Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0844

 

DATE :

23 août 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Daniel Bissonnette, Pl. Fin.

Membre

M. John Ruggieri, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. FRED PINCEMIN, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 127096)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

-           Ordonnance de non-divulgation, de non-publication, de non-diffusion du nom des consommateurs en cause ainsi que de toute information qui permettrait de les identifier.

[1]           Les 27 mars et 15 août 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE S.C.

 

1.          À Beauport, le ou vers le 3 octobre 2007, l’intimé, alors qu’il faisait souscrire à S.C. la proposition d’assurance vie no 773134 auprès d’AXA, n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme de ses besoins financiers,  contrevenant ainsi aux articles 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

À L’ÉGARD DE L.R.

2.          À Québec, le ou vers le 29 avril 2007, l’intimé, alors qu’il faisait souscrire à L.R. la proposition d’assurance vie no 021666965L auprès d’Empire, n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme de ses besoins financiers, contrevenant ainsi aux articles 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

À L’ÉGARD DE D.G.

3.          À Chicoutimi, le ou vers le 9 janvier 2007, l’intimé, alors qu’il faisait souscrire à D.G. la proposition d’assurance vie no 021662748L auprès d’Empire, n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme de ses besoins financiers,  contrevenant ainsi aux articles 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.3);

À L’ÉGARD DE Y.L. ET J.G.

4.          À Québec, au cours des années où il a agi à titre de représentant auprès de Y.L. et J.G., l’intimé leur a fait signer en blanc des demandes de prêts REER auprès de la Banque de Montréal, de la Banque Nationale, de Fiducie AGF ainsi que des reçus, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

5.          À Québec, durant l’année 2006, l’intimé a offert, à Y.L. et J.G., des services de planification financière alors qu’il n’était pas autorisé à offrir de tels services en vertu de sa certification, indiquant « Planification financière basée sur besoins et objectifs » dans un document intitulé « Analyse des besoins financiers », préparé à leur attention, contrevenant ainsi aux articles 12, 13 et 56  de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2) et 10 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE G.B. ET T.B.

6.          À Chicoutimi, au cours des années où il a agi à titre de représentant auprès de G.B., l’intimé lui a fait signer en blanc un formulaire d’autorisation de transfert de REER de la compagnie Empire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

7.          À Chicoutimi, le ou vers le 5 septembre 2007, l’intimé, alors qu’il faisait souscrire G.B. au contrat de fonds distinct enregistré no 005002652I auprès de la compagnie Empire, pour un montant de 14 000 $, et ce, au moyen d’un prêt REER de 14 000 $, obtenu de Fiducie AGF, n’a pas cherché à avoir une connaissance complète des faits notamment quant aux besoins financiers et au profil d’investisseur de son client, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

8.          À Chicoutimi, le ou vers le 5 septembre 2007, l’intimé a recommandé la souscription d’un contrat de fonds distinct enregistré auprès de la compagnie Empire, pour un montant de 14 000 $, et ce, au moyen d’un prêt REER, de 14 000 $, obtenu de Fiducie AGF, alors que ces transactions ne convenaient pas à la situation financière de G.B. , contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D 9.2) et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

 

9.          À Chicoutimi, au cours des années où il a agi à titre de représentant auprès de madame T. B., l’intimé lui a fait signer en blanc un formulaire d’autorisation de transfert de REER de la compagnie Empire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. c. D 9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

10.        À Chicoutimi, le ou vers le 8 août 2007, l’intimé, alors qu’il recommandait à T.B. de souscrire un contrat de fonds distinct enregistré auprès de la compagnie Empire, pour un montant de 53 000 $, et ce, au moyen d’un prêt REER, de 53 000 $, auprès de Fiducie AGF, n’a pas cherché à avoir une connaissance complète des faits notamment quant aux besoins financiers de sa cliente, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. c. D 9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

11.        À Chicoutimi, le ou vers le 8 août 2007, l’intimé a recommandé la souscription d’un contrat de fonds distinct enregistré auprès de la compagnie Empire, pour un montant de 53 000 $, et ce, au moyen d’un prêt REER, de 53 000 $, auprès de Fiducie AGF, alors que ces transactions ne convenaient pas à la situation financière de T.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. c. D 9.2) et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

12.        À Chicoutimi, le ou vers le 3 août 1999, l’intimé n’a pas agi avec intégrité en remettant à G.B. et T.B. copie d’une illustration datée du 28 mai 1999 portant sa signature à titre d’agent-courtier et en transmettant à l’assureur La Maritime copie de l’illustration portant plutôt la signature de Jacques Bédard à titre d’agent-courtier, contrevenant ainsi à l’article 132 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (R.R.Q., c. I-15.1, r.0.5);

 

13.        À Chicoutimi, durant les mois de mai et juin 1999, l’intimé n’a pas divulgué son statut de représentant à La Maritime dans le cadre de la transformation des contrats d’assurance vie de G.B. et de T.B. de la Confédération, en contrat d’assurance vie universelle de La Maritime, contrevenant ainsi aux articles 155 et 157(2) du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (R.R.Q., c. I-15.1, r.0.5). »

[2]           D’entrée de jeu, le 27 mars 2012, l’intimé qui était absent mais représenté par son procureur enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des treize (13) chefs contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer, les parties convinrent de reporter l’audition sur sanction au 15 août et si nécessaire au 16 août 2012.

[4]           L’audition a eu lieu et s’est terminée le 15 août 2012. Les parties soumirent alors au comité leurs preuve et représentations respectives sur sanction.

PREUVE DES PARTIES SUR SANCTION

[5]           Alors que la plaignante déposa une imposante preuve documentaire cotée SP-1 à SP-31 et fit entendre l’enquêteur, M. Donald Poulin, l’intimé ne fit aucune preuve.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           Après avoir résumé les faits pertinents à la plainte et notamment certains des comportements subséquents de l’intimé et ses démêlés antérieurs avec les autorités disciplinaires, la plaignante, par l’entremise de son procureur, déclara au comité que les parties s’étaient entendues pour lui présenter des recommandations communes sur sanction, soit :

Sous chacun des chefs 1, 2 et 3 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois;

Sous chacun des chefs 4, 6 et 9 : la radiation permanente de l’intimé;

Sous chacun des chefs 7 et 10 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois;

Sous le chef 5 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) mois;

Sous chacun des chefs 8 et 11 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’une année;

Sous chacun des chefs 12 et 13 : la radiation permanente de l’intimé.

[8]           Elle ajouta que les parties avaient de plus convenu de suggérer au comité de condamner l’intimé au paiement des déboursés et d’ordonner la publication de la décision.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[9]           La procureure de l’intimé débuta ses représentations en indiquant qu’elle avait discuté avec son client des recommandations de la plaignante et que celui-ci lui avait mentionné qu’il consentait à être radié de façon permanente de la profession.

[10]        Elle indiqua ensuite que celui-ci lui avait donné mandat de réclamer un délai de trois (3) mois pour le paiement des déboursés puisque dès le moment où il serait radié de façon permanente il ne tirerait plus aucun revenu de sa profession.

[11]        En réponse à cette demande, la plaignante répliqua qu’elle s’en remettait à la discrétion du comité tout en suggérant que si le délai réclamé devait être accordé, le comité devrait exiger que le paiement des déboursés soit effectué au moyen de versements mensuels égaux sous peine de déchéance du terme accordé.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[12]        L’intimé n’en est pas à ses premiers démêlés avec les autorités chargées d’assurer la protection du public.

[13]        En effet, selon la preuve non-contredite présentée au comité le ou vers le 17 juin 1999, il a signé un engagement volontaire auprès du syndic après avoir fait l’objet d’une plainte de clients mécontents de ses agissements professionnels.

[14]        Par ailleurs, le 7 septembre 2001, il a été reconnu coupable par notre comité de sept (7) chefs d’accusation lui reprochant des sérieux manquements en regard du respect des normes de la profession ainsi que de ses devoirs et obligations à l’endroit des clients dont notamment d’avoir fait défaut de favoriser le maintien en vigueur de polices d’assurance-vie existantes, d’avoir fait défaut de subordonner son intérêt personnel à celui de son client et d’avoir fait défaut de formuler une recommandation à son client sans égard à son gain personnel, d’avoir contrefait la signature du client sur une proposition pour l’émission d’une police d’assurance-vie ainsi que d’avoir faussement représenté à son client qu’il ne percevrait pas de commission pour la transaction qu’il lui proposait.

[15]        Malgré la suspension du droit d’exercice de deux (2) mois que lui a alors imposé la Cour du Québec (en appel de la décision du comité de discipline), l’intimé se retrouve à nouveau devant le comité de discipline et certaines des infractions qui lui sont reprochées doivent être qualifiées de « récidives ».

[16]        Et il y a plus. La preuve présentée au comité a révélé que l’intimé, aux fins d’obtenir le report de l’audition de la présente plainte, a trompé non seulement son avocate mais aussi l’avocat du syndic et le comité en soumettant un faux rapport médical indiquant qu’il n’était pas apte à travailler tandis qu’il vaquait alors à ses occupations et continuait d’exercer la profession.

[17]        De l’ensemble de la preuve qui a été soumise au comité, il ressort que l’intimé a sciemment au cours des années trompé ses clients, les assureurs, les autorités chargées d’assurer la protection du public et démontré une absence de respect à l’endroit des règles déontologiques régissant la profession.

[18]        En utilisant des procédés malhonnêtes hors des limites de la bonne foi et en recourant lorsque nécessaire à ses fins, à la supercherie et aux mensonges, l’intimé a démontré de sérieuses lacunes au plan de la probité.

[19]        Si ce n’est l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, peu ou pas de facteurs atténuants n’ont été présentés en sa faveur.

[20]        L’intimé n’a exprimé aucun regret ou remord à l’endroit des fautes qu’il a commises.

[21]        Dans son cas les risques de récidive paraissent particulièrement élevés et, de l’avis du comité, la protection du public risquerait d’être compromise s’il lui était permis de continuer à exercer la profession.

[22]        En l’instance, les parties ont suggéré au comité « des recommandations communes » sur sanction.

[23]        La Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Douglas[1], a clairement indiqué la voie à suivre lorsque les parties en sont arrivées à s’entendre pour présenter au tribunal des recommandations conjointes. Elle a indiqué que celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les jugeait inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou était d’avis qu’elles étaient de nature à discréditer l’administration de la justice[2].

[24]        Or en la présente instance le comité, à la suite de la preuve qui lui a été présentée, est en accord avec les suggestions des parties. Il donnera donc suite à celles-ci.

[25]        Enfin, la plaignante ne s’y étant pas objectée, il accordera à l’intimé un délai de trois (3) mois pour le paiement des déboursés dans la mesure où celui-ci est effectué au moyen de trois (3) versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le trentième (30e) jour de la signification de la présente décision sous peine de déchéance du terme accordé.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs 1 à 13 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1 à 13 contenus à la plainte;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs 1, 2 et 3 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois;

Sous chacun des chefs 4, 6 et 9 :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé;

Sous chacun des chefs 7 et 10 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois;

Sous le chef 5 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) mois;

Sous chacun des chefs 8 et 11 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’une année;

Sous chacun des chefs 12 et 13 :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé;

ORDONNE que les sanctions de radiation soient purgées de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de trois (3) mois pour le paiement des déboursés dans la mesure où celui-ci est effectué au moyen de trois (3) versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le trentième (30e) jour de la signification de la présente décision sous peine de déchéance du terme accordé.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Daniel Bissonnette

M. DANIEL BISSONNETTE, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) John Ruggieri

M. JOHN RUGGIERI, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Nathalie Vuille

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Sharon Otis

BARON LAFRENIÈRE

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

27 mars et 15 août 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     R. c. Douglas, 2002, 162 C.C.C. 3rd (37).

[2]     Ce principe a été repris par le Tribunal des professions notamment dans Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001,010, décision en date du 7 mars 2002.

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