cette dernière discipline, perdant ainsi la clientèle qu’il avait développée au cours des 20 dernières années. 

[93]       À la suite d’articles parus dans les journaux d’affaires et sur le WEB à son sujet, il a aussi perdu deux clients en assurance collective qui lui rapportaient environ
30 000 $ annuellement. 

[94]        Comme le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Ledoux précitée, la radiation temporaire, peu importe sa longueur, entraîne la fermeture du bureau du représentant et de son entreprise, puisque l'empêchant d'agir dans toutes les disciplines pour lesquels il est certifié.  Il se retrouve ainsi privé de tous ses revenus.  La récupération de la clientèle perdue suite à une période de radiation de trois ans devient illusoire.

[95]        Or, la malhonnêteté ne caractérise pas les gestes de l’intimé. 

[96]        Le comité estime que l’intimé a livré, dans son ensemble, un témoignage honnête. L’expression de ses regrets a paru sincère même s’il a tenté de minimiser ses gestes en insistant sur l’importance du rôle de Iaboni. 

[97]        Le comité croit que l'expérience vécue par l'intimé tant au niveau disciplinaire que personnelle lui a servi de leçon et qu’en conséquence les risques de récidive paraissent peu probables.

[98]        Comme la sanction doit avoir un effet dissuasif auprès de l'intimé, tout en rencontrant les objectifs d'exemplarité pour la profession et pour la protection du public, le comité croit cependant que l’imposition d’une période de radiation est inévitable. 

[99]        Toutefois, pour la détermination de sa durée, le comité tiendra compte des éléments mentionnés par la Cour du Québec dans l’affaire Ledoux précitée :

[63]      La notion du droit du professionnel à gagner sa vie est typiquement énoncée en jurisprudence (Pigeon c. Daigneault 2003 R.J.Q. 1090 (CAQ), Rioux c. Murphy, 2010 QCCA 1078, Thibault c. Thériault 2009 CanLII 37370 QC C.D.C.S.F., etc.).  Hormis les cas rares où il y a lieu d'écarter définitivement un professionnel d'un champ d'activité, la sanction doit donc être compatible avec une réintégration dans ses fonctions.

[68]      La pertinence de prendre en compte ce délai[32] dans la sanction imposée a déjà été reconnue par la Cour d'appel (CSF c. Murphy 2010 QCCA 1070, paragraphes 39 et 40).

Et au paragraphe 74 rapportant les propos de la Cour d’appel dans
CSF c. Murphy 2010 QCCA 1078 :

[36]           La sanction ici imposée vise-t-elle à atteindre les grands objectifs déontologiques du droit disciplinaire que sont « la protection du public, […] la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité » et aussi la réhabilitation qui se traduit par « le droit par le professionnel concerné d'exercer sa profession »?

[100]     En plus de considérer les éléments déjà mentionnés, le comité a notamment pris en compte les suivants :

a)    Absence d'antécédent disciplinaire;

b)    Absence de malhonnêteté ou de mauvaise foi.

c)    Connaissance et souscription par les clients ou leur famille aux produits PML par l’entremise de Joe Iaboni antérieurement à celle de l’intimé;

d)    Commissions limitées tirées par l’intimé de ces transactions;

e)    Excellence du travail de l’intimé reconnu tant par des clients, que par son agent général et par le groupe d’assurance collective;

f)     Collaboration à l’enquête de la syndique;

g)    Amendes potentielles résultant des poursuites pénales pendantes.

[101]     Ainsi, après avoir considéré les faits propres à ce dossier, les facteurs objectifs et subjectifs tant aggravants qu’atténuants, le comité estime qu’une radiation temporaire de six mois tient compte des particularités de l’affaire, respecte les objectifs de la sanction disciplinaire et aura un effet dissuasif auprès de l'intimé, tout en rencontrant les objectifs d'exemplarité pour la profession et pour la protection du public.

[102]     Enfin, le comité ordonnera la publication de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à purger de façon concurrente sous chacun des neuf chefs d’accusation de la plainte portée contre lui;


ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q. c. C-26).

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Shirtaz Dhanji

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Julie Piché

 

THERRIEN COUTURE AVOCATS s.e.n.c.r.l.

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

Me Maurice Charbonneau

 

CHARBONNEAU, AVOCATS CONSEILS

 

Procureurs de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

5 septembre 2012       

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Une convention de continuité de services a été signée par chacun des consommateurs en août et septembre 1998 (P-5, P-10, P-17 et P-21). Selon l’intimé, l’écriture y apparaissant est celle de Joe Iaboni qui s’est chargé aussi de faire signer les clients.

[2] Sur un de ces constats, le placement de 5 000 $ qui a été reconnu par O. M. comme ayant été fait par l’entremise de Joe Iaboni est imputé à l’intimé.

[3] La vente du bloc d’affaires de Joe Iaboni à l’intimé est datée du 9 octobre 1998 et prévoyait des versements trimestriels à partir de novembre 1998, le dernier versement fut fait le 20 septembre 2000.

[4] Notes sténographiques du 24 février 2011, p. 199-201 et 216-217.

[5] N. M., S. I., et la famille M (E. M., G. M., C. M. et O. M.).

[6]  C. M. a déclaré fréquenter A. G. dès 1995.

[7]  E. M. et G. M., O. M et son époux.

[8]  Leurs déclarations à l’AMF ne mentionnent pas Joe Iaboni.

[9]    P. N. n’a pas témoigné.

[10]  Comme c’est le cas pour ses parents, les déclarations à l’AMF d’O. M. ainsi que l’affidavit préparé par la CSF et signé par elle sont silencieux quant à Joe Iaboni.

[11]   P-4 et I-22. 

[12] Selon G. M. ce chèque aurait été refusé et un télévirement par swift ou telex a dû être fait avec l’aide de l’intimé qui se serait rendu à Ste-Thérèse à la succursale de la BCN des consommateurs pour les assister lors de cette transaction.

[13] De même que pour G.M., l’intimé aurait accompagné S.I. à la Banque Laurentienne pour opérer le télévirement par swift ou telex.

[14] O. M. a déclaré que c’est par l’entremise de l’intimé qu’elle avait investi le premier 5 000 $ alors que la preuve a démontré qu’elle l’avait investi dans PML par l’entremise de Joe Iaboni. Elle ne s’est rendu compte de son erreur que lors de la rencontre avec le procureur de la plaignante.

[15] Selon O. M., l’intimé a rempli la demande de retrait, lui a fait signer et lui a remis pour obtenir la signature de son mari et la télécopier au numéro 800, ce qui fut fait à partir du télécopieur du bureau de son mari.

[16] N.S. du 23 février 2011, p. 111-112.

[17] CD00-0733, Thibault c. Marc-André Froment, rendue le 13 avril 2010.

[18] Sauf pour O. M. qui a transféré chez Meryll Lynch en janvier 1999 ses fonds communs mais a continué à faire affaire avec l’intimé pour ses assurances.

[19]  N.S. du 24 février 2011, p. 24.

[20]  N.S. du 24 février 2011, p. 53.

[21] G. M. et S. I. n’ont pas de lien entre eux et rapportent les mêmes faits. La preuve documentaire supporte les virements électroniques. Il est peu probable que Joe Iaboni soit venu de Toronto pour y procéder. 

[22] En se basant sur le T4A produit sous SI-4.

[23] La nécessité d’obtenir un avis d’autorisation des clients au sujet de leurs informations personnelles, l’annexe 3 qui doit être remplie, ce que beaucoup de représentants ignorent malheureusement. Il dit donc avoir transmis à tous ses collègues l’information ainsi obtenue.

[24] Thibault c. Balayer, CD00-0674, décision sur culpabilité et sanction du 4 juin 2008; Thibault c. Tessier, CD00-0762, décision sur culpabilité du 19 janvier 2010 et décision sur sanction du 24 août 2010; Thibault c. Froment, CD00-0733, décision sur culpabilité du 13 avril 2010 et décision sur sanction du 21 septembre 2010; Thibault c. D’Amore, CD00-0739, décision sur culpabilité du 9 juillet 2010 et décision sur sanction du 3 mars 2011.

[25] VILLENEUVE, Jean-Guy et al, Précis de droit professionnel, Éditions Yvon Blais, 2007, pages 244 et 246.

[26] VILLENEUVE, Jean-Guy et al, Précis de droit professionnel, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 244; Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QCCA).

[27] Thibault c. Kalipolidis, CD00-0708, décision sur culpabilité du 5 janvier 2009 et décision sur sanction du 23 juillet 2009;  Thibault c. Côté, CD00-0703, décision sur culpabilité du 25 novembre 2008 et décision sur sanction du 30 avril 2009; Thibault c. Thériault, CD00-0745, décision sur culpabilité et sanction du 10 juillet 2009; Champagne c. Ledoux, CD00-0779, décision sur culpabilité et sanction du 1er octobre 2010 et 2011 QCCQ 15733; Thibault c. Caya, CD00-0716, décision sur culpabilité du 25 mai 2009 et décision sur sanction du 3 février 2010.

[28] Six mois dans les quatre premiers cas, et un an dans la dernière affaire.

[29] Lelièvre c. Potvin, CD00-0866, décision sur culpabilité du 12 juin 2012 et décision sur sanction du 30 novembre 2012; Lelièvre c. Réjean Deschênes, CD00-0890, décision sur culpabilité et sanction du 30 octobre 2012.

[30]  Lelièvre c. Potvin et Lelièvre c. Réjean Deschênes, préc. note 8.  

[31] Ledoux c. CSF, préc. note 6.

[32] Le tribunal réfère au délai écoulé entre l’audition et la décision rendue par le comité dans Ledoux. En l’espèce, l’intimé a signalé la longueur du délai encouru entre les audiences et la décision sur culpabilité.

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