Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0819

 

DATE :

7 novembre 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Marcel Cabana

Membre

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FRANCIS M. CUGGIA, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective (numéro de certificat 108 558)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

LA PLAINTE

[1]           La plaignante a porté contre l’intimé une plainte datée du 17 juin 2010.

[2]           Les chefs d’infraction contenus à cette plainte se lisent comme suit :

 

« Camo

 

1.            À Laval, entre les ou vers les 1er novembre 2002 et 30 septembre 2003, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Camo des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

2.            À Laval, entre les ou vers les 1er octobre 2003 et 30 septembre 2004, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Camo des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

3.            À Laval, entre les ou vers les 1er octobre 2004 et 30 septembre 2005, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Camo des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2),  11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

4.            À Laval, entre les ou vers les 1er octobre 2005 et 31 mars 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Camo des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

Gestion Léger-Noury inc.

 

5.            À Laval, entre les ou vers les 1er février 2004 et 31 janvier 2005, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Gestion Léger-Noury inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

6.            À Laval, entre les ou vers les 1er février 2005 et 31 janvier 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Gestion Léger-Noury  inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

7.            À Laval, entre les ou vers les 1er février 2006 et  31 octobre 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Gestion Léger-Noury  inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

Innodia inc.

 

8.            À Laval, entre les ou vers les 1er mars 2005 et 31 janvier 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Innodia inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

9.            À Laval, entre les ou vers les 1er février 2006 et 30 novembre 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Innodia inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

Angiochem inc.

 

10.          À Laval, entre les ou vers les 1er avril 2005 et 28 février 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Angiochem inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

11.          À Laval, entre les ou vers les 1er mars 2006 et 30 novembre 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Angiochem inc. des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

Sphère-Québec

 

12.          À Laval, entre les ou vers les 1er juin 2005 et 30 septembre 2005, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Sphère-Québec des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

13.          À Laval, entre les ou vers les 1er octobre 2005 et 30 septembre 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Sphère-Québec des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

14.          À Laval, entre les ou vers les 1er octobre 2006 et 31 décembre 2006, l’intimé a transmis ou permis que soient transmises à Sphère-Québec des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour une police d’assurance collective, lui laissant croire que les sommes exigées étaient plus élevées, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11, 12, 13, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01);

 

Profession

 

15.      À Laval, entre les ou vers les 1er novembre 2002 et 31 décembre 2006, l’intimé a facturé et obtenu de Camo, Gestion Léger-Noury inc., Innodia inc., Angiochem inc. et Sphère-Québec des primes supérieures pour des polices d’assurance collective en omettant de les informer des primes véritablement établies par L’Excellence, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q. c. D‑9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (R.R.Q. c. D-9.2, r.1.01). »

 

LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE ET LA PRODUCTION DES PLAIDOIRIES ÉCRITES

[3]           Le comité de discipline (le comité) a entendu cette plainte à Montréal les 29, 30, 31 mars et 1er avril 2011.

[4]           En début d’audience, les parties ont informé le comité des admissions dont elles avaient convenu.

[5]           Les pièces P-1 à P-5, P-12, P-17 à P-23, P-25 à P-33, P-41 à P-44 et P-47 à P-52 ont ainsi été produites de consentement.

[6]           La plaignante a ensuite fait témoigner Mme Nancy Moreau et M. François Girard (celui-ci en preuve principale et en contre-preuve).

[7]           Mme Carole Richard, M. Georges-Michel Raymond, Mme Manon Lemieux et l’intimé ont témoigné en défense; l’affidavit de M. Jérôme Di Giovanni a également été produit.

[8]           Les parties ont ensuite plaidé par écrit : la plaignante a produit sa plaidoirie le 14 juin 2011, l’intimé la sienne le 14 juillet 2011, la plaignante sa réponse le 19 août 2011 et l’intimé sa réplique le 12 octobre 2011. Le comité a alors pris le dossier en délibéré.

LE DÉBAT

[9]           Avant d’examiner les principaux éléments de preuve soumis, le comité croit utile de préciser en quoi a consisté, pour l’essentiel, le débat.

[10]        En regard des paragraphes 1 à 14 de la plainte, la plaignante avait le fardeau de prouver, par preuve prépondérante, que l’intimé a transmis ou permis qu’il soit transmis aux clientes mentionnées à la plainte des informations fausses, trompeuses ou inexactes au sujet des primes établies par l’assureur L’Excellence pour une police d’assurance collective; et qu’en agissant ainsi, il leur a laissé croire que les primes exigées par L’Excellence étaient plus élevées que celles que cet assureur exigeait en réalité.

[11]        L’intimé admet que les primes inscrites sur les factures transmises par Groupe Vie inc. (Groupe Vie) ou Groupe-Vie inc. (Groupe-Vie) aux clientes mentionnées à la plainte étaient différentes de celles établies par L’Excellence à la suite de ses négociations avec le courtier Groupe Ultra-Vie inc. (Groupe Ultra-Vie). L’intimé ajoute que les primes inscrites sur les factures transmises aux clientes comprenaient une portion des frais qui était conservée par Groupe Vie pour des services rendus aux clientes lesquelles étaient bien au fait de l’existence de ces frais supplémentaires intégrés.

[12]        Le comité aura à décider si l’intimé a fait la preuve qu’il a informé ses clientes de façon adéquate et qu’il a obtenu leur consentement quant à cette façon de majorer les primes.

[13]        Voyons maintenant ce que la preuve a révélé.

LES ADMISSIONS

[14]        À toute époque pertinente à la plainte :

        l’intimé était certifié en assurance collective de personnes;

        Groupe Vie ne détenait aucune inscription de cabinet pour l’une des disciplines mentionnées à l’article 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF);

        le Groupe Ultra-Vie était dûment inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF);

        l’actionnaire majoritaire de Groupe Ultra-Vie était Gestion JÉFA inc. (JÉFA) et l’intimé son président;

        la fiducie familiale Cuggia était l’actionnaire majoritaire de JÉFA; les administrateurs de cette compagnie étaient l’intimé et son épouse Mme Johanne Bourdages;

        JÉFA était l’actionnaire majoritaire de Tous pour un inc. (Tous pour un) et ses administrateurs : l’intimé et son épouse;

        Groupe Vie avait comme actionnaire JÉFA; l’intimé en était président et secrétaire;

        Groupe Vie a fusionné avec Groupe Ultra-Vie le 30 octobre 2005 et a fait affaire sous le nom de Groupe Ultra-Vie; l’actionnaire majoritaire de cette compagnie était JÉFA; l’intimé en était président et secrétaire;

        Groupe-Vie a été constituée le 2 novembre 2006; Mme Johanne Bourdages, l’épouse de l’intimé, en était l’actionnaire majoritaire et elle était également présidente et secrétaire[1];

        Groupe Ultra-Vie a reçu des commissions de L’Excellence;

        les primes apparaissant aux factures transmises aux clientes (il s’agit des 5 entreprises mentionnées à la plainte) étaient différentes, sauf exception, de celles établies par L’Excellence tel que cela est illustré par les montants et pourcentages produits par les parties de consentement;

        les montants accordés par le Fonds d’indemnisation de l’AMF représentent la différence entre les primes facturées aux clientes et les primes remises à L’Excellence; ces montants sont les suivants :

 

Camo                                                                        10 238,87 $

Gestion Léger-Noury inc. (Léger-Noury)              4 283,36 $

Innodia inc. (Innodia)                                            15 500,16 $

Angiochem inc. (Angiochem)                                 3 652,37 $

Sphère-Québec                                                        8 749,91 $

Total :                                                                        42 424,67 $

LA PREUVE PRÉSENTÉE PAR LA PARTIE PLAIGNANTE

  le témoignage de Mme Nancy Moreau

[15]        Camo est un organisme à but non lucratif voué à l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail; il est subventionné par le gouvernement du Québec.

[16]        En 2004, les administrateurs de Camo ont décidé de créer Sphère-Québec, un organisme appelé à œuvrer dans le même domaine mais dont les subventions proviendraient du gouvernement fédéral. Sphère-Québec a débuté ses activités en juin 2005.

[17]        Elle a commencé à travailler pour Camo en 1997 pour ensuite occuper le poste de directrice générale de Sphère-Québec à compter de 2006. C’est à ce moment qu’elle a commencé à s’occuper du dossier de l’assurance collective; elle n’avait aucune connaissance dans le domaine.

[18]        Elle a témoigné que le courtier était alors l’intimé de Groupe Ultra-Vie et que Sphère-Québec était regroupée avec d’autres entreprises au sein de l’organisme Tous pour un aux fins de la police d’assurance collective.

[19]        Elle n’a pas communiqué avec ses prédécesseurs au sujet de ce dossier d’assurance; elle a cependant pris connaissance de certains avis de renouvellement et de la correspondance. Elle a notamment examiné la documentation transmise par l’intimé eu égard aux renouvellements de 2005 (P-39) et 2006 (P-40). Elle a aussi pris connaissance d’une facture de Groupe Ultra-Vie pour la période d’août 2005 (P-42) sur laquelle il est fait état, en plus de la prime d’assurance collective à payer, d’une autre somme correspondant à 5 % de la prime et décrite de la façon suivante : « frais d’utilisation et/ou d’administration ». Elle a témoigné que cette somme était réclamée par Groupe Ultra-Vie pour faire la gestion du régime. Elle a ajouté que hormis le paiement de la prime et de ce 5 %, aucune entente n’avait été conclue quant au paiement de frais supplémentaires.

[20]        À la fin de l’année 2006, l’intimé a informé Sphère-Québec que les nombreuses plaintes formulées au sujet de L’Excellence amenaient Groupe Ultra-Vie à suggérer le remplacement de cet assureur par la Croix Bleue. Parmi les documents que l’intimé lui a alors demandé de signer au nom de Sphère-Québec, on retrouve une lettre du 21 décembre 2006 adressée à Groupe-Vie dans laquelle on peut lire le passage suivant :

« Nous comprenons qu’il peut y avoir une différence entre les taux requis et les taux facturés afin de conserver les avantages financiers et la stabilité de notre groupe. » (P-46)

[21]        Elle a témoigné qu’elle croyait que cette clause faisait référence au 5 % de frais de gestion. Elle a ajouté qu’elle ne faisait aucune différence entre Groupe Ultra-Vie et Groupe-Vie.

[22]        À la fin de l’année 2007 ou au début de l’année 2008, elle a demandé à un autre courtier, M. Martin Audet, de vérifier les taux sur le marché en matière d’assurance collective.

[23]        En août 2008 (P-41), M. Audet lui a communiqué son rapport. Il lui a notamment indiqué qu’il y avait des écarts de taux entre ce que Sphère-Québec avait payé et ce que L’Excellence avait établi comme prime. S’appuyant notamment sur cette information, elle a formulé au nom de Sphère-Québec, en janvier 2009, une réclamation en matière d’indemnisation à l’AMF au sujet de l’intimé et de Groupe Ultra-Vie (P-41).

  le témoignage de M. François Girard

[24]        Il a été employé par L’Excellence de mai 2002 à septembre 2009. Six mois après son embauche, il a été promu vice-président assurance collective. Il était responsable du volet tarification.

[25]        Une entente de courtage a été conclue entre Groupe Ultra-Vie et L’Excellence en juillet 1993 (P-4) et une « entente de tierce partie administration » (P-5) l’a été entre les mêmes parties en novembre 2003.

[26]        La première entente (P-4) prévoyait le paiement à Groupe Ultra-Vie de commissions en contrepartie de la vente des différents produits de L’Excellence.

[27]        Aux termes du second contrat (P-5), Groupe Ultra-Vie devait notamment faire la facturation mensuelle, la collecte des primes et leur transmission à L’Excellence. Groupe Ultra-Vie devait détenir un compte en fiducie et y déposer les sommes encaissées à titre de représentante de L’Excellence.

[28]        La rémunération pour les services rendus par Groupe Ultra-Vie était fixée à 10 % des primes annualisées incluant les commissions pour les groupes vendus[2].

[29]        L’intimé a signé ces deux contrats pour Groupe Ultra-Vie.

[30]        M. Girard n’a jamais été informé que Groupe Ultra-Vie aurait sous-traité les obligations prévues au contrat P-5[3].

[31]        Il a toujours négocié les taux avec l’intimé en tenant compte des honoraires (commissions) réclamés par celui-ci. L’intimé devait ensuite informer ses clientes des taux finaux déterminés par l’assureur.

[32]        Tous pour un (dont l’adresse était la même que celle de Groupe Ultra-Vie) agissait à titre de preneur pour des organismes communautaires (dont Camo et Sphère-Québec) intéressés à adhérer à une police d’assurance collective[4].

[33]        Appelé à examiner la facture (P-48) adressée à Camo par Groupe Ultra-Vie ou par Groupe Vie, M. Girard a constaté que la facture transmise à la cliente (Camo) n’avait pas été préparée par L’Excellence et que les taux y indiqués étaient différents de ceux établis par L’Excellence. Par contre, l’analyse du rapport (P-49) l’a amené à indiquer au comité que Groupe Vie avait par la suite transmis à L’Excellence des montants d’argent qui correspondaient aux primes établies par l’assureur.

[34]        L’Excellence recevait de tels rapports tous les mois. Cependant, elle ne recevait pas de l’intimé de tableau mensuel faisant état, pour chacun des employés, des primes payées (P-50).

[35]        Les contrats d’assurance étaient renouvelables annuellement; M. Girard négociait ainsi les taux chaque année avec l’intimé.

[36]        Par exemple, le 25 août 2005, L’Excellence a écrit à l’intimé de Groupe Ultra-Vie (P-37) afin de l’informer que la prime mensuelle en regard du contrat 960682 (qui concernait notamment Sphère-Québec) serait réduite de 3.68 % à compter du 1er octobre 2005 à la suite de l’analyse des résultats pour la période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005.

[37]        Cependant, l’intimé a transmis une lettre le 15 septembre 2005 (P-39) à Sphère-Québec aux termes de laquelle il l’informait d’une augmentation de la prime mensuelle de 2.70 % à compter du 1er octobre 2005 en se fondant sur l’analyse des mêmes résultats et sur cette même période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005.

[38]        En comparant les tableaux transmis par L’Excellence à Groupe Ultra-Vie en annexe de P-37 et ceux communiqués par Groupe Ultra-Vie à Sphère-Québec en annexe de P-39, M. Girard a constaté des différences en regard notamment des prestations en mutualisation. Il ne peut dire d’où proviennent les données transmises par Groupe Ultra-Vie à sa cliente Sphère-Québec lesquelles diffèrent de celles fournies par L’Excellence. Cependant, il conclut qu’une diminution de la prime mensuelle correspond à l’utilisation des données fournies par L’Excellence et qu’une augmentation de la prime mensuelle résulte des calculs faits à partir des données transmises par Groupe Ultra-Vie à sa cliente.

[39]        Il ne croit pas avoir reçu copie conforme des lettres P-39 et P-40 transmises par l’intimé à Sphère-Québec au sujet des modifications à la prime d’assurance collective pour les périodes débutant les 1er octobre 2005 et 2006.

[40]        Quant à Léger-Noury, Innodia et Angiochem, il a référé le comité aux propositions d’assurance collective (P-12, P-23 et P-29) signées par un représentant de chacune de ces entreprises et par l’intimé au nom du courtier Groupe Ultra-Vie; ce courtier agissait également comme « TPA ».

[41]        M. Girard a négocié les primes avec l’intimé et non avec M. Georges-Michel Raymond.

[42]        En octobre 2006, il a reçu une demande de Léger-Noury qui désirait que M. Georges-Michel Raymond remplace Groupe Ultra-Vie à titre de courtier. Léger‑Noury demandait également à ce que L’Excellence fasse directement la facturation sans qu’un tiers administrateur n’intervienne.

[43]        Après avoir procédé à certaines vérifications, il a réalisé que les taux facturés par Groupe Ultra-Vie ne correspondaient pas aux taux établis par L’Excellence. Il en a fait part à l’intimé le 18 octobre 2006 lequel lui a dit que l’écart correspondait à ses frais de gestion pour effectuer la facturation. C’est la première fois que M. Girard entendait parler de ces frais de gestion.

[44]        Le 23 octobre 2006, l’intimé lui a écrit (P-7) et a proposé l’ordre du jour d’une entrevue à être tenue le 26 octobre 2006.

[45]        Lors de cette entrevue, l’intimé lui a montré des factures de Groupe Vie mais sans lui en laisser de copie au motif que le contenu était confidentiel; il n’a pas été en mesure de lui montrer les mandats qu’auraient signés les clients en faveur de Groupe Vie si ce n’est un « vieux modèle » qui datait de plusieurs années.

[46]        Suite à cette entrevue, M. Girard a écrit à l’intimé (P-8) afin de lui communiquer ce qu’il avait compris de ce que l’intimé lui avait expliqué du rôle et des ententes conclues par Groupe Ultra-Vie et par Groupe Vie. Il y a écrit notamment ce qui suit :

« Les titulaires des contrats ont mandaté Groupe Vie inc. afin de recevoir des services administratifs;

Les frais d’administration de Groupe Vie inc. sont ventilés et transparents sur la facture.

De plus, j’attends de ta part en début de cette semaine une copie du document signé par 2 titulaires détenant un contrat d’assurance collective auprès de l’Excellence, compagnie d’assurance mandatant Groupe Vie inc. »

[47]        Il n’a pas reçu de copie de mandat de l’intimé; pourtant l’intimé lui avait dit quelques jours plus tôt qu’il avait des mandats écrits en bonne et due forme aux termes desquels les clientes lui permettaient de facturer des montants supplémentaires.

[48]        M. Girard a témoigné du fait qu’il n’avait eu aucune communication avec M. Raymond avant octobre 2006; il n’avait jamais même entendu parler de lui auparavant.

[49]        M. Raymond lui a alors fait remarquer que les montants facturés à Angiochem et Innodia étaient supérieurs aux primes établies par L’Excellence (comme c’était le cas également pour Léger-Noury).

[50]        Le 6 décembre 2006, M. Girard a écrit de nouveau à l’intimé (P-10) pour réclamer, entre autres, que Groupe Ultra-Vie rembourse les clients facturés en trop.

[51]        M. Girard a mentionné que l’inclusion de frais dans la prime déterminée par l’assureur n’est pas une pratique courante dans l’industrie.

[52]        Après les événements de 2006, il a réexaminé le dossier pour constater que certaines lettres avaient été échangées par L’Excellence avec Groupe Vie (les lettres produites sous D-13 notamment); il n’y avait cependant pas porté attention auparavant.

[53]        Les différences pouvant exister entre Groupe Ultra-Vie et Groupe Vie n’avaient pas été portées à sa connaissance avant que l’intimé ne le fasse lors de l’entrevue du 26 octobre 2006. D’ailleurs, Groupe Ultra-Vie et Groupe Vie étaient représentées par les mêmes personnes et avaient les mêmes adresses et les mêmes numéros de téléphone. De plus, L’Excellence n’avait conclu aucune entente avec Groupe Vie.

[54]        Il se souvient avoir reçu de l’intimé la lettre du 19 septembre 2002 (D-3) dans laquelle l’intimé référait à des taux facturés et à des taux payés, mais il a insisté devant le comité sur le fait que l’intimé a également écrit : « Nous attendons votre approbation écrite afin de procéder » et qu’il n’a jamais donné une telle autorisation; il a référé à cet égard à sa lettre (D-15) du 23 septembre 2002 dans laquelle il fournit les taux de renouvellement.

[55]        Par ailleurs, il n’a aucun souvenir d’une autre lettre de l’intimé du 23 septembre 2002 (D-4).

[56]        Il a également expliqué, au sujet de la phrase que l’on retrouve à D-3 : « Ces taux incluent nos frais d’administration » que si les frais (payables à Groupe Ultra-Vie) devaient être augmentés, la prime était augmentée en conséquence et remise en entier, de toute façon, à L’Excellence.

[57]        Finalement, en contre-preuve, il a témoigné que l’intimé ne lui avait jamais parlé de frais de stabilisation.

LA PREUVE PRÉSENTÉE PAR L’INTIMÉ

  le témoignage de Mme Carole Richard

[58]        Elle a été employée par Camo du 19 octobre 2001 au 14 octobre 2003; elle administrait les ressources humaines y compris la police d’assurance collective. Son poste a été aboli par décision du Conseil d’administration et elle a quitté Camo. Elle ignore qui a repris, suite à son départ, les dossiers dont elle était responsable.

[59]        Lors de son arrivée en octobre 2001 chez Camo, le directeur général était M. Jérôme Di Giovanni; elle croit qu’il a quitté son emploi un an plus tard. Il a été remplacé par M. Mongeau lequel était en congé-maladie prolongé lorsqu’elle a quitté son emploi en octobre 2003.

[60]        Elle a témoigné avoir discuté avec l’intimé en 2002 de la hausse importante des primes d’assurance collective; que l’intimé lui avait expliqué que Groupe Ultra-Vie agissait à titre de courtier et Groupe Vie à titre d’administrateur d’un regroupement d’organismes souscrivant à une police d’assurance collective; qu’il y avait une différence entre les taux facturés (par l’assureur) et les taux payés (par Camo) afin de payer les frais d’administration versés à l’entreprise qui gérait le regroupement. L’intimé avait porté cette différence de taux à sa connaissance lors du renouvellement de 2002.

[61]        Elle a siégé au début de l’année 2002 au sein du regroupement Tous pour un et dont l’intimé était l’un des dirigeants.

[62]        Contre-interrogée par la procureure de la plaignante, elle a indiqué que l’intimé était son principal contact au sein de Groupe Ultra-Vie et de Groupe Vie; qu’elle ignorait si un contrat avait été signé au sujet des frais d’administration et qu’elle ne pouvait se souvenir du montant de ceux-ci.

[63]        Elle a reconnu avoir reçu une lettre (P-55) du 23 octobre 2002 signée par l’intimé pour Groupe Ultra-Vie et dans laquelle il était indiqué :

« … l’ensemble des modifications ayant un impact direct sur votre prime, Groupe-Vie inc. a décidé de renoncer à ses frais d’administration jusqu’au prochain renouvellement en octobre 2003. »

[64]        En ré-interrogatoire, en examinant les documents qui lui ont été soumis (P-48, pages 8 et 19 et D-3), elle a constaté qu’il y avait une différence entre les taux facturés et les taux payés mais elle n’a pu expliquer à quoi correspondait cet écart. Référant à une facture de juin 2003 (P-48, page 19) elle a dit :

« Donc, ce que je vois, c’est que Groupe Vie ne prend pas de frais d’administration, tel qu’il l’avait mentionné dans sa lettre d’octobre deux mille deux (2002). » (n.s. du 30 mars 2011, p. 177)

  l’affidavit produit par M. Jérôme Di Giovanni

[65]        Cet affidavit (D-9) a été souscrit le 27 janvier 2010 et, pour l’essentiel, fait état de ce qui suit.

[66]        Il a été le directeur général de Camo de 1993 à 2002.

[67]        En matière d’assurance collective, la soumission la moins coûteuse qu’il a reçue est celle de l’intimé et c’est pour cette raison qu’il a décidé de faire affaire avec lui.

[68]        Il a compris dès le début de leur relation d’affaires que Groupe Ultra-Vie agissait à titre de courtier alors que Groupe-Vie agissait à titre d’administrateur.

  le témoignage de l’intimé

[69]        Il pratique dans le domaine de l’assurance depuis 1982.

[70]        En 1986, il a fondé avec M. Georges-Michel Raymond, son propre cabinet en assurance collective : le Groupe Ultra-Vie.

[71]        Cuggia Raymond & Associés devait voir à « l’administration des clients de Groupe Ultra-Vie inc. ».

[72]        M. Raymond et lui sont demeurés associés pendant un an et demi environ. À l’époque où les faits relatés à la plainte sont survenus, il était l’unique actionnaire de Groupe Ultra-Vie.

[73]        En 1993, il a commencé à faire affaire avec L’Excellence. Il a conclu en juillet 1993 une entente de courtage avec L’Excellence (P-4) et en novembre de la même année et avec ce même assureur une « entente de tierce partie administration » (P-5) laquelle n’a cependant « jamais été mise en force ».

[74]        En 1993, il a créé Tous pour un dont la tâche était de regrouper des entreprises intéressées à adhérer à un programme d’assurance collective. Son épouse et lui en étaient les administrateurs.

[75]        En 1996, il a créé Groupe Vie dont il a été le président jusqu’en 2005 soit jusqu’au moment de la fusion de cette entreprise avec Groupe Ultra-Vie pour des raisons comptables; Groupe-Vie a ensuite été créée. Groupe Ultra-Vie, Groupe Vie, Groupe-Vie et Tous pour un ont partagé les mêmes locaux et avaient la même adresse et le même numéro de téléphone.

[76]        Groupe Vie et Groupe-Vie ont successivement agi comme administrateur des clientes (et non de l’assureur) lesquelles payaient (à cet administrateur) deux types de frais : des frais de gestion (ou d’administration) et des frais de stabilisation.

[77]        Les frais de gestion (de 5 %) étaient indiqués sur la facture transmise aux clientes; ils étaient réclamés en contrepartie du travail fait au chapitre de la facturation, de la perception des primes, des « mouvements d’employés », de la « mise à jour et [de] l’entretien du serveur internet ». Les frais de stabilisation étaient ajoutés (intégrés) dans la prime établie par l’assureur. Ces frais servaient à stabiliser les primes lors des renouvellements et notamment lorsqu’il fallait « supporter une perte dans un groupe »; ils étaient de plus facturés pour couvrir tous les autres services qu’offrait Groupe Vie.

[78]        Groupe Vie tirait son mandat de facturer les clientes des ententes qu’elle avait avec celles-ci puisqu’elle n’était pas liée par contrat à l’assureur.

[79]        Groupe Vie était l’administrateur du client alors que Groupe Ultra-Vie était « l’extension de l’assureur ».

[80]        Résultat de l’opération : le courtier Groupe Ultra-Vie faisait moins de commissions (car les primes d’assurance collective étaient moins élevées) mais Groupe Vie par le biais des frais de gestion et des frais intégrés faisait des profits plus importants; d’autre part, les clientes bénéficiaient d’avantages et l’assureur recevait des primes moins élevées.

[81]        L’avis juridique qu’il avait obtenu en juin 1996 (D-16) l’amenait à conclure qu’il pouvait procéder de cette façon.

[82]        L’Excellence était bien au fait de la façon dont il procédait. Le 19 septembre 2002, il a écrit à M. François Girard, nouvellement en poste à L’Excellence, une lettre (D-3) à laquelle il avait joint un tableau des taux. Il y indiquait que les taux incluaient les frais d’administration et ajoutait que le tableau décrivait « les taux facturés versus les taux payés ». Il écrivait également : « Nous attendons votre approbation écrite afin de procéder ».

[83]        Le 23 septembre 2002, il a reçu de M. Girard de L’Excellence, une lettre (D-15) énumérant les taux de renouvellement.

[84]        Le même jour, il a écrit à M. Girard une lettre (D-4) qui faisait état des « taux finaux »; on y retrouve le passage suivant :

« Cette année, compte tenu des modifications majeures, nous incluons nos frais de gestion dans les taux facturés ce qui justifie l’écart. »

[85]        Il a été le courtier de Camo à compter de 1999 ou 2000.

[86]        Il a expliqué au directeur général de Camo, M. Di Giovanni :

« … le rôle d’un preneur, … le rôle de l’administrateur,… le rôle du courtier. Je lui explique qu’il y a les primes, qu’on négocie le minimum avec l’assureur, puis que dans ça on met ce qu’on appelle un « buffer », qui nous permet d’éviter les fluctuations. » (n.s. du 30 mars 2001, pages 218 et 219)

[87]        Devant le comité, il a également témoigné de ce qui suit :

« Alors pour arriver à garder le « buffer », ce qu’on avait fait, c’est qu’on avait tout simplement supprimé les frais de gestion, mais pas les frais de stabilisation à l’intérieur. C’est juste ça. Puis les clients comprenaient que les frais de stabilisation, bien, au lieu que l’assureur se les mettent dans les poches, c’était moi. Mais de toute façon, tout le monde était gagnant, parce que comme courtier, Groupe Ultra-Vie faisait moins d’argent, parce que, au lieu d’avoir une prime, par exemple, de dix mille dol… dix mille dollars (10 000$) de prime à dix pour cent (10%) de commission, ma commission était de mille dollars (1 000$), mais si je négociais une prime de huit mille dollars (8 000$), ma commission passait de mille dollars (1 000$) à huit cents dollars (800$). Par contre, Groupe Vie, lui, facturait le différentiel entre les deux (2). Donc lui avait un surplus. Groupe Vie avait un surplus, le client payait moins cher, il était encore mieux. Le seul perdant, le perdant, puis je pense qu’ils s’en sont aperçu (sic) en deux mille six (2006) quand ils l’ont vraiment réalisé, c’est L’Excellence qui, dans le fond, c’est elle qui perdait, parce que celui qui « donne » de l’argent, c’était les clients, d’abord et avant tout, des employés, les clients et Groupe Vie. Puis quand ils ont cassé le système, il y a certains OBNL qui ont jusqu’à quatre-vingt-sept pour cent (87%) d’ajustement l’année suivante. » (n.s. du 30 mars 2011, pages 224 et 225)

[88]        Quant à ce qu’il a expliqué à Mme Richard de Camo en 2002 sur le fonctionnement du Groupe Ultra-Vie et de Groupe Vie, il a témoigné de ce qui suit :

« Bien, essentiellement, j’ai bien vu qu’elle était bien mélangée, mais essentiellement, ce que je disais aux gens, c’est que tu avais un courtier qui s’appelait Groupe Ultra-Vie, tu avais un gestionnaire qui s’appelait Groupe Vie, puis tu avais un preneur qui les protégeait, qui était Tous Pour Un. » (n.s. du 30 mars 2011, page 236)

« Alors Groupe Vie, il fait plus que juste faire de la facturation. Groupe Vie fait de la consultation au niveau des ressources humaines, il s’occupe de la rémunération globale. Je vous dirais que c’est moi qui fais la rémunération globale. Il avait négocié des polices de responsabilité professionnelle pour les cabinets avec Assurances Jones, qui était le Groupe Ultima à St-Jérôme, donc il faisait plus que de l’assurance collective. Il donnait plusieurs services.

Mais tous les services de Groupe Vie étaient gratuits. Il n’y avait pas de facture pour l’aide au personnel, il n’y avait pas de facture pour le fonds de pension, il n’y avait pas de facture pour rien. » (n.s. du 30 mars 2011, p. 237 et 238)

[89]        Il n’y avait pas de mandat écrit entre Groupe Vie et Camo.

[90]        Quant aux renouvellements postérieurs à 2002 avec Camo, il a témoigné de ce qui suit :

« Bien, quand madame Richard est partie, monsieur Di Giovanni est parti, madame Chapdelaine a pris sa retraite, là ce n’était jamais le même opérateur qui était là. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a maintenu la même opération de pratique qu’on avait, qu’on faisait depuis mil neuf cent quatre-vingt-sept (1987), et quand eux autres ont parti, moi, dans ma tête, ça a été établi avec le client. Mais comme les gens sont venus dire, ils changeaient d’administrateur à tous les six (6) mois, il n’y a personne qui parlait à personne. Même nous, ce n’était presque jamais les mêmes. » (n.s. du 30 mars 2011, page 240)

[91]        Il ne se souvient pas des faits relatifs à la création de Sphère-Québec et n’est pas au courant des relations qui existaient entre cet organisme et Camo.

[92]        Le comité aviseur de Tous pour un s’est réuni en 2002 dans les locaux de Camo; l’intimé a notamment expliqué aux gens présents la différence entre les taux payés et les taux facturés, l’importance de mettre un « buffer » à l’intérieur afin de « tempérer les augmentations »[5].

[93]        Il a écrit le 23 octobre 2002 (P-55) à Mme Carole Richard de Camo que « … Groupe Vie a décidé de renoncer à ses frais d’administration jusqu’au prochain renouvellement en octobre 2003 ».

[94]        À l’audience, il a précisé qu’il s’agissait bien du 5 % de frais d’administration. Il a aussi ajouté que ce 5 % de frais d’administration était calculé à partir du montant de prime majoré des frais intégrés (et des taxes).

[95]        Les explications qu’il a fournies au comité au cours de l’audience, il les avait fournies à Camo et lors des cours de formation en matière d’assurance destinés aux gens de l’industrie.

[96]        En 2002, M. Georges-Michel Raymond (qu’il n’avait pas côtoyé depuis 1988) est venu le rencontrer afin de requérir de l’aide. M. Raymond ne savait pas comment procéder lors du renouvellement de police d’assurance collective de façon à amener les assureurs à réduire leurs primes. De plus, M. Raymond craignait de perdre son permis en matière d’assurance collective. M. Raymond souhaitait donc lui « transférer des comptes » en attendant que la question de son permis ne se règle.

[97]        M. Raymond lui a offert 75 % des commissions et il a exigé, en contrepartie, qu’il ne rencontre pas ses clients. M. Raymond lui a dit :

« Je vais aller voir le client, puis je te dirais quoi mettre dans le taux. » (n.s. du 30 mars 2001, page 247)

[98]        Dans le cas de Léger-Noury, M. Raymond lui a d’abord demandé « de mettre dix pour cent (10%) dans le taux »; l’intimé a finalement majoré le taux de 5 %.

[99]        Les primes d’assurance collective de Angiochem et Innodia ont été majorées de 10 % à la demande de M. Raymond.

[100]     Par ailleurs, M. Raymond ne voulait pas que ses clients aient à payer des frais de gestion à l’intimé. L’intimé ne leur a donc pas facturé de tels frais de 5 %.

[101]     Il n’a jamais parlé aux représentants de Léger-Noury, Innodia et Angiochem des conditions de renouvellement de leurs polices d’assurance collective; il ne leur a donc fait aucune représentation ni rien convenu avec eux quant à l’administration de ces polices d’assurance collective.

[102]     Il a référé à une note manuscrite (D-11) du 13 septembre 2004 : M. Raymond y a écrit à la main « Manon Angiochem voir Francis + 10 » et Manon Lemieux a ajouté à la main d’autres éléments[6]; au sujet de cette note manuscrite l’intimé a dit ce qui suit :

« Alors, lors du renouvellement, monsieur Georges-Michel Raymond, d’ailleurs, c’est en, son en-tête, nous a tout simplement écrit à Manon de Groupe Vie pour lui dire de me voir puis de mettre plus dix pour cent (10 %) dans les taux, et non pas sur la facture mais à l’intérieur. Par contre, je dois préciser que la colonne de gauche, les chiffres, ainsi que la colonne de droite, c’est Manon Lemieux qui a écrit ça. Et, dans ce cas-là, ce que j’ai demandé à Manon, c’était d’intégrer cinq pour cent (5 %) et non pas dix pour cent (10 %). » (n.s. du 31 mars 2011, page 10)

[103]     C’est M. Raymond qui a fait signer les propositions d’assurance collective à Léger-Noury (P-12), Innodia (P-23) et Angiochem (P-29). L’intimé dit avoir signé ces propositions à titre d’administrateur alors que M. Raymond a signé à titre de courtier.

[104]     Groupe Vie s’est occupée de la facturation puisque M. Raymond en était incapable.

[105]     C’est le Groupe Ultra-Vie à titre de courtier, qui a négocié avec L’Excellence les primes d’assurance.

[106]     Angiochem, Innodia et Léger-Noury ont été ses clientes jusqu’au 1er décembre 2006. En octobre 2006, M. Raymond et L’Excellence ont fait, à son insu, des représentations à ces trois clientes et celles-ci ont décidé d’annuler la désignation de Groupe Ultra-Vie à titre de courtier sur les polices d’assurance collective.

  le témoignage de M. Georges-Michel Raymond

[107]     Il est courtier depuis 1983.

[108]     En octobre 1986, il a ouvert avec l’intimé le cabinet Groupe Ultra-Vie appelé à rendre des services en matière d’assurance collective.

[109]     Il a quitté ce cabinet en septembre 1987. Pendant la période où il a été associé à l’intimé, il s’est occupé de ses propres dossiers et n’a pas agi en matière d’assurance collective.

[110]     En 2003, il avait comme client le Centre québécois d’initiative en biotechnologie (CQIB), un incubateur d’entreprises qui négociait pour ses locataires (dont Innodia et Angiochem) un programme d’assurance groupe.

[111]     L’assureur SSQ insistait pour facturer CQIB plutôt que de facturer ses locataires individuellement.

[112]     M. Raymond, qui n’avait croisé l’intimé qu’à quelques reprises depuis 1987, a requis son aide afin de trouver une solution.

[113]     Il a été convenu que l’intimé s’occuperait des négociations des primes avec L’Excellence alors que M. Raymond présenterait les propositions d’assurance collective à Angiochem et Innodia de même qu’à Léger-Noury (un client de longue date de M. Raymond qui ne faisait pas partie de CQIB). Groupe Ultra-Vie devait s’occuper de la facturation.

[114]     Quant au partage des commissions, 50 % devait servir à payer le secrétariat, 25 % serait payé à l’intimé et 25 % à M. Raymond.

[115]     Quant aux notes qu’il a prises sur D-10, elles réfèrent à une mesure proposée à CQIB pour mettre en place un programme d’assurance salaire courte durée, mesure qui n’a cependant jamais fait l’objet d’une entente. Le document D-19 fait état de ce projet.

[116]     Il n’a pas de souvenir des notes manuscrites qu’il a inscrites sur D-11.

[117]     De plus, il ne peut expliquer ce que faisait Groupe Vie.

[118]     Quant aux taux qui lui étaient fournis et qu’il communiquait aux clientes, il a témoigné de ce qui suit :

« Q.  Qui vous donnait les taux effec…, les taux effectifs pour la prochaine année?

R. Groupe Ultra-vie.

Q. Quelles vérifications faisiez-vous à ce moment-là de ces, des taux que vous receviez?

R. Aucune. J’assumais que, je faisais pleine confiance à monsieur Cuggia. Et, en aucun temps, aucun moment, je n’ai même imaginé qu’on puisse avoir autre chose que des taux qui étaient facturés par l’Excellence.

Q. Qu’est-ce que vous voulez dire par là?

R. Ce que je veux dire par là, c’est que je faisais entièrement confiance à monsieur Cuggia et j’étais, si on m’avait posé la question, j’aurais dit : ce sont les taux de l’Excellence et ce sont les taux qui s’appliquent à vous, définitivement, les taux négociés entre l’Excellence et Groupe Ultra-Vie. » (n.s. du 31 mars 2011, pages 199 et 200)

[119]     En septembre 2006, il a appris que le paiement des primes dues à L’Excellence accusait un retard de trois mois. Les clients l’ont alors nommé à titre de courtier et ils ont recommencé à payer directement les primes à l’assureur (sans passer par un intermédiaire); c’est à ce moment qu’on a découvert l’écart existant entre les taux réclamés par L’Excellence et ceux facturés par l’intimé.

[120]     Les vérifications faites ont amené M. Raymond à constater que Angiochem, Innodia et Léger-Noury avaient fait l’objet de « surfacturation de la part de l’intimé ».

[121]     Il n’a jamais caché à ses clients que l’intimé était le courtier. D’ailleurs, plusieurs des factures (dont P-18) étaient faites par Groupe Ultra-Vie et le numéro de permis de courtage de cette entreprise y était indiqué.

  le témoignage de Mme Manon Lemieux

[122]     Elle a commencé à travailler pour Groupe Vie en février 2002; elle s’occupait de l’administration, de la facturation, du service à la clientèle, de la gestion et de la tenue de livres pour cette compagnie et pour d’autres entreprises de l’intimé (dont Tous pour un et Simple facture).

[123]     Elle travaillait également pour Groupe Ultra-Vie lors du renouvellement des polices d’assurance ou lorsque des employés étaient absents. Elle était cependant rémunérée par Groupe Vie, Groupe Ultra-Vie, Groupe Vie et toutes les autres entreprises de l’intimé occupaient les mêmes locaux et avaient le même numéro de téléphone.

[124]     De façon générale, L’Excellence écrivait à Groupe Vie lorsqu’il était question de la gestion des polices d’assurance collective mais communiquait avec l’intimé du Groupe Ultra-Vie pour les renouvellements de police.

[125]     C’est Groupe Vie qui facturait les assurés et faisait ensuite les remises à l’assureur.

[126]     Groupe Vie avait un compte de banque en fidéicommis dans lequel les primes payées par les assurés étaient déposées et ensuite remises à L’Excellence. En quelques occasions cependant, c’est Groupe Ultra-Vie qui a payé cet assureur.

[127]     Sur certaines factures (dont P-42), il est indiqué que c’est le Groupe Ultra-Vie qui facture les assurés et non Groupe Vie.

[128]     Il n’existait pas d’entente entre Groupe Vie et L’Excellence, car Groupe Vie agissait comme administrateur des assurés.

[129]     Les assurés payaient un montant de 5 % de frais d’administration lequel était indiqué sur le compte transmis par Groupe Vie ou était inclus dans la prime d’assurance.

[130]     Le montant de 5 % de frais d’administration facturé aux assurés était versé dans le compte en fidéicommis de Groupe Vie; il était ensuite transféré dans le compte général de cette entreprise et servait à payer les dépenses de celle-ci : salaire des employés, loyer, électricité, informatique, etc. Ces sommes ne suffisaient cependant pas à payer toutes les dépenses.

[131]     La différence entre le montant des primes payées par les assurés et ce qui était remis à L’Excellence passait également du compte en fidéicommis de Groupe Vie à son compte courant; cette « différence » servait aussi à payer les dépenses de Groupe Vie.

[132]     Les clients acceptaient de payer plus que ce que l’assureur exigeait; cette façon de faire était fréquente dans le domaine du courtage.

[133]     Des frais de stabilisation étaient payés par des assurés afin d’éviter qu’ils n’aient à débourser des « montants excessifs » lors des renouvellements des polices; cependant, aucun des assurés mentionnés à la plainte ne payait de frais de stabilisation.

[134]     Les chèques de Groupe Ultra-Vie et de Groupe Vie (avant la fusion) étaient signés par l’intimé; après la fusion l’intimé a signé les chèques pour le Groupe Ultra-Vie, les chèques de Groupe-Vie étaient signés par l’épouse de l’intimé.

[135]     À compter d’avril 2005, certains employés de Camo sont devenus des employés de Sphère-Québec. Camo était établi à Montréal et Sphère-Québec à Québec. Elle a donc été appelée à faire deux divisions « complètement différentes » l’une pour Camo, l’autre pour Sphère-Québec sans que les garanties offertes aux assurés ne s’en trouvent cependant modifiées.

[136]     Sur la proposition d’assurance collective présentée à Léger-Noury (P-12), le nom de Groupe Ultra-Vie et la signature de l’intimé apparaissent à titre de courtier; cela résulte du fait que M. Raymond ne voulait pas voir son nom y apparaître au motif qu’il craignait que son permis de courtier lui soit retiré; c’est M. Raymond qui a obtenu la signature de la personne autorisée à signer pour l’employeur Léger-Noury.

[137]     Sur la note manuscrite (D-11) du 13 septembre 2004 apparaissent l’écriture de M. Raymond et la sienne. M. Raymond y a écrit : « Voir Francis + 10 » afin que l’intimé majore de 10 % les taux négociés avec L’Excellence. Elle ne retrouve cependant pas de façon évidente cette majoration de 10 % dans les taux qui ont été facturés (P-29 et P-30).

[138]     Des frais de gestion de 5 % n’apparaissent pas sur les factures transmises à Léger-Noury, Angiochem et Innodia.

[139]     Les commissions payées à M. Raymond étaient calculées sur les primes établies par L’Excellence (soit avant majoration).

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES QUANT AUX CHEFS D’INFRACTION ÉNONCÉS AUX PARAGRAPHES 1 À 14 DE LA PLAINTE

[140]     En substance, les parties ont soumis au comité les arguments suivants.

  la plaignante

[141]     Par preuve prépondérante, il a été établi que l’intimé, à titre d’âme dirigeante de Groupe Vie et de Groupe Ultra-Vie, a transmis ou permis que soient transmises aux clientes mentionnées à la plainte des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence en matière d’assurance collective.

[142]     L’Excellence n’a jamais autorisé l’intimé à ainsi surfacturer les cinq clientes mentionnées à la plainte.

[143]     Les clientes n’ont jamais consenti à ce que l’intimé leur facture des primes plus élevées que celles déterminées par l’assureur. Puisque l’intimé a admis qu’il avait ainsi surfacturé, le fardeau lui incombait de faire la preuve du consentement libre et éclairé des clientes quant à cette façon de majorer les primes.

[144]     Dans le cas de Sphère-Québec et de Camo, la preuve n’a pas révélé que les dirigeants en poste aux moments pertinents avaient donné leur consentement à cette façon de facturer.

[145]     En ce qui a trait à Léger-Noury, Innodia et Angiochem, la preuve non contredite a révélé que l’intimé n’avait pas communiqué avec les dirigeants de ces entreprises. On doit conclure, à la lecture des propositions d’assurance collective signées par les clientes que l’intimé agissait à titre de courtier (et non M. Raymond). Contrairement à ce qu’a prétendu l’intimé, la preuve prépondérante n’a pas révélé que M. Raymond avait demandé à l’intimé à ce que les primes soient majorées de façon à y dissimuler des frais.

[146]     Les explications de l’intimé quant au fait qu’il incluait dans les primes des frais de stabilisation ne sont pas crédibles : il n’en a jamais parlé à M. Girard de L’Excellence et Mme Lemieux, son employée, a indiqué que de tels frais n’avaient pas été facturés aux cinq clientes mentionnées à la plainte.

[147]     L’intimé était impliqué au quotidien dans les opérations de courtage et de gestion de Groupe Vie et de Groupe Ultra-Vie et il ne peut se retrancher derrière ces entreprises pour échapper à ses responsabilités déontologiques.

  l’intimé

[148]     La plaignante avait le fardeau de prouver les éléments suivants et ne s’en est pas acquittée :

  la fausseté, l’inexactitude ou encore le caractère trompeur des informations transmises aux clientes eu égard aux primes établies par L’Excellence;

  que ces informations ont été transmises aux clientes par ou avec la permission de l’intimé;

  que ces informations laissaient croire aux clientes que les sommes exigées correspondaient aux primes déterminées par L’Excellence;

  que les clientes mentionnées à la plainte ne connaissaient pas l’existence de l’écart entre les primes déterminées par L’Excellence et celles facturées par Groupe Vie;

  que l’intimé était animé d’un état d’esprit blâmable.

[149]     L’intimé a informé adéquatement les personnes responsables de l’assurance collective chez Camo et Sphère-Québec de la différence entre les primes payées par elles et les montants remis à L’Excellence à titre de prime.

[150]     Une fois que ces deux entreprises ont été informées de la façon dont l’intimé procédait, elles le demeuraient et ce, peu importe que les dirigeants soient remplacés par d’autres personnes. Si les dirigeants successifs de Camo et de Sphère-Québec ne se sont pas communiqué les informations pertinentes, l’intimé n’en est pas responsable.

[151]     L’intimé n’a pas agi à titre de représentant pour Innodia, Angiochem et Léger-Noury; il a plutôt agi comme agent général pour M. Georges Michel Raymond lequel était le courtier de ces entreprises.

[152]     M. Raymond avait connaissance de la différence entre les taux de L’Excellence et les taux facturés aux clientes et il avait l’obligation de dévoiler cette information à ses clientes; l’intimé n’est pas responsable de ce manquement.

[153]     L’Excellence avait également connaissance de ces différences de taux.

[154]     Groupe Ultra-Vie effectuait les activités de courtage lesquelles étaient soumises aux dispositions de la LDPSF et Groupe Vie administrait les polices, tâche qui ne relève pas de cette loi. Cette façon de faire était une bonne pratique d’affaires et n’était pas source de confusion pour la clientèle ou encore pour L’Excellence.

L’ANALYSE

  les chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 4 (Camo) et 12 à 14 (Sphère-Québec) de la plainte

[155]     Au paragraphe 18 de la liste des admissions (P-1), l’intimé admet que « les primes apparaissant aux factures transmises aux consommateurs étaient différentes, sauf exception, à celles établies par l’Excellence ».

[156]     Dans sa plaidoirie, l’intimé écrit aux paragraphes 49 et 50 ce qui suit :

« 49. … l’intimé admet que les taux de primes inscrits sur les factures transmises aux clients comprenaient une portion de frais qui était conservée par Groupe Vie. À ce titre, l’information qui y apparaissait n’était pas exacte puisque le taux incluait la majoration conservée par Groupe Vie pour les services rendus à ses clients.

50. L’intimé convient que la facturation aurait été plus claire si la portion de frais conservée par Groupe Vie avait fait l’objet d’une indication séparée sur la facturation. »

[157]     Il ajoute cependant à la fin de ce paragraphe 50 :

« Cela ne diminue toutefois pas la connaissance qu’avaient les clients de frais supplémentaires intégrés. »

[158]     L’intimé prétend ainsi que les informations transmises à ses clientes n’étaient pas fausses, trompeuses ou inexactes car celles-ci connaissaient les raisons pour lesquelles il existait un écart entre les primes établies par L’Excellence et celles qu’il leur communiquait; par conséquent, il n’a pas laissé croire à ses deux clientes que les primes indiquées sur les factures correspondaient à celles établies par L’Excellence.

[159]     Compte tenu des admissions de l’intimé, le comité est d’avis qu’il lui appartenait de faire la preuve que les dirigeants de Camo et de Sphère-Québec avaient non seulement été informés adéquatement mais également qu’ils avaient consenti, en temps opportun et de façon libre et éclairée, à ce qu’il majore les primes établies par L’Excellence de façon à y intégrer des frais additionnels en regard de services rendus par Groupe Vie.

[160]     Mme Carole Richard a administré chez Camo les ressources humaines y compris la police d’assurance collective du 19 octobre 2001 au 14 octobre 2003.

[161]     Mme Richard a témoigné avoir reçu en 2002 des explications de l’intimé quant au rôle de Groupe Ultra-Vie (le courtier) et de Groupe Vie qu’elle décrit comme étant l’administrateur d’un regroupement d’organismes souscrivant à une police d’assurance collective.

[162]     Elle a témoigné que l’intimé lui a expliqué que la différence entre les taux déterminés par L’Excellence et les taux payés par Camo servaient à payer les frais d’administration du regroupement. Elle a ajouté que Groupe Vie s’occupait de prospection et cherchait à attirer de nouveaux organismes afin de faire baisser les coûts.

[163]     De l’avis du comité, Mme Richard a confondu, en regard des frais, le rôle de Groupe Vie et de Tous pour un.

[164]     Mme Richard a dit ignorer si un contrat faisant état de ces frais d’administration avait été conclu.

[165]     Le 23 octobre 2002, elle a reçu une lettre (P-55) signée par l’intimé pour Groupe Ultra-Vie dans laquelle il lui indiquait que Groupe Vie avait décidé de renoncer à ses frais d’administration jusqu’au renouvellement d’octobre 2003.

[166]     Devant le comité, elle a admis constater maintenant une différence entre les taux établis par L’Excellence et ceux payés, mais elle n’a pas été en mesure d’expliquer à quoi correspondait cet écart.

[167]     Dans son affidavit (D-9), M. Jérôme Di Giovanni, directeur général de Camo de 1993 à 2003, indique avoir compris, dès le début de la relation d’affaires, que Groupe Ultra-Vie agissait à titre de courtier et que Groupe Vie agissait à titre d’administrateur. Cependant, il n’est pas mentionné dans cet affidavit qu’il a eu connaissance de la différence entre les primes déterminées par L’Excellence et celles facturées par Groupe Vie.

[168]     L’intimé a témoigné qu’il a expliqué à M. Di Giovanni le rôle du preneur, de l’administrateur et du courtier. En ce qui a trait aux primes, il lui a dit :

« Je lui explique qu’il y a des primes, qu’on négocie le minimum avec l’assureur, puis que dans ça on met ce qu’on appelle un « buffer », qui nous permet d’éviter les fluctuations. » (n.s. du 30 mars 2011, pages 218 et 219)

[169]     Il a également fourni des explications à Mme Richard en 2002 sur le fonctionnement de Groupe Ultra-Vie et de Groupe Vie mais a précisé avoir constaté « qu’elle était bien mélangée ». (n.s. du 30 mars 2001, page 236). Il lui a également expliqué que « tous les services de Groupe Vie étaient gratuits. » (n.s. du 30 mars 2011, pages 237 et 238)

[170]     Aucune entente écrite n’a été produite entre Camo et Groupe Vie ou Groupe Ultra-Vie.

[171]     Telle que la preuve l’a révélé, aucune indication n’apparaissait sur les factures transmises à Camo quant au fait que les primes indiquées n’étaient pas celles déterminées par L’Excellence et qu’elles étaient en fait majorées pour tenir compte des services additionnels rendus par Groupe Vie.

[172]     Tel que mentionné précédemment, le comité est d’avis que l’intimé avait le fardeau de prouver que Camo avait accepté d’être ainsi facturé. Aucune convention écrite n’est intervenue à cet égard. L’intimé prétend avoir expliqué la façon dont il procédait à M. Di Giovanni et à Mme Richard. Suivant le comité, il ne suffisait pas à l’intimé de l’expliquer, encore fallait-il que les représentants de sa cliente aient compris ses explications et qu’ils aient consenti, de façon éclairée, à la façon dont l’intimé procédait en matière de facturation.

[173]     Or, cette preuve n’a pas été faite. M. Di Giovanni ne mentionne rien dans son affidavit au sujet de « frais d’administration » et de « buffer ». Mme Richard n’a pas non plus référé à un « buffer » et il ressort de l’ensemble de son témoignage qu’elle croyait que Groupe Vie avait renoncé à lui facturer des frais additionnels lors du renouvellement de la police d’assurance en 2002. De plus, l’intimé a lui-même admis que Mme Richard « était bien mélangée ».

[174]     L’intimé a déposé des procès-verbaux (D-5) du comité aviseur de Tous pour un auquel a siégé Mme Richard en 2002 afin de démontrer qu’on y avait discuté des différences de taux. Le comité n’a pas trouvé dans ces procès-verbaux de mention claire à ce sujet.

[175]     Bref, la preuve de la majoration des primes a été faite; en contrepartie, la preuve présentée n’amène pas le comité à conclure qu’en 2002 et 2003 les représentants de Camo ont été informés de façon adéquate et qu’ils ont accepté, de façon libre et éclairée, que les primes déterminées par L’Excellence soient majorées afin qu’il y soit inclus des frais additionnels en regard des services rendus par Groupe Vie.

[176]     Qu’en est-il maintenant des années subséquentes?

[177]     Si le comité en était arrivé à la conclusion que Mme Richard et M. Di Giovanni avaient été informés de façon adéquate et avaient consenti à la façon de faire de l’intimé, le comité, dans le contexte révélé par la preuve, n’en serait pas arrivé à la conclusion que cette connaissance et ce consentement avaient eu pour effet de lier Camo ou encore Sphère-Québec par la suite.

[178]     En effet, l’intimé invoque ce qu’il appelle la « mémoire collective d’une entité corporative » pour prétendre qu’une fois l’information fournie à Camo il ne lui était pas nécessaire de la répéter ou encore de s’assurer qu’elle demeurait bien comprise et acceptée.

[179]     Cette façon de voir ne peut s’appliquer ici.

[180]     Les administrateurs ont souvent été remplacés chez Camo et Sphère-Québec; l’intimé a mentionné que les administrateurs changeaient tous les six mois.

[181]     Les renouvellements étaient annuels et, à la lecture des factures, on ne pouvait déceler que les primes indiquées n’étaient pas celles déterminées par L’Excellence.

[182]     Cela dit, l’obligation de s’assurer de la bonne compréhension et de l’accord des dirigeants en place lors des renouvellements incombaient clairement à l’intimé.

[183]     Pour ce qui est des événements survenus après les départs de Mme Richard et de M. Di Giovanni, la plaignante a fait entendre Mme Nancy Moreau. Après avoir travaillé pour Camo pendant plusieurs années, elle est devenue la directrice générale de Sphère-Québec en 2006. Elle s’est intéressée au dossier de l’assurance collective au moment de sa nomination à titre de directrice générale. Elle n’avait aucune connaissance particulière en matière d’assurance collective.

[184]     Elle n’a pas consulté ses prédécesseurs mais a examiné certaines factures et des documents relatifs au renouvellement de la police d’assurance.

[185]     Sur des factures transmises en 2005 et 2006 à Sphère-Québec (P-42 à P-44) par Groupe Ultra-Vie (factures sur lesquelles le nom de Groupe Vie n’est pas mentionné), il est réclamé, au-delà des primes, des « frais d’utilisation 5% et/ou d’administration ». Il n’est par ailleurs pas indiqué sur ces factures que les primes de L’Excellence étaient majorées.

[186]     En d’autres termes, la cliente était informée de l’existence de frais d’utilisation et/ou d’administration de 5 % mais non du fait que le montant de prime indiquée ne correspondait pas à ce que L’Excellence avait établi; il n’était pas mentionné qu’un montant supérieur lui était facturé de façon à tenir compte des autres services que Groupe Vie pouvait lui rendre.

[187]     L’intimé fait reproche à Mme Moreau de ne pas avoir vérifié auprès de ses prédécesseurs l’état du dossier relatif à l’assurance collective. Pour les motifs exprimés précédemment, le comité ne partage pas ce point de vue.

[188]     Au soutien de ses prétentions quant au fait que Sphère-Québec était informée et consentait à sa façon de faire, l’intimé invoque des événements survenus en décembre 2006.

[189]     Lors du changement d’assureur de L’Excellence à la Croix Bleue en décembre 2006, Mme Moreau a été invitée par l’intimé à apposer sa signature à une lettre (P-46) du 21 décembre 2006, lettre rédigée et adressée à Groupe-Vie et qui contenait le passage suivant :

« Nous comprenons qu’il peut avoir une différence entre les taux requis et les taux facturés afin de conserver les avantages financiers et la stabilité de notre groupe. »

[190]     Mme Moreau a témoigné qu’elle ne faisait pas la différence entre Groupe Vie, Groupe Ultra-Vie et l’intimé et qu’elle n’a pas compris ce que signifiait ce paragraphe de la lettre que l’intimé lui demandait de signer. Mme Moreau avait confiance en l’intimé et n’avait aucune connaissance en matière d’assurance collective; le comité est convaincu qu’elle dit la vérité.

[191]     De plus, ce passage de la lettre P-46 n’est pas suffisamment clair et précis pour que le comité puisse conclure qu’en la signant Mme Moreau, au nom de Sphère‑Québec, signifiait son accord à ce que, dans le passé, des frais additionnels aient été intégrés de façon à majorer les taux déterminés par L’Excellence.

[192]     L’intimé soutient également que la plaignante n’a pas fait la preuve d’un des éléments constitutifs des chefs d’infraction en ce qu’elle n’a pas fait témoigner d’autres représentants de Camo et Sphère-Québec que Mme Comeau pour démontrer qu’ils avaient cru que les primes apparaissant aux comptes étaient celles établies par L’Excellence.

[193]     Le comité est d’avis que cette preuve n’était pas nécessaire. En effet, il n’est pas indiqué sur les factures que des frais additionnels sont inclus dans les montants des primes. Dès lors, il appartient au comité de décider si les informations transmises (et en particulier celles contenues aux factures) « laissaient croire » aux clientes que les sommes exigées étaient celles que L’Excellence réclamait.

[194]     L’intimé prétend de plus que Groupe Vie fournissait à ses clientes plusieurs services au chapitre notamment de la rémunération globale, du calcul des avantages imposables, de la politique d’emploi, des changements de bénéficiaire et des réclamations (des services qui ne sont pas normalement dispensés par un courtier d’assurance) et qu’en conséquence les frais supplémentaires intégrés aux primes et conservés par Groupe Vie (et au bout du compte par l’intimé) étaient justifiés.

[195]     Là n’est pas la question. Pour pouvoir ainsi se payer des honoraires, l’intimé devait informer adéquatement ses clientes et obtenir leur accord. Il ne l’a pas fait.

  les chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 5 à 7 (Léger-Noury), 8 et 9 (Innodia) et 10 et 11 (Angiochem) de la plainte

[196]     L’intimé prétend que c’est M. Raymond et non lui qui a agi à titre de courtier auprès de Léger-Noury, Angiochem et Innodia.

[197]     Au soutien de cet argument, il invoque, entre autres, le fait qu’il n’a jamais parlé à ces clientes et que c’est M. Raymond qui leur a présenté les propositions d’assurance P-12, P-23 et P-29. Il prétend qu’il n’aurait agi qu’à titre d’agent général.

[198]     L’intimé admet cependant qu’il a négocié les primes avec L’Excellence, qu’il a signé, à titre de courtier, ces trois propositions d’assurance et qu’il a par la suite facturé ces trois clientes.

[199]     Bien qu’il n’ait pas échangé verbalement avec ces trois clientes, il n’en demeure pas moins qu’il a communiqué à chacune d’elles les termes d’une proposition d’assurance collective signée par lui (à titre de courtier) et sur laquelle apparaissaient des montants à titre de « tarification mensuelle ». Les clientes ont accepté ces propositions en y apposant leur signature.

[200]     Le travail fait par l’intimé auprès de L’Excellence afin de négocier des primes et la transmission d’informations quant à celles-ci aux trois clientes relèvent clairement du travail du représentant.

[201]     L’intimé soutient que M. Raymond connaissait les différences entre les primes déterminées par L’Excellence et celles facturées aux clientes et qu’il avait l’obligation de divulguer cette information à celles-ci. L’intimé ajoute qu’il était en droit de s’attendre à ce que M. Raymond agisse conformément aux obligations déontologiques imposées à tout représentant.

[202]     L’intimé plaide que M. Raymond ne pouvait ignorer sa pratique qui consistait à facturer aux clientes des primes plus élevées que celles déterminées par l’assureur. Il invoque à cet égard le fait que M. Raymond et lui ont fondé Groupe Ultra-Vie ensemble en 1986. En regard de ces prétentions, le comité retient le témoignage de M. Raymond suivant lequel il a œuvré peu de temps au sein de Groupe Ultra-Vie et que pendant cette période il a continué à travailler dans ses propres dossiers plutôt que dans ceux relatifs à l’assurance collective.

[203]     L’intimé ajoute que les primes avaient été majorées à la demande de M. Raymond. Les pièces D-10 et D-11 ont notamment été soumises au soutien de cette prétention.

[204]     M. Raymond a expliqué que ces pourcentages (10 % et 5 %) indiqués par lui à la main sur D-10 correspondaient aux pourcentages dont il avait été question dans le cadre d’un « programme autogéré de prestations salariales de courte durée et d’assurance pour soins oculaires » qui n’a jamais vu le jour et qui n’a aucun lien avec les propositions d’assurance collective qui font l’objet du débat. Le témoignage de M. Raymond est corroboré par le document produit à titre de pièce D-19.

[205]     M. Raymond a reconnu avoir indiqué : « Manon Angiochem voir Francis + 10 » sur la pièce D-11 mais il n’a pas d’autres souvenirs à cet égard.

[206]     En ce qui a trait à cette note manuscrite (D-11) sur laquelle est indiquée la date du 13 septembre 2004, l’intimé a témoigné qu’en écrivant cela M. Raymond lui demandait « de mettre plus dix pour cent (10%) dans les taux, et non pas sur la facture mais à l’intérieur ». Suivant son témoignage, l’intimé aurait ensuite demandé à Manon Lemieux « d’intégrer cinq pour cent (5%) et non pas dix pour cent (10%). » (n.s. du 31 mars 2011, page 10)

[207]     Le comité constate pour sa part que l’écart entre les taux déterminés par L’Excellence au chapitre de l’assurance maladie pour la période du 1er mars 2005 au 31 janvier 2006 et ce qui a été facturé à Angiochem n’est pas de l’ordre de 5 % ni de 10 % mais de 48 % (pièces P-1 et D-11).

[208]     Le comité ne peut donc tirer aucune conclusion des mentions apparaissant à D‑11 d’autant plus qu’une seule page de ce document (qui semble en compter au moins deux) a été produite.

[209]     De plus, Mme Manon Lemieux a témoigné du fait que les commissions payées à M. Raymond l’étaient sur la base des primes établies par L’Excellence avant majoration. Si M. Raymond avait vraiment exigé de l’intimé qu’il ajoute 10 % aux primes fixées, le comité comprend mal pourquoi il n’aurait pas demandé que sa commission soit calculée en fonction des primes majorées.

[210]     Le comité n’a pas de raison de douter de la véracité du témoignage de M. Raymond (témoin appelé par l’intimé) quant au fait qu’il avait confiance en l’intimé et qu’il n’a jamais « imaginé » que les primes facturées à ses clientes pouvaient être différentes de celles déterminées par L’Excellence.

[211]     En d’autres termes, le comité ne croit pas que M. Raymond ait eu connaissance de cette différence de taux avant octobre 2006. D’ailleurs, le témoignage de M. Girard de L’Excellence vient, dans une certaine mesure, ajouter du poids à celui de M. Raymond.

[212]     À l’automne 2006, à l’époque où il a reçu une demande de Léger-Noury pour que M. Raymond remplace Groupe Ultra-Vie à titre de courtier et que L’Excellence fasse directement la facturation, M. Girard a communiqué verbalement et par écrit avec l’intimé.

[213]     Il dit avoir alors appris qu’il y avait un écart entre les taux facturés et ceux déterminés par L’Excellence et que cet écart correspondait aux frais de gestion réclamés par l’intimé pour faire la facturation. C’est la première fois qu’on l’informait d’une telle chose. Malgré ses engagements, l’intimé n’a jamais cependant pu lui faire la démonstration de ce qu’il prétendait soit :

          que les clientes avaient mandaté Groupe Vie afin de recevoir des services administratifs (en effet, l’intimé ne lui a jamais fait parvenir de convention écrite à cet égard);

          que les frais d’administration de Groupe Vie étaient ventilés et apparaissaient clairement sur les factures.

[214]     L’intimé n’a pas contredit le témoignage de M. Girard à ce sujet.

[215]     Devant le comité, l’intimé n’a pas fait la preuve non plus de ces éléments de façon satisfaisante.

[216]     De la preuve entendue, il ne semble pas de plus que l’intimé ait tenté à l’automne 2006 de se justifier auprès de M. Girard en invoquant que M. Raymond était celui qui avait agi à titre de courtier pour Innodia, Angiochem et Léger-Noury et qu’il était responsable de la différence de taux qu’on voulait lui imputer.

[217]     Selon M. Girard, l’intimé n’avait pas non plus invoqué auparavant auprès de lui la question des « frais de stabilisation » qu’il a mentionné lors de l’audience.

[218]     Ces éléments viennent miner la crédibilité de l’intimé et augmenter, aux yeux du comité, celle de MM. Raymond et Girard.

[219]     Si le comité avait conclu que M. Raymond savait et même qu’il avait imposé cet écart de taux, la responsabilité déontologique de l’intimé aurait tout de même été engagée du fait qu’il a accepté de facturer aux clientes des primes différentes de celles établies par L’Excellence.

[220]     Dans l’hypothèse où le comité en était arrivé à la conclusion que M. Raymond avait décidé de ne pas informer les clientes de la différence de taux, le comité est d’avis qu’en surfacturant comme il l’a fait, l’intimé aurait dû, pour être acquitté, faire la preuve qu’il s’était assuré que M. Raymond avait fourni des explications adéquates et obtenu le consentement des clientes quant à cette façon de facturer; aucune preuve à cet égard n’a été présentée.

  d’autres arguments communs aux paragraphes 1 à 14 de la plainte

[221]     L’intimé soulève la question de savoir si les actes posés par Groupe Vie, Groupe-Vie et Groupe Ultra-Vie peuvent lui être imputés. Les admissions convenues (et dont il est fait état au paragraphe 14 de la présente décision) et l’ensemble des témoignages entendus et des pièces produites démontrent clairement que l’intimé était l’âme dirigeante de Groupe Ultra-Vie et de Groupe Vie.

[222]     L’intimé ne peut se réfugier derrière ces compagnies pour échapper à ses obligations déontologiques. En droit disciplinaire, la théorie de l’alter ego permet d’imputer au professionnel les actes qu’il délègue à des tiers; le respect des obligations déontologiques lui incombe[7].

[223]     L’intimé prétend également que Groupe Ultra-Vie faisait des activités de courtage alors que Groupe Vie rendait des services en regard de l’administration (dont la facturation) des polices d’assurance collective. Il soutient que les activités de courtage sont soumises aux dispositions de la LDPSF alors que les activités dites d’administration ne le seraient pas. Il réfère particulièrement au premier alinéa de l’article 4 de la LDPSF lequel prévoit ce qui suit :

« Le représentant en assurance collective est la personne physique qui offre des produits d’assurance collective de personnes ou des rentes collectives d’un ou de plusieurs assureurs. Il agit également comme conseiller en assurance collective de personnes. »

[224]     Selon l’intimé, les activités de facturation (dont Groupe Vie s’est occupée) sont des activités qui ne sont pas prévues à cet article; facturer ne correspond pas aux activités qui consistent à offrir des produits d’assurance et à prodiguer des conseils à leur sujet.

[225]     Le comité ne peut accueillir un tel argument.

[226]     Les dispositions de la LDPSF visent la protection du public. L’article 4 ne doit pas être interprété de façon aussi étroite que le propose l’intimé. On ne doit pas ainsi décortiquer les services (reliés à l’assurance collective) que peut rendre un représentant et prétendre que certains sont soumis aux dispositions de la loi et que d’autres ne le sont pas.

[227]     Compte tenu des faits mis en preuve et de l’objectif premier poursuivi par la LDPSF, l’intimé ne pouvait mettre sur pied une structure pour rendre divers services en matière d’assurance collective dont celle de facturer ses clientes, leur facturer à leur insu des primes supérieures à celles établies par l’assureur, encaisser ces sommes par le biais de Groupe Vie, une compagnie dont il était l’âme dirigeante et conclure qu’il n’est pas soumis aux dispositions de la loi.

[228]     Si tant est que l’argument invoqué par l’intimé ait, sur le plan théorique, un certain mérite (ce qui n’est pas le cas de l’avis du comité), peut-il raisonnablement prétendre que les clientes, dont les noms sont mentionnés à la plainte, savaient, comprenaient et acceptaient que l’intimé, leur représentant, « portait plusieurs chapeaux » et qu’il n’était pas soumis aux obligations d’honnêteté, de loyauté, de professionnalisme prévues à la loi lorsqu’il procédait à la facturation? Une telle façon de voir va directement à l’encontre des principes énoncés à la LDPSF.

[229]     D’autre part, l’entente de tierce partie administration (P-5) que l’intimé, au nom de Groupe Ultra-Vie, a signée avec L’Excellence le 9 novembre 2003 prévoyait que cette compagnie devait effectuer la facturation mensuelle pour L’Excellence. Il était également prévu que cette obligation ne pouvait être transférée à un tiers sans l’autorisation écrite des parties; une telle autorisation n’a jamais été signée. Groupe Vie n’a donc jamais eu autorité pour facturer.

[230]     L’intimé prétend aussi que la plaignante devait faire la démonstration qu’il était animé d’un état d’esprit blâmable.

[231]     Le comité est d’avis que la preuve a été faite que les informations transmises quant aux primes étaient « fausses », « inexactes » et qu’elles étaient de plus « trompeuses » en ce qu’elles induisaient les clients en erreur.

[232]     Si tant est qu’une preuve plus précise d’un état d’esprit blâmable devait être faite, le comité conclut que l’ensemble de la conduite de l’intimé en est teinté.

[233]     Mentionnons à cet égard le témoignage de M. Girard lequel (aux paragraphes 36 à 39 de la présente décision) a relaté que l’intimé avait informé Sphère-Québec d’une hausse de prime alors qu’il avait négocié une baisse avec l’assureur.

[234]     Ajoutons que pour la période du 1er février au 31 octobre 2006, l’intimé a négocié une diminution de 15 % en matière de soins dentaires pour Léger-Noury mais qu’il a facturé cette cliente sur la base d’une augmentation de 13 % (pièces P-1, P-15 et P-16; n.s. du 29 mars 2011, pages 106 à 209).

[235]     Finalement, l’intimé a insisté sur le fait que L’Excellence avait été informée de la façon dont il facturait ses clientes. Le comité souligne que si une telle information avait été fournie de façon adéquate et si l’assureur avait donné son accord, cela n’aurait pas suffi. En effet, la question n’était pas de déterminer si L’Excellence avait été dûment informée et si elle avait donné son accord mais bien si les clientes avaient été informées de façon adéquate et si elles avaient donné leur consentement.

  les conclusions quant aux paragraphes 1 à 14 de la plainte

[236]     Les informations au sujet des primes transmises par l’intimé ou par les personnes qui travaillaient pour lui aux clientes mentionnées à la plainte étaient fausses, inexactes et trompeuses; résultat : ces informations ont laissé ses clientes croire que les primes exigées par L’Excellence étaient bel et bien celles qui apparaissaient sur les factures communiquées par l’intimé alors que tel n’était pas le cas.

[237]     Par conséquent, le comité conclut que l’intimé n’a pas agi avec honnêteté, loyauté, intégrité, probité, compétence et professionnalisme avec ses clientes; qu’il ne leur a pas donné tous les renseignements qui leur étaient nécessaires et utiles, qu’il ne s’est pas abstenu de leur donner des renseignements inexacts ou incomplets, qu’il leur a fourni des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles de les induire en erreur et qu’il a exercé ses activités de façon négligente. Il sera donc reconnu coupable d’avoir commis les infractions énoncées aux paragraphes 1 à 14 de la plainte.

  les chefs d’infraction énoncés au paragraphe 15 de la plainte

[238]     L’intimé invoque en regard de ce paragraphe de la plainte la règle prohibant les condamnations multiples. La plaignante considère au contraire que ce paragraphe fait état d’infractions différentes de celles reprochées aux paragraphes 1 à 14.

[239]     En 2010, la Cour d’appel du Québec a écrit ce qui suit dans l’arrêt Chambre de la sécurité financière c. Murphy, 2010 QCCA 1078 (CanLII) :

« 51.  La règle prohibant les condamnations multiples nous vient de l’affaire Kienapple. Cette règle fut reprise à l’occasion de l’affaire R. c. Prince. Essentiellement, il se dégage de l’arrêt Prince les principes suivants :

1.  Les infractions doivent tirer leur origine de la même opération (lien factuel) : « Chacune des accusations est-elle fondée sur le même acte de l’accusé? »

2.  Il doit exister un rapport suffisant entre les infractions concernées.

3.  L’infraction visée par la demande d’arrêt des procédures ne comporte pas d’éléments supplémentaires et distinctifs qui touchent à la culpabilité de l’accusé. »

[240]     En 2006, dans l’arrêt Auger c. Monty, 2006 QCCA 596 (CanLII), la Cour d’appel du Québec a souligné le principe suivant :

« La multiplicité des condamnations qui est prohibée est celle qui vient sanctionner, plus d’une fois, les faits ou les différentes facettes d’une même offense. »

[241]     Aux paragraphes 1 à 14 de la plainte, la plaignante reproche à l’intimé : d’avoir transmis ou permis que soient transmises à des clientes des informations fausses, trompeuses ou inexactes sur les primes établies par L’Excellence pour des polices d’assurance collective leur laissant croire que les sommes exigées étaient bel et bien celles établies par L’Excellence.

[242]     Cette transmission d’informations s’est faite par le biais de la facturation. En procédant à une facturation auprès de ses clientes qui ne faisaient pas état des primes véritablement établies par L’Excellence, l’intimé a ainsi obtenu des primes supérieures et il en a conservé une partie.

[243]     Les éléments constitutifs de l’infraction au paragraphe 15 de la plainte sont les suivants :

          avoir facturé et obtenu de clientes des primes supérieures pour des polices d’assurance collective;

          en omettant de les informer des primes véritablement établies par L’Excellence.

[244]     Ajoutons que les dispositions de la LDPSF et du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qu’invoque la plaignante au soutien de ce paragraphe 15 se retrouvent parmi celles mentionnées à chacun des paragraphes 1 à 14.

[245]     Les reproches formulés au paragraphe 15 concernent les mêmes clientes et les mêmes périodes de temps que celles mentionnées aux paragraphes 1 à 14; ces griefs tirent leur origine de la même opération : la facturation de primes plus élevées que celles établies et remises à L’Excellence; le paragraphe 15 ne comporte pas d’éléments supplémentaires et distinctifs. Bref, on invoque les mêmes faits; les manquements ne sont qu’énoncés d’une façon différente.

[246]     Le comité conclura que l’intimé est coupable des infractions énoncées au paragraphe 15 de la plainte. Cependant, puisque le comité déclarera coupable l’intimé des infractions énoncées aux paragraphes 1 à 14 de la plainte, il ordonnera la suspension conditionnelle des procédures sur les infractions contenues au paragraphe 15 de la plainte.

 

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 14 de la plainte;

DÉCLARE que l’intimé a commis les infractions énoncées au paragraphe 15 de la plainte mais vu la règle prohibant les condamnations multiples, ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de celles-ci;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audience de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

(s) Sylvain Généreux

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Marcel Cabana

M. Marcel Cabana

Membre du comité de discipline

 

(s) Ginette Racine

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

Therrien Couture

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Francis Fortin

Tremblay Bois Mignault Lemay

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

29, 30, 31 mars et 1er avril 2011

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0819

 

DATE :

9 juillet 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Marcel Cabana

Membre

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FRANCIS M. CUGGIA, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective (numéro de certificat 108558)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

I – LES PROCÉDURES ET LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE SUR SANCTION

[1]           Par décision du 7 novembre 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a reconnu l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 14 de la plainte.

[2]           L’audience sur sanction a eu lieu le 29 janvier 2013 à Montréal.

[3]           La plaignante était alors représentée par Me Julie Piché et l’intimé par Me Francis Fortin.

[4]           Comme preuve sur sanction, la plaignante a produit, avec le consentement de l’intimé, les pièces SP-1 à SP-6.

[5]           Dans le cadre de sa preuve sur sanction, l’intimé et M. Robert Lefebvre, un homme d’affaires de Laval, ont témoigné.

[6]           En contre-preuve, la plaignante a fait témoigner Mme Nathalie Lajeunesse, directrice de la gestion de la formation à la Chambre de la sécurité financière (CSF). La plaignante a également produit les pièces SP-7 à SP-10.

[7]           Alors que la cause avait été prise en délibéré, les événements suivants sont survenus.

[8]           Le 27 février 2013, le procureur de l’intimé a écrit au comité afin de « porter à [son] attention un fait nouveau important s’étant produit depuis l’audition sur sanction tenue le 29 janvier dernier et ayant un impact sur la décision [à être rendue]. »

[9]           Invitée par le comité à faire valoir son point de vue, la procureure de la plaignante a communiqué, dans sa lettre du 23 avril 2013, son opposition à ce que les faits invoqués dans la lettre du procureur de l’intimé du 27 février 2013 soient considérés à moins qu’une requête en réouverture d’enquête soit présentée et accueillie.

[10]        Afin de bien cerner les intentions des parties et de vérifier si elles pouvaient convenir d’admissions en regard d’éléments de preuve additionnels, le comité a tenu des conférences téléphoniques en gestion d’instance les 17 et 23 mai 2013.

[11]        Il a alors été indiqué au comité que l’intimé ferait signifier, au plus tard le 7 juin 2013, une requête en réouverture d’enquête laquelle serait présentée le 28 juin 2013.

[12]        Le 7 juin 2013, le comité a reçu des lettres des deux procureurs.

[13]        Le procureur de l’intimé a informé le comité que la situation financière de celui-ci l’amenait à ne pas présenter de requête en réouverture d’enquête. Il a fait valoir que l’exigence de la plaignante quant à la présentation d’une requête était « disproportionnée dans les circonstances » et ne s’inscrivait pas « dans une saine administration de la justice » (lettre du 6 juin 2013).

[14]        Dans sa lettre du 7 juin 2013, la procureure de la plaignante a réitéré sa position :

« … étant donné les intentions de l’intimé de ne pas présenter de requête en réouverture d’enquête, nous comprenons que le comité ne tiendra aucunement compte des éléments et/ou faits décrits à la lettre du 27 février 2013. »

[15]        Le comité a alors repris ses délibérations.

II - LA PREUVE

[16]        Compte tenu de la position exprimée par la plaignante et de la décision de l’intimé de ne pas présenter de requête en réouverture d’enquête, le comité appliquera les règles de procédure et de preuve prévues en pareilles circonstances et il ne tiendra pas compte des faits allégués par l’intimé dans sa lettre du 23 février 2013.

[17]        Des éléments légalement mis en preuve, le comité a retenu ce qui suit.

Le témoignage de l’intimé et les pièces produites par la plaignante

[18]        L’intimé a 59 ans. Il est marié et a deux enfants; ils sont maintenant adultes et occupent un emploi.

[19]        Il a commencé à œuvrer dans le domaine de l’assurance en 1983.

[20]        En décembre 2010, Groupe Ultra-Vie inc. (le cabinet auquel il était rattaché) a vu l’Autorité des marchés financiers (AMF) suspendre son inscription dans les disciplines de l’assurance de personnes et de l’assurance collective de personnes jusqu’à ce qu’elle fournisse une police d’assurance de responsabilité professionnelle conforme et en vigueur (SP-2).

[21]        Les compagnies d’assurances que l’intimé a approchées n’ont pas voulu assurer son cabinet à cause de son contentieux avec l’AMF.

[22]        L’intimé a détenu jusqu’en décembre 2010, un certificat en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers dans les disciplines de l’assurance de personnes et des régimes d’assurance collective (SP-1).

[23]        Les mesures et décisions prises contre Groupe Ultra-Vie inc. et lui par l’AMF à compter de 2009 et les articles publiés dans les journaux (SI-5) ont détruit sa réputation. Il considère avoir été injustement traité.

[24]        Les seuls clients qui se sont plaints de lui sont ceux dont les noms apparaissent à la plainte dans le présent dossier.

[25]        Pendant plusieurs années et jusqu’en 2009, il a été impliqué à Laval dans de nombreux organismes communautaires et d’affaires. Sa réputation ayant été entachée, il a démissionné des postes qu’il occupait.

[26]        Ayant perdu une partie de sa clientèle à cause de la diffusion de ses démêlés avec l’AMF, il a dû vendre son cabinet Groupe Ultra-Vie inc. en juin 2010 pour un prix inférieur à celui qu’il aurait pu obtenir en d’autres circonstances (SI-4).

[27]        Ses revenus, qui étaient à une certaine époque de l’ordre de 60 000 $ par mois, ont diminué à 5 000 $ mensuellement.

[28]        Les avis de cotisation de Revenu Québec produits (SI-2 et SI-3) démontrent que son revenu total en 2011 était de 5 500 $ et celui de son épouse de 12 086 $.

[29]        En 2010, il fait une dépression nerveuse; son assureur a cependant refusé de lui verser une indemnité.

[30]        En décembre 2012, il a décroché un contrat pour trois mois auprès d’une entreprise (qui n’œuvre pas dans le domaine de l’assurance); ses honoraires s’élèvent à 5 500 $ par mois.

[31]        L’AMF a indemnisé les entreprises dont les noms sont mentionnés à la plainte. Subrogée dans les droits de celles-ci, l’AMF lui réclame, dans le cadre de procédures judiciaires au civil, des sommes totalisant plus de 49 000 $. Il a répondu par une demande reconventionnelle aux termes de laquelle il réclame à l’AMF plus de 6,5 millions de dollars pour atteinte à sa réputation (SP-4, SP-5 et SP-6).

[32]        Afin de répliquer aux articles mensongers publiés à son sujet, ses avocats ont « mis sur le fil de presse » sa version des faits (SP-7). Québécor l’a ensuite publiée dans certains de ses journaux à la fin de l’année 2011.

[33]        Il a créé « l’analyste.ca » et propose ses services à titre d’expert en assurance collective (en spécifiant qu’il n’est pas courtier ni agent d’assurances) (SP-8A, B, C, D); il ne vend aucun produit d’assurance.

[34]        En ce qui a trait à la décision sur culpabilité prononcée par le comité dans le présent dossier, il a réitéré que Camo et Sphère Québec avaient été informées de sa façon de faire, mais il a ajouté qu’il aurait dû rédiger des conventions aux modalités précises plutôt que de simples lettres.

[35]        Quant aux trois autres clients mentionnés à la plainte, il aurait dû lui-même rencontrer ces clients plutôt que de laisser M. Raymond le faire.

[36]        Le 14 février 2013, il donnera une formation sur la façon de négocier avec un assureur. Il se dit surpris de voir que la CSF lui permet de continuer à agir comme formateur dans un domaine où il a été reconnu coupable d’avoir commis des infractions.

M. Robert Lefebvre

[37]        Il est ingénieur. Il est impliqué dans le milieu des affaires à Laval depuis 1987. Il connaît l’intimé depuis 1993; il l’a côtoyé au sein d’un regroupement de gens d’affaires.

[38]        En 1997, il a déménagé son bureau dans un centre d’affaires opéré par l’intimé.

[39]        Avant ses démêlés avec l’AMF, l’intimé avait une réputation impeccable, il était généreux de son temps, il offrait d’excellents services en matière d’assurance et d’excellents tarifs; il était ambitieux, prospère et était reconnu par ses pairs.

[40]        Il a cependant admis d’emblée ne pas être qualifié pour juger des fautes reprochées à l’intimé.

[41]        Après que les médias eurent fait état de ses problèmes avec l’AMF, il a été témoin de la « descente aux enfers » de l’intimé. Dans les milieux d’affaires et communautaires lavallois, l’intimé est devenu « persona non grata » et il a perdu sa clientèle. Il a fait une dépression nerveuse.

Mme Nathalie Lajeunesse

[42]        Elle est directrice de la gestion de la formation à la CSF. Elle doit s’assurer que les membres suivent les cours de formation continue et elle dispose des demandes de reconnaissance des activités de formation.

[43]        Quant à ce dernier volet, les membres de son personnel examinent, en regard de la réglementation, les sujets proposés par les « fournisseurs », les plans de cours, les objectifs généraux et spécifiques indiqués,  mais ils ne « valident pas le contenu »; ils ne sont pas appelés à l’examiner et ils ne le reçoivent pas.

[44]        L’intimé a déjà vu ses activités de formation continue reconnues à titre de « fournisseur » dans le passé, mais tel n’est plus le cas depuis 2009.

[45]        Rien n’empêche cependant un « fournisseur » (qui demeure responsable du contenu) de retenir les services de l’intimé sans qu’elle le sache.

[46]        À compter de la date de son accréditation, un « fournisseur » est libre d’offrir l’activité de formation continue reconnue autant de fois qu’il le désire pendant deux ans sans avoir à en aviser la CSF.

[47]        Elle a produit la « Demande de reconnaissance d’une activité de formation continue » soumise par IFC Formation Continue (SP-9). Cette demande a été examinée par son service et approuvée en décembre 2012. Le nom de l’intimé apparaît parmi les formateurs.

[48]        Elle ignore si cette formation sera présentée le 14 février 2013.

[49]        L’annonce qui en est faite (SP-10) apparaît sur le site de IFC Formation Continue et non sur celui de la CSF.

III - Les représentations

La plaignante

[50]        La procureure de la plaignante a soumis, pour l’essentiel, ce qui suit.

[51]        Les infractions dont l’intimé a été reconnu coupable sont graves d’autant plus qu’elles ont été commises sciemment et de façon préméditée alors qu’il était l’âme dirigeante de Groupe Ultra-Vie inc. et de Groupe Vie.

[52]        Ces infractions ont de plus été commises à l’égard de cinq clientes sur une période de quatre ans.

[53]        Ces clientes ont subi un préjudice financier de l’ordre de 42 000 $ du fait que l’intimé s’est enrichi de cette somme à leurs dépens. Elles ont été indemnisées par le Fonds d’indemnisation des services financiers et ont subrogé l’AMF dans leurs droits contre l’intimé; ce dernier conteste les réclamations qui lui ont été adressées à cet égard.

[54]        Au moment de la commission des infractions, l’intimé était représentant depuis plusieurs années et il ne peut invoquer l’inexpérience.

[55]        Elle soutient que l’intimé a tort d’affirmer qu’il agira bientôt comme conférencier pour la CSF. Elle rappelle le témoignage de Mme Lajeunesse suivant lequel la CSF n’avalise pas le contenu des cours; elle ajoute qu’il n’est pas fait mention aux documents produits (SP-9 et SP-10) que le cours traitera de facturation.

[56]        Le comité ne devrait considérer qu’un seul facteur atténuant : l’absence d’antécédents disciplinaires.

[57]        La publicité négative dont l’intimé a été l’objet n’est que la conséquence des fautes qu’il a commises. Sa réputation n’a d’ailleurs pas été complètement ternie; à preuve, ses services ont été retenus à titre de formateur.

[58]        Il n’est pas démuni financièrement : il a des actifs de plus de 300 000 $ et a déniché récemment un contrat qui lui procure des honoraires de l’ordre de 5 500 $ par mois.

[59]        Bien qu’elle n’ait pas retrouvé de décision aux termes de laquelle un représentant a été reconnu coupable d’avoir surfacturé, elle a référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Dionne, Desrosiers, Gagné, DeGuire et Bernier[8] en l’invitant à s’inspirer des principes qu’on y a retenus et des sanctions qu’on y a imposées.

[60]        Elle recommande au comité d’imposer à l’intimé les sanctions et mesures suivantes :

         l’imposition d’une sanction de radiation temporaire d’un an;

         la condamnation de l’intimé au paiement d’amendes de 2 000 $ pour les chefs d’infraction contenus à chacun des paragraphes de la plainte dont l’intimé a été reconnu coupable pour un total de 28 000 $;

         la publication d’un avis de la décision dans un journal conformément à ce qui est prévu à l’article 156 du Code des professions;

         la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés y compris ceux relatifs à la publication de cet avis;

         d’accorder à l’intimé un délai de douze mois pour payer les amendes et les déboursés pourvu qu’il paie au moyen de douze versements égaux et consécutifs à défaut de quoi il perdra le bénéfice du terme et la possibilité de voir son permis renouvelé par l’AMF.

L’intimé

[61]        En substance, le procureur de l’intimé a plaidé ce qui suit.

[62]        La preuve n’a pas été faite que les clientes dont les noms sont mentionnés à la plainte ont subi des pertes puisqu’il n’a pas été démontré qu’elles auraient payé des primes moins élevées si elles avaient fait affaire avec un autre courtier. De plus, elles n’ont rien perdu car elles ont été indemnisées.

[63]        Il a souligné que l’absence par l’intimé de remords et de reconnaissance de ses fautes ne peuvent être considérés comme des facteurs aggravants. Il a référé le comité à cet égard au jugement du Tribunal des professions rendu dans l’affaire Gonshor[9].

[64]        Compte tenu de la situation financière précaire de l’intimé, ajouter une condamnation au paiement d’amendes substantielles à l’imposition de périodes de radiation temporaires aurait un effet punitif alors que l’objectif du droit disciplinaire est la protection du public. À cet égard, il a invoqué le jugement rendu par le Tribunal des professions dans l’affaire Bissonnette[10].

[65]        Il a ajouté que l’intimé avait été reconnu coupable d’infractions de nature différente de celles habituellement reprochées aux représentants et que le comité ne devait pas faire de l’intimé le bouc émissaire de ce nouveau type de reproche. Il a référé le comité au jugement du Tribunal des professions rendu dans l’affaire Plante[11].

[66]        Il a aussi plaidé que l’intimé n’était pas animé par un état d’esprit blâmable en ce qu’il n’avait pas voulu cacher à ses clientes sa façon de procéder.

[67]        Il a ajouté que l’intimé n’avait pas d’antécédents disciplinaires, qu’il jouissait auparavant d’une bonne réputation et qu’il avait admis les faits en début d’audience sur culpabilité.

[68]        Il a insisté sur le fait que le comité devait tenir compte de la « descente aux enfers » que vit l’intimé depuis que ses difficultés avec l’AMF et la CSF ont été étalées au grand jour dans les médias. Sur cette question, il a invoqué le jugement prononcé par le Tribunal des professions dans l’affaire Gonshor[12].

[69]        Il a également plaidé que comme effet de cette large médiatisation, les objectifs de dissuasion et d’exemplarité ont déjà été atteints.

[70]        Il a plaidé que comme autre conséquence de ces événements, l’intimé a subi des pertes financières considérables.

[71]        Selon ce procureur, le comité doit prendre en compte les décisions rendues par l’AMF (SP-2 et SP-3) à l’égard de Groupe Ultra-Vie inc. lesquelles ont entraîné pour l’intimé la perte de sa certification depuis le 6 décembre 2010 (SP-1).

[72]        Il a également soumis le jugement du Tribunal des professions dans l’affaire Dupont[13] et invité le comité à considérer le fait qu’aucune plainte disciplinaire n’avait été portée contre lui pour la période de 2006 au 6 décembre 2010.

[73]        Afin d’alimenter les réflexions du comité quant aux sanctions justes à imposer, le procureur de l’intimé a soumis les décisions rendues dans les affaires Allard[14], Côté[15] et Henry[16].

[74]        En ce qui a trait aux déboursés, il a plaidé que l’intimé ne devrait pas être condamné à les payer ou, s’il l’était, que le comité se devait de les limiter à un montant raisonnable. Ce procureur a référé le comité au jugement prononcé par le Tribunal des professions dans l’affaire Bernatchez[17] et invoqué comme argument la possibilité que l’intimé soit appelé à payer des sommes considérables comme résultat des subrogations consenties par les clientes à l’AMF à la suite du paiement d’indemnités.

[75]        Pour les motifs plaidés précédemment eu égard à la campagne médiatique dont l’intimé a été l’objet, la publication d’un avis de la décision ne serait pas selon lui nécessaire advenant que l’intimé se voie imposer une période de radiation temporaire.

[76]        Si le comité condamnait plutôt l’intimé au paiement d’amendes, il a demandé au comité de lui accorder un délai de 36 mois pour payer.

[77]        En bref, ce procureur a invité le comité à imposer à l’intimé soit le paiement d’amendes soit une période de radiation temporaire, mais pas les deux.

La plaignante en réplique

[78]        Afin de contrer la preuve de « bonne réputation » invoquée par l’intimé pour la période de 2006 au 6 décembre 2010, la procureure de la plaignante a rappelé que l’AMF a, aux termes d’une décision du 17 janvier 2011 (P-47), indemnisé Sphère Québec « à la suite des agissements frauduleux du cabinet Le Groupe Ultra-Vie inc. et de son dirigeant M. Francis M. Cuggia » pour des événements survenus entre janvier 2007 et mai 2008 en matière de surfacturation de primes relatives à l’assureur La Croix Bleue Medavie.

L’intimé en supplique

[79]        Le procureur de l’intimé a requis du comité qu’il ne prenne pas en compte la décision de l’AMF (P-47 du 17 janvier 2011 prononcée en matière d’indemnisation et celles des 7 décembre 2010 (SP-2) et 14 janvier 2011 (SP-3)) eu égard notamment à la suspension puis à la radiation de l’inscription de Groupe Ultra-Vie inc. et la condamnation de celle-ci au paiement d’une pénalité de 35 000 $; les motifs invoqués : ces décisions n’ont pas été rendues aux termes de débats contradictoires et les faits y relatés n’ont pas été mis en preuve devant le comité.

IV - L’ANALYSE

[80]        Puisqu’il s’agit d’infractions (surfacturation) dont le comité n’a jamais été saisi dans le passé (selon les recherches faites), le comité n’entend pas utiliser ce dossier pour faire de l’intimé un « exemple » en lui imposant des sanctions démesurément sévères; il n’entend pas non plus faire preuve d’une clémence injustifiée; il cherchera plutôt à imposer des sanctions justes et opportunes en tenant compte de la gravité objective des infractions commises et des facteurs atténuants et aggravants mis en preuve.

[81]        Les infractions commises sont objectivement graves. L’intimé a en effet transmis (ou permis aux personnes qui travaillaient pour lui de transmettre) aux clientes mentionnées à la plainte des informations fausses, inexactes ou trompeuses en ce qui a trait aux primes exigées par l’assureur en leur laissant croire que les primes fixées par celui-ci étaient bel et bien celles qui apparaissaient sur les factures alors que tel n’était pas le cas.

[82]        Examinons maintenant les facteurs atténuants et aggravants révélés par la preuve ainsi que les arguments soumis par les parties.

[83]        En ce qui a trait à la prétention de l’intimé suivant laquelle il n’était pas animé d’un esprit blâmable, le comité réfère les parties à ce qu’il a écrit à ce sujet aux paragraphes 230 à 234 de la décision sur culpabilité alors qu’il a conclu que l’ensemble de la conduite de l’intimé en était au contraire teinté. Bref, le comité est d’avis que les infractions ont été commises en toute connaissance de cause par un représentant d’expérience.

[84]        Selon le comité, l’argument suivant lequel les clientes n’ont pas subi de perte ne peut être retenu. L’intimé ne peut invoquer le fait que les primes avantageuses qu’il prétend avoir négociées auprès de l’assureur l’Excellence l’autorisait à « surfacturer » ses clientes à leur insu.

[85]        De plus, les clientes ont vu leur perte effacée par la décision de l’AMF de les indemniser (à même le Fonds d’indemnisation des services financiers) et non à la suite d’une intervention de l’intimé.

[86]        L’intimé a invité le comité à retenir comme facteur atténuant son admission des faits en début d’audience sur culpabilité. Le comité tiendra compte de cet élément mais souligne que ces admissions doivent être considérées dans leur juste perspective. L’intimé a effectivement admis certains faits lesquels, pour l’essentiel, apparaissent aux documents produits. Pour le reste, un débat de plusieurs jours a eu lieu au sujet des faits contestés.

[87]        Quant à la réputation de l’intimé, sa situation financière actuelle et la diffusion médiatique des infractions qui lui ont été reprochées, le comité souligne qu’il prendra en compte ces éléments dans la détermination des sanctions justes et appropriées aux fins d’assurer la protection du public mais croit opportun d’ajouter les commentaires qui suivent.

[88]        La preuve a été faite que l’intimé avait occupé dans les milieux d’affaires et communautaires une position enviable. La large diffusion des infractions reprochées découle probablement du fait qu’il était connu et présent dans plusieurs organismes et entreprises. Cette médiatisation constitue « une forme de sanction qui n’est pas négligeable »[18] et le comité en tiendra compte. Cependant, ces taches à sa réputation et ses ennuis financiers sont avant tout la conséquence des infractions qu’il a commises (et dont il a été reconnu coupable). De plus, la preuve a révélé qu’il a pu faire connaître sa version des faits dans certains médias (SP-7) et que sa réputation, bien que ternie, n’a pas empêché un fournisseur de services de l’inviter à donner une conférence en matière d’assurance[19].

[89]        Ses avoirs financiers ont de beaucoup diminué mais il a témoigné qu’il possédait encore un actif net de plus de 300 000 $.

[90]        Qu’en est-il des faits postérieurs à la commission des infractions dont l’intimé a été reconnu coupable et plus précisément de ceux relatifs à la période de 2006 au 6 décembre 2010?

[91]        Il est vrai qu’aucune plainte disciplinaire n’a été déposée contre l’intimé en regard de faits survenus au cours de cette période tel que l’a rappelée son procureur.

[92]        Cependant, la plaignante pour contrer cet élément a, à bon droit, souligné la décision de l’AMF (P-47) du 17 janvier 2011 aux termes de laquelle cet organisme a indemnisé Sphère Québec pour les agissements de l’intimé survenus entre janvier 2007 et mai 2008 en regard de l’assureur La Croix Bleue Medavie.

[93]        Cette décision (P-47) est un fait juridique dont le comité peut tenir compte[20].

[94]        L’intimé ne peut, d’une part, demander au comité de considérer qu’il s’est bien comporté entre 2006 et le 6 décembre 2010 en ce qu’aucune plainte disciplinaire n’a été portée contre lui en regard de faits survenus à cette période et exiger d’autre part, qu’il ignore une décision de l’AMF rendue à son sujet à l’occasion d’un débat où il a fait valoir son point de vue.

[95]        Le comité n’entend pas rendre des sanctions plus sévères contre l’intimé en se fondant sur les faits concernant la Croix Bleue Medavie et dont la décision (P-47) fait état. En effet, des chefs d’infraction n’ont pas été portés contre lui à cet égard dans la plainte dont le comité est saisi et il ne peut présumer de l’issue du débat qui aurait eu lieu à leur sujet. Cependant, la décision (P-47) fait partie des faits qu’il est en droit de considérer et cet élément l’amène à conclure que tout risque de récidive de la part de l’intimé ne peut être écarté.

[96]        Pour les motifs plaidés par l’intimé, le comité ne retiendra pas comme facteur aggravant, le fait qu’il n’ait pas fait preuve de repentir ni reconnu pleinement ses fautes à l’audience.

[97]        Le comité prendra en compte l’absence d’antécédents disciplinaires à titre de facteur atténuant.

[98]        Serait-il inopportun d’imposer à l’intimé, pour les mêmes chefs d’infraction, des périodes de radiation temporaires et la condamnation au paiement d’amendes?

[99]        Le Tribunal des professions a indiqué dans les jugements rendus dans les affaires Bissonnette[21] et Mars[22] et le comité dans les dossiers Dionne[23] et Ansary[24] qu’une amende pouvait être ajoutée à une sanction de radiation lorsque l’infraction comporte une connotation « économique ».

[100]     C’est le cas dans le présent dossier.

[101]     Du fait des manquements dont il a été reconnu coupable, l’intimé a perçu de ses clientes des sommes d’argent auxquelles il n’avait pas droit.

[102]     Il est donc pertinent de considérer l’opportunité de jumeler périodes de radiation temporaires et amendes.

[103]     Compte tenu de la gravité objective des infractions commises et de l’ensemble des éléments mis en preuve, le comité donnera suite à la recommandation de la plaignante et imposera à l’intimé des périodes de radiation temporaire d’un an sur chacun des chefs d’infraction; ces périodes de radiation devant être purgées concurremment.

[104]     Quant aux amendes de 2 000 $ proposées par la plaignante pour chacun des quatorze premiers paragraphes de la plainte (pour un total de 28 000 $), le comité considère trop élevé le montant total des amendes proposées et condamnera plutôt l’intimé à la moitié de cette somme soit 14 000 $ en tenant compte des éléments suivants :

         les faibles revenus de l’intimé (bien que la preuve a été faite qu’il possède toujours des actifs d’une certaine importance);

         la médiatisation du dossier;

         le principe de la globalité des sanctions.

[105]     Ayant à l’esprit que l’objectif d’une sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel mais d’assurer la protection du public, le comité conclut que ces sanctions (radiation temporaire d’un an et amendes totalisant 14 000 $) répondent aux impératifs de dissuasion et d’exemplarité recherchés.

[106]     Le procureur de l’intimé a recommandé au comité de ne pas condamner son client au paiement des déboursés ou de limiter ceux-ci à un montant raisonnable. Il a référé le comité au jugement du Tribunal des professions prononcé dans l’affaire Bernatchez[25]. Le Tribunal a limité le montant des déboursés auquel le professionnel a été condamné en tenant compte, en particulier, des liens familiaux qui unissaient le demandeur d’enquête et l’intimé et le fait que ce dernier avait rendu des services pour lesquels il n’avait pas été payé.

[107]     On ne retrouve pas de tels éléments dans le présent dossier.

[108]     De plus, l’intimé a été reconnu coupable des chefs d’infraction contenus à 14 des 15 paragraphes de la plainte; la suspension conditionnelle des procédures ayant été ordonnée à l’égard des chefs d’infraction contenus au paragraphe 15. L’audience n’aurait cependant pas été d’une durée beaucoup plus courte si ce paragraphe 15 n’avait pas été inclus à la plainte.

[109]     Le comité ne voit donc pas de raisons suffisantes pour s’écarter de la règle habituelle et il condamnera l’intimé au paiement des entiers déboursés.

[110]     Quant à la publication d’un avis de la décision, l’intimé a plaidé qu’il était inutile de l’ordonner vu la preuve de la couverture médiatique dont les événements relatifs au présent dossier ont fait l’objet. Le comité en est conscient mais il est convaincu qu’il est nécessaire que le public soit maintenant informé de la façon prévue par le législateur. De façon plus particulière, le comité conclut, vu la teneur des infractions commises et l’importance des sanctions imposées, que la publication d’un tel avis s’impose de façon à ce que le public soit informé de façon adéquate des mesures prises par le comité à l’égard de l’intimé.

[111]     En ce qui a trait au délai pour payer les amendes, la période de 36 mois proposée par l’intimé est trop longue, compte tenu des montants en cause et des moyens dont il dispose. Le comité lui imposera plutôt un délai de dix-huit mois.

[112]     Pour les motifs énoncés dans l’affaire Latreille[26], le comité ordonnera, à titre de condition et de modalité des sanctions, que l’intimé paie les amendes en dix-huit mois par versements égaux et consécutifs et que le montant total encore dû devienne exigible à défaut par lui de payer chacune des mensualités à la date prévue. Cependant, faute de compétence à cet égard, il n’ordonnera pas le « non-renouvellement » du certificat de l’intimé à défaut par lui de payer les amendes dans le délai prévu.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

ORDONNE à l’égard de chacun des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 14 de la plainte, la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un an;

ORDONNE que toutes ces périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, conformément à ce qui est prévu à l’article 156 du Code des professions, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession.

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2, 5, 6, 8, 10 et 12 de la plainte (pour un total de 14 000 $).

ACCORDE à l’intimé un délai de dix-huit mois pour le paiement des amendes, lequel devra être fait au moyen de dix-huit versements mensuels, égaux et consécutifs à compter du 31e jour de la signification de la présente décision, le montant total encore dû devenant exigible à défaut par l’intimé de payer chacune des mensualités à la date prévue.

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à ce qui est prévu à l’article 151 du Code des professions.

 

 

(s) Sylvain Généreux

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

 

(s) Marcel Cabana

M. Marcel Cabana

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Ginette Racine

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

Therrien Couture

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Francis Fortin

Tremblay Bois Mignault Lemay

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

29 janvier 2013

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Le 29 décembre 2008, la dénomination sociale a été modifiée et est devenue Simple facture inc. (Simple facture)

[2] Le témoin a indiqué que Groupe Ultra-Vie avait agi à titre de TPA (tierce partie administration).

[3] Ajoutons au témoignage de M. Girard que le contrat (P-5) stipulait que les obligations prévues ne pouvaient être transférées à une tierce partie sans l’autorisation écrite des cocontractants.

[4] Voir par exemple la proposition d’assurance P-33.

[5] Les procès-verbaux des réunions de ce comité ont été produits sous la cote D-5.

[6] Après l’audience, le comité a été informé par lettre du 25 mai 2011 du procureur de l’intimé de ce qui suit : « Nous admettons que le signe « % » placé au côté du chiffre 10 dans l’original de la pièce D-11 a été inscrit par Madame Lemieux. »

[7] Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922.

[8] Thibault c. Dionne, CD00-0603, 29 septembre 2006; Rioux c. Desrosiers, CD00-0661, 16 juin 2008 et 12 mars 2009; Champagne c. Gagné, CD00-0816, 12 mars 2012 et 27 septembre 2012; Champagne c. Deguire, CD00-0830 et CD00-0870, 1er février 2012 et 4 décembre 2012; Lelièvre c. Bernier, CD00‑0834, 6 juillet 2012 et 12 décembre 2012.

[9] Gonshor c. Morin 2001 QCTP 032.

[10] Bissonnette c. Mercure [1996] D.D.O.P. 247.

[11] Laliberté c. Plante [1992] D.D.C.P. 254.

[12] Gonshor c. Morin 2001 QCTP 032.

[13] Dentistes c. Dupont 2005 QCTP 7.

[14] Rioux c. Allard, CD00-0477, 19 juillet 1994.

[15] Rioux c. Côté, CD00-0633, 30 mai 2007 et 17 janvier 2008.

[16] Henry c. Comité de surveillance de l’Association des courtiers d’assurance de la province du Québec et al. 1998 CanLII 12544 QC CA.

[17] Bernatchez c. Dumais 2000 QCTP 056.

[18] Dufour c. Infirmières, 2009 QCTP 54.

[19] Démonstration a été faite à l’audience que cette invitation ne provenait pas de l’AMF ou de la CSF.

[20] Ali c. Compagnie d’assurance Guardian du Canada [1999] RRA 427.

[21] Bissonnette c. Mercure [1996] D.D.O.P. 247.

[22] Mars c. Infirmiers 1998 QCTP 1619 (CanLII).

[23] Thibault c. Dionne, CD00-0603, 29 septembre 2006.

[24] Champagne c. Ansary, CD00-0840, 8 janvier 2003.

[25] Bernatchez c. Dumais 2000 QCTP 056.

[26] Champagne c. Latreille, CD00-0940, 6 février 2013.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.