Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0764

 

DATE :

6 novembre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre

M. Marcel Cabana

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. FRANÇOIS JARRY, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 31 août 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE SES CLIENTS ANNE LOISELLE ET ALAIN PAGÉ

1.          À Mascouche, depuis au moins le 1 octobre 1999, l’intimé FRANÇOIS JARRY, alors qu’il effectuait des transactions au nom ses clients, Anne Loiselle et Alain Pagé, a fait défaut de s’efforcer, de façon diligente et professionnelle, de connaître la situation financière et personnelle et les objectifs de placement de ses clients et de procéder à la mise à jour de l’analyse de ces renseignements avant de procéder à des transactions et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01) ;

2.          À Laval, aux dates énumérées ci-dessous, l’intimé FRANÇOIS JARRY a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de ses clients, Anne Loiselle et Alain Pagé, contrevenant ainsi aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01) :

i)    Le ou vers le 18 août 2005, sur un formulaire «Autorisation de transfert de placements enregistrés» ;

ii)   Le ou vers le 24 août 2005, sur un formulaire «Autorisation de transfert de placements enregistrés»;

iii)   Le ou vers le 3 janvier 2006, sur un formulaire «Autorisation de transfert de placements enregistrés»;

iv)  Le ou vers le 24 avril 2006, sur un formulaire «Autorisation de transfert de placements enregistrés»;

v)   Le ou vers le 3 janvier 2007, sur un formulaire «Autorisation de transfert de placements enregistrés»;

3.          À Laval, aux dates énumérés ci-dessous, l’intimé FRANÇOIS JARRY a effectué des transactions à l’insu de ses clients, Anne Loiselle et Alain Pagé, contrevenant ainsi aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01) :

i)    Le ou vers le 18 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 500253042 auprès de Transamerica vers le compte 004048310i auprès de Empire Vie;

ii)   Le ou vers le 24 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 500253059 auprès de Transamerica vers le compte 3024391i auprès de Empire Vie;

iii)   Le ou vers le 24 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 3024391i auprès de Empire Vie  vers un compte de la Sun Life détenu par le client;

iv)  Le ou vers le 24 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59568204 auprès de Sun Life vers le compte 888205328 auprès de Empire Vie;

v)   Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 48996219 auprès de Sun Life vers le compte 004048310i auprès de Empire Vie;

vi)  Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 48996219 auprès de Sun Life vers le compte 882668266 auprès de Empire Vie;

vii) Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 49107253 auprès de Sun Life vers le compte 897019701 auprès de Empire Vie;

viii) Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59653477 auprès de Sun Life vers un compte de Empire Vie détenu par le client;

ix)  Le ou vers le 24 avril 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59568204 auprès de Sun Life vers le compte 888205328 auprès de Empire Vie;

x)   Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 49107253 auprès de Sun Life vers le compte 897019701 auprès de Empire Vie;

xi)  Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 48996219 auprès de Sun Life vers le compte 882668266 auprès de Empire Vie;

xii) Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59653477 auprès de Sun Life vers le compte 882668266 auprès de Empire Vie;

xiii) Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59568204 auprès de Sun Life vers le compte 888205328 auprès de Empire Vie; »

[2]           D'entrée de jeu, le procureur de la plaignante fut autorisé à amender les chefs 1 et 3 de la plainte pour que ceux-ci se lisent dorénavant comme suit :

Chef numéro 1 :

« 1. À Mascouche, depuis au moins le 1 octobre 1999, l’intimé FRANÇOIS JARRY, alors qu’il effectuait des transactions au nom ses clients, Anne Loiselle et Alain Pagé, a fait défaut de s’efforcer, de façon diligente et professionnelle, de connaître la situation financière et personnelle et les objectifs de placement de ses clients et de procéder à la mise à jour de l’analyse de ces renseignements avant de procéder à des transactions  de consigner par écrit la situation financière et personnelle et les objectifs de placement de ses clients et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), (…) à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01) et à l'article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants (c.D-9.2, r.1.3); »

Chef numéro 3 :

« 3. À Laval, aux dates énumérés ci-dessous, l’intimé FRANÇOIS JARRY a effectué des transactions à l’insu de ses clients, Anne Loiselle et Alain Pagé, contrevenant ainsi aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01) :

i)             Le ou vers le 18 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 500253042 auprès de Transamerica vers le compte 004048310i auprès de Empire Vie;

ii)            Le ou vers le 24 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 500253059 auprès de Transamerica vers le compte 3024391i auprès de Empire Vie;

iii)           Le ou vers le 24 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 3024391i auprès de Empire Vie  vers un compte de la Sun Life détenu par le client;

iv)           Le ou vers le 24 août 2005, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59568204 auprès de Sun Life vers le compte 888205328 auprès de Empire Vie;

v)            Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 48996219 auprès de Sun Life vers le compte 004048310i auprès de Empire Vie;

vi)           Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 48996219 auprès de Sun Life vers le compte 882668266 auprès de Empire Vie;

vii)         Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 49107253 auprès de Sun Life vers le compte 897019701 auprès de Empire Vie;

viii)        Le ou vers le 3 janvier 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59653477 auprès de Sun Life vers un compte de Empire Vie détenu par le client;

ix)           Le ou vers le 24 avril 2006, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59568204 auprès de Sun Life vers le compte 888205328 auprès de Empire Vie;

x)            Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 49107253 auprès de Sun Life vers le compte 897019701 auprès de Empire Vie;

xi)           Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 48996219 auprès de Sun Life vers le compte 882668266 auprès de Empire Vie;

xii)         Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59653477 auprès de Sun Life vers le compte 882668266 auprès de Empire Vie;

xiii)        Le ou vers le 3 janvier 2007, en effectuant un transfert des fonds provenant du compte portant le numéro 59568204 auprès de Sun Life vers le compte 888205328 auprès de Empire Vie; »

[3]           Par la suite, l'intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité sur le chef d'accusation numéro 1 amendé ainsi que sur le chef d'accusation numéro 2.

[4]           Le débat se poursuivit ensuite sur le chef numéro 3 tel qu'amendé.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[5]           Compte tenu du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sur le chef 1 amendé ainsi que sur le chef numéro 2, il y a lieu pour le comité de déclarer celui-ci coupable sur chacun desdits chefs.

[6]           Relativement au chef d'accusation numéro 3 amendé, la preuve des parties est contradictoire.

[7]           Essentiellement, alors que les clients, Mme Anne Loiselle et M. Alain Pagé, affirment ne pas avoir autorisé l'intimé à effectuer les transactions y mentionnées, ce dernier soutient qu’ils y ont consenti.  Il mentionne que les transactions visaient notamment à permettre aux clients de bénéficier d'un équilibrage de leur portefeuille en utilisant la possibilité pour eux de vendre jusqu'à 10 % par année des unités de fonds dont ils disposaient, et ce, sans frais.

[8]           Il explique que les documents qui ont servi aux fins d'autoriser les transferts de fonds en cause étaient bien des modifications d'autorisation de transfert de fonds antérieurement signées par les clients mais soutient que ces derniers avaient été avisés que les transactions allaient être répétées dans un délai convenu et que lesdits documents allaient alors être utilisés à ces fins.

[9]           L'intimé plaide donc qu'il n'a jamais transigé à l'insu de ses clients.

[10]        Or, la preuve prépondérante présentée au comité est à l'effet que les clients n'ont pas été préalablement avisés par l’intimé, de façon ponctuelle et précise, des transactions en cause. L'individualité formelle de chacune des transactions ne leur a pas été communiquée.

[11]        De ce point de vue, l'intimé a effectué les transactions en cause à l'insu de ses clients même si sa façon de faire en général a pu être avalisée ou avoir reçu l'approbation de ces derniers.

[12]        En effet, bien que Mme Loiselle ait déclaré, en interrogatoire principal, qu'elle n'a pas été avisée et n'a pas autorisé les transferts de fonds en cause, mentionnant de plus qu'elle n'aurait pas accepté ceux-ci si on les lui avait suggérés, elle a néanmoins, en contre-interrogatoire, lorsqu'il lui a été suggéré que l'intimé au moment de la signature du premier document d'autorisation l'aurait avisée qu'il allait en faire des photocopies pour des transactions ultérieures, simplement répondu ne pas se souvenir. Lorsque interrogé à savoir si l'intimé aurait pu lui avoir dit : « Je veux faire cette transaction-là et je vais la répéter », elle a déclaré que cela se pouvait.

[13]        Si l'on se fie à son témoignage, elle s'attendait néanmoins, le temps venu, de signer un document autorisant la ou les transactions ultérieures.

[14]        Ainsi, si l'on peut penser que les clients ont pu consentir à une stratégie de rééquilibrage de leur portefeuille et que l’intimé a pu obtenir un acquiescement général de ceux-ci à l'égard de cette stratégie, la preuve a aussi démontré que ce dernier a fait défaut d'obtenir leur consentement spécifique pour chacune des transactions en cause.

[15]        Évaluant l'ensemble de la preuve en fonction de sa compatibilité avec la prépondérance des probabilités, le comité en arrive à la conclusion que les clients, tout en sachant par exemple que l'intimé allait procéder au rachat des « unités sans frais », n'ont pas consenti aux transactions individuelles en cause.

[16]        L'intimé a agi comme s'il avait eu un mandat général d'agir au nom de ses clients. Il a fait défaut d'obtenir ponctuellement et à la pièce leur consentement précis à l'égard de chacune des transactions. Il a fait défaut d'informer ses clients avant de procéder à celles-ci. Il a fait défaut d'obtenir leur autorisation à l'égard de l'attribution particulière des fonds lors des transactions.

[17]        Le comité croit que l'intimé visait à diversifier les portefeuilles de ses clients. Ses explications sont plausibles quant à sa conduite ou ses intentions. Le comité ne croit pas qu'il ait été animé d'une intention malhonnête non plus que motivé par l'appât du gain. Néanmoins, au plan des transactions spécifiques en cause, il a agi à l'insu de ses clients et sera déclaré coupable du chef d'accusation numéro 3.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sur les chefs d'accusation 1 et 2 de la plainte amendée;

DÉCLARE l'intimé coupable des chefs d'accusation 1 et 2 de la plainte amendée;

DÉCLARE l'intimé coupable du chef d'accusation numéro 3 contenu à la plainte amendée;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot

__________________________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Robert Archambault __________________________________

M. ROBERT ARCHAMBAULT, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Marcel Cabana __________________________________

M. MARCEL CABANA

Membre du comité de discipline

 

 

Me Paul Déry-Goldberg

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Isabelle Allard

DE CHANTAL, D'AMOUR, FORTIER

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

31 août 2009

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0764

 

DATE :

24 août 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Robert Archambault, A.V.A.

Membre

M. Marcel Cabana

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. FRANÇOIS JARRY, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 10 juin 2010 au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]           Alors que la plaignante déclara n’avoir aucune preuve à offrir, l’intimé témoigna pour son compte et déposa une preuve documentaire cotée D-8 à D-13.

[3]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations par un bref rappel de la preuve présentée en regard du chef 3 lors de l’audition sur culpabilité.

[5]           Elle mentionna ensuite le plaidoyer de culpabilité déposé par l’intimé à l’endroit des chefs 1 et 2 (amendés).

[6]           Elle indiqua que relativement au chef 1, elle suggérait l’imposition d’une amende de 5 000 $, que relativement au chef 2, elle suggérait l’imposition d’une radiation temporaire d’une année et que relativement au chef 3, elle suggérait l’imposition d’une amende de 16 000 $, correspondant à 4 000 $ par transaction reprochée à l’intimé sur ce chef.

[7]           Enfin, elle proposa au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[8]           Au soutien de ses recommandations, elle présenta au comité un cahier de précédents, comparant ensuite les faits rapportés dans chacune des décisions soumises à ceux en l’instance.

[9]           Elle termina en soulignant la gravité objective des infractions commises par l’intimé, notamment celle mentionnée au chef 2, et en signalant que par l’adoption du projet de Loi 74 (2009, chap. 58), le 4 décembre 2009, le législateur, alors qu’il portait l’amende minimale imposable à 2 000 $ et l’amende maximale à 50 000 $, avait indiqué sa volonté ferme d’exposer les représentants fautifs à des sanctions beaucoup plus sévères que par le passé.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[10]        La procureure de l’intimé débuta ses représentations en soulignant certains passages du témoignage de l’intimé sur sanction.

[11]        Elle rappela que ce dernier avait déclaré que depuis les événements reprochés, il avait modifié sa façon d’exercer la profession et suivi plusieurs formations dans le but d’améliorer ou de corriger sa pratique.

[12]        Elle indiqua que celui-ci regrettait ses fautes et qu’à son avis, il n’y avait aucun risque, dans les circonstances, qu’il ne récidive.

[13]        Elle souligna que la décision du comité sur culpabilité avait eu un important effet dommageable sur sa pratique et qu’ainsi il avait déjà « subi ses sanctions ».

[14]        Elle invoqua notamment la décision de la compagnie d’assurance Empire (avec laquelle l’intimé traitait 60 % à 70 % de ses affaires) de lui interdire, à tout le moins en attendant la décision sur sanction, de placer de nouveaux dossiers auprès d’elle. Elle mentionna que les événements avaient également provoqué auprès de certains autres fournisseurs de services d’assurance une diminution de la confiance accordée à l’intimé.

[15]        Elle rappela que, selon le témoignage de l’intimé, la perte financière subie par ce dernier à la suite de la plainte et des événements en découlant avoisinait à ce jour 137 000 $.

[16]        Elle insista sur l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé déclarant qu’il avait toujours bien servi sa clientèle et mentionnant que les fautes qui lui étaient reprochées se résumaient à des gestes posés à l’endroit d’un seul couple de consommateurs.

[17]        Elle signala ensuite que l’intimé, conscient de ses fautes, avait plaidé coupable à deux (2) des trois (3) chefs d’accusation portés contre lui.

[18]        Elle mentionna les conséquences néfastes prévisibles d’une sanction de radiation sur sa pratique, son bureau et sa clientèle.

[19]        Elle indiqua que l’intimé était maintenant âgé de 52 ans et que dans le cas d’une radiation prolongée, il fallait envisager qu’il puisse alors être condamné à « changer de métier ».

[20]        Elle invoqua que le comité, dans sa décision sur culpabilité, avait conclu que, lors des événements reprochés, l’intimé n’avait pas été animé d’une intention malhonnête non plus que motivé par l’appât du gain (par. 17 de la décision sur culpabilité).

[21]        Elle indiqua que relativement au chef numéro 1, il fallait nuancer, l’intimé n’ayant pas été reconnu coupable du défaut de procéder à une analyse de besoins financiers de ses clients (ABF) mais plutôt du défaut de consigner par écrit la situation financière personnelle et les informations relatives aux objectifs de placements, obtenues alors de ces derniers.

[22]        Elle déclara enfin que puisque l’intimé avait corrigé sa pratique, une sanction de radiation aurait simplement, à son avis, un effet punitif.

[23]        Elle termina en suggérant au comité d’imposer à l’intimé sur le premier chef une amende de 2 500 $ et sur les chefs 2 et 3 une réprimande.

[24]        Elle mentionna que si sur le chef 2 le comité devait en arriver à la conclusion qu’une période de radiation s’imposait, celle-ci ne devrait pas à son avis dépasser deux (2) mois.

[25]        En terminant, à l’appui de ses propositions, elle soumit un cahier d’autorités qu’elle commenta.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[26]        L’intimé a 52 ans et, selon sa déclaration, il exerce la profession depuis 1975. Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[27]        Son témoignage à l’effet qu’il s’est toujours efforcé de bien servir sa clientèle, n’a été ni contredit, ni questionné.

[28]        Il a plaidé coupable à deux (2) des trois (3) chefs d’accusation portés contre lui, démontrant ainsi une forme de reconnaissance de ses fautes.

[29]        Tel que l’a conclu le comité dans sa décision sur culpabilité, la malhonnêteté ne caractérise pas ses agissements.

[30]        Le comité ne croit pas non plus qu’au moment des événements fautifs, il ait d’abord été motivé par l’appât du gain.

[31]        Relativement au premier chef, tel que l’a souligné son avocate, l’intimé n’a pas été déclaré coupable du défaut de procéder à une analyse de besoins financiers de ses clients mais plutôt du défaut de consigner par écrit la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placements de ces derniers.

[32]        Relativement aux chefs 2 et 3,  il ne faut pas perdre de vue qu’il y a un lien de rattachement entre ces deux (2) chefs puisque les signatures à l’insu des clients sur les « autorisations de transfert de placements » mentionnées au chef 2 concernaient ou étaient associées aux transferts de fonds mentionnés au chef 3.

[33]        Par ailleurs, à la suite de la déclaration de culpabilité rendue par le comité, l’intimé a vu ses relations avec certains assureurs « se compliquer ou s’embrouiller », pour utiliser des euphémismes. Ainsi l’assureur Empire avec lequel il transigeait 60 % à 70 % de ses affaires a d’abord mis fin à son contrat. Bien que celui-ci se soit par la suite ravisé (pièce D-11) et lui ait permis de continuer à servir les clients existants, il a cessé, au moins temporairement, de lui reconnaître le droit de souscrire de nouvelles polices.

[34]        Comme conséquence de la plainte, l’intimé aurait subi à ce jour des pertes financières non négligeables.

[35]        Enfin, il aurait depuis celle-ci modifié ou corrigé certains aspects de sa pratique et, animé d’une volonté de s’améliorer, aurait suivi plusieurs séances de formation.

[36]        En résumé, les événements en cause l’ont amené à réfléchir et il aurait bien saisi la leçon à tirer de ceux-ci. Ajoutons qu’il semble sincèrement regretter ses fautes.

[37]        Néanmoins, les infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable sont sérieuses.

Chef numéro 1

[38]        L’infraction reprochée à l’intimé à ce chef touche à l’exercice de la profession.

[39]        Le comité est en présence de manquements réitérés lors de la cueillette de données menant à l’analyse de besoins financiers des clients en cause. L’intimé a agi en flagrante contravention de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants qui prévoit spécifiquement l’obligation pour le représentant de consigner par écrit les informations obtenues de ses clients lors de l’ABF.

[40]        Aussi, n’eut été des circonstances propres au dossier et de la globalité des sanctions qui lui seront imposées pour l’ensemble des chefs, le comité aurait été tenté d’imposer à l’intimé sur ce chef une amende plus élevée que celle qu’il lui imposera. Le comité estime toutefois qu’en l’espèce, sur ce chef, l’imposition d’une amende de 2 000 $ serait une sanction juste et appropriée.

Chef numéro 2

[41]        L’infraction reprochée à l’intimé à ce chef est une infraction dont la gravité objective ne fait aucun doute.

[42]        L’intimé a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de ses clients sur des formulaires intitulés « Autorisation d’un transfert de placements enregistrés ».

[43]        La plaignante a réclamé sur ce chef la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’une (1) année.

[44]        Au soutien de sa proposition, elle a cité trois (3) décisions du comité ayant fait l’objet de recommandations communes, soit les décisions Champagne c. Robin, CD00-0782, le 1er mars 2010, Rioux c. Jean, CD00-0602, le 21 avril 2006 et Rioux c. Samson, CD00-0584, le 10 janvier 2007. Dans chacune d’elles, les représentants déclarés coupables de contrefaçon de signature ont été condamnés à une telle radiation.

[45]        Quant à l’intimé, il a suggéré au comité l’imposition d’une simple réprimande.

[46]        Or, de l’avis du comité, sur ce chef, seule une sanction de radiation serait appropriée même si la durée doit en être moindre que celle suggérée par la plaignante.

[47]        Dans l’affaire Maurice Brazeau c. Micheline Rioux[1], la Cour du Québec a eu à examiner la situation d’un représentant reconnu coupable d’avoir contrefait ou d’avoir induit une tierce personne à contrefaire la signature d’un consommateur sur des documents devant servir à obtenir une modification à une police d’assurance-vie.

[48]        Dans sa décision la Cour a écrit (p. 136) : « Le fait d’imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non. En l’espèce le tribunal ne peut pas conclure que l’appelant avait une telle intention. »

[49]        La Cour du Québec termina en imposant au représentant, sur chacun des deux (2) chefs d’accusation concernés, une période de radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[50]        Par ailleurs, dans l’affaire Venise Lévesque c. Maude Boucher, dossier CD00-0700, le comité de discipline, confronté à une infraction de contrefaçon, alors que la représentante avait agi sans intention frauduleuse, ordonna la radiation temporaire de cette dernière pour une période de deux (2) mois. Il faut mentionner que les manquements de la représentante n’avaient pas pour objet l’obtention de bénéfices personnels mais visaient à lui éviter de simples démarches auprès de la cliente[2]. Enfin, les clients n’avaient subi aucun préjudice de ses fautes.

[51]        Or, en l’espèce, bien que l’intimé n’ait pas été animé d’une intention frauduleuse, à la distinction du cas précité, ses fautes ont causé des inconvénients sinon un préjudice à ses clients. Ces derniers ont dû en effet se soumettre à une nouvelle période où ils auraient à supporter des frais de rachat, dans l’éventualité où ils choisiraient de disposer de leurs placements.

[52]        L’intimé l’a d’ailleurs admis lors de l’audition sur culpabilité (p. 185 des notes sténographiques du 31 août 2009) :

« Q. Mais, alors que, quand vous transférez d’une compagnie carrément à une autre, bien là c’est manifeste qu’il y a une commission, parce que vous venez bonifier le contrat, ou vous venez bonifier les sommes qui sont détenues sous un contrat, n’est-il pas exact?

R. Oui, c’est sûr, c’est sûr qu’il y a une commission qui est générée lors d’un transfert entre compagnies.

Q. Entre compagnies?

R. Oui oui. Mais, c’est, si je peux me permettre, qui portait, si on exclut le recommencement des frais de rachat, c’est qu’il n’entraînait pas d’autres préjudices pour le client. » (Les soulignés sont de nous)

[53]        Enfin l’intimé a répété, bien qu’à l’égard des mêmes clients, la même faute à plusieurs reprises et celle-ci touche directement à l’exercice de la profession.

[54]        Compte tenu de ce qui précède et des éléments tant objectifs que subjectifs propres au dossier, le comité est d’avis qu’en l’espèce l’imposition sur ce chef d’une radiation de trois (3) mois serait une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut être fait abstraction.

Chef numéro 3

[55]        À ce chef, l’intimé a été déclaré coupable d’avoir effectué des transactions à l’insu de ses clients. Tel que mentionné à la décision sur culpabilité, l’intimé n’aurait pas été animé d’une intention malhonnête. Il aurait cherché à diversifier les portefeuilles de ces derniers.

[56]        Néanmoins, avant de procéder auxdites transactions, il a fait défaut de ponctuellement les en informer et d’obtenir leur autorisation.

[57]        Tel que le comité l’a indiqué au paragraphe 11 de sa décision sur culpabilité, même si sa façon de faire en général pouvait avoir été avalisée ou avoir reçu l’approbation des clients, l’intimé a effectué les transactions en cause à leur insu.

[58]        Le chef fait état de quatre (4) transactions différentes à l’égard des mêmes clients.

[59]        Il s’agit d’infractions sérieuses touchant directement à l’exercice de la profession.

[60]        La plaignante réclame sur ce chef l’imposition d’une amende de 16 000 $ correspondant à une amende de 4 000 $ pour chacune des transactions reprochées.

[61]        Or, dans la détermination de la sanction appropriée, le comité ne peut ignorer le lien qui existe entre ce chef et le chef 2.  Par ailleurs, bien qu’il ne peut ignorer l’élément de redite que l’on y retrouve, il ne lui faut pas perdre de vue l’absence d’intention malhonnête de l’intimé.

[62]        Compte tenu de ce qui précède, des circonstances particulières rattachées au dossier ainsi que des facteurs tant objectifs que subjectifs propres à celui-ci, le comité est d’avis que l’imposition d’une amende de 4 000 $ sur ce chef serait une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction et respectueuse du principe de la globalité des sanctions dont il doit être tenu compte en l’espèce.

[63]        Enfin, en l’absence d’éléments pouvant l’inciter à s’abstenir de donner suite aux suggestions de la plaignante à cet effet, le comité ordonnera la publication de la décision aux frais de l’intimé et condamnera ce dernier au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $;

Sur le chef d’accusation numéro 2 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) mois;

Sur le chef d’accusation numéro 3 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

 

(s) François Folot   ___________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Robert Archambault________________

M. ROBERT ARCHAMBAULT, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Marcel Cabana___________________

M. MARCEL CABANA

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Paul Déry-Goldberg

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Janylaine Lacasse

DE CHANTAL, D'AMOUR, FORTIER

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

10 juin 2010

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec, numéro 500-22-107059-050.

[2]     Voir notamment le paragraphe 40 de la décision.

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