Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0807 et CD00-0835

 

DATE :

16 février 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, es qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FRANÇOIS SIMARD, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

LES PLAINTES

[1]   La plaignante a porté contre l’intimé la plainte portant le numéro CD00-0807 le 24 mars 2010 et la plainte CD00-0835 le 22 octobre 2010.  Les chefs d’infraction contenus à ces 2 plaintes se lisent comme suit :

 

Plainte CD00-0807

 

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE IMMEUBLES LUC BRISSON INC.

1.            À Mascouche, le ou vers le 9 novembre 2006, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, a fait souscrire à sa cliente, Immeubles Luc Brisson inc., 100 000 actions de Ressources Antoro inc. pour un montant de 7 500 $ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

2.            À Mascouche, le ou vers le 9 novembre 2006, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, alors qu’il recevait une commission au montant de 150 $ de sa cliente Immeubles Luc Brisson inc., a fait défaut de divulguer qu’il recevait également une commission par l’entremise de l’émetteur, contrevenant ainsi aux articles 16, 17 et 53 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et aux articles 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

3.            À Mascouche, le ou vers le 14 novembre 2006, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, a fait souscrire à sa cliente, Immeubles Luc Brisson inc., 5 000 actions de Corporation Big Red Diamond pour un montant de 10 000 $ alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

4.            À Mascouche, le ou vers le 14 novembre 2006, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, alors qu’il recevait une commission au montant de 200 $ de sa cliente Immeubles Luc Brisson inc., a fait défaut de divulguer qu’il recevait également une commission par l’entremise de l’émetteur, contrevenant ainsi aux articles 16, 17 et 53 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et aux articles 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

À L’ÉGARD DE SA PROFESSION

5.            À Montréal, depuis le 4 septembre 2008, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, a fourni de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant détenir une maîtrise en fiscalité sur le site www.123gofinance.com alors qu’il ne détient pas un tel diplôme, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

6.            À Montréal, le ou vers le 30 octobre 2006, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, a fourni à sa cliente Immeubles Luc Brisson inc. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une facture adressée à sa cliente détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

7.            À Montréal, le ou vers le 19 février 2008, l’intimé, FRANÇOIS SIMARD, a communiqué par courriel avec son client, Luc Brisson, lui demandant de retirer sa demande d’enquête déposée auprès de la Chambre de la sécurité financière, contrevenant ainsi à l’article 46 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c D‑9.2, r.1.01).

 

Plainte CD00-0835

 

À L’ÉGARD DE  G.M.

1.    À Montréal, le ou vers le 29 août 2006, l’intimé s’est placé en situation de conflits en prêtant à G.M. la somme d’environ 50 000 $ aux fins d’investissement dans une société pour laquelle il agissait comme mandataire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

2.    À Montréal, le ou vers le 29 août 2006, l’intimé a fait souscrire à G.M. une convention de prêt pour un montant d’environ 100 000 $ avec Corporation minière Rocmec inc. alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 2, 4, 5, 10, 12 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (L.R.Q. c. D-9.2, r.1.4.02), 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

3.    À Montréal, le ou vers le 20 juin 2007, l’intimé s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire G.M. à des actions de Ressources Goldenfrank inc. pour une somme d’environ 20 000 $ alors qu’il agissait comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur pour cette dernière et qu’il en était lui-même actionnaire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

À L’ÉGARD DE  L.A.

4.    À Montréal, le ou vers le 15 février 2007, l’intimé a fourni à  L.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur deux lettres qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

5.    À Montréal, le ou vers le 11 juin 2007, l’intimé s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire L.A. à 200 000 actions de Ressources Goldenfrank inc. pour une somme d’environ 20 000 $ alors qu’il agissait comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur pour cette dernière et qu’il en était lui-même actionnaire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.1.2);

6.    À Montréal, le ou vers le 15 juin 2007, l’intimé a fourni à  L.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

7.    À Montréal, le ou vers le 19 octobre 2007, l’intimé a fourni à  L.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

8.    À Montréal, le ou vers le 30 novembre 2007, l’intimé a fourni à  L.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

À L’ÉGARD DE  LY.A.

9.    À Montréal, le ou vers le 30 septembre 2004, l’intimé a fourni à  LY.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

10.  À Montréal, le ou vers le 31 décembre 2004, l’intimé a fourni à  LY.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

11.  À Montréal, le ou vers le 25 janvier 2005, l’intimé a fourni à  LY.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

12.  À Montréal, le ou vers le 18 mai 2005, l’intimé a fourni à  LY.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

 

13.  À Montréal, le ou vers le 11 novembre 2005, l’intimé a fourni à  LY.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

14.  À Montréal, le ou vers le 30 novembre 2007, l’intimé a fourni à  LY.A. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT S.C.

15.  À Montréal, le ou vers le 13 juin 2007, l’intimé s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire à S.C. 1 200 000 actions de Ressources Goldenfrank inc. pour une somme d’environ 120 000 $ alors qu’il agissait comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur pour cette dernière et qu’il en était lui-même actionnaire, contrevenant ainsi aux 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières  (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

16.  À Montréal, le ou vers le 15 novembre 2006, l’intimé a fourni à  S.C. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur une lettre qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

17.  À Montréal, le ou vers le 15 décembre 2006, l’intimé a fourni à  S.C. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur deux lettres qu’il lui adressait détenir le titre de CGA alors qu’il ne détenait pas un tel titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2);

À L’ÉGARD DE SA PROFESSION

18.  À Montréal, vers le 14 mars 2008, l’intimé a fourni de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant détenir une maîtrise en fiscalité sur le prospectus de Ressources Goldenfrank inc. alors qu’il ne détient pas un tel diplôme, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2).

LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE

[2]   Le comité de discipline (le comité) a entendu ces 2 plaintes ensemble à Montréal les 16, 17, 18, 25 et 26 mai 2011.

[3]   La plaignante était représentée par Me Éric Cantin et l’intimé par Me Martin Courville.

[4]   À la demande de la plaignante, les personnes suivantes ont témoigné : Laurent Larivière, L.A., LY.A., Luc Brisson, G.M., S.C. et Stéphane Valois.

[5]   Pour sa part, l’intimé a fait entendre Maurice Giroux et il a témoigné.

[6]   Les parties ont convenu de produire de consentement les pièces P-1 à P-7 et P-9 à P-38.

[7]   Le comité a reçu les notes sténographiques de l’audience le 4 juillet 2011, date à laquelle il a pris le dossier en délibéré.

LES OBJECTIONS

[8]   Au cours de l’audience, le comité a disposé de certaines objections.  Il a également permis la présentation de certains éléments de preuve sous réserve de disposer, dans la décision au mérite, des objections soulevées.  Au début des plaidoiries lors de la dernière journée d’audience, le comité a demandé aux procureurs de lui indiquer les objections que chacun maintenait et il a ajouté qu’il considérerait que les parties ont renoncé aux autres objections soulevées et dont il n’avait pas été disposé.

[9]   Le procureur de l’intimé a indiqué au comité maintenir les objections soulevées en regard de la production, par la plaignante, des pièces P-39, P-40 et P-46.

LES CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AUX PARAGRAPHES 1 ET 3 DE LA PLAINTE CD00-0807 (AVOIR FAIT SOUSCRIRE À SA CLIENTE IMMEUBLES LUC BRISSON INC. DES ACTIONS ALORS QUE L’INTIMÉ N’ÉTAIT PAS AUTORISÉ À OFFRIR UN TEL PLACEMENT EN VERTU DE SA CERTIFICATION)[1]

LA PREUVE

L’attestation de droit de pratique

[10]        Aux termes de son attestation de droit de pratique (P-1), l’intimé n’était pas autorisé à faire souscrire des actions à ses clients.

Le témoignage de M. Luc Brisson

[11]        À l’époque des infractions reprochées, M. Luc Brisson était actionnaire et président-directeur de Immeubles Luc Brisson inc.

[12]        M. Luc Bourget, un ami de M. Brisson, lui a présenté l’intimé en lui disant que ce dernier était fiscaliste.

[13]        M. Brisson a rencontré à plusieurs reprises l’intimé; il croit que leur première rencontre est survenue en 2005.  L’intimé lui avait alors proposé d’acheter des actions accréditives.  Toutes les entrevues entre M. Brisson et l’intimé ont eu lieu au bureau de ce dernier à Montréal.

[14]        M. Brisson a ensuite reconnu son écriture et sa signature sur les conventions de souscription du 9 novembre 2006 (P-2) et du 14 novembre 2006 (P-5).

[15]        Il a indiqué au comité que l’intimé lui avait proposé d’acheter ces actions émises par Ressources Antoro inc. et Corporation Big Red Diamond dans le but d’en retirer un avantage fiscal.  Il a ajouté qu’ils étaient seuls, l’intimé et lui, lors des discussions entourant l’achat de ces actions.

[16]        M. Brisson a dit avoir complété les conventions de souscription en présence de l’intimé; il croit les avoir remises à l’intimé après les avoir complétées et signées.

[17]        Il a témoigné du fait qu’il avait tiré sur le compte bancaire de Immeubles Luc Brisson inc., les 9 et 14 novembre 2006, des chèques de 7 500$ et de 10 000$ faits respectivement à l’ordre de Ressources Antoro inc. (P-3) et Corporation Big Red Diamond (P-6) en paiement des actions et qu’il avait remis ces chèques à l’intimé.

[18]        Il a dit avoir tiré, à la demande de l’intimé, sur le même compte et aux mêmes dates, deux chèques faits à l’ordre de « Investissements François Simard »[2] (P-4 et P-7). Sur le premier, au montant de 150$ (P-4), M. Brisson a écrit « achat d’actions Antoro » et sur le second, au montant de 200$, « commission sur achat d’actions » (P-7).

[19]        N’ayant pas reçu les certificats d’actions de ces compagnies, M. Brisson les a ensuite réclamés à l’intimé.

[20]        Par lettre du 13 février 2008 (P-41) adressée à l’intimé, M. Brisson a notamment écrit ce qui suit :

« En novembre 2006 j’ai acheté, par ton entremise, des actions… pour une valeur de 17 850$ incluant les commissions.

À plusieurs reprises je t’ai demandé de me remettre les certificats d’actions ou le remboursement en argent. 

N’ayant pu obtenir amicalement ni l’un ni l’autre, je te demande aujourd’hui un remboursement total de la somme due soit 17 850$... »

[21]        M. Brisson a fait parvenir une copie conforme de cette lettre à M. Laurent Larivière, enquêteur auprès de la Chambre de la sécurité financière (CSF).

[22]        Le 19 février 2008, M. Brisson a reçu de l’intimé un courriel (P-14) sur lequel il était indiqué ce qui suit :

« Objet :  TR : enleve ta plainte et je te racheter par les différent cie. » (sic)

[23]        Le contre-interrogatoire de M. Brisson a révélé qu’il avait un compte chez Disnat depuis plus de 20 ans et qu’il faisait des transactions sur ce compte sans l’aide d’un intermédiaire depuis plusieurs années.

[24]        En relisant les conventions de souscription (P-2 et P-5) à la demande du procureur de l’intimé, il a réalisé qu’il avait acheté, en novembre 2006, des actions ordinaires et non des actions accréditives et qu’il détenait déjà, avant les souscriptions mentionnées aux paragraphes 1 et 3 de la plainte, des actions de Ressources Antoro inc. et de Corporation Big Red Diamond.

[25]        Il a ajouté ne pas avoir communiqué directement avec Ressources Antoro inc. et Corporation Big Red Diamond afin d’obtenir ces certificats d’actions; il a préféré en parler avec l’intimé, son représentant.

Le témoignage de l’intimé

[26]        L’intimé a indiqué au comité qu’il n’avait pas participé à la rédaction des deux conventions de souscription (P-2 et P-5).  Il a dit ignorer que Immeubles Brisson inc. détenait déjà des actions de Ressources Antoro inc. et de Corporation Big Red Diamond.

[27]        Il a nié avoir discuté avec M. Brisson de la souscription des actions mentionnées aux paragraphes 1 et 3 de la plainte.  De la même façon, il a nié avoir fait souscrire à Immeubles Luc Brisson inc. ces actions.

[28]        Il a témoigné du fait qu’à deux reprises, le comptable de M. Brisson avait communiqué avec lui afin de s’enquérir de la façon dont la compagnie de celui-ci devait procéder pour acheter des actions.

[29]        Quant aux chèques de 150$ et de 200$ (P-4 et P-7), il a indiqué au comité qu’il s’agissait là du paiement des honoraires correspondant aux conseils qu’il avait donnés au comptable de M. Brisson lors des deux conversations qu’il avait eues avec lui.

[30]        En ce qui a trait au courriel transmis à M. Brisson en date du 19 février 2008 (P-14), il a mentionné au comité qu’il a annexé à ce courriel celui reçu de M. Martin Nicoletti afin de rassurer M. Brisson quant au fait qu’il recevrait ses certificats d’actions.

[31]        En contre-interrogatoire, l’intimé a admis que M. Brisson communiquait souvent avec lui pour obtenir son avis non seulement au sujet de Ressources Antoro inc. et de Corporation Big Red Diamond mais aussi au sujet d’autres placements; il a cependant réitéré le fait que c’est M. Brisson qui avait lui-même souscrit les actions mentionnées à la plainte.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

La plaignante

[32]        Le procureur de la plaignante a soumis que l’intimé était certifié en assurance de personnes, en assurance collective et en planification financière et qu’il ne pouvait faire souscrire des actions à ses clients.

[33]        Quant à la question de savoir si l’intimé avait ou non fait souscrire les actions mentionnées aux paragraphes 1 et 3 de la plainte, il a invité le comité à retenir le témoignage de M. Brisson plutôt que celui de l’intimé.

[34]        Au-delà des témoignages entendus, il a référé le comité aux deux chèques faits à l’ordre de Investissements François Simard (P-4 et P-7) en soulignant que ces chèques portaient la date où les actions avaient été souscrites.

L’intimé

[35]        Le procureur de l’intimé a concédé que ce dernier n’avait pas la certification requise pour vendre des actions.

[36]        Cependant, il a soumis que la plaignante n’avait pas prouvé, de façon claire et convaincante, les autres éléments constitutifs des manquements reprochés.

[37]        Il a souligné que l’intimé avait M. Luc Brisson comme client et non Immeubles Luc Brisson inc.

[38]        Il a ensuite soumis que « faire souscrire » implique un geste positif qui dépasse les discussions qu’auraient pu avoir M. Brisson et l’intimé au sujet de Ressources Antoro inc. et de Corporation Big Red Diamond.

[39]        Selon lui, la preuve ne révèle pas que l’intimé a fait signer les conventions de souscription à M. Brisson et qu’il les a fait parvenir aux personnes concernées.

[40]        Il a ajouté que la preuve avait révélé que les entrevues entre M. Brisson et l’intimé avaient été tenues à Montréal (Ville d’Anjou) et non à Mascouche tel qu’allégué et que, de ce fait, l’un des éléments constitutifs de l’infraction (le lieu) n’avait pas été prouvé.

[41]        Il a conclu en soumettant que le témoignage de M. Brisson était imprécis et il a suggéré que celui-ci avait lui-même souscrit les actions par le biais de son compte Disnat.

L’ANALYSE

[42]        La preuve est claire : l’intimé ne pouvait, en septembre 2006, faire souscrire des actions à ses clients.  Cependant, le syndic a-t-il prouvé, de façon prépondérante, les éléments constitutifs essentiels des infractions reprochées?

[43]        Bien que les témoignages de M. Brisson et de l’intimé soient contradictoires quant à la question de savoir si le second a fait souscrire des actions à la compagnie du premier, les documents mis en preuve rendent beaucoup plus plausibles la thèse proposée par la plaignante que celle soumise par l’intimé.

[44]        Au Registre des entreprises (Cidreq) (P-49), il est indiqué que l’intimé effectuait, à l’époque pertinente, sous le nom de « Investissement François Simard », les activités économiques suivantes : « conduit fiscal pour actions ordinaires accréditives » et « achats et ventes d’actions minière ».

[45]        Deux chèques (P-3 et P-4) ont été tirés le 9 novembre 2006 sur le compte de Immeubles Luc Brisson inc., l’un pour l’achat d’actions, l’autre fait à l’ordre d’ « Investissements François Simard » (sic) en lien avec cet achat d’actions.

[46]        Deux chèques (P-6 et P-7) ont également été tirés sur le compte de Immeubles Luc Brisson inc. le 14 novembre 2006, le premier pour l’achat d’actions; sur le second, fait encore une fois à l’ordre de « Investissements François Simard » il est indiqué « commission sur achat d’actions ».

[47]        Ajoutons que les montants des deux chèques faits à l’ordre de « Investissements François Simard » (P-4 de 150$ et P-7 de 200$) correspondent, dans chacun des cas, à 2% du prix des actions souscrites.

[48]        De plus, le comité ne retient pas le témoignage de l’intimé quant aux conseils professionnels qu’il aurait rendus au comptable de M. Brisson et aux honoraires qu’il aurait alors réclamés.

[49]        Le comité est d’avis qu’il est improbable que ce comptable ait consulté l’intimé à deux reprises, au sujet de la même question, en moins d’une semaine.

[50]        Le comité ne peut non plus concilier l’affirmation de l’intimé à l’effet qu’il s’agissait de paiements en échange de conseils fournis au comptable de M. Brisson avec le fait que les montants réclamés correspondent exactement à 2% du prix d’achat des actions.

[51]        Le comité retient également, à l’appui de la version des faits offerte par M. Brisson, que l’intimé n’a pas nié dans son courriel (P-14) du 19 février 2008 l’allégation de M. Brisson contenue au courriel du 13 février 2008 (P-41) que les actions avaient été achetées par son entremise.

[52]        Tous ces éléments amènent le comité à retenir le témoignage de M. Brisson et à écarter celui de l’intimé.  De plus, soulignons qu’en dépit de certaines imprécisions, M. Brisson a témoigné de façon franche, directe et crédible.

[53]        En plaidoirie, Me Courville a soumis que l’intimé avait M. Luc Brisson comme client et non sa compagnie.

[54]        Cet argument ne peut être retenu : les deux chèques faits à l’ordre de « Investissements François Simard » (P-4 et P-7) ont été tirés sur le compte de Immeubles Luc Brisson inc.; cet élément suffit pour conclure qu’il s’est établi, dans le contexte révélé par l’ensemble de la preuve, une relation contractuelle entre cette compagnie et l’intimé.

[55]        Quant à l’argument suivant lequel la preuve n’aurait pas été faite de gestes positifs permettant de conclure que l’intimé a « fait souscrire » des actions, le comité le répète, il retient – pour toutes les raisons mentionnées précédemment – le témoignage de M. Brisson.  Par conséquent, le comité est d’avis que la preuve de gestes positifs a été faite :

          conseils fournis par l’intimé à M. Brisson en regard de la souscription d’actions;

          remise de chèques à l’intimé par M. Brisson en vue de ces souscriptions;

          paiement de « commissions » par chèques faits à « Investissements François Simard » (sic).

[56]        Ajoutons à cela, suivant la preuve présentée, que la seule personne dont M. Brisson a bénéficié des recommandations est l’intimé.

[57]        Qu’en est-il maintenant de l’argument portant sur le lieu où les infractions auraient été commises? 

[58]        Le comité est d’avis qu’il est nécessaire de distinguer entre les exigences prévues à l’article 129 du Code des professions quant à la rédaction de la plainte et les éléments essentiels qui doivent être prouvés, de façon prépondérante, pour qu’un chef d’infraction soit retenu.

[59]        Afin de permettre à l’intimé d’identifier l’infraction qui lui est reprochée, la plainte doit indiquer sommairement les circonstances de temps et de lieu; ces éléments sont indiqués à la plainte.

[60]        Cependant, la preuve présentée à l’audience permet de constater que les faits relatés aux paragraphes 1 et 3 de la plainte CD00-0807 ont eu lieu à Montréal (ville d’Anjou) et non à Mascouche.

[61]        Cette « différence » entre le texte de la plainte et la preuve soumise n’a pas empêché l’intimé de présenter une défense pleine et entière.

[62]        Les parties ont clairement débattu devant le comité des « mêmes manquements » et l’on ne peut prétendre que l’intimé a été induit en erreur relativement à ce qui lui était reproché et qu’il a été ainsi privé du droit de présenter une défense pleine et entière.

[63]        Compte tenu de la teneur de la preuve administrée et de la nature du débat, le comité ne peut conclure que le lieu de la commission des infractions était ici un élément essentiel des infractions reprochées[3].  Cet argument sera donc rejeté.

[64]        L’ensemble de ces éléments amène le comité à conclure que l’intimé a fait souscrire à sa cliente les actions mentionnées aux paragraphes 1 et 3 de la plainte CD00-0807.  Il a ainsi agi comme représentant dans une discipline dans laquelle, faute d’être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF), il ne pouvait agir; il n’a, de ce fait, pas agi avec honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme dans sa relation avec sa cliente. Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 et 3 de la plainte CD00-0807.

LES CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AUX PARAGRAPHES 2 ET 4 DE LA PLAINTE CD00-0807 (AVOIR REÇU UNE COMMISSION DE SA CLIENTE SANS LUI AVOIR DIVULGUÉ QU’IL RECEVAIT ÉGALEMENT UNE COMMISSION PAR L’ENTREMISE DE L’ÉMETTEUR).

LA PREUVE

[65]        La plaignante a produit une série de comptes d’honoraires pour services professionnels adressés par l’intimé à Corporation Big Red Diamond les 30 octobre 2006, 3 décembre 2006, 8 juillet 2008 et 15 juillet 2008 ainsi que des chèques faits à l’ordre de François Simard en paiement de ces comptes (P-13).

[66]        La plaignante a cherché à produire les réponses qu’a transmises M. Martin Nicolletti aux questions que l’enquêteur Laurent Larivière lui a adressées; il s’agit de deux lettres (P-39 et P-40) transmises par le premier au second et produites au dossier, sous réserve que le comité dispose plus tard de l’objection formulée par le procureur de l’intimé.

[67]        La plaignante s’est également butée à une objection du procureur de l’intimé lorsqu’elle a cherché à produire un document (P-46) provenant d’un site internet et faisant état d’informations relatives à Big Red Diamond Corporation. Là également le comité a permis la production du document (P-46) sous réserve de décider de sa recevabilité dans la décision au mérite.

[68]        Au soutien de l’objection relative à la production des lettres P-39 et P-40, le procureur de l’intimé a invoqué la règle prohibant la preuve par ouï-dire.

[69]        La partie plaignante a voulu ainsi introduire en preuve, pour établir la véracité de leur contenu, les lettres (P-39 et P-40) que M. Martin Nicoletti a adressées à l’enquêteur Laurent Larivière en réponse aux questions que celui-ci lui avait adressées plutôt que de le faire témoigner à l’audience.  Le procureur de la partie plaignante a soumis qu’il pouvait procéder de cette façon en s’autorisant de la règle prévue à l’article 2873 C.c.Q. :

« La déclaration, consignée dans un écrit par une personne autre que celle qui l’a faite, peut être prouvée par la production de cet écrit lorsque le déclarant a reconnu qu’il reproduisait fidèlement sa déclaration.

Il en est de même lorsque l’écrit a été rédigé à la demande de celui qui a fait la déclaration ou par une personne agissant dans l’exercice de ses fonctions, s’il y a lieu de présumer, eu égard aux circonstances, que l’écrit reproduit fidèlement la déclaration. »

[70]        Le procureur de la partie plaignante n’a cependant soumis aucune autorité au soutien de cette prétention.

[71]        L’analyse que fait le comité des autorités soumises par le procureur de l’intimé et de celles qu’il a consultées l’amène plutôt aux constatations suivantes.

[72]        Aux termes de l’article 143 du Code des professions, le comité peut recourir à tous les moyens légaux pour s’instruire des faits allégués dans une plainte.

[73]        En 2004, le Tribunal des professions écrivait ce qui suit dans l’affaire Fortin[4] :

« Le droit disciplinaire est un droit sui generis et la preuve tient à la fois dans les règles du civil, du pénal et de la common law.  Mais que l’on examine l’une ou l’autre des sources du droit de la preuve, ce sont les exceptions à la règle d’exclusion du ouï-dire qui s’appliquent.  On constate, peu importe la source du droit, que généralement le ouï-dire est admissible lorsque la meilleure preuve est impossible à apporter et que la preuve proposée est suffisamment fiable. »

[74]        Référant à cet extrait, le Tribunal des professions ajoutait les commentaires suivants en 2008 dans l’affaire Vanier [5]:

« 132.  Cette affirmation est exacte, mais doit être nuancée : en effet, bien que, très souvent, l’admissibilité d’une preuve par ouï-dire soit tributaire des concepts de nécessité et fiabilité, il faut aussi prendre en considération que le ouï-dire est permis lorsqu’il est déraisonnable d’exiger la présence du témoin et que des indices de fiabilité sérieux existent.

133. C’est en raison de cette possibilité que le Code civil du Québec permet le dépôt en preuve d’un document préparé dans le cours normal des affaires d’une entreprise : il serait déraisonnable d’exiger la présence de personnes qui, en principe, ne peuvent rien ajouter au document ainsi préparé.

134. La preuve est donc admissible, mais l’appelant conserve le droit de contester sa fiabilité en assignant les personnes requises à cette fin.

135. Il s’agit d’un des aspects les plus importants justifiant les exceptions à l’interdiction du ouï-dire. C’est d’ailleurs ce que dit la Cour suprême du Canada dans l’affaire Arès c. Venner, à laquelle réfère l’appelant dans son mémoire :

" Les dossiers d’hôpitaux, y compris les notes des infirmières, rédigés au jour le jour par quelqu’un qui a une connaissance personnelle des faits et dont le travail consiste à faire les écritures ou rédiger les dossiers, doivent être reçus en preuve, comme preuve prima facie des faits qu’ils relatent. Cela ne devrait en aucune façon empêcher une partie de contester l’exactitude de ces dossiers ou des écritures, si elle veut le faire. Dans cette affaire, si l’intimé avait voulu contester l’exactitude des notes des infirmières, ces dernières étaient présentes en Cour et disponibles pour témoigner à la demande de l’intimé." »

[75]        Dans l’affaire Fernandez De Sierra[6], le Tribunal des professions écrivait :

« L’inadmissibilité du témoignage écrit est une règle générale d’exclusion de preuve qui s’applique dans tous les cas où l’on veut produire un document quelconque en vue de remplacer une déposition verbale dans le but d’établir un fait matériel. »

[76]        La déclaration écrite ou verbale que l’on veut introduire en preuve par le témoignage d’une autre personne que son auteur est donc irrecevable comme preuve de la véracité de son contenu sauf avec le consentement de la partie adverse ou si la loi, par exception, le permet.

[77]        Au nombre des exceptions, le second alinéa de l’article 2873 C.c.Q. permet de mettre en preuve l’écrit qui a été rédigé à la demande du déclarant ou par une personne agissant dans l’exercice de ses fonctions, s’il y a lieu de présumer que l’écrit reproduit fidèlement la déclaration.

[78]        Les deux lettres (P-39 et P-40) n’ont pas été rédigées à la demande de M. Nicoletti; elles ont été écrites par lui.

[79]        Les déclarations contenues à ces lettres n’ont pas non plus été écrites par une personne agissant dans l’exercice de ses fonctions (par exemple, un sténographe ou le préposé responsable d’un registre)[7] mais par M. Nicoletti lui-même.

[80]        Le comité est d’avis que l’exception prévue à l’article 2873 C.c.Q. ne peut recevoir ici application.  La règle générale s’applique donc : à défaut de consentement de l’intimé, la plaignante, pour faire la preuve de la véracité des allégations contenues aux lettres P-39 et P-40, devait faire témoigner M. Nicoletti.

[81]        L’objection à la preuve formulée par l’intimé eu égard aux pièces P-39 et P-40 sera donc accueillie.

[82]        En ce qui a trait au document tiré d’un site internet (P-46), le procureur de l’intimé s’est objecté au motif que l’on ignorait l’identité de l’auteur de ce document et que la preuve de la fiabilité de ces informations n’avait pas été faite.

[83]        Le procureur de la plaignante a soumis, en substance, qu’il s’agissait d’un site connu.

[84]        Le procureur de la plaignante a tenté d’introduire en preuve ce document (P-46) lors du contre-interrogatoire de l’intimé. Cependant, l’intimé a indiqué au comité qu’il ne connaissait pas ce document. Cette pièce n’a donc pas été produite par l’intimé ni par un autre témoin par la suite. La prétention du procureur de la plaignante suivant laquelle ce document est tiré d’un site connu ne suffit pas; le comité n’a pas une connaissance d’office de ce site et ne peut conclure que les informations contenues aux documents tirés de ce site sont fiables.

[85]        Le comité ne permettra donc pas la production de la pièce P-46.

[86]        Les seuls éléments de preuve dont le comité dispose sont donc les suivants :

          les comptes d’honoraires transmis par l’intimé à Corporation Big Red Diamond et les chèques reçus en paiement de ceux-ci (P-13);

          le témoignage de l’intimé à l’effet qu’il a été payé par Corporation Big Red Diamond pour les services professionnels rendus mais qu’il n’a jamais reçu de bons de souscription de celle-ci;

[87]        L’analyse des documents produits sous P-13 permet au comité de constater ce qui suit :

          les comptes d’honoraires font état de services de « planification et organisation de réunion d’investisseurs institutionnels » et de « gestion de comptabilité de projets minier » (sic) et non de réclamations pour des commissions;

          les chèques en paiement sont faits à l’ordre de « François Simard » et non de « Investissement François Simard »;

          les dates des comptes d’honoraires (P-13) ne correspondent pas aux dates de souscription d’actions par Immeubles Luc Brisson inc.

[88]        Quant à Ressources Antoro inc., la preuve n’a pas révélé qu’elle avait payé quoi que ce soit à l’intimé.

[89]        La partie plaignante n’a pas fait la preuve que l’intimé avait reçu des commissions par l’entremise des émetteurs.

[90]        Le comité acquittera donc l’intimé des chefs d’infraction contenus aux paragraphes 2 et 4 de la plainte CD00-0807.

LES CHEFS D’INFRACTION CONTENUS AU PARAGRAPHE 5 DE LA PLAINTE CD00-0807 (AVOIR FOURNI, DEPUIS LE 4 SEPTEMBRE 2008, DE FAUSSES INFORMATIONS QUANT À SON NIVEAU DE COMPÉTENCE SUR UN SITE WEB EN REPRÉSENTANT DÉTENIR UNE MAÎTRISE EN FISCALITÉ)

LA PREUVE

[91]        L’intimé ne détient pas de maîtrise en fiscalité.  Il était pourtant indiqué sur le site web (P-8) « François Simard M. FISC. ».

[92]        La preuve a révélé que l’Université de Sherbrooke détient l’exclusivité du titre « M. FISC. » et que nul ne peut légalement utiliser ce titre s’il n’a pas complété la maîtrise en fiscalité offerte par cette institution (P-12).

[93]        Dans les années 1990, l’intimé a suivi des cours dispensés par l’Institut Canadien des comptables agréés (In depth tax course) mais la réussite de ceux-ci ne permet pas l’utilisation du titre « M. FISC. » (P-11).

[94]        À l’hiver 2000, l’intimé a obtenu de l’Université de Sherbrooke, un diplôme de deuxième cycle en fiscalité (D. FISC.), concentration planification financière personnelle intégrée.  Il a ensuite amorcé à cette même université le parcours académique menant à l’obtention du grade de maîtrise en fiscalité (« M. FISC. ») sans toutefois le compléter; son dossier a d’ailleurs été fermé à l’été 2004.

[95]        En défense, l’intimé invoque qu’il était de bonne foi.  Il avait, selon lui, toutes les raisons de croire que le « In depth tax course » qu’il a suivi au cours des années 1990 et l’expérience acquise auprès de Revenu Canada et de Revenu Québec lui permettaient d’utiliser le titre « M. FISC. ». C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il ne s’est pas opposé à ce qu’un ami, M. Yves Jacques indique sur le site web (P-8) qu’il avait créé en 1999 ou 2000 les mots « François Simard M. FISC. »

L’ANALYSE

[96]        Le comité ne partage pas ce point de vue. Pour pouvoir invoquer une telle défense, il aurait fallu que l’intimé fasse des vérifications auprès des autorités compétentes et démontre que les informations alors obtenues l’avaient amené à croire qu’il pouvait utiliser le titre « M. FISC. ».  Or, il n’en a fait aucune.  De toute façon, s’il avait procédé au même type de vérifications que celles faites par l’enquêteur Larivière (P-11 et P-12), il aurait rapidement réalisé qu’il ne pouvait utiliser ce titre ou encore laisser un ami lui attribuer un tel titre sur un site web.

[97]        Le comité est d’avis qu’en agissant de la sorte, l’intimé n’a certainement pas agi avec compétence et professionnalisme et qu’il ne s’est pas abstenu de faire une fausse déclaration quant à son niveau de compétence.  Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 5 de la plainte CD00-0807.

LES CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AU PARAGRAPHE 6 DE LA PLAINTE CD00-0807 (AVOIR FOURNI, LE OU VERS LE 30 OCTOBRE 2006, À SA CLIENTE IMMEUBLES LUC BRISSON INC., DE FAUSSES INFORMATIONS QUANT À SON NIVEAU DE COMPÉTENCE SUR UNE FACTURE EN INDIQUANT DÉTENIR UN TITRE DE C.G.A.)

[98]        Aucune facture transmise par l’intimé à Immeubles Luc Brisson inc. en date du 30 octobre 2006 n’a été produite.

[99]        L’intimé sera donc acquitté des chefs d’infraction formulés contre lui au paragraphe 6 de la plainte CD00-0807.

LE CHEF D’INFRACTION ÉNONCÉ AU PARAGRAPHE 7 DE LA PLAINTE CD00-0807 (AVOIR DEMANDÉ, LE OU VERS LE 19 FÉVRIER 2008, À SON CLIENT LUC BRISSON DE RETIRER SA DEMANDE D’ENQUÊTE)

LA PREUVE

[100]     Le 13 février 2008, M. Luc Brisson a transmis une lettre (P-41) à l’intimé dans laquelle il lui réclamait une somme d’argent; il y indiquait qu’à défaut d’obtenir le remboursement réclamé, d’autres procédures pourraient être entreprises.  Il y est indiqué qu’une copie conforme de cette lettre est transmise à M. Laurent Larivière, enquêteur de la CSF.

[101]     Le 19 février 2008, l’intimé a transmis un courriel (P-14) à M. Luc Brisson dans lequel il écrit :

« TR : enleve ta plainte et je te racheter par les différent cie. » (sic)

[102]     Le 20 février 2008, M. Luc Brisson a écrit de nouveau à l’intimé (P-42) pour lui indiquer notamment ce qui suit :

« Suite à notre conversation téléphonique houleuse d’hier soir, j’ai décidé de donner un mandat officiel à Bruno Bourget pour régler notre litige. »

[103]     À l’audience, M. Luc Brisson a dit que la conversation téléphonique du 19 février 2008 est la dernière qu’il a eue avec l’intimé et que ce n’est qu’après celle-ci qu’il a adressé sa « plainte » à la CSF.

L’ANALYSE

[104]     Le grief formulé contre l’intimé est fondé sur l’article 46 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière lequel interdit à un représentant de communiquer avec une personne qui a demandé la tenue d’une enquête à son sujet à compter du moment où il est informé qu’une telle enquête est tenue.

[105]     Or, ici si l’intimé savait le 19 février 2008 qu’une copie d’une lettre de M. Brisson du 13 février 2008 (P-41) avait été transmise à un enquêteur de la CSF, il n’a pas été mis en preuve que le 19 février 2008, l’intimé avait été informé que le syndic menait une enquête à son sujet.  On peut d’ailleurs douter que cette enquête avait alors débuté; M. Brisson ayant témoigné qu’il n’avait adressé sa « plainte » à la CSF qu’après le 19 février 2008.

[106]     L’intimé sera donc acquitté de ce chef d’infraction.

LES CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AUX PARAGRAPHES 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16 ET 17 DE LA PLAINTE CD00-0835 (AVOIR FOURNI SUR DES LETTRES ADRESSÉES À L.A., LY.A. ET S.C. DE FAUSSES INFORMATIONS QUANT À SON NIVEAU DE COMPÉTENCE EN REPRÉSENTANT DÉTENIR LE TITRE DE CGA)

[107]     Entre le 30 septembre 2004 et le 30 novembre 2007, l’intimé a fait parvenir à ses clients L.A., LY.A. et S.C. des comptes d’honoraires et des lettres (P-24 à P-27, P-30 à P-35,  P-37 et P-38) sur lesquels apparaissaient, en dessous de son nom, les lettres « CGA ».

[108]     Les vérifications faites par l’enquêteur Larivière auprès de l’Ordre des CGA du Québec ont révélé ce qui suit :

          l’intimé a été étudiant auprès de cet ordre du 8 juin 2007 au 5 juin 2008;

          son dossier a été fermé le 6 juin 2008 pour cause de non-paiement de sa cotisation étudiante (P-10);

[109]     L’intimé a témoigné de ce qui suit :

          il a reconnu qu’il n’avait jamais été membre de l’Ordre des CGA;

          il a expliqué avoir une aversion pour l’informatique et avoir demandé à sa conjointe de préparer un en-tête de lettre informatisé dont il pourrait se servir pour transmettre des comptes à ses clients;

          il a témoigné que la mention CGA y était inscrite du fait qu’il avait alors toutes les raisons de croire qu’il obtiendrait son titre de CGA. Il n’a cependant réussi que 3 des 4 examens de l’Ordre et n’a pas fait le stage requis;

          il a cependant oublié d’enlever la mention CGA sur ses factures.  Il a ajouté que cela n’avait eu aucune conséquence pour ses clients car il ne se présentait jamais à eux à titre de CGA;

[110]     Référant aux témoignages de L.A., LY.A. et S.C., le procureur de l’intimé a de plus fait valoir que ses clients faisaient affaire avec lui pour ses compétences en matière de fiscalité et non parce qu’il aurait détenu le titre de CGA;

[111]     Ce procureur a ajouté que dès lors que le comité retenait la culpabilité de l’intimé en regard du manquement énoncé dans l’un des paragraphes mentionnés précédemment, il devrait ordonner l’arrêt des procédures en regard des manquements énumérés aux autres paragraphes afin de se conformer à la règle interdisant les condamnations multiples.

[112]     Les prétentions de l’intimé ne peuvent être retenues.

[113]     Comment l’intimé pouvait-il croire en 2004 qu’il deviendrait assurément CGA alors qu’il n’a débuté ses cours auprès de cet ordre que le 8 juin 2007?  Comment peut-il parler d’un simple oubli alors que la mention « CGA » apparaît, pendant 3 ans, sur les nombreux comptes d’honoraires et lettres déposés en preuve?

[114]     Que cette mention « erronée » ait peu ou pas compté dans la décision des clients de faire affaire avec l’intimé n’a pas à être considérée à ce stade.  L’intimé avait le devoir de s’abstenir de faire de fausses déclarations quant à son niveau de compétence. Le représentant qui indique sur ses factures et sur des lettres qu’il a le titre de CGA alors que tel n’est pas le cas contrevient clairement à cette obligation.

[115]     Finalement, la règle interdisant les condamnations multiples ne peut recevoir ici application.  Les manquements reprochés l’ont été à l’égard de clients différents et à des dates différentes. On ne peut donc conclure que l’on retrouve d’un manquement reproché à l’autre les mêmes éléments ou encore fondamentalement les mêmes éléments[8].

[116]     Le comité conclut que l’intimé en se réclamant faussement du titre de CGA n’a pas agi avec honnêteté, compétence et professionnalisme et qu’il a ainsi fait des fausses déclarations quant à son niveau de compétence.

[117]     Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 de la plainte CD00-0835.

LES CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AUX PARAGRAPHES 1 ET 2 DE LA PLAINTE CD00-0835 (S’ÊTRE PLACÉ, LE OU VERS LE 29 AOÛT 2006, EN SITUATION DE CONFLIT EN PRÊTANT À G.M. LA SOMME D’ENVIRON 50 000$ AUX FINS D’INVESTISSEMENT DANS UNE SOCIÉTÉ POUR LAQUELLE L’INTIMÉ AGISSAIT COMME MANDATAIRE; AVOIR FAIT SOUSCRIRE À G.M., LE OU VERS LE 29 AOÛT 2006, UNE CONVENTION DE PRÊT POUR UN MONTANT D’ENVIRON 100 000$ AVEC CORPORATION MINIÈRE ROCMEC INC. ALORS QU’IL N’Y ÉTAIT PAS AUTORISÉ EN VERTU DE SA CERTIFICATION)

LA PREUVE

Le témoignage de G.M.

[118]     En août 2006, il vivait à Hong Kong et était de passage à Montréal afin d’y rencontrer ses parents.  Lors de ce séjour, il a eu des conversations avec S.C., l’époux de sa cousine.  Il savait que S.C. avait fait certains investissements par l’entremise de l’intimé et qu’il avait déjà fait des placements dans l’or.

[119]     Il s’est montré intéressé par le type de placement fait par S.C. lequel lui a suggéré de rencontrer l’intimé.

[120]     Une entrevue a eu lieu le 29 août 2006 au bureau de l’intimé; il y a participé avec S.C. et l’intimé.

[121]     À cette occasion, l’intimé (et non S.C.) lui a expliqué, calculs à l’appui, en quoi consistait un « gold loan » (« prêt d’or »).  L’intimé lui a dit qu’il pourrait consentir un tel prêt à la Corporation minière Rocmec inc. (Rocmec). Il n’avait jamais entendu parler de Rocmec auparavant.  Il s’est montré intéressé mais a indiqué à l’intimé que son argent était à Hong Kong.  L’intimé lui a alors répondu que cela ne causerait pas de difficulté et il a offert de lui prêter l’argent.

[122]     G.M. a témoigné du fait que S.C. et lui ont rédigé la convention de prêt du 29 août 2006 (P-15) aux termes de laquelle l’intimé lui a prêté 50 000$.  Il a ajouté que l’intimé, S.C. et lui ont signé cette convention (P-15) le 29 août 2006.

[123]     Il a par la suite ouvert un compte à une succursale de la Banque H.S.B.C. à Montréal; il a transféré 50 000$ de Hong Kong à Montréal et il a remboursé l’intimé en lui remettant une traite bancaire du 18 septembre 2006 (P-15).

[124]     Une convention de prêt (P-16) (« gold loan ») est intervenue entre lui, Rocmec et Investissements François Simard lequel est décrit au contrat comme mandataire.

[125]     Cette convention lui a été remise par l’intimé lors de l’entrevue du 29 août 2006; il l’a signée.  La convention P-16 porte également la signature d’un représentant de Rocmec et de l’intimé; ces personnes n’ont cependant pas signé en sa présence.

[126]     G.M. a témoigné du fait que la somme prêtée dans le cadre du « gold loan » était constituée des montants suivants :

          50 000$ provenant du prêt que lui avait consenti l’intimé (P-15);

          25 000$ que lui a prêté S.C. (somme qu’il lui a ensuite remboursée); et

          25 000$ d’un tiers qui ne voulait pas voir son nom apparaître au contrat avec Rocmec.

[127]     Par la suite, le « gold loan » lui a été en grande partie remboursé.

[128]     À la suite d’une autre transaction orchestrée par l’intimé (transaction qui ne fait pas l’objet de la plainte) laquelle aurait mal tourné, il a transmis à l’intimé une série de courriels dans lesquels il a proféré des injures (pièces D-4 et D-21).

Le témoignage de S.C.

[129]     L’intimé lui a été présenté en 2005 ou en 2006 par des amis de son épouse, L.A. et LY.A., comme étant un grand spécialiste en matière de fiscalité.

[130]     Il a souvenir qu’à l’été 2006, G.M. lui a indiqué être intéressé à faire des placements de la nature de ceux qu’il faisait avec l’intimé.  Il a alors dit à G.M. qu’il n’était pas en mesure de lui fournir des explications satisfaisantes à cet égard et il lui a suggéré d’en parler à l’intimé.

[131]     Une entrevue a donc eu lieu au bureau de l’intimé et ce dernier a fourni des explications à G.M.

[132]     G.M. demeurait alors à Hong Kong et n’avait pas d’argent pour investir sur le champ.

[133]     L’intimé a donc proposé à G.M. de lui prêter de l’argent.  L’intimé a cependant indiqué qu’il préférerait remettre la somme prêtée par chèque (P-15) fait à l’ordre de S.C. plutôt qu’à l’ordre de G.M.

[134]     Il a signé, à titre de témoin, sur la convention de prêt (P-15) intervenue entre G.M. et l’intimé; contrat dont il a rédigé une partie. L’intimé a cependant exigé qu’il tire un chèque de 50 000$ (P-15) fait à son ordre (mais sur lequel aucune date n’était indiquée); il a été convenu que l’intimé pourrait indiquer une date sur ce chèque et l’encaisser dans l’éventualité où G.M. ne rembourserait pas l’intimé; ce témoin se portait ainsi caution pour G.M.

L’intimé

[135]     G.M. et S.C. se sont présentés à son bureau et ils ont insisté pour qu’il prête de l’argent à G.M., une personne qu’il ne connaissait pas et qui habitait Hong Kong.

[136]     S.C. a ensuite plutôt proposé que le prêt soit fait à lui pour qu’ensuite il prête l’argent à G.M.  S.C. lui a dit qu’il avait un « gold loan » et qu’il voulait que G.M. investisse dans un tel placement lui aussi.

[137]     S.C. et G.M. lui ont forcé la main et il a finalement consenti à prêter la somme demandée.  Il a donc signé la convention (P-15) et a fait un chèque de 50 000$ à l’ordre de S.C. (P-15).  En contrepartie, il a cependant exigé que S.C. tire un chèque de 50 000$ (P-15) fait à son ordre (mais sur lequel aucune date n’était indiquée); il a alors été convenu qu’il pourrait indiquer une date sur ce chèque et l’encaisser dans l’éventualité où G.M. ne le remboursait pas; S.C. se portait ainsi caution pour G.M.

[138]     Il savait que l’argent prêté se retrouverait « dans les poches » de G.M.

[139]     G.M. lui a ensuite remis, en personne, la traite bancaire du 18 septembre 2006 (P-15) en remboursement du prêt.

[140]     Il n’a pas conseillé à G.M. de souscrire un « gold loan » de Rocmec; c’est S.C. qui l’a fait.

[141]     Quant à la mention de Investissements François Simard à titre de mandataire sur la convention de prêt intervenue entre G.M. et Rocmec (P-16) et à sa signature sur cette convention, l’intimé a témoigné que Rocmec lui avait proposé, puisqu’il était l’inventeur du « gold loan » d’indiquer le nom de sa raison sociale[9]. Il a accepté de signer le contrat par vanité bien qu’il n’était pas mandataire de Rocmec.

[142]     Il n’était pas présent lorsque G.M. a signé P-16; il a ensuite signé cette convention hors la présence de G.M. en septembre 2006.

[143]     Il n’a pas rédigé le contrat (P-16) mais c’est lui qui a conçu la mécanique du « gold loan » dont Rocmec s’est servie pour ce contrat (P-16) et celui auquel ont souscrit d’autres investisseurs antérieurement.

Les représentations des parties

La plaignante

[144]     Afin d’amener le comité à conclure à la culpabilité de l’intimé en regard des chefs d’infraction 1 et 2, le procureur de la plaignante a soumis :

        que l’intimé a prêté 50 000$ à G.M. tel qu’il appert de la convention de prêt (P-15) intervenue entre G.M. et lui afin qu’il investisse dans Rocmec;

        que l’intimé était l’inventeur du « gold loan » et qu’il est intervenu à titre de mandataire à la convention souscrite par G.M. et Rocmec;

        que l’intimé a fourni des conseils à G.M. eu égard à cet investissement alors que sa certification (P-1) ne lui permettait pas de le faire.

L’intimé

[145]     De son côté, le procureur de l’intimé a soumis ce qui suit :

        les courriels truffés de propos désobligeants (D-4 et D-21) transmis par G.M. à l’intimé viennent grandement miner la crédibilité du premier;

        l’intimé a consenti un prêt de 50 000$ à S.C. et non à G.M.;

        de toute façon, l’intimé n’a pas consenti de façon libre à ce prêt puisqu’il a été intimidé;

        l’intimé n’a pas agi comme mandataire de Rocmec;

        l’intimé n’a pas fait souscrire le « gold loan » à G.M.;

        ce n’est pas G.M. qui a prêté l’argent dans le cadre du « gold loan »;

        le « gold loan » n’est pas une valeur mobilière.

L’ANALYSE

Quant aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 1

[146]     La plaignante avait le fardeau d’établir :

        que l’intimé a prêté à G.M. la somme d’environ 50 000$ aux fins d’investissement dans une société;

        que l’intimé agissait comme mandataire de cette société.

[147]     La preuve est claire :

        S.C., G.M. et l’intimé se sont rencontrés le 29 août 2006;

        l’intimé a signé la convention de prêt (P-15) aux termes de laquelle il prêtait 50 000$ à G.M.;

        l’emprunt a été contracté dans le but de permettre à G.M. d’investir dans un « gold loan » auprès de Rocmec;

        G.M. a signé la convention de prêt (« gold loan », P-16) avec Rocmec à titre de prêteur et l’intimé (Investissements François Simard) l’a signée à titre de mandataire.

[148]     Peut-on passer outre la convention de prêt (P-15) et conclure que l’intimé a prêté l’argent à S.C. et non à G.M.?

[149]     Il est vrai qu’au moment de la signature de la convention de prêt (P-15) l’intimé a remis un chèque de 50 000$ à S.C. mais la preuve a révélé qu’il savait pertinemment que cette somme serait remise par S.C. à G.M. De plus, tel que mentionné précédemment, l’intimé a été remboursé par G.M. Ajoutons à cela que l’intimé a reconnu que S.C. lui avait remis un chèque de 50 000$ (non daté) pour cautionner l’emprunt de G.M. Cet argument est donc écarté.

[150]     Il en est de même de la prétention du procureur de l’intimé à l’effet que ce dernier n’aurait pas consenti librement à prêter cette somme.  Même si le comité tenait pour acquis la version des faits offerte par l’intimé à ce sujet, le témoignage qu’il a rendu à l’audience est bien mince et peu explicite.  En effet, il a témoigné du fait que S.C. et G.M. ont insisté auprès de lui et lui ont forcé la main.  En regard de l’ensemble de la preuve, le témoignage de l’intimé n’amène pas le comité à conclure qu’il a agi contre son gré.

[151]     La prétention que l’intimé n’agissait pas comme mandataire de Rocmec n’est pas non plus retenue.

[152]     Il a signé le « gold loan » (P-16) à ce titre.  Le comité ne peut conclure que Rocmec l’a invité à signer la convention (P-16) pour souligner le fait qu’il était l’inventeur du « gold loan » ni qu’il l’a signée à titre de mandataire par pure vanité alors que cela n’était pas nécessaire.

[153]     Le comité croit au contraire que l’intimé a été partie à toute la transaction :  il a inventé le concept, il l’a proposé à Rocmec, il a facilité la transaction (« gold loan ») en consentant un prêt à G.M. et il a signé le « gold loan » à titre de mandataire; intervenant à tous ces niveaux dans l’ensemble de la transaction, l’intimé s’est placé en situation de conflit.

[154]     La plaignante a prouvé, par preuve prépondérante, les éléments constitutifs essentiels du manquement reproché.

[155]     Cela dit, le comité conclut qu’en agissant de la sorte, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme; qu’il n’a pas mené ses activités professionnelles de manière responsable et avec respect; et que ses méthodes de sollicitation et de conduite des affaires ne sont pas de nature à inspirer au public le respect et la confiance.

[156]     L’intimé sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés au  paragraphe 1 de la plainte CD00-0835.

Quant aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 2 de la plainte CD00-0835

[157]     La plaignante devait prouver, par prépondérance de preuve :

        que l’intimé a fait souscrire à G.M. une convention de prêt (« gold loan ») pour un montant d’environ 100 000$ avec Rocmec;

        que l’intimé n’était pas autorisé à le faire en vertu de sa certification.

[158]     G.M. et S.C. ont tous deux témoigné du fait que l’intimé avait fourni des conseils à G.M. au sujet du placement (le « gold loan ») qu’il l’invitait à souscrire. G.M. a ajouté que l’intimé lui avait remis la convention de prêt (P-16) le 29 août 2006 et qu’il l’avait alors signée.

[159]     De son côté, l’intimé a nié avoir conseillé à G.M. de souscrire un « gold loan » de Rocmec et a ajouté que c’est S.C. qui l’avait fait.

[160]     La version des faits offerte par l’intimé à cet égard est peu plausible.  La preuve a révélé que l’intimé avait conçu le « gold loan » de Rocmec, un produit financier sophistiqué.  De plus, la preuve n’a pas été faite que S.C. avait des connaissances particulières en matière financière, connaissances sans lesquelles il ne pouvait certainement pas expliquer à G.M. la nature de l’investissement proposé.

[161]     En dépit de l’aversion manifestée par G.M. à l’égard de l’intimé dans les nombreux courriels transmis (D-4 et D-21), le comité retient le témoignage de G.M. (lequel est d’ailleurs corroboré par celui de S.C.) plutôt que celui de l’intimé; la version des faits de G.M. et S.C. est apparue au comité plus crédible et plausible que celle offerte par l’intimé.

[162]     Le procureur de l’intimé a d’autre part soumis que le placement souscrit n’est pas une valeur mobilière.  Le comité n’a pas à qualifier le placement mais à décider si l’intimé était autorisé aux termes de sa certification à faire souscrire à G.M. un « gold loan » auprès de Rocmec. Le comité est d’avis que la souscription d’un tel placement ne fait pas partie des actes que pouvait poser l’intimé compte tenu de la certification qu’il détenait (P-1).

[163]     Le comité conclut donc qu’il n’a pas agi avec honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme.

[164]     Le comité déclarera donc l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 2 de la plainte CD00-0835.

QUANT AUX CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AUX PARAGRAPHES 3, 5 ET 15 DE LA PLAINTE CD00-0835 (S’ÊTRE PLACÉ EN SITUATION DE CONFLIT D’INTÉRÊTS EN FAISANT SOUSCRIRE À SES CLIENTS DES ACTIONS DE RESSOURCES GOLDENFRANK INC. ALORS QU’IL AGISSAIT COMME VICE-PRÉSIDENT, CHEF DES FINANCES, TRÉSORIER, ADMINISTRATEUR ET ACTIONNAIRE DE CETTE COMPAGNIE)

[165]     Le comité traitera ensemble des paragraphes 3, 5 et 15.

[166]     Il devra déterminer si la plaignante a prouvé, par preuve prépondérante :

        que l’intimé a fait souscrire, en juin 2007, des actions de Ressources Goldenfrank inc. (Goldenfrank) à G.M. (paragraphe 3), L.A. (paragraphe 5) et S.C. (paragraphe 15);

        que l’intimé agissait, en juin 2007, comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur de Goldenfrank et qu’il en était actionnaire.

LA PREUVE

Le témoignage de G.M.

[167]     Il n’avait jamais entendu parler de Goldenfrank avant que l’intimé ne lui en parle.

[168]     L’intimé lui a fourni verbalement des explications quant à un investissement dans Goldenfrank.

[169]     Il a accepté la proposition de l’intimé d’y investir et il lui a remis deux chèques du 20 juin 2007; ces chèques portent les numéros 006 et 007 (P-20 et P-43) et sont tirés sur son compte à la HSBC.

[170]     Le chèque 006 (P-20) d’un montant de 20 000$ est fait à l’ordre de « Goldenfrank Ressources ».

[171]     Le chèque 007 (P-43) au montant de 400$ a été tiré à l’ordre de « Investment François Simard »; G.M. y a indiqué la mention « Goldenfrank ».

[172]     L’intimé ne lui a pas fait signer ni remis de contrat de souscription; l’intimé lui a expliqué que les actions qu’il achetait s’ajouteraient à celles mentionnées au contrat de souscription de S.C.

[173]     Il a par la suite reçu un certificat d’actions correspondant à la somme qu’il avait investie.

Le témoignage de S.C.

[174]     C’est l’intimé qui lui a parlé de Goldenfrank. L’intimé lui a dit qu’il avait visité cette mine et qu’il était impliqué dans la création de cette compagnie. Avant d’investir dans Goldenfrank, il a discuté avec l’intimé et il a demandé aux sœurs L.A. et LY.A. si elles y avaient investi.  Il ne se souvient pas avoir discuté de cet investissement avec Stéphane Valois, un autre représentant.

[175]     À l’audience, le témoin a reconnu sa signature sur le formulaire de souscription du 13 juin 2007 (P-36).  Il a ajouté que c’est l’intimé qui lui a soumis ce formulaire de souscription.

[176]     Il a souscrit un million d’actions pour un montant de 100 000$.  Il a investi 50 000$ et son ami, F.F., a contribué à hauteur de 50 000$.

[177]     L’intimé lui a dit que G.M. voulait également investir 20 000$; l’intimé a ajouté que l’investissement dans Goldenfrank devait être au minimum de 100 000$ et il lui a suggéré que les 200 000 actions de G.M. apparaissent au formulaire de souscription P-36.  Il a accepté et le nombre d’actions indiquées au formulaire de souscription (P-36) est passé de un million à 1,2 millions et le montant souscrit de 100 000$ à 120 000$.

[178]     Il a remis le formulaire de souscription à l’intimé.

[179]     De son côté, G.M. a remis 20 000$ à l’intimé.

[180]     Plus tard, il a reçu un certificat d’actions correspondant à son investissement et G.M. a reçu celui qui correspondait au sien.

Le témoignage de L.A.

[181]     En 2004, sa sœur LY.A. et elle ont hérité d’une somme d’argent importante.  Un conseiller financier à la Banque Nationale (BN), Stéphane Valois, leur a proposé de rencontrer l’intimé, un spécialiste des questions fiscales.

[182]     Elle a rencontré pour la première fois l’intimé en 2005.  Elle l’a vu au cours de cette année 2005 à environ cinq reprises; elle était généralement accompagnée de Stéphane Valois.  L’intimé lui a parlé de Goldenfrank, une mine en Afrique dans laquelle il avait des intérêts et dans laquelle elle pourrait investir.  Il lui a expliqué que « Golden » était pour or et « Frank » était pour François.

[183]     Le 11 juin 2007, elle a tiré 2 chèques (P-28), un premier au montant de 20 000$ fait à l’ordre de « Ressources Goldenfrank inc. » sur lequel elle a indiqué « 200,000 shares » et un second au montant de 500$ fait à l’ordre de François Simard sur lequel elle a inscrit « émission d’action » (sic).  Elle a remis les deux chèques à l’intimé.

[184]     Elle ne connaissait personne d’autre que l’intimé chez Goldenfrank.

[185]     Elle a ensuite reçu un certificat d’actions (P-29) de la compagnie daté du 29 juin 2007 et signé par l’intimé à titre de secrétaire.

[186]     Le 15 juin 2007, elle a reçu un compte de 400$ de l’intimé lequel faisait référence à Goldenfrank (P-25).  Par lettre du 19 octobre 2007 (P-26), l’intimé l’a informée qu’en payant 500$ elle avait payé 100$ en trop pour les « frais d’émission » de « Ressources Goldenfrank »; l’intimé l’a remboursée de 100$.

[187]     Bien que M. Valois était son « homme de confiance » et qu’elle a requis son avis quant à l’investissement dans Goldenfrank, elle ne l’a pas rémunéré; par contre, c’est l’intimé qui lui a parlé de Goldenfrank en premier et à qui elle a payé un montant d’argent lorsqu’elle a souscrit 200 000 actions.

Le témoignage de LY.A.

[188]     Son bref témoignage rejoint celui donné par sa sœur L.A.

Le témoignage de Stéphane Valois

[189]     Il est conseiller en sécurité financière depuis 1991.  Il a travaillé comme planificateur financier pour la BN pendant six ans; il a quitté cet emploi en 2005 ou 2006; il travaille depuis, à son compte, comme planificateur financier.

[190]     Il a connu l’intimé en 1980 au Collège Notre-Dame; ils se sont ensuite revus par hasard lors d’un déjeuner conférence en 1993. L’intimé lui a parlé des avantages fiscaux découlant de l’achat d’actions accréditives.

[191]     Il a référé à l’intimé tous ses clients fortunés et intéressés par les abris fiscaux.  Il avait convenu avec l’intimé que celui-ci s’occuperait de l’aspect fiscal des investissements et lui des placements de type REER.

[192]     Il a rencontré les sœurs L.A. et LY.A. en 2004 ou 2005 dans le cadre de ses fonctions de planificateur financier à la BN; elles venaient d’hériter de sommes d’argent importantes.

[193]     Constatant que des questions fiscales se posaient, il a référé L.A. et LY.A. à l’intimé.  Il n’a rencontré l’intimé en présence des sœurs L.A. et LY.A. qu’en une seule occasion, soit lors de la première entrevue.

[194]     Il a investi 40 000$ dans Goldenfrank; il en a ensuite discuté avec L.A. laquelle voulait y investir 100 000$ à son tour.

[195]     Ne voulant pas qu’elle mette tous ses œufs dans le même panier, il l’en a dissuadée et l’a convaincue d’investir plutôt 20 000$ dans Goldenfrank.

[196]     En juin 2007, il s’est rendu chez L.A. afin de lui faire compléter les documents de souscription; il n’était plus à cette époque employé de la BN.

[197]     L’intimé n’était pas présent lorsque L.A. a souscrit des actions dans Goldenfrank.  De plus, l’intimé ne savait pas qu’il se rendrait chez L.A. pour lui faire souscrire ces actions. Cependant, c’est l’intimé qui lui avait fait parvenir les documents de souscription devant être soumis à L.A.

[198]     Une fois la convention de souscription complétée et signée par L.A., il l’a déposée dans une enveloppe; il a communiqué avec le « courrier » et lui a indiqué que cette enveloppe devait être livrée dans le cadre du compte 419.  Il ignore à qui l’enveloppe a été livrée.

[199]     Il n’a pas été rémunéré pour cette transaction.  Il a cependant indiqué au comité que l’intimé avait reçu une rémunération de 2%.  Il a précisé que l’intimé recevait 2% du montant souscrit « à chaque fois qu’on achetait une accréditive ».

[200]     En 2007, S.C. n’était pas encore son client, mais ce dernier a communiqué avec lui afin de lui demander s’il devait investir dans Goldenfrank.  Il lui a répondu qu’il s’agissait là d’un bon placement.  Cependant, il n’a appris qu’un an ou un an et demi plus tard la somme que S.C. avait investie dans Goldenfrank.

[201]     Il conseille encore aujourd’hui L.A., LY.A. et S.C.  Par contre, il a peu de contact avec l’intimé.

Le témoignage de Maurice Giroux

[202]     Il est géologue.  Il fait de l’exploration minière depuis 34 ans au Canada et en Afrique.

[203]     Goldenfrank est une compagnie privée qu’il a fondée en 2007.  Cette compagnie a fait l’acquisition de propriétés minières en Afrique.

[204]     L’appel public à l’épargne lancé par Goldenfrank en 2008 n’a pas fonctionné à cause de la conjoncture économique.

[205]     Il connaît l’intimé depuis 2005 ou 2006.

[206]     L’intimé l’a aidé à mettre sur pied la structure de Goldenfrank; l’intimé devait devenir l’un des administrateurs de la compagnie en 2008 mais il s’est « retiré »; il n’a donc jamais été administrateur de cette compagnie.

[207]     La déclaration d’immatriculation (déclaration initiale) du 4 juin 2007 a été produite (D-23).  Seul le nom de ce témoin y est mentionné à titre d’administrateur.  Cependant, le nom de l’intimé y est indiqué à titre de principal dirigeant.  À cet égard, ce témoin a indiqué que l’intimé s’occupait de la « structure » de la compagnie, des questions relatives à la fiscalité et de vérifier si les formulaires de souscription étaient correctement complétés. Le nom de l’intimé y est également indiqué à titre d’actionnaire.

[208]     Une résolution de tous les actionnaires de Goldenfrank prenant effet le 15 juin 2007 fait état de l’élection de trois administrateurs; l’intimé n’y est pas mentionné; il l’a cependant signée à titre d’actionnaire (D-24).

[209]     Ce témoin a mentionné que l’intimé s’était vu attribuer 500 000 actions à 0,05$ en contrepartie des services professionnels qu’il allait rendre à la compagnie.

[210]     Il a également témoigné du fait que l’intimé n’avait jamais agi comme vice-président, chef des finances et trésorier de Goldenfrank.

[211]     Le prospectus provisoire daté du 14 mars 2008 (P-21) et le prospectus de Goldenfrank portant la date du 12 août 2008 (D-17) ont été produits.

[212]     C’est l’intimé qui a proposé le nom de Goldenfrank pour la compagnie.

[213]     S.C. et d’autres personnes ont participé en 2007 au financement initial de Goldenfrank; il s’agissait, dans une première étape, d’amasser suffisamment de capital pour payer les frais relatifs à un appel public à l’épargne.

[214]     Bien que l’intimé ait pu parler à des investisseurs potentiels, son rôle n’était pas d’en trouver.

Le témoignage de l’intimé

[215]     Il n’a rencontré les sœurs L.A. et LY.A. qu’une seule fois, ils ont discuté ensemble d’un prêt levier.  Elles étaient les clientes de Stéphane Valois.

[216]     Il n’a pas rencontré L.A. le 11 juin 2007; il n’a donc pu lui faire souscrire des actions de Goldenfrank.  Il ne lui a pas non plus parlé auparavant d’une souscription d’actions de Goldenfrank.

[217]     Il lui a transmis une facture du 15 juin 2007 au montant de 400$ au sujet de Goldenfrank (P-25). Il ne lui a pas réclamé le paiement d’une commission mais le paiement d’honoraires professionnels taxables (alors que les commissions ne le sont pas).

[218]     Aux termes d’une entente convenue avec Stéphane Valois lorsque celui-ci le consultait au nom d’un client, il facturait directement celui-ci pour les services professionnels rendus; c’est ce qu’il a fait dans le cas de L.A.

[219]     Le chèque de L.A. du 11 juin 2007 (P-28) fait à l’ordre de l’intimé correspond au paiement d’honoraires pour des conseils rendus en matière fiscale et cela en dépit du fait qu’il y soit indiqué « émission d’action » (sic).

[220]     Il facturait ses services professionnels à un taux horaire de 150$.

[221]     Appelé à examiner le formulaire de souscription signé par S.C. le 13 juin 2007 (P-36), il a témoigné qu’il n’avait jamais discuté, conseillé ou fait souscrire à S.C. cet investissement.

[222]     De plus, il n’a su qu’au moment de l’enquête de la plaignante que G.M. avait investi 20 000$ dans Goldenfrank.

[223]     En ce qui a trait au chèque du 20 juin 2007 (P-43) au montant de 400$ que G.M. a fait à l’ordre de « Investment François Simard » et sur lequel est indiqué Goldenfrank, il s’agit du paiement de services professionnels qu’il a rendus à G.M. en matière fiscale.

[224]     Il n’a pu recevoir le chèque de 400$ de G.M. (P-43) en mains propres le 20 juin 2007 car c’était le jour de ses fiançailles.

[225]     Quant au chèque de 20 000$ (P-20) tiré le même jour par G.M. à l’ordre de « Goldenfrank Ressources », il n’en a appris l’existence que lors de l’enquête de la plaignante.

[226]     Au début de l’année 2007, M. Giroux, une personne avec qui il était déjà impliqué dans une autre compagnie, lui a demandé son aide en matière fiscale dans le cadre de la création d’une nouvelle compagnie; il a accepté.

[227]     En juin 2007, il n’était ni vice-président ni chef des finances de cette nouvelle compagnie, Goldenfrank; il agissait simplement à titre de consultant.  Il a payé ses actions de cette compagnie en septembre 2007.

[228]     En dépit de ce qui est indiqué au prospectus provisoire (P-21) de Goldenfrank du 14 mars 2008, il n’a jamais agi à titre de vice-président, de chef des finances, de trésorier et d’administrateur de cette compagnie.  Il avait accepté d’occuper ces fonctions pour rendre service à M. Giroux mais il a par la suite changé d’avis afin de ne pas se placer en conflit d’intérêts.

[229]     À cet égard, deux représentants de l’AMF ont communiqué avec lui après le dépôt du prospectus provisoire de Goldenfrank (P-21) en avril ou en mai 2008 afin de lui indiquer qu’il devait démissionner de son poste d’administrateur au motif qu’à titre de représentant, il se trouvait en conflit d’intérêts; il a alors démissionné.

[230]     Dans le prospectus de Goldenfrank du 12 août 2008 (D-17) son nom n’est pas mentionné au nombre des administrateurs.  Les informations à son sujet dans le « Notice of the annual and special general meeting of shareholders » de Goldenfrank du 20 octobre 2008 (P-22) sont erronées.

[231]     Il a reconnu avoir dit lors d’une entrevue (P-45) à l’enquêteur Larivière de la CSF qu’il avait été administrateur de Goldenfrank et lui avoir écrit (P-48) le 17 juin 2009 qu’il en avait été le vice-président finances en 2007 pour ensuite démissionner en avril 2008; il a toutefois ajouté à l’audience que ces affirmations étaient erronées.

[232]     Il a signé le certificat d’actions de L.A. du 29 juin 2007 (P-29) à la demande de M. Giroux à titre de témoin et non de secrétaire bien que cette mention apparaisse au-dessus de sa signature.  Selon lui, il s’agissait d’un formulaire pré-imprimé sur lequel on retrouvait le mot « secrétaire » mais cela ne reflétait pas la réalité.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

La plaignante

[233]     Selon le procureur de la plaignante, la preuve a révélé qu’en juin 2007, l’intimé était l’un des actionnaires et administrateurs de Goldenfrank; il avait alors un intérêt important dans cette entreprise.

[234]     Il a fait souscrire des actions de cette compagnie à G.M., L.A. et S.C. se plaçant ainsi en conflit d’intérêts.  Le fait que d’autres personnes aient participé à la démarche de souscription ne disculpe pas pour autant l’intimé.

L’intimé

[235]     Selon le procureur de l’intimé, on ne peut prétendre que l’intimé a fait souscrire des actions de Goldenfrank à G.M. car celui-ci n’a signé aucune convention de souscription; c’est S.C. qui a signé P-36.

[236]     L’intimé n’est pas intervenu auprès de L.A., G.M. et S.C. pour leur faire souscrire des actions de Goldenfrank.  La preuve a révélé de façon plus particulière dans le cas de L.A. que Stéphane Valois était son conseiller financier et son « homme de confiance » et que c’est lui qui lui a fait signer le formulaire de souscription d’actions de Goldenfrank et non l’intimé. De plus, L.A. était également conseillée par d’autres personnes.

[237]     Quant à l’implication de l’intimé en juin 2007 dans Goldenfrank, son procureur a référé le comité aux témoignages de M. Giroux et de l’intimé de même qu’aux documents produits et l’a invité à conclure que son client n’était pas administrateur de cette compagnie en juin 2007.  Dans l’hypothèse où le comité concluait que l’intimé a fait souscrire des actions de Goldenfrank à S.C., G.M. et L.A., il ne se serait donc pas placé en conflit d’intérêts.

L’ANALYSE

[238]     Selon les témoignages de S.C., G.M. et L.A., l’intimé leur a fourni des informations détaillées au sujet de Goldenfrank.

[239]     S.C. a discuté d’un investissement dans cette entreprise avec l’intimé.

[240]     S.C. a reconnu sa signature sur le formulaire de souscription du 13 juin 2007 (P-36) et il a précisé que c’est l’intimé qui le lui a soumis. Il a témoigné qu’après l’avoir signé, il a remis ce formulaire de souscription à l’intimé.

[241]     G.M. a accepté la proposition de l’intimé d’investir dans Goldenfrank une somme de 20 000$.  Pour ces services, G.M. a payé 400$ à l’intimé; le chèque (P-43) est fait à l’ordre de « Investment François Simard » et correspond exactement (encore une fois) à 2% de la somme souscrite.

[242]     Le comité est d’avis qu’il s’agit du paiement d’une commission et non du paiement de services professionnels rendus en matière de fiscalité à un taux horaire de 150$; aucun élément de preuve probant ne corrobore d’ailleurs le témoignage de l’intimé à cet égard.

[243]     Ajoutons que les témoignages de S.C. et G.M. quant au fait que la souscription de 20 000$ du second a été ajoutée au formulaire (P-36) sont supportés par les modifications apportées aux chiffres qui y avaient d’abord été indiqués (de 1 000 000 à 1 200 000 actions et de 100 000$ à 120 000$).

[244]     Le fait que G.M. n’ait pas signé son propre formulaire de souscription ou encore que la signature de l’intimé n’apparaît pas sur un formulaire de souscription ne sont pas des éléments déterminants.

[245]     Le comité écrivait ceci dans l’affaire Denis[10] :

« … l’implication de l’intimé dans cette transaction ne fait aucun doute, il en est même l’acteur principal; que son nom ne se retrouve pas sur la proposition initiale ou qu’il n’en assumait pas le suivi ne modifie en rien, les circonstances, la responsabilité qui en découle. Il y a donc lieu d’écarter le moyen soulevé par l’intimé à l’effet qu’il n’a pas signé la proposition et que c’est M. Robert Gagné qui, en réalité, avait le contrôle et assurait le suivi du dossier. »

[246]     Quant à L.A., elle a reçu des conseils et a été amenée à souscrire des actions de Goldenfrank tant par l’intimé que par Stéphane Valois.

[247]     Le comité est d’avis que la participation de Stéphane Valois à la souscription n’a pas pour effet d’écarter celle de l’intimé.  La responsabilité déontologique d’un représentant ne disparaît pas du fait qu’il a travaillé de concert avec une autre personne pour faire souscrire des actions à une cliente.

[248]     M. Valois s’est rendu chez L.A. pour lui faire souscrire des actions de Goldenfrank mais c’est l’intimé qui lui avait fait parvenir les documents de souscription devant être soumis à cette cliente.

[249]     M. Valois n’a pas été rémunéré pour cette transaction alors que l’intimé a été payé 2% de la somme souscrite (comme dans le cas de chacune des transactions).

[250]     La correspondance et l’échange de chèques intervenus entre L.A. et l’intimé confirment ce paiement d’une somme de 400$ pour les « frais d’émission » d’actions de Goldenfrank.

[251]     Devant le comité, l’intimé a nié avoir fait souscrire des actions de Goldenfrank à S.C., G.M. et L.A.  Les témoignages de ces trois personnes sont de l’avis du comité plus crédibles que celui de l’intimé d’autant plus qu’ils prennent appui sur la preuve documentaire.

[252]     L’analyse de la preuve que fait le comité l’amène à conclure que l’intimé a fait souscrire des actions de Goldenfrank à L.A., S.C. et G.M.

[253]     L’intimé agissait-il, en juin 2007, comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur de Goldenfrank et en était-il actionnaire?

[254]     M. Giroux et l’intimé ont témoigné que les éléments contenus dans plusieurs des documents produits étaient erronés en ce qui a trait à l’implication de l’intimé dans Goldenfrank.

[255]     Le comité accorde un poids plus grand à la preuve contenue dans des documents destinés à des tiers qu’aux témoignages rendus, après coup, à l’audience par M. Giroux et l’intimé, deux partenaires d’affaires de longue date.

[256]     Sur la déclaration d’immatriculation initiale (D-23) du 4 juin 2007 rédigée aux termes de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, le nom de l’intimé apparaît à côté de la mention « PD : Principal Dirigeant ».  Son nom est également indiqué comme actionnaire avec celui de Maurice Giroux.

[257]     Sur le prospectus provisoire (P-21) du 14 mars 2008, document sur lequel il est indiqué qu’il a été déposé auprès des autorités en valeurs mobilières de plusieurs provinces dont le Québec, on y lit qu’en 2007 l’intimé occupait les fonctions de vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur de Goldenfrank; le nom de l’intimé y apparaît comme actionnaire et comme signataire du document à titre de vice-président et de chef des finances.

[258]     Au prospectus du 12 août 2008 (D-17), document rédigé dans le cadre d’un premier appel public à l’épargne, l’intimé est décrit comme ancien vice-président, chef des finances et trésorier.

[259]     À cet égard, l’intimé a d’ailleurs témoigné qu’il avait démissionné de son poste d’administrateur de Goldenfrank à la demande d’un représentant de l’AMF en avril ou en mai 2008 (à la suite du dépôt du prospectus provisoire) pour motif de conflit d’intérêts.

[260]     Il a également tenu des propos de même nature à M. Larivière de la CSF dans le cadre de l’enquête qui a mené au dépôt de la plainte.

[261]     Dans la lettre du 17 juin 2009 qu’il a transmise à M. Larivière (P-48), l’intimé a reconnu avoir été nommé vice-président finances de Goldenfrank vers le mois d’avril 2007 et avoir démissionné en avril 2008. 

[262]     Tous ces éléments convergent et le comité ne peut conclure, comme l’y invitent M. Giroux et l’intimé, qu’il s’agit d’informations erronées.

[263]     Le comité conclut donc que l’intimé a agi, en juin 2007, comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur de Goldenfrank et qu’il en était également actionnaire.  Compte tenu de son implication importante dans Goldenfrank, il s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire des actions de cette compagnie à S.C., G.M. et L.A.

[264]     En agissant ainsi, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté, loyauté et professionnalisme; il n’a pas mené ses activités professionnelles de manière responsable avec respect et intégrité; et les méthodes de sollicitation et de conduite des affaires de l’intimé n’ont pas été de nature à inspirer au public le respect et la confiance.

[265]     L’intimé sera donc reconnu coupable d’avoir contrevenu aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 3, 5 et 15 de la plainte CD00-0835.

QUANT AU CHEF D’INFRACTION ÉNONCÉ AU PARAGRAPHE 18 DE LA PLAINTE CD00-0835 (AVOIR FOURNI, LE 14 MARS 2008, DE FAUSSES INFORMATIONS QUANT À SON NIVEAU DE COMPÉTENCE EN REPRÉSENTANT DÉTENIR UNE MAITRISE EN FISCALITÉ SUR LE PROSPECTUS DE GOLDENFRANK)

LA PREUVE

[266]     Au prospectus provisoire (P-21) du 14 mars 2008, il est indiqué en regard du nom de l’intimé ce qui suit : « En 2001, il a obtenu sa maîtrise en fiscalité de l’Université de Sherbrooke. »

[267]     Cette information est fausse.

[268]     M. Giroux a témoigné que les avocats qui ont rédigé ce prospectus provisoire avaient obtenu cette information de l’intimé lui-même.

[269]     Il a également indiqué que ce prospectus provisoire avait été approuvé par les administrateurs de Goldenfrank; il a reconnu que le nom de l’intimé apparaissait au nombre des administrateurs.

[270]     Il a également indiqué que ce prospectus provisoire (P-21) avait été soumis à l’AMF.

L’ANALYSE

[271]     L’intimé a fourni une information fausse aux avocats qui ont rédigé le prospectus provisoire et il en a ensuite approuvé le contenu à titre d’administrateur avant qu’il ne soit transmis à l’AMF, un organisme public.

[272]     Que cette mention erronée soit inscrite au prospectus provisoire (plutôt qu’au prospectus définitif) n’enlève rien au fait que l’intimé ne pouvait fournir ainsi une information fausse.

[273]     L’intimé sera reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières en ce qu’il ne s’est pas abstenu de faire une fausse déclaration quant à son niveau de compétence.

[274]     Il sera cependant acquitté de l’infraction reprochée en regard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers; le comité ne peut conclure qu’en agissant ainsi l’intimé a fait défaut d’agir avec honnêteté, loyauté, compétence ou professionnalisme avec ses clients.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3 et 5 de la plainte CD00-0807;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18 (en ce qui a trait à l’article 18 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières) de la plainte CD00-0835;

ACQUITTE l’intimé des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 2, 4, 6 et 7 de la plainte CD00-0807;

ACQUITTE l’intimé de l’infraction d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers énoncée au paragraphe 18 de la plainte CD00-0835;

CONVOQUE les parties à une audience sur sanction avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline.

 

 

 

(s) Sylvain Généreux

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Benoît Bergeron

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) BGilles Lacroix

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Éric Cantin

Bélanger Longtin, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

De Chantal, D’Amour, Fortier, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

16, 17, 18, 25 et 26 mai 2011

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0807 et CD00-0835

 

DATE :

14 décembre 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin

Membre

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FRANÇOIS SIMARD, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier (numéro de certificat 130928 et numéro BDNI 1535191)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RECTIFICATIVE SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[275]     Par inadvertance une erreur d’écriture s’est glissée à deux endroits dans la rédaction de la décision sur sanction du 26 novembre 2012.

[276]     Au paragraphe 56, les mots « paragraphe 5 : une réprimande » n’auraient pas dû apparaître vu la sanction de radiation temporaire de six mois mentionnée au paragraphe 36 de la décision et dans le dispositif en regard du paragraphe 5 de la plainte CD00-0835.

[277]     Pour les mêmes raisons, le chiffre 5 n’aurait pas dû apparaître au dispositif dans la conclusion « IMPOSE à l’intimé des réprimandes en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14 et 17 de la plainte CD00-0835 ».

EN CONSÉQUENCE, LE COMITÉ :

RECTIFIE la décision sur sanction du 26 novembre 2012 afin de rayer les mots « paragraphe 5 : une réprimande » au paragraphe 56 et le chiffre 5 dans la conclusion suivante du dispositif « IMPOSE à l’intimé des réprimandes en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14 et 17 de la plainte CD00-0835 ».

 

 

 

(s) Sylvain Généreux

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Benoît Bergeron

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) BGilles Lacroix

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0807 et CD00-0835

 

DATE :

26 novembre 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin

Membre

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FRANÇOIS SIMARD, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier (numéro de certificat 130928 et numéro BDNI 1535191)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

I - Les procédures et le déroulement de l’audience sur sanction

[1]   Par décision du 16 février 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a reconnu l’intimé coupable de certains chefs d’infraction énoncés aux plaintes portées dans les dossiers CD00-0807 et CD00-0835.

[2]   L’audience sur sanction a eu lieu le 4 juillet 2012 au bureau de la Chambre de la sécurité financière, situé au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal.

[3]   La plaignante était alors représentée par Me Sylvie Poirier et l’intimé par Me Martin Courville.

[4]   Les parties ont produit de consentement certaines pièces et les faits suivants ont fait l’objet d’admissions :

-            l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires;

-            au cours de l’année 2008, l’intimé a modifié le modèle de facture utilisée afin de biffer la mention qu’il détenait le titre de CGA; il a produit la pièce SI-2 à ce sujet;

-            en juin 2011, après l’audience sur culpabilité, l’intimé a fait le nécessaire pour que le site Web sur lequel il était indiqué qu’il détenait une maîtrise en fiscalité soit modifié; il a produit la pièce SI-1.

[5]   À l’audience, le comité a requis des parties des notes quant aux pertes financières que pourraient avoir subies les clients Immeubles Luc Brisson inc. (Immeubles Luc Brisson) et G.M. comme conséquence des fautes dont l’intimé a été reconnu coupable. Après avoir reçu les communications des deux parties, le comité a pris le dossier en délibéré le 24 juillet 2012.

II – Les infractions relatives au fait d’avoir fait souscrire des placements à des clients alors que l’intimé n’était pas autorisé en vertu de sa certification (paragraphes 1 et 3 de la plainte CD00-0807 et 2 de la plainte CD00-0835)

Les représentations des parties

[6]   La plaignante a recommandé au comité d’imposer à l’intimé des sanctions de radiation temporaire de trois ans (à être purgées concurremment) pour chacune des infractions énoncées à ces paragraphes. L’intimé a plutôt suggéré au comité de le condamner à payer trois amendes de 2 000 $.

[7]   La plaignante a notamment soumis les éléments suivants :

-            les infractions dont l’intimé a été reconnu coupable sont objectivement graves;

-            l’intimé a, en toute connaissance de cause et de façon préméditée, laissé entendre à ses deux clients qu’il avait compétence pour les faire souscrire à ce type de placement;

-            par le paiement des commissions, il a profité des infractions commises;

-            l’intimé est un représentant expérimenté;

-            les deux clients ont perdu des sommes importantes pour lesquelles ils ne pourront être indemnisés;

-            l’intimé n’a pas manifesté de remords ni la volonté de s’amender.

[8]   Elle a référé le comité aux décisions rendues dans les affaires D’Amore, Tessier et Dracontaidis[11].

[9]   L’intimé a, pour l’essentiel, soumis ce qui suit :

-            l’objectif visé par l’imposition d’une sanction n’est pas de punir le professionnel mais de protéger le public;

-            si l’intimé est radié pendant trois ans, il ne pourra desservir sa clientèle et cela équivaudra pour lui à une radiation permanente;

-            G.M. n’a pas subi de préjudice financier;

-            l’intimé n’était pas animé d’une intention malveillante;

-            les infractions ont été commises à l’égard de deux clients seulement et ceux-ci avaient de l’expérience en matière de placement;

[10]        Il a de plus insisté sur les principes rappelés par la Cour du Québec dans l’affaire Martel[12] au chapitre de la gradation, de l’individualisation et de la globalité des sanctions.

L’analyse

[11]        Aux yeux du comité, ces infractions sont d’une gravité objective certaine; elles vont au cœur même de l’exercice de la profession. En agissant comme il l’a fait, l’intimé a laissé entendre à ses clients qu’il avait la compétence pour les faire souscrire à ces placements alors qu’il savait ou devait savoir, vu ses nombreuses années d’expérience à titre de représentant, qu’il n’avait pas la certification requise pour le faire. Ses clients n’ont donc pu profiter des conseils d’un professionnel autorisé à agir.

[12]        À juste titre, ce type de conduite a été sanctionné de façon sévère dans le passé; il le sera également dans le présent dossier.

[13]        Le comité est convaincu qu’une période de radiation temporaire doit être imposée à l’intimé; la condamnation au paiement des amendes proposée par l’intimé ne serait pas une sanction de nature à assurer la protection du public de façon adéquate.

[14]        Le comité a examiné les décisions D’Amore, Tessier et Dracontaidis soumises par la plaignante au soutien de sa recommandation d’une radiation temporaire de trois ans.

[15]        Dans ces décisions, les représentants n’avaient pas d’antécédents disciplinaires, les pertes financières subies par les clients ont été dans certains cas considérables (D’Amore : 221 000 $, Tessier environ 100 000 $); certains clients n’avaient peu ou pas de connaissances dans le domaine du placement et étaient vulnérables (Tessier), certaines des infractions ont été commises sur une longue période de temps (D’Amore : huit ans) dans un cas le représentant avait fait miroiter un taux de rendement élevé (Tessier : 30 % annuellement); certains représentants étaient impliqués ou avaient des liens avec les entreprises dans lesquelles ils avaient fait souscrire des placements à leurs clients (Dracontaidis et D’Amore).

[16]        La gravité objective des infractions commises et les facteurs énoncés ci-haut ont amené le comité à ordonner la radiation de chacun de ces représentants pour une période de trois ans.

[17]        Dans le présent dossier, la preuve a révélé que M. Luc Brisson (M. Brisson) avait un compte chez Disnat depuis plus de vingt ans, qu’il faisait des transactions sur ce compte sans l’aide d’un intermédiaire depuis plusieurs années et qu’il avait déjà acheté dans le passé des actions de Ressources Antoro inc. (Antoro) et de Corporation Big Red Diamond (Big Red Diamond).

[18]        Le comité ne peut qualifier M. Brisson de client inexpérimenté et vulnérable.

[19]        La preuve a d’autre part révélé que M. Brisson n’a jamais obtenu les certificats d’action qu’il a souscrits ni récupéré les montants investis (7 850 $ et 10 000 $)[13].

[20]        L’intimé a pour sa part touché des « commissions » de 150 $ et 200 $.

[21]        La preuve a également révélé que l’intimé avait rendu certains services professionnels à Big Red Diamond et qu’il avait été payé pour ses services; la preuve n’a cependant pas révélé qu’il avait rendu des services professionnels à Antoro.

[22]        L’intimé a de plus été reconnu coupable d’avoir fait souscrire à G.M. une convention de prêt d’environ 100 000 $ avec Corporation minière Rocmec (Rocmec).

[23]        L’intimé a expliqué à G.M. ce qu’était un « gold loan » (« prêt d’or ») et afin d’amener G.M. à donner son consentement à un tel investissement, il lui a prêté 50 000 $. Les explications fournies par l’intimé à G.M. et le prêt qu’il lui a consenti ont grandement contribué à ce que ce client décide de souscrire à ce type de placement sophistiqué.

[24]        De plus, le nom de Investissements François Simard apparaît à titre de mandataire sur le prêt (« gold loan ») intervenu entre Rocmec et G.M. L’intimé a admis qu’il était l’inventeur du « gold loan » et qu’il avait conçu la mécanique utilisée par Rocmec et prévue au contrat.

[25]        G.M. a cependant été remboursée d’une partie importante de la somme prêtée[14].

[26]        L’intimé, un représentant d’expérience, n’a pas d’antécédents disciplinaires. Ce dernier n’ayant pas témoigné lors de l’audience sur sanction, ce sera là le seul facteur atténuant dont le comité tiendra compte.

[27]        En ce qui a trait aux chefs d’infraction relatifs à Immeubles Brisson, le comité ne donnera pas suite à la recommandation de la plaignante et n’imposera pas à l’intimé une radiation temporaire de trois ans. Il est d’avis que la gravité de l’ensemble des éléments entourant les chefs d’infraction dont l’intimé a été reconnu coupable est moins grande que dans les affaires D’amore, Tessier et Dracontaidis.

[28]        En dépit de la gravité objective indéniable des infractions commises, les sommes d’argent qui ont fait l’objet des placements et qui n’ont pas été récupérées (17 850 $) sont beaucoup moins importantes; la preuve n’a pas été faite que ces montants représentaient tous les avoirs de Immeubles Brisson ou, par extension, de son actionnaire M. Brisson; l’intimé ne s’est enrichi que de 350 $ (par le paiement de « commissions »); M. Brisson n’est pas apparu au comité comme étant un néophyte de ce genre de transactions et bien que l’intimé ait rendu des services professionnels à Big Red Diamond, la preuve n’a pas révélé qu’il était impliqué dans cette compagnie ou encore dans Antoro; finalement, les infractions dont l’intimé a été reconnu coupable ont été commises dans la même semaine.

[29]        En tenant compte de l’ensemble de ces éléments, le comité imposera à l’intimé une période de radiation temporaire d’un an pour les infractions énoncées aux paragraphes 1 et 3 de la plainte CD00-0807; ces deux sanctions de radiation devant être purgées concurremment.

[30]        En ce qui a trait à l’infraction commise à l’égard de G.M., le comité est d’avis que les impératifs de dissuasion et d’exemplarité requièrent, pour assurer la protection du public, une radiation temporaire d’une plus longue durée.

[31]        Il ressort de l’ensemble de la preuve que G.M. n’avait pas de connaissance particulière de ce genre de placement; l’intimé lui a non seulement fourni les explications pour l’amener à investir dans Rocmec mais il lui a prêté 50 000 $ afin que la transaction puisse se matérialiser; l’intimé était au centre de toute l’opération à titre de mandataire et d’inventeur du concept de « gold loan » et de la mécanique prévue au contrat. Il s’agit là de faits aggravants dont le comité tiendra compte. Le fait que l’intimé n’ait pas d’antécédents disciplinaires et que G.M. ait récupéré une partie importante de son capital ne suffit pas à amener le comité à s’écarter de la recommandation formulée par la plaignante et des précédents qu’elle a soumis. Le comité ordonnera donc la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois ans.

III – LES INFRACTIONS RELATIVES AU CONFLIT D’INTÉRÊTS (paragraphes 1, 3, 5 et 15 de la plainte CD00-0835)

Les représentations des parties

[32]        Mettant de l’avant, pour l’essentiel, les mêmes arguments que ceux énoncés à la section II de la présente décision quant à la gravité objective et aux facteurs aggravants et atténuants devant être considérés, la plaignante a recommandé au comité d’imposer à l’intimé des sanctions de radiation temporaire de six mois à être purgées concurremment. Elle a référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Greeley et Wishnousky[15]. L’intimé a lui aussi fait valoir les mêmes éléments que ceux invoqués à la section II de la présente décision et a proposé 2 000 $ d’amende pour chacun des paragraphes 1, 3, 5 et 15.

L’analyse

[33]        L’intimé a été reconnu coupable de s’être placé en situation de conflit d’intérêts en prêtant à G.M. une somme d’environ 50 000 $ aux fins d’investissement dans une société pour laquelle il agissait comme mandataire. L’intimé a de plus été reconnu coupable de s’être placé dans une situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire à G.M., L.A. et S.C. des actions de Ressources Goldenfrank inc. pour des sommes d’environ 20 000 $ pour deux de ses clients et de 120 000 $ pour l’autre alors qu’il agissait comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur de cette compagnie et qu’il en était lui-même actionnaire.

[34]        Compte tenu du rôle que doit jouer un représentant, des obligations d’honnêteté, d’intégrité et de loyauté qui lui sont imposées et de la confiance que lui vouent ses clients, il ne peut se placer ainsi en conflit entre les intérêts de ses clients et ceux de la compagnie pour laquelle il agit ou dont il est actionnaire.

[35]        Les infractions commises vont également ici au cœur de l’exercice de la profession et le montant prêté à G.M. et souscrit par G.M., L.A. et S.C. sont importants.

[36]        Le comité est d’avis que la condamnation au paiement d’amendes n’est pas, dans les circonstances du présent dossier, une sanction suffisamment dissuasive et exemplaire; la protection du public requiert l’imposition de sanctions de radiation temporaire. Le comité retiendra la recommandation de la plaignante et imposera à l’intimé pour chacun de ces paragraphes 1, 3, 5 et 15 des périodes de radiation temporaire de six mois à être purgées concurremment.

IV – lES CHefs d’infraction relatifs aux fausses informations quant au niveau de compétence (les chefs d’infraction contenus au paragraphe 5 de la plainte CD00-0807 (avoir fourni, depuis le 4 septembre 2008, de fausses informations quant à son niveau de compétence sur un site Web en représentant détenir une maitrise en fiscalité); (les chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 de la plainte CD00-0835 (avoir fourni sur des lettres adressées à L.A., LY.A. et S.C. de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant détenir le titre de CGA); (le chef d’infraction énoncé au paragraphe 18 de la plainte CD00-0835 (avoir fourni le 14 mars 2008, de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant détenir une maitrise en fiscalité sur un prospectus)).

[37]        L’intimé a ainsi été reconnu coupable d’avoir fourni à plusieurs personnes et en plusieurs occasions de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant détenir une maitrise en fiscalité et le titre de CGA.

[38]        La plaignante recommande au comité de condamner l’intimé à payer des amendes de 3 000 $ par infraction (pour un total de 42 000 $); l’intimé suggère plutôt 2 000 $ d’amende en ce qui a trait au paragraphe 4 de la plainte CD00-0835 et des réprimandes quant aux autres paragraphes. La plaignante a référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Fortin et Binet[16].

[39]        Le comité est d’avis que les fautes dont l’intimé a été reconnu coupable sont objectivement graves : un représentant ne doit jamais fournir à ses clients actuels et potentiels de fausses informations quant à son niveau de compétence. Il doit également s’assurer que les informations communiquées en regard de son niveau de compétence sur un site Web ou dans un prospectus sont justes.

[40]        Cela dit, examinons maintenant les facteurs atténuants et aggravants mis en preuve.

[41]        L’intimé n’a jamais été sanctionné dans le passé par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière. Cependant, devant le comité de discipline de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec, il a admis sa culpabilité en regard de l’infraction suivante :

« 3. Le 10 novembre 1996 et le 1er février 1997, à Anjou, dans le cadre de l’exécution d’un mandat pour son client, Monsieur Marc Malo, l’intimé a fait de fausses représentations quant à son niveau de compétence en prétendant détenir les qualifications d’un Planificateur financier certifié (P.F.C.) (10 novembre 1996), alors qu’il n’est enregistré auprès de l’Ordre des administrateurs agréés à titre de planificateur financier (P.F.) que depuis le 19 mai 1998 sans toutefois détenir les qualifications d’un P.F.C., et en prétendant faussement détenir une maîtrise en fiscalité (1er février 1997),

Le tout contrairement aux articles 58 et 59.2 du Code des professions (L.R.Q. c. C-26) et à l’article 3.02.02 du Code de déontologie des administrateurs agréés (R.R.Q. 1981, c. C-26, r. 10 et ses modifications); »

[42]        Cette décision est un fait dont le comité tiendra compte. Vu l’infraction en regard de laquelle l’intimé a reconnu sa culpabilité en 1999, il se devait, à titre de membre d’un regroupement de professionnels réglementé, de ne pas commettre par la suite d’infractions de même nature; il devait être d’autant plus prudent lorsqu’il fournissait des informations à des clients quant à son niveau de compétence (sur les factures transmises à ses clients) ou lorsqu’il permettait à d’autres d’en fournir (les informations contenues à son sujet sur un site Web administré par un ami et sur un prospectus); il ne l’a pas été.

[43]        Le comité ne peut donc conclure que tout risque de récidive est écarté.

[44]        Les infractions dont l’intimé a été reconnu coupable ont été commises à plusieurs reprises et pendant une longue période de temps.

[45]        Ainsi, il a été indiqué sur le site Web www.123gofinance.com à compter du 4 septembre 2008 que l’intimé détenait une maitrise en fiscalité. Cependant, lors de l’audience sur sanction, la preuve a été faite qu’après l’audience sur culpabilité, l’intimé a fait le nécessaire, en juin 2011, pour que ce site Web soit corrigé.

[46]        L’intimé a été reconnu coupable d’avoir fourni de fausses informations quant à son niveau de compétence en représentant sur des factures adressées à trois clients détenir le titre de CGA.

[47]        Il a commis une telle faute six fois à l’égard de LY.A. entre le 30 septembre 2004 et le 30 novembre 2007; quatre fois à l’égard de L.A. entre le 15 février et le 30 novembre 2007 et deux fois à l’égard de S.C. le 15 décembre 2006.

[48]        Cependant, lors de l’audience sur sanction, il a été mis en preuve que l’intimé avait modifié l’en-tête de ses factures en 2008.

[49]        De plus, la preuve n’a pas révélé que ces trois clients avaient retenu les services professionnels de l’intimé au motif qu’ils croyaient qu’il était CGA.

[50]        La preuve n’a pas non plus révélé que ces trois clients ou d’autres personnes avaient fait affaire avec l’intimé au motif qu’ils croyaient qu’il détenait une maitrise en fiscalité.

[51]        En ce qui a trait à la mention sur le prospectus provisoire du 14 mars 2008 de Ressources Goldenfrank inc. à l’effet que l’intimé détenait une maitrise en fiscalité, elle a été corrigée sur le prospectus du 12 août 2008.

[52]        En ayant à l’esprit le principe de la globalité (ou de la totalité) des sanctions, le comité ne condamnera pas l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ pour chacune des infractions dont il a été reconnu coupable comme l’y invite la plaignante.

[53]        La condamnation au paiement d’une amende de 3 000 $ pour chacun des chefs d’infraction, pris individuellement, peut paraître une sanction juste, proportionnée et appropriée.

[54]        Cependant, le total des amendes qui seraient alors imposées constituerait, aux yeux du comité, une sanction punitive et accablante (alors qu’en droit disciplinaire on doit chercher à protéger le public plutôt qu’à punir le professionnel)[17].

[55]        Le comité ne croit pas que le montant total d’amendes auquel l’intimé doit être condamné doit être déterminé (de façon mathématique) par le nombre de lettres (il s’agit en fait de factures) dont la plainte fait état et qui ont été produites à l’audience. Le comité a plutôt cherché à déterminer la sanction appropriée et juste en tenant compte, d’une part, du grand nombre de factures transmises, de la période de temps au cours de laquelle les infractions ont été commises tout en ayant à l’esprit, d’autre part, les principes de « sentencing » propres au droit disciplinaire dont la globalité des sanctions, l’effet dissuasif et l’exemplarité.

[56]        En tenant compte de l’ensemble de ces éléments, le comité imposera à l’intimé les sanctions suivantes :

pour ce qui est de la plainte CD00-0835,

        en ce qui a trait aux chefs d’infraction relatifs à L.A. 

paragraphe 4 :

une amende de 3 000 $

paragraphe 5 :

une réprimande

paragraphe 6 :

une réprimande

paragraphe 7 :

une réprimande

paragraphe 8 :

une réprimande

        en ce qui a trait aux chefs d’infraction relatifs à LY.A.

paragraphe 9 :

une amende de 3 000 $

paragraphe 10 :

une réprimande

paragraphe 11 :

une réprimande

paragraphe 12 :

une réprimande

paragraphe 13 :

une réprimande

paragraphe 14 :

une réprimande

        en ce qui a trait aux chefs d’infraction relatifs à S.C.

paragraphe 16 :

une amende de 3 000 $

paragraphe 17 :

une réprimande

[57]        Quant aux paragraphes 5 de la plainte CD00-0807 (avoir représenté détenir une maitrise en fiscalité sur un site Web) et 18 de la plainte CD00-0835 (avoir représenté détenir une maitrise en fiscalité sur un prospectus), le comité, en tenant compte des éléments et principes mentionnés précédemment, condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ en ce qui a trait au paragraphe 5 et 2 000 $ quant au paragraphe 18.

[58]        Le total des amendes imposées sera donc de 14 000 $.

V – La publication d’un avis de la décision

[59]        Dans l’hypothèse où le comité concluait à l’opportunité de lui imposer une période de radiation temporaire et de faire publier un avis de cette décision dans un journal aux termes de l’article 156 du Code des professions, l’intimé a demandé au comité d’ordonner que cet avis soit publié dans le journal Le Devoir.

[60]        Tel qu’indiqué précédemment, le comité imposera à l’intimé des périodes de radiation temporaire de six mois, d’un an et de trois ans (qui seront purgées concurremment).

[61]        La nature des infractions dont l’intimé a été reconnu coupable et l’importance des sanctions de radiation temporaire imposées amèneront le comité à ordonner la publication d’un avis de cette décision dans un journal.

[62]        L’article 156 du Code des professions prévoit notamment que :

« Le secrétaire du conseil choisit le journal le plus susceptible d’être lu par la clientèle du professionnel. »

[63]        Le choix du journal appartient au secrétaire (et non au comité) dès lors que le comité décide qu’un avis de la décision doit être publié.

VI – Les déboursés

[64]        L’intimé a recommandé au comité de ne le condamner qu’au paiement d’une partie des déboursés en tenant compte du fait qu’il a été acquitté de certains chefs d’infraction; il propose en fait que la portion des déboursés à laquelle il sera condamné corresponde au pro rata des paragraphes de la plainte dont il a été reconnu coupable et de ceux dont il a été acquitté.

[65]        La plaignante a indiqué au comité qu’elle était d’accord avec cette recommandation.

[66]        Le comité est d’avis, dans les circonstances, que cette recommandation est justifiée; elle sera donc retenue.

[67]        Le comité condamnera donc l’intimé au paiement de 80 % des déboursés et la plaignante à 20 %.

VII – Le délai pour payer

[68]        L’intimé a demandé à ce qu’un délai d’un an lui soit accordé pour payer les amendes et les déboursés auxquels il pourrait être condamné. Comme l’a souligné la plaignante, l’intimé n’a pas fait la preuve d’éléments particuliers relatifs à sa situation financière justifiant que le comité lui accorde un délai différent de celui prévu au Code des professions. Le comité n’accordera donc pas la demande de l’intimé.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE à l’égard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 et 3 de la plainte CD00-0807, la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un an;

ORDONNE à l’égard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 2 de la plainte CD00-0835, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois ans;

ORDONNE à l’égard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3, 5 et 15 de la plainte CD00-0835, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois;

ORDONNE que toutes ces périodes soient purgées de façon concurrente;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 4 de la plainte CD00-0835;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 9 de la plainte CD00-0835;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 16 de la plainte CD00-0835;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 18 de la plainte CD00-0835;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 5 de la plainte CD00-0807;

IMPOSE à l’intimé des réprimandes en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14 et 17 de la plainte CD00-0835;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier conformément à ce qui est prévu à l’article 156 du Code des professions, aux frais de l’intimé, un avis dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimé au paiement de 80 % des déboursés (autres que les frais de publication d’un avis dans un journal) prévus à l’article 151 du Code des professions;

CONDAMNE la plaignante au paiement de 20 % des déboursés (autres que les frais de publication d’un avis dans un journal) prévus à l’article 151 du Code des professions;

 

 

 

(s) Sylvain Généreux

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Benoit Bergeron

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) BGilles Lacroix

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

Bélanger Longtin, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

De Chantal, D’Amour, Fortier, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

4 juillet 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Pour faciliter la lecture, le comité décrit de façon sommaire ici et à d’autres endroits dans la décision les chefs d’infraction reprochés; le texte complet de chacun des chefs d’infraction est reproduit dans les premières pages de la décision.

[2] Dans les divers documents en preuve, on retrouve la raison sociale sous laquelle opérait l’intimé écrite parfois « Investissements François Simard » et parfois « Investissement François Simard ».

[3] Desjardins c. AMF 2011 QCCA 897.

[4] Psychologues c. Fortin, 2004 QCTP 1.

[5] Vanier c. Médecins, 2008 QCTP 134.

[6] Psychologues c. Fernandez De Sierra 2005 QCTP 134.

[7] Précis de la preuve, Léo Ducharme, Wilson et Lafleur, 6e édition, 2005 nos. 1416 à 1418.

[8] Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729.

[9] Suivant le témoignage de l’intimé, au regard des lois fiscales, le « gold loan » peut générer un gain en capital plutôt que des intérêts ou des dividendes ce qui peut conférer au prêteur un avantage fiscal.

[10] CSF c. Denis, 2003 CanLII 57165.

[11] Thibault c. D’Amore, CD00-0739, 9 juillet 2010, 3 mars 2011; Thibault c. Tessier, CD00-0762, 19 janvier 2010, 24 août 2010; Champagne c. Dracontaidis, CD00-0814, 29 avril 2011.

[12] Martel c. Chambre de la sécurité financière, 2012 QCCQ 90.

[13] Notes sténographiques du 17 mai 2011, pages 48, 49, 58, 59 et 60; pièce P-41.

[14] Notes sténographiques du 17 mai 2011, pages 94 à 97, 149, 153 et 154.

[15] Thibault c. Greeley, CD00-0675, 27 mars 2008; Rioux c. Wishnousky, CD00-0577, 6 mars 2006.

[16] Champagne c. Fortin, CD00-0796, 15 décembre 2010; Rioux c. Binet, CD00-0623, 4 juin 2007, 20 février 2008.

[17] Kenny c. Baril (Dentistes), Tribunal des professions AZ-93041056.

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